Prédicateur : Curé de la paroisse St-Maurice, Appenzell
Date : 06 octobre 2013
Lieu : Eglise Saint-Maurice, Appenzell
Type : tv
Chers paroissiens et vous amis téléspectateurs,
Avec leurs costumes folkloriques, nos enfants et nos chanteurs sont connus dans le monde entier: nous sommes Appenzellois.
Nous maintenons nos coutumes et nous prenons soin de nos valeurs.
Comme vous le savez Appenzell n’est, de loin pas, un monde parfait, mais nous veillons à ce que nos vieilles traditions familières et nos chansons gardent présente la vision d’un monde meilleur. Et nous donnons à nous-mêmes et à vous un coup de pouce pour que ce rêve devienne réalité.
Les Appenzellois le font aussi par conviction, avec joie et avec un peu de fierté – ils se démarquent par leurs couleurs, ils ne se sentent pas gênés et ne sont pas honteux !
C’est ce que nous nous souhaitons aussi comme chrétiens. L’avertissement de la 2e lettre à Timothée: «N’aie pas honte, demeure dans la foi et l’amour qui se donne à nous par le Christ», cet avertissement reste le même deux mille ans plus tard.
Tenir à Jésus et avouer être un chrétien pratiquant, en sachant que l’on n’est pas sans fautes, ni un saint, n’est facile pour personne.
Probablement que chacun d’entre a déjà vécu la situation inconfortable de se risquer à une déclaration de foi timide qui va provoquer un sourire fatigué, compatissant, ou même moqueur du côté de son interlocuteur.
Vous percevez alors le découragement, dont il est déjà question dans la lecture, les inhibitions et l’anxiété, lorsqu’on nous considère si facilement comme un disciple indigne de Jésus.
Et les raisons d’avoir honte sont aujourd’hui suffisantes dans notre Eglise: Nous connaissons les révélations sur les abus, les querelles embarrassantes et les machinations financières du Vatican, l’incapacité effroyable de nous comporter fraternellement avec ceux qui se tiennent aux marges de l’Eglise officielle.
Et aussi dans nos communautés beaucoup de choses ne fonctionnent pas selon l’esprit de l’Evangile. Nous les chrétiens, nous prêtons aujourd’hui un flanc énorme à l’attaque aux médias et aux personnes critiques. Il n’est donc guère surprenant que, dernièrement, des personnes se soient détournées de l’Eglise par déception et résignation.
Il serait trop facile de contester ces reproches et de nous défendre avec des arguments éculés.
Au contraire, nous chrétiens sommes défiés à nous plonger de manière à nouveau plus consciente aux sources de notre foi et de nos traditions. Celui qui veut aller la source, doit nager à contre-courant.
«Accroche-toi à la saine doctrine»: ce conseil n’est pas seulement destiné à Timothée, mais s’adresse à tous les chrétiens.
Préserve le don précieux de l’Evangile qui t’a été confié – vis-le, partage le, ne le laisse pas enfermé dans des lois étroites, ne le cimente pas dans des traditions rigides, traduis-le, c’est-à-dire: traduis le de manière nouvelle pour votre époque.
Le Concile Vatican II a constitué pour l’Eglise catholique un travail de traduction révolutionnaire, il y a 50 ans.
Par un travail approprié, on a épuré des usages privés de sens, des rituels incompréhensibles et des cérémonies sans vie qui étaient encore pratiqués par obéissance passive.
Les signes extérieurs de la foi étaient presque plus importants, à l’époque, que le cœur du message de Jésus. La foi était et est encore confondue jusqu’à nos jours avec une obéissance aveugle tournée vers le passé. Comme chrétiens devenus matures et responsables, nous avons depuis appris à transmettre les traditions précieuses dans un langage contemporain.
En même temps, nous vivons avec gratitude comment nous pouvons donner aujourd’hui à notre foi un profil convivial et attrayant à travers des expressions nouvelles, créatives et ludiques.
Celui qui se soucie de traditions est toujours encore considéré comme quelqu’un de non moderne, détaché du monde et qui ne doit pas être pris trop au sérieux.
Mais les bonnes habitudes ne sont pas tout à fait ordinaires. En bonne tradition, le primitif et l’essentiel ne sont pas perdus, ne sont pas faussés, banalisés ou durcis, ils ne doivent pas être rabaissés au rang d’un folklore digne du musée.
La tradition chrétienne veut plutôt trouver son expression commune dans une expression symbolique forte et festive, comme dans une pratique religieuse qui a fait ses preuves dans la charité vécue au quotidien.
Ces temps-ci, le pape François nous donne un bon exemple d’une manière libérée et insouciante de vivre les traditions. Durant les premiers mois de son ministère, il a déjà fait éclater X fois et publiquement les formes traditionnelles, probablement au grand dam des uns et au bonheur des autres.
Déjà avec de petits gestes et des mots simples, il rend clair que, même dans les formes anciennes, la bonne nouvelle de Jésus peut être communiquée de manière fascinante et ainsi l’image publique de l’Eglise se transforme rapidement.
Qui sait, peut-être qu’il crée de nouvelles traditions de cette façon?
En fin de compte, une bonne tradition s’attache à savoir si et comment les graines de la foi grandissent, s’épanouissent et peuvent se propager, comme l’évoque Luc dans l’Évangile de ce jour.
De toute évidence, les apôtres avaient déjà de la peine, quand ils demandent à Jésus: «Renforce notre foi».
Celui qui veut suivre Jésus est invité à faire éclater la coquille dure de notre monde souvent si étroit et égocentrique, afin que les graines puissent prendre racine et se déployer selon la volonté de l’amour de Dieu.
La stabilité dans l’enracinement en Dieu fait grandir notre foi, la préserve des histoires moralisatrices et donne à nos traditions chrétiennes la crédibilité nécessaire.
Elles n’ont donc rien à faire avec une grandeur et une puissance triomphalistes, elles veulent et peuvent transmettre au monde plutôt la chaleur et la tendresse, ainsi que la force prophétique de Jésus, ici et maintenant.
Comme les premiers chrétiens, nous devons être sans arrogance ni fausse modestie, célébrer notre foi et la confesser.
Des repères clairs clarifient généralement aussi les conversations difficiles, même par-delà les frontières, en particulier dans le dialogue interculturel et interreligieux.
Vous connaissez peut-être la petite histoire symbolique dans laquelle un ange répond à un homme qui veut acheter un monde parfait: «Dans mon magasin, nous ne vendons pas de fruits, mais seulement des graines».
De la même manière, nous pouvons croire et ne pas acheter simplement les traditions qui y sont associées et les revendre.
Mais nous, chrétiens, nous pouvons uniquement – comme Jésus nous l’enseigne – donner une chance à la graine: la semer, l’entretenir pour qu’elle se développe et finalement donne du fruit!»
27e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : 2 Timothée 1, 6-8.13-14; Luc 17, 5-10
