Père Jean-René Fracheboud – Chapelle de l’Ecole des Missions du Bouveret, VS
Chers Sœurs et Frères,
Constamment dans l’Évangile, le Seigneur nous invite à faire des choix, à mettre en œuvre ce cadeau extraordinaire qui est notre liberté. C’est certainement la noblesse et la dignité de notre vie humaine d’orienter nos vies et nos existences par rapport à ce qui semble le plus beau, le plus vrai, le plus sublime.
Jamais le Seigneur ne pénètre dans nos vies par effraction ; Il ne nous oblige à rien mais, sans cesse, il vient mendier le OUI de nos libertés.
La parabole d’aujourd’hui se situe dans ce registre d’un choix à faire face à la proposition de Dieu.
« Quel est votre avis ?
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : « Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne ».
Celui-ci répondit : « je ne veux pas ». Mais ensuite s’étant repenti, il y alla. Puis le Père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : « Oui, Seigneur » et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du Père ? Ils lui répondent : « Le premier ».
Cette parabole était adressée aux grands prêtres et aux anciens, autrement dit à ceux qui avaient une responsabilité importante au sein de la communauté juive.
Et là, Jésus va conclure sa petite histoire par une parole particulièrement provocante.
« Amen, je vous le déclare, les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice et vous n’avez pas cru à sa parole, mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Se laisser toucher par l’amour qui ouvre un nouvel espace et un avenir transfiguré
Ce n’est pas la première fois que Jésus dénonce vigoureusement l’attitude des scribes et des pharisiens, les détenteurs du pouvoir religieux.
En fait, ils baignent dans des structures religieuses, ils maîtrisent la Parole de Dieu, ils commentent la loi et les Prophètes pour l’imposer aux autres, ils font la leçon à tout le monde, mais le cœur n’y est pas. Chez eux, il n’y a pas de résonance intérieure, il y a un immense vide.
Par contre, les publicains et les prostituées se sont ouverts à la Parole de Jésus, ils l’ont accueillie au plus profond d’eux-mêmes. Ils se sont laissés toucher par cette grâce de l’amour qui ouvre un nouvel espace et un avenir transfiguré.
Même si les conditions objectives de leur vie les mettaient très loin du royaume de Dieu et de ses exigences, en réalité leur cœur profond restait mystérieusement disponible à une Parole et à une rencontre qui allaient bouleverser leur vie.
Il est bon de mesurer la rudesse du chemin pour ne pas nous faire illusion
Cette parabole de l’Évangile reste très interpellante pour nous aujourd’hui, pour notre Église qui est secouée par de grandes turbulences et pour chacune, chacun de nous qui souhaitons vivre notre foi avec le plus de vérité et d’authenticité possibles.
Peut-être, ne faut-il pas trop vite dire oui au Seigneur et aux exigences du Royaume de Dieu. Le vrai disciple, ce n’est pas celui qui dit : « Seigneur, Seigneur mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux ».
Peut-être qu’il faut d’abord oser dire non, ressentir toutes les résistances qui montent des profondeurs du cœur car ce que le Seigneur nous propose de vivre avec lui, un amour inconditionnel, est terriblement exigeant et dépasse nos seules et pauvres forces humaines.
Il est bon de mesurer la rudesse de ce chemin pour ne pas nous faire illusion.
Le « oui » que nous sommes appelés à dire au Seigneur n’est pas un murmure des lèvres mais l’unification de toutes les fibres de notre être, un engagement total de notre liberté qui vient assumer les zones les plus sombres et les plus secrètes de nos vies.
Aujourd’hui encore le Seigneur nous appelle à aller travailler à sa vigne. Le projet de Dieu est bien de conduire l’humanité vers une plénitude, vers un bonheur total et éternel. Mais il ne réalise pas ce projet sans nous, il ne nous sauve pas en notre absence. Il veut avoir besoin de chacune et de chacun pour construire jour après jour ce royaume de lumière, de paix et de joie.
Par le « oui » de ma liberté et l’engagement de ma vie, je permets à Dieu d’être Dieu. Par contre, si je m’établis dans le « non », j’empêche Dieu d’être Dieu.
Contempler la vie même de Jésus
Pour travailler notre oui, pour le renouveler en profondeur, pour lui donner une assise et du relief, je crois qu’il faut souvent contempler la vie même de Jésus.
Du début à la fin, de sa naissance jusqu’à sa mort, la vie de Jésus n’a été qu’un oui total et généreux au projet de son Père. Et c’est en cela qu’il est notre Sauveur et qu’il ouvre une voie royale vers le Père.
Saint Paul, qui a été touché de plein fouet par la rencontre du Ressuscité sur le chemin de Damas, nous livre un texte magnifique dans la 2ème lecture, le chapitre 2 des Philippiens.
Jésus s’est vidé de sa puissance divine, il s’est dépouillé de tous les attributs divins par amour du Père et de toute l’humanité pour venir nous rejoindre dans notre humanité faible et pauvre. Et le Père a répondu à son Fils en l’exaltant, en le conduisant à la Résurrection.
Jésus est venu rendre visible et accessible l’AMOUR trinitaire. Au cœur de Dieu, il y a un mouvement permanent d’accueil, de don et d’échange entre les 3 personnes divines, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. C’est ce qui fera dire à l’Abbé Zundel : « Dieu n’a de prise sur son être qu’en se communiquant ». Dieu est famille, Dieu est relation, Dieu est communion.
Saint Paul nous exhorte à avoir les mêmes dispositions qui sont dans le Christ Jésus :
« Ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants, ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres ».
Le Pape François nous le rappelle souvent : « ne nous laissons pas volé l’enthousiasme missionnaire ».
Au début de ce mois d’octobre consacré à la mission, puissions-nous ré-entendre cet appel. C’est l’heure pour chacune, chacun d’aller travailler à la vigne du Seigneur.
Le Seigneur vivant et aimant continue d’attendre le OUI de notre liberté, un OUI qui passe par la réflexion, par l’approfondissement continuel et qui débouche sur un engagement concret et fidèle. Amen
Lectures bibliques :
Ezéchiel 18, 25-28 ; Psaume 24 ; Philippiens 2, 1-11 ; Matthieu 21, 28-32