Homélie du 12 novembre 2023 (Mt 5, 1-13)

Abbé Daniel Agbeti – Eglise Saints-Pierre-et-Paul, Villaz-Saint-Pierre, FR

Dans la parabole des dix vierges, Jésus nous propose une réflexion sur la vigilance qui doit être l’attitude spirituelle de tout chrétien qui se prépare au banquet des noces éternelles avec l’Epoux. Nous ne devons JAMAIS oublier que nous sommes les citoyens du ciel sur la terre. Être toujours prêt en étant des porteuses et des porteurs de la lumière du Christ. Quel honneur il nous fait ! Quelle noble mission !
Regardons avec admiration les cinq vierges sages en demandant au Maître de la vigne de nous donner son Esprit de sagesse qui traverse les lectures de ce dimanche, surtout la première lecture.

Appelés à briller d’un éclat particulier

Par le langage symbolique de la lampe et de l’huile, Jésus nous appelle à briller d’un éclat particulier au milieu des multiples sollicitations du monde. C’est là notre vocation à la suite du Christ. Personne ne peut le faire à notre place. La sagesse des vierges sages nous interpelle et nous invite avoir des réserves (et des réservoirs remplis) d’huile : à être la lumière du monde.
« Nous sommes la lumière du monde » en portant des lampes avec beaucoup l’huile en réserve. La lumière disperse l’obscurité et permet de bien voir. Jésus est la Vraie Lumière qui a dissipé les ténèbres. C’est la tâche du chrétien de les disperser en faisant resplendir la lumière du Christ et en annonçant son Evangile. Il s’agit d’un rayonnement qui peut également dériver de nos paroles, mais qui doit surtout jaillir de nos « bonnes œuvres » (Matthieu 5,16). Un disciple et une communauté chrétienne sont lumière dans le monde quand ils orientent les autres vers Dieu, en aidant chacun à faire l’expérience de sa bonté inépuisable et de sa miséricorde incommensurable. Le disciple de Jésus est lumière quand il sait vivre sa foi en-dehors des espaces restreints, quand il contribue à éliminer les préjugés, à éliminer les calomnies et à faire entrer ses sœurs et frères dans la lumière de la vérité. Faire la lumière, porter la lumière, entretenir la lumière… Mais ce n’est pas ma lumière, c’est la lumière de Jésus reçue au baptême : nous sommes des instruments pour que la lumière de Jésus parvienne à tous.

La Sagesse de Dieu est l’huile qui alimente notre lampe

La sagesse est l’huile qui permet à la lampe de briller et de donner de la lumière. Pour alimenter notre lampe, il convient donc de laisser l’huile de Dieu, sa Sagesse infuser notre vie de foi. L’huile c’est donc à la fois, la foi, l’espérance, la charité, la vie prière, les sacrements, les bonnes œuvres qui sont les signes tangibles de la présence de la sagesse de Dieu dans notre vie. Cela requiert de notre part une participation active pour alimenter en huile divine notre lampe qui sans huile ne sert à rien.

Que la Vierge Marie nous aide à être des porteuses et des porteurs de lumière au milieu du monde, en apportant à toutes et à tous, à travers notre témoignage de vie, notre parole, la Bonne Nouvelle de l’amour inconditionnel du Royaume. Amen

32e dimanche du Temps Ordinaire
Lectures bibliques : Sagesse 6, 12-16 ; Psaume 62 ; 1 Thessaloniciens 4, 13-18 ; Matthieu 5, 1-13

Homélie du 5 novembre 2023 (Mt 23, 1-12)

Chanoine Alexandre Ineichen – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Lorsque je lis ce passage des Évangiles, je suis toujours un peu déconcerté, confus, voire embarrassé. D’une part, comme prêtre, on me désigne le plus souvent par le titre de père, moins souvent par celui de frère, mais on ne manque pas, dans les deux cas d’y ajouter une fonction, même honorifique, comme on le faisait à l’époque glorieuse des Soviets : on s’appelait alors tous « camarade », mais rapidement certains devinrent camarade-chef, camarade-général, et même camarade-président. D’autre part, comme enseignant, je devrais sur la matière à transmettre en savoir normalement un peu plus long que les élèves, puis du haut de ma science non seulement en imposer, mais surtout me sentir bien supérieur aux ignorants qui m’écoutent. Aussi Jésus ne se trompe pas lorsqu’il dit : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. (…) Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. »

Les faits récents révélés par les médias montrent combien certains pères abuseurs, manipulateurs, indignes, comme certains maîtres, ont agi en toute impunité dans la famille, la société, l’Église. Les victimes, de près ou de loin, ont donc raison de nous interpeller et peuvent légitiment en appeler à l’Évangile, et en particulier au passage que nous venons d’entendre. Suis-je trop sévère ? L’Évangile n’est-il qu’un prétexte ? Mais écoutez à nouveau le prophète Malachie, peu connu d’ailleurs. Rien de bien nouveau.

Dieu utilise nos réalités humaines pour nous dévoiler, nous manifester les réalités divines



« Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement. (…) Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude. »
Pourtant, Jésus, lorsqu’il nous a appris à prier, ne nous donne que le Notre Père afin que nous évitions de rabâcher des prières sans y mettre notre cœur. Pourtant, Jésus, tout au long de l’Évangile, est bien un maître qui enseigne à ses disciples et aux foules. Il y a quelques jours, à la Toussaint, assis sur une montagne, le Christ, « ouvrant la bouche, (…) les enseignait : Heureux êtes-vous. » Par ailleurs, naturellement, nous avons un père et avons ou avons eu des maîtres. Pour devenir ce que nous sommes, il est impossible de passer par un autre chemin. Notre Seigneur et notre Dieu le sait bien, c’est pourquoi il utilise nos réalités humaines pour nous dévoiler, nous manifester les réalités divines. Avec des exemples terrestres, il nous ouvre ainsi aux évidences célestes. D’ailleurs, il ne reproche pas aux scribes et aux pharisiens leur titre, mais qu’ils se les attribuent pour être remarqués des gens en élargissant leurs habits, en aimant être aux premières places dans les banquets et recevoir des gens le titre de Rabbi. Ce que Jésus leur reproche c’est de prendre la comparaison, leur titre pour la réalité. Ils se croient, non pas des images du père ou du maître, mais le Père par excellence, le maître de tout. Voilà leur folie, voilà leur orgueil. Il s’élève tout seul, sans le Christ, sans Dieu, mieux à la place de Dieu. Il ne reste alors plus qu’une issue : être des pères, des maîtres, abuseurs, manipulateurs et indignes.

L’Evangile nous rappelle à quelle humilité nous sommes appelés


Bien sûr, nous sommes tous concernés à des degrés très divers, mais l’Évangile de ce dimanche veut nous rappeler à quelle humilité nous sommes appelés, avec quelle modestie nous devons professer nos savoirs, avec quel respect nous devons avoir envers ceux qui nous sont confiés. Il y aura toujours des pères, des maîtres. Il y aura toujours des banquets avec des premières places. Il y aura toujours des titres et des responsabilités qui vont avec. Mais Jésus le rappelle, à temps et à contretemps : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. » Être chrétien, c’est simple. Il suffit d’adhérer à ce beau programme qui seul peut nous faire grandir vraiment et avec authenticité.

Le seul véritable maître, c’est le Maître intérieur



En conclusion, laissez-moi vous partager un petit fait liturgique. Pour la fête de saint Augustin, la liturgie propose comme un des Évangile de la fête le passage que nous venons de lire. Ainsi notre père, fondateur de notre ordre religieux et de bien des ordres de l’Église latine, le maître de l’Occident fut celui qui toujours rappel que les réalités d’ici-bas, nos pères, ne sont qu’une image du Dieu très-haut, que le seul véritable maître, c’est le maître intérieur. D’ailleurs, plus nous approchons de l’image, plus celle-ci est dissemblable de la réalité. Dieu est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. En d’autres termes, acceptons les titres et les responsabilités qui vont avec, asseyons-nous aux premières places dans les banquets officiels, recevons des salutations particulières, mais n’y mettions jamais notre cœur et tout ce que nous disons, faisons-le et observons-le. Cela n’est que l’image, qu’une participation à quelque chose qui nous dépasse, à un Dieu qui est amour.

31e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Malachie 1, 14 – 2, 10 ; Psaume 130 ; 1 Thessaloniciens 2, 7-13 ; Matthieu 23, 1-12

Homélie du 29 octobre 2023 (Mt 22, 34-40)

Abbé Aimé Munyawa – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Chers frères et sœurs et vous tous bien aimés du Seigneur qui êtes en communion avec nous par les ondes de la RTS,

Quelle immense joie pour nous de célébrer en ce jour cette eucharistie au cours de laquelle nous sommes nourris par cette parole de Dieu qui résonne avec un écho tout à fait particulier, quand il nous parle de l’amour.

Un docteur de la loi aborde Jésus, non pas dans le souci de se laisser instruire, mais pour lui tendre un piège, pour le confondre, pour le ridiculiser puisqu’il venait de fermer la bouche aux sadducéens sur la question de la résurrection. Et pour amener le Christ à baisser la garde, il commence par lui accorder le titre de Maître. Une flatterie, une ironie et une mesquinerie dont l’objectif principal est de démontrer que Jésus n’est pas Le vrai Maître comme l’affirme déjà l’opinion. Mais Jésus, bien avant Lafontaine, savait déjà que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Tout en connaissant leur machination, il reste lui-même, imperturbable et déjoue leur piège par amour et en les invitant à l’amour. Le fils de Dieu est le visage de l’amour du Père, et pour cela il refuse d’entrer dans une réplique de violence. D’une manière très simple, le Seigneur Jésus nous montre comment réagir aux provocations de nos adversaires qui, parfois, veulent nous humilier, ridiculiser en public pour nous faire perdre notre face.

Dieu est Amour et nous sommes à son image et ressemblance

En réalité, les pharisiens avaient l’habitude de discuter en longueur de journée pour savoir lequel, des 613 commandements qu’ils avaient, était le plus grand. Une manière de poser la hiérarchie des lois afin de répondre aux conflits des devoirs au quotidien. La réponse de leur adversaire est d’une éclatante bonté à laquelle les autres ne s’attendaient pas : « Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit et ton prochain comme toi-même ». Si par amour Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance, demander à l’homme d’aimer Dieu, revient à lui demander retrouver sa vraie identité.
Chers frères et sœurs, nous sommes l’image et la ressemblance de notre Dieu qui est AMOUR. Donc, nous sommes l’image et la ressemblance de l’AMOUR. Notre véritable identité c’est l’amour. Non pas un amour charnel ou de plaisir, ou un amour de sympathie, un amour philanthropique, mais un amour gratuit désintéressé et inconditionnel qui jaillit du cœur de Dieu et redonne la force aux humains d’aimer comme Dieu aime. Aimer Dieu tel que Jésus le dit ici revient à reconnaitre que nous appartenons totalement à Dieu et que notre force, notre intelligence, notre esprit proclament la grandeur et la bonté de Dieu.

Lorsque nous aimons nous devenons véritablement humain et chrétien

Si nous regardons le verbe utilisé par Jésus pour indiquer ce commandement, on le trouve marqué au futur (tu aimeras) afin de souligner le caractère permanent de cet amour. Il est question ici d’accueillir de manière permanente l’amour qui jaillit du cœur de Dieu et qui vient nous transformer et nous élever au-dessus de nos égoïsmes naturels en nous rendant capable d’aimer notre prochain comme nous-mêmes.  C’est lorsque nous aimons que nous devenons véritablement humain et chrétien. L’amour révèle ce que nous sommes, c’est notre identité. C’est lorsque nous aimons que nous devenons véritablement nous-mêmes.

En choisissant d’aimer Dieu en premier, l’amour du prochain trouve son sens plus profond. Il s’agira de reconnaitre dans le prochain la même image et la même ressemblance de Dieu qui se cache en nous deux : en lui, en elle et en moi. L’autre et moi, sommes ensemble des icônes de Dieu et par conséquent notre identité devient « AMOUR » comme Dieu est AMOUR.

Aimer le prochain ne consistera plus, pour le chrétien, à m’aimer moi-même dans l’autre en tirant parfois le bilan de ce que je fais pour lui. Aimer le prochain comme soi-même revient à souhaiter à l’autre, dire à l’autre, faire à l’autre ce que je voudrais pour moi-même. Le comparatif COMME nous amène à nous réjouir des joies du prochain, à partager ses peines et douleurs, à nous débarrasser de la jalousie et de l’hypocrisie. Un tel amour ne se construit pas sur la force chancelante de nos sentiments ou de nos ressentiments, mais plutôt sur l’amour que je puise en Dieu dont je suis l’image et la ressemblance. Parfois de manière inconsciente, notre façon d’aimer l’autre, révèle notre façon d’aimer Dieu qui est en lui et en moi. Sinon, nous interroge l’apôtre Jean, comment prétendre aimer Dieu qu’on ne voit pas alors qu’on est incapable d’aimer le prochain que l’on voit ?

Chers frères et sœurs et vous tous bien aimés de Dieu qui nous suivez à partir de vos maisons, des hôpitaux, des EMS, en voyage, je nous invite à ouvrir nos cœurs et à demander à Dieu, par la grâce de cette eucharistie, à recevoir la force et la joie d’aimer, ainsi que la grâce d’être chaque jour des icônes de l’amour inconditionnel de Dieu notre Père.
Dieu soit loué !

30e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Exode 22, 20-26 ; Psaume 17; 1 Thessaloniciens 1, 5-10 ; Matthieu 22, 34-40