
Homélie du 27 août 2023 (Mt 16, 13-20)
Mgr Charles Morerod, évêque – Eglise Saint-Joseph, Lausanne
Nous entendons dans la première lecture quelque chose qui en fait arrive assez souvent dans l’Ancien Testament, à savoir, Dieu dit à un gouverneur, tu n’as pas bien fait ton travail, je vais te remplacer. Et d’une manière ou d’une autre, cela se produit ainsi régulièrement. Dans quel contexte ? Dieu fait alliance avec son peuple, en l’occurrence le peuple hébreu, et il lui dit, je veux que nous soyons ensemble. Je veux que nous soyons ensemble, cela implique la part de Dieu et la part humaine.
Or, par moments les choses se passent plutôt bien, mais pas toujours, et quand il y a un problème, cela est dû à la part humaine, car Dieu est fidèle et il est capable de faire ce qu’il a promis, mais pas nous.
Et on voit que même avec les bergers du peuple que Dieu apprécie le plus, comme Moïse ou David, ce n’est pas parfait. Et d’ailleurs, il dit aux deux, tu ne vas pas achever toi-même ce que tu as commencé.
Exemple, à Moïse : tu n’entreras pas dans la terre promise, ou à David : c’est ton fils qui me construira un temple.
En fait, ce n’est jamais parfait de notre côté. Mais alors, comment est-ce que Dieu réagit à cela ? Est-ce qu’il se lasse ? Parce que s’il se lasse, si j’ose dire, il risque de se lasser aussi de nous. Il ne se lasse pas.
Dieu dit : je vais prendre moi-même soin de mon peuple
Dieu dit à son peuple, ce n’est pas la lecture que nous avons entendue aujourd’hui, mais dans un texte d’Ézéchiel, qui reprend bien cette question, il dit : puisque mes bergers ne sont pas à la hauteur, puisqu’ils ne sont pas fidèles, et bien qu’est-ce que je vais faire ? Je vais prendre moi-même soin de mon peuple.
Alors, est-ce que cela signifie qu’il élimine toute part humaine pour désormais faire tout tout seul ? Parce que quand même, ce n’est pas entièrement ça l’idée de l’Alliance.
L’Alliance, ce n’est pas Dieu avec Dieu, c’est Dieu avec nous.
Dieu se fait homme
Eh bien, il n’élimine pas tout, mais il fait quelque chose de très étonnant, quelque chose que nous n’aurions pas imaginé. Et d’ailleurs, saint Paul nous le décrit aujourd’hui d’une manière assez frappante. Saint Paul dit bien quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? Eh bien, en fait, nous n’aurions pas pu imaginer ce que Dieu fait, nous n’aurions pas pu imaginer la manière dont il allait agir vis-à-vis de nous. Pour prendre soin lui-même de son peuple, sans éliminer la part humaine, il se fait homme.
Et ainsi, celui qui va être le berger de son peuple, ce n’est pas un homme imparfait comme cela a toujours été le cas, ce n’est pas non plus Dieu seul, c’est Dieu fait homme. Alors ça, on ne l’aurait pas imaginé. Il y a en lui les deux, l’humanité fidèle, car le Fils de Dieu fait homme est fidèle à Dieu, et Dieu, ça on ne l’aurait pas imaginé.
Mais, est-ce qu’il n’y a pas un léger paradoxe ?
On entend dans l’évangile d’aujourd’hui que Dieu dit à Pierre qu’il va être le pasteur de son peuple, puisque Pierre a su reconnaître qui était le Christ, il lui dit « puisque tu sais qui je suis, c’est toi qui seras le pasteur de mon peuple ».
Bien, mais en fait, il reste que c’est encore un homme qui n’est pas Dieu, Pierre, et ses successeurs, si j’ose dire le successeur de Pierre, le pape, n’est pas Dieu. Alors est-ce qu’on ne retombe pas dans le même problème qu’auparavant ? Et plus encore, si Jésus dit à ce moment-là « ne dites pas qui je suis », là, il y a un certain paradoxe, il vient prendre les choses en main lui-même, et en les confiant en même temps à un homme, pas seul bien sûr, à travers lui aussi, d’une certaine manière à tout son peuple, et puis en même temps il dit « mais ne dites pas qui je suis ».
Alors ne dites pas qui je suis, ce n’est qu’un paradoxe partiel, parce que c’est provisoire, ce n’est pas encore le moment de le dire, mais le moment venu, et notamment après la Résurrection et la Pentecôte, il faudra bien proclamer qui est le Seigneur.
Mais il reste qu’il a vu que nous sommes toujours imparfaits, et ce n’est pas qu’une question de l’Ancien Testament, c’est l’être humain, même avec la grâce, qui n’est pas à la hauteur de Dieu. Et Dieu ne nous abandonne pas pour se contenter d’être lui-même à sa propre hauteur, il nous dit « je veux quand même faire quelque chose avec vous ». Mais pour que cela soit possible, il faut reconnaître qui il est, pour les gens qui suivent.
On peut reconnaître qui est Jésus sans l’aimer
Alors si on pense simplement que Jésus est un homme religieux particulièrement remarquable, on n’a pas saisi qui il est, Dieu fait homme venu s’occuper lui-même de son peuple. Il faut que Pierre le proclame, c’est là la nouveauté, et que nous le suivions, mais cela ne suffit pas encore, comment pouvons-nous être avec lui ?
On peut compléter la profession de foi de Pierre dans cet évangile, parce qu’elle arrive plus tard, pour qu’on soit sûr qu’il est avec Jésus. Jésus ne lui demande pas simplement « qui suis-je ?», parce qu’on peut reconnaître qui est Jésus sans l’aimer.
Vous voyez, dans l’évangile, par moments, qui sont les premiers à dire qui est Jésus, les démons. Nous savons bien qui tu es, mais ne viens pas nous déranger. Alors la profession de foi de Pierre, toute seule, ne serait pas suffisante.
Ce que Jésus dit à Pierre plus tard dans l’évangile, c’est
– « m’aimes-tu ?
– Tu sais bien que je t’aime,
– M’aimes-tu vraiment, m’aimes-tu plus que ceci ?
– Tu sais bien que je t’aime. »
Eh bien, pour que Pierre et ses successeurs, et nous aussi, puissions être des témoins du Christ, il faut reconnaître qui il est, et ça, on ne va pas le deviner. Ce n’est pas la chair et le sang qui nous permettent de le savoir, il faut l’aide de Dieu. Mais ça ne suffit pas. On peut dire qui il est et ne pas l’aimer. Si on ne l’aime pas, alors on n’est pas le peuple de Dieu. Si les pasteurs, Pierre et ses successeurs, et d’autres, reconnaissent qui est le Seigneur, mais ne l’aiment pas, alors on retombe dans le vieux problème.
Sans doute, faut-il parfois que Dieu change ses pasteurs, et l’histoire s’en occupe. Mais prions pour les successeurs de Pierre, prions pour le Pape, et en même temps prions, si j’ose dire, pour tous nos pasteurs, et prions pour nous-mêmes, car qui témoigne du Christ ? C’est l’ensemble du peuple de Dieu, uni dans la foi par le ministère de Pierre et de ses successeurs. Demandons que nous puissions reconnaître qui il est, pas seulement un homme religieux inspiré. Dieu fait homme, Dieu fait homme qui vient s’occuper de son peuple. Montrons-le par toute notre vie, et nous pouvons le faire seulement si nous l’aimons. Voilà notre vocation.
Et en même temps, souvenons-nous de quelque chose. On voit dans l’Ancien Testament qu’il faut régulièrement changer les pasteurs. Est-ce que désormais nous avons passé cette étape ? Parce que le Fils de Dieu est là lui-même. Nous avons quelque chose à apprendre de la manière dont le peuple juif regarde Dieu. Nous avons pas mal de choses à apprendre, tout l’Ancien Testament, mais entre autres voyez le débat entre des rabbins. Est-ce que par moments ils tombent d’accord ? Pas vraiment, ils ne peuvent pas tomber d’accord parce que s’ils disaient maintenant on a trouvé et nous sommes d’accord, cela rabaisserait Dieu. Donc dans leur perspective, continuer à débattre signifie on n’a jamais complètement compris Dieu. Et si on pense qu’on l’a complètement compris, alors on le méprise. Il y a là peut-être un risque pour nous.
Reconnaître que Dieu est présent, l’aimer
En croyant désormais que Dieu s’est manifesté à nous, qu’il s’est fait homme, nous pourrions dire nous avons passé par-delà l’étape d’une certaine inconnaissance. Oui, mais il reste quand même que si à un moment donné nous pensons avoir suffisamment et complètement compris Dieu, même parce qu’il s’est fait homme, alors nous ne lui sommes pas fidèles, nous ne pouvons pas témoigner de lui.
Demandons au Seigneur en même temps de nous faire grandir dans la foi, de nous aider à le reconnaître présent, lui qui vient s’occuper de son peuple lui-même, et à ne pas tomber dans une forme de mépris qui viendrait de la familiarité, en croyant que nous sommes suffisamment ses disciples. Nous ne le sommes jamais suffisamment.
Seigneur, aide-nous à être témoins, tes témoins, aide-nous à croire en toi ! Et si parfois il ne faut pas dire trop vite qui il est, ce n’est pas seulement parce que dans l’Évangile c’est trop tôt, c’est aussi parce que nous risquons de le dire trop mal. Qu’il nous aide à le dire et à le manifester en vérité. Amen
21e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 22, 19-23 ; Psaume 137 ; Romains 11, 33-36 ; Matthieu 16, 13-20

Bannière Vorbourg – 25/08 – 10/09
Carmel du Pâquier: à l’école des fleurs 3/3

Homélie du 20 août 2023 (Mt 15, 21-28)
Père André Carron – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS
Le Pape François, parmi les premiers textes qu’il a livrés et qu’il a désiré offrir à tous les cœurs de « bonne volonté », il y a sa belle exhortation : « La joie de l’évangile »…
Tout un programme, tout un désir !
Pour bien nous faire comprendre qu’on n’a plus à réfléchir ni à agir comme avant…
Le monde change, la communication est partout… souvent trop envahissante, toujours difficile à gérer ! La mondialisation est en route…
Notre Eglise, sans cesse, selon la belle expression biblique, « Élargit l’espace de sa tente… allonge ses cordages et affermit ses piquets ! » (Ésaïe 54,2). Nos communautés deviennent de plus en plus internationales… Accueil, asile, partage sont devenus des réalités, des visages au quotidien…
Ecoutons donc le Pape François : « L’Eglise est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile… » (Exhortation apostolique. Evangelii gaudium, n. 47).
Le salut de Dieu est pour tous les humains
Les textes bibliques de ce dimanche s’inscrivent dans cet « esprit » et nous annoncent encore et encore une « bonne nouvelle : Le salut de Dieu est pour tous les hommes ; il est pour tous y compris les étrangers…
Isaïe, prophète inspiré au 8ème siècle avant Jésus-Christ, l’a compris et rêve de cette « rencontre au sommet » (sur la montagne sainte !) et d’une maison qui soit « maison de prière pour tous les peuples ! »
Saint Paul, pharisien juif de Turquie, s’est laissé travailler par l’Esprit-Saint jusqu’à oser s’auto-proclamer « apôtre des nations »… Il écrit aujourd’hui aux chrétiens de Rome…
Nazareth se trouve en Galilée, Jésus est parfois désigné comme « Le Galiléen » et sa région du nord d’Israël est nommée la « Galilée des nations », vu les grands transferts de population qui ont marqué l’histoire de cette région à bonne distance de la Judée et de Jérusalem…
Saint Mathieu, dans l’évangile, nous présente un Jésus qui n’est pas chez lui… « Partant de Génésareth, il se retira dans la région de Tyr et de Sidon »… Ce n’est pas trop loin, 60 – 80 km, mais franchement à l’étranger !
Un Juif au Liban d’aujourd’hui, chez des non-juifs, des païens…
Un Jésus confronté à ces étranges étrangers… C’est là qu’il est en quelque sorte « harcelé » par les cris d’une femme qui crie sa souffrance de « perdre » sa fille… Les disciples ne comprennent rien et n’ont que le rejet à proposer !
Jésus se tait mais son coeur « écoute »
L’étrange dialogue, typiquement juif, nous laisse l’impression que cette femme fait évoluer le « cœur » de Jésus qui est touché et s’ouvre à une splendide rencontre sur un fond de profonde admiration : « Femme, ta foi est grande… que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »
A l’heure même, sa fille fut guérie !
Et après, a-t-on envie de dire ? A chacun d’entendre et de répondre dans son cœur, dans sa vie !
Les gens qui habitent cet hospice, à l’exemple de saint Bernard, continuent d’apprendre et de pratiquer cet « esprit » d’accueil, d’écoute, de rencontre et d’admiration émerveillée… avec toujours pour chacune et chacun, pour nous aujourd’hui, les mots de Jésus qui disent si bien sa proximité et sa tendresse : « Que puis-je faire pour toi ? »
Osons dire, lui crier nos désirs, nos besoins…
Osons insister comme cette femme cananéenne de la région de Tyr et Sidon…
20e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 56, 1-7; Psaume 66; Romains 11, 13-32; Matthieu 15, 21-28

Homélie TV du 15 août 2023 ( Lc 1,39-56)
Doyen Albert Vinel – Église Saint Joseph, Waterloo, Belgique
Chères Amies et Amis en Christ, et vous tous qui nous regardez avec bienveillance, c’est le destin surprenant d’une femme que nous fêtons aujourd’hui. Une femme bien de chez nous, avec son lot de bonheurs et de malheurs. Son adolescence et ses rêves de mariage sont bousculés par une requête divine totalement inattendue : « veux-tu concevoir et enfanter un fils, auquel tu lui donneras le nom de Jésus ? L’Esprit Saint viendra sur toi » (Luc 1, 31.35). Sa vie de maman est assombrie par les critiques entendues autour de son fils pourtant adulé par les foules : « voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ; il a perdu la tête » (Luc 7, 34 ; Mc 3, 21). Puis surgit le malheur suprême pour une maman : la perte de son enfant, exécuté par la rigidité suffisante des uns et la jalousie des autres. Asseoir son fils mort sur ses genoux, comme l’attestent toutes les pietas du monde, asseoir son fils mort sur ses genoux rapproche Marie de nos quotidiens les plus noirs.
Sainte Marie, priez pour nous !
Mais ce destin sombre contient aussi une part de lumière. Une lumière qui en reflète une autre, bien plus éclatante. Comme la lune qui reçoit son éclat du soleil, Marie reçoit sa brillance d’un projet personnel de Dieu. Avez-vous déjà remarqué en quels termes le messager de Dieu salue la toute jeune fille à Nazareth ? L’ange Gabriel ne lui dit pas : « je te salue Myriam », mais bien : « je te salue Pleine de grâces, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). L’envoyé divin ne l’appelle pas « Marie » mais « Pleine de grâces ». Cela signifie donc que « Pleine de grâces » est le nom que Dieu donne à Marie.
Or, dans la Bible, quand Dieu change le nom de quelqu’un, le nouveau nom exprime de façon imagée la nouvelle mission que Dieu lui confie désormais. Par exemple, Abram devient Abraham : « Tu ne seras plus appelé du nom d’Abram, ton nom sera Abraham, car je fais de toi le père d’une multitude de nations » (Genèse 17, 5). Autre exemple, quand l’apôtre Simon devient Pierre : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Jean 1, 42 ; Mt 16, 18).
Marie ne cesse de nous rapprocher de son Fils
Marie — Myriam en hébreu — devient « Pleine de grâces ». Pour quoi faire ? Quelle est sa mission aux yeux de Dieu ? Saint Bernard de Clairvaux l’explique en la comparant à un aqueduc, c’est-à-dire un canal construit pour le transport de l’eau sur de grandes distances. L’aqueduc n’est pas la source, mais il permet à l’eau de source d’atteindre des lieux fort éloignés. La source, c’est le Christ, et Marie cherche à nous mettre en contact réel avec Lui. Donnons un instant la parole à saint Bernard, le créateur du célèbre Salve Regina : Quelle est cette source de vie, si ce n’est le Seigneur Jésus ? La source a été détournée jusqu’à nous. Le filet d’eau du ciel descend par un aqueduc qui ne nous déverse pas toute l’eau de la source, mais laisse tomber la grâce, goutte à goutte, dans nos cœurs trop secs. (Sermon pour la Nativité de la Vierge Marie, 3). Hier, aujourd’hui et demain, Marie ne cessera de nous rapprocher de son fils. Comme aux noces de Cana, quand elle disait aux traiteurs : « faites tout ce qu’Il vous dira » (Jean 2, 5).
Sainte Marie, priez pour nous !
La Servante du Seigneur est aussi la servante des humains
La réponse libre et courageuse de la jeune Marie à l’Ange permet la mise en œuvre du plan divin : « Qu’il me soit fait selon Ta Parole » (Luc 1, 38). Mais ce « oui » de Marie à Dieu se double quasi instantanément par un « oui » aux autres. Apprenant la grossesse de sa vieille cousine Elisabeth, elle se met en route avec empressement vers la région montagneuse. Plus de 100 km à pied ! Pour servir. Étonnante rencontre entre deux femmes attentives à Dieu dans le concret de leur vie, l’une et l’autre ouvertes à la vie et toutes deux porteuses de vie… Oui, la « Servante du Seigneur » (Luc 1, 38) est aussi la servante des humains. Comme à Jérusalem, dans la « chambre haute », quand elle soutient le moral des apôtres et de plusieurs femmes désemparés par la mort du Maître (cf. Actes 1, 13-14)) En actes plus encore qu’en paroles, Marie témoigne que « la Miséricorde du Puissant s’étend d’âge en âge » (Luc 1, 50).
Sainte Marie, priez pour nous !
Il y a plus encore. Douloureux, lumineux, le destin de cette femme est véritablement « sur-lumineux ». Car Marie « donne chair » à une réalité dont notre monde a tant besoin aujourd’hui : l’espérance… Là encore, Marie n’est pas à l’origine de l’espérance, mais elle la fait briller. Comme la lune, qui transmet la lumière dans la nuit, sans en être l’origine. En devenant la première femme ressuscitée des morts, Marie devient un témoin crédible de l’aboutissement de nos propres chemins avec Dieu.
Fête de l’espérance
La fête de l’Assomption est bien la fête l’espérance. Car Marie inaugure le destin ouvert aux humains par la résurrection de son Fils. Elle anticipe ainsi ce qui nous attend tous, à savoir notre étroite proximité avec Dieu. Le mystère de l’Assomption dit bien sa totale proximité avec Dieu, par-delà la mort biologique. Son corps désormais glorifié lui permet de poursuivre sa mission terrestre.
Depuis dix-sept siècles, le culte liturgique rendu par le peuple chrétien à sa Mère du Ciel démontre son occupation quotidienne : intercéder pour nous. Nous, ses enfants, que Jésus lui a confiés du haut de la croix, en lui disant : « Femme, voici ton fils ».
Sainte Marie, priez pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort ! Amen
Assomption de la Vierge Marie
Lectures bibliques :
Apocalypse 11, 19 – 12, 1-10; Psaume 44; 1 Corinthiens 15, 20-27; Luc 1, 39-56

Homélie du 13 août 2023 (Mt 14, 22-33)
Chanoine Simon Roduit, hospice du Grand-Saint-Bernard, VS
Dans l’oraison d’ouverture de la messe de ce dimanche, nous avons prié pour que l’Esprit-Saint nous aide à être toujours plus des enfants… de Dieu.
Comment être des enfants de Dieu ? Lors d’un camp pour familles chrétiennes au Simplon, en tant que séminariste, je devais présenter le thème « devenir comme des enfants de Dieu pour entrer dans le Royaume », et il m’était difficile de le faire en voyant ces enfants en pleine crise d’adolescence, ou se disputant entre frères et sœurs. Pourtant, Dieu nous demande d’être comme des enfants. A la veille de la reprise scolaire, voyons comment devenir des enfants de Dieu à travers les grandes étapes de l’enfance : la crise d’adolescence que vit Elie dans la première lecture, l’apprentissage de la Parole de saint Paul dans la deuxième lecture, et l’apprentissage de la marche par Pierre dans l’Evangile.
Sortir de nos cavernes – crise d’adolescence
Lorsque l’on est adolescent, une multiplicité de changements viennent affecter notre corps et notre esprit, et cela peut être difficile à gérer. C’est pourquoi les adolescents ont besoin d’être en groupes pour ne pas s’enfermer dans la solitude de leur chambre, de leur monde.
De même, dans la première lecture Elie fait sa crise d’ado. Il est le dernier prophète fidèle à Dieu dans tout Israël ; il vit de se confronter à 450 prophètes de Baal qu’il a tous tués. A présent, la reine Jézabel veut sa peau, même son serviteur l’a quitté. Il cherche à se laisser mourir à l’ombre d’un buisson. Mais voilà qu’un ange vient par deux fois le nourrir, et il lui demande de monter sur la montagne, mais Elie s’enferme dans une caverne. Alors que Dieu lui parle et lui demande de sortir de la caverne, Elie reste à l’intérieur par peur d’affronter l’ouragan, le tremblement de terre et le feu. Et ce n’est que lorsque la brise légère souffle qu’il sort et entend le message de Dieu à son égard : « Elie, n’aie pas peur, je serai avec Dieu, et par toi, j’agirai dans le peuple ; c’est moi qui ai tout créé, et donc toute la violence que tu peux percevoir dans le monde n’est pas plus forte que moi.
Et nous, sommes-nous parfois enfermés dans nos cavernes d’adolescents ? Est-ce que dans la caverne de notre solitude, nous ne disons pas parfois que personne ne nous comprend ; dans les cavernes de nos mauvaises habitudes, est-ce que nous ne désespérons pas que Dieu puisse nous changer ; dans la caverne d’une maladie, est-ce que nous ne croyons pas parfois qu’il est trop difficile pour nous de la surmonter ? C’est dans ces cavernes que la voix de Dieu vient résonner : « Sors, et tiens-toi sur la montagne, je suis avec toi »
Prendre l’accent de Dieu – apprendre à parler
Lorsqu’un enfant apprend à parler, il lui faut écouter de nombreuses années ses parents, pour se mettre à répéter peu à peu quelques paroles, pour ensuite être corrigé de nombreuses fois à chaque faute d’orthographe, et améliorer graduellement son langage. L’aisance ne viendra qu’après de nombreuses années pour parler comme ses parents.
Ainsi saint Paul dans la lecture s’attriste et ne comprend pas pourquoi le peuple juif, qui a eu l’habitude d’entendre Dieu lui parler, n’a pas réussi à reconnaître la voix de Dieu dans l’enseignement de Jésus. Il invoque sa conscience qui témoigne en lui par l’Esprit-Saint que Jésus est le messie. Mais il lui a fallu entendre la voix de Jésus sur le chemin de Damas, puis de nombreuses fois pour annoncer le Christ à tous. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! »
De même dans notre vie, il est important de parler à Dieu et de l’écouter dans notre vie de prière, afin de prendre son accent, afin que les paroles qui sortent de notre bouche ne soient que des paroles qui bénissent et non des paroles qui maudissent. Que le Seigneur nous forme lorsque notre langue fourche, afin de toujours avoir des paroles qui élèvent ceux qui nous entourent. Alors nous parlerons comme de vrais enfants de Dieu, avec son accent divin.
Garder les yeux fixés sur Jésus – apprendre à marcher
Dans l’apprentissage hésitant de la marche, un bébé qui se dresse sur ses deux pieds n’a qu’un seul repère, qu’une seule chose qu’il fixe : les bras ouverts de sa maman ou de son papa à 10, 20 ou 60 cm, qui l’encourage à avancer et qui le rattrape si bébé perd l’équilibre. Et la confiance absolue d’un nourrisson envers ses parents lui permet de risquer l’impossible.
De même, dans l’Évangile, Pierre a obéi à Jésus qui l’a « obligé » à monter sur la barque, cette barque ballotée par la tempête du lac de Gennésareth. Et lorsqu’il reconnait Jésus, il reçoit son invitation à ne pas regarder sa peur et à lui faire confiance. Il demande même à Jésus de le rejoindre en marchant sur les eaux. Impossible pour l’homme. Sur ce simple mot « Viens », il se met à marcher. La seule chose qu’il regarde, c’est Jésus. Mais dès que son regard se focalise sur la peur des vagues, il se met à sombrer. Seule la force du Christ qui récupère de son bras puissant l’attention de Pierre lui permet de refaire surface.
Que nous aussi, lorsque nous traversons des tempêtes, nous gardions les yeux fixés sur Jésus et non pas sur nos peurs ou sur les difficultés. Ainsi, nous pourrons apprendre avec Jésus à faire des pas inespérés dans la foi, dans la charité ou dans l’espérance.
Ainsi nous deviendrons des chrétiens adultes, de vrais enfants de Dieu sortis de leur caverne, sachant parler avec l’accent de Dieu et marcher vers le Royaume. Amen
19e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : 1 Rois 19, 9-13; Psaume 84; Romains 9, 1-5; Matthieu 14, 22-33

Homélie du pape François – Messe de Clôture des JMJ, Lisbonne, 6 août 2023 (Mt 17, 1-9)
Les paroles de l’Apôtre Pierre sur la montagne de la Transfiguration sont celles que nous voulons faire nôtres après ces journées intenses : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » (Mt 17, 4). C’est beau tout ce que nous avons vécu avec Jésus, ce que nous avons vécu ensemble et comment nous avons prié. Mais après ces journées de grâce, nous nous demandons : qu’est-ce que nous emportons avec nous en retournant dans la vallée de la vie quotidienne ?
À partir de l’Évangile que nous avons entendu, je voudrais répondre à cette question par trois verbes : briller, écouter, ne pas craindre.
Briller. Jésus est transfiguré et – dit le texte – « son visage devint brillant comme le soleil » (Mt 17, 2). Il venait d’annoncer sa passion et sa mort sur la croix, brisant ainsi l’image d’un Messie puissant et mondain, et décevant les attentes des disciples. Maintenant, précisément pour les aider à accepter le projet d’amour de Dieu, qui vise à la gloire par le chemin de la croix, Jésus prend trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, les conduit sur la montagne et est transfiguré : son visage devient resplendissant et ses vêtements blancs. Ce “bain de lumière” les prépare à la nuit qu’ils devront traverser ; cette brèche lumineuse les aidera à supporter la peine des heures les plus sombres, celles de Gethsémani et du Calvaire.
Mes amis, nous avons nous aussi besoin de quelques éclairs de lumière pour affronter l’obscurité de la nuit, les défis de la vie, les peurs qui nous inquiètent, les ténèbres que nous voyons souvent autour de nous. L’Évangile nous révèle que cette lumière a un nom. Oui, cette lumière venue éclairer le monde, c’est Jésus (cf. Jn 1, 9). Il est la lumière qui ne se couche jamais et qui brille même dans la nuit. Me viennent à l’esprit les paroles du prêtre Esdras que l’on trouve dans les Saintes Écritures, et que nous pouvons nous aussi répéter après ces jours vécus ensemble : « Notre Dieu a fait briller nos yeux » (Esd 9, 8). Éclairés par le Christ, nous sommes nous aussi “transfigurés” : nos yeux et nos visages peuvent briller d’une lumière nouvelle. Frères et sœurs, c’est ce que l’Église et le monde attendent de vous : que vous soyez des jeunes rayonnants, qui portent partout la lumière de l’Évangile et allument des lueurs d’espérance dans les ténèbres de notre temps !
Je voudrais vous dire une chose : nous ne devenons pas lumineux lorsque nous sommes sous les projecteurs, lorsque nous affichons une image parfaite et que nous nous sentons forts et victorieux. Non. Nous brillons quand, en accueillant Jésus, nous apprenons à aimer comme Lui, car telle est la vraie beauté qui resplendit : une vie qui risque par amour. Un philosophe a écrit que la beauté du message révolutionnaire du Christ consiste à « trouver aimable même l’objet non aimable » (S. KIERKEGAARD, Gli atti dell’amore, Milan 1983, p. 579), c’est-à-dire aimer le prochain tel qu’il est : non seulement quand il est en accord avec nous, mais aussi quand il ne nous est pas sympathique et qu’il a des aspects qui ne nous plaisent pas. Avec la lumière de Jésus, c’est possible ! Vous, les jeunes, vous pouvez aimer de cette manière et abattre certains murs, certains préjugés, en apportant au monde la lumière de l’amour qui sauve. Puissiez-vous toujours briller de cet amour, briller avec Jésus, « lumière du monde » (Jn 8, 12) !
Le deuxième verbe est écouter. Sur la montagne, une nuée lumineuse recouvre les disciples et la voix du Père indique que Jésus est le Fils bien-aimé. Le commandement que donne le Père est simple et direct : « Écoutez-le » (Mt 17, 5). Tout est là : tout ce qu’il y a à faire dans la vie chrétienne réside dans ce mot, le dernier que le Père prononce dans l’Évangile de Matthieu : écoutez-le. Écouter Jésus, dialoguer avec lui, lire sa Parole et la mettre en pratique, le suivre : parce qu’il a pour nous des paroles de vie éternelle ; parce qu’il révèle que Dieu est Père et amour ; parce que, par son Esprit, nous devenons nous aussi des enfants bien-aimés. Voilà ce dont nous avons besoin dans la vie : non pas la gloire, le succès, l’argent, mais savoir que nous ne sommes pas seuls, que nous avons toujours quelqu’un à nos côtés, commencer et terminer la journée avec la certitude de l’étreinte du Seigneur ; l’écouter, croire que nous sommes aimés et accompagnés d’un amour qui ne fait jamais défaut. Et rappelons-nous ceci : nous mettre à l’écoute du Seigneur en restant ouverts à ses surprises fait de nous des personnes capables aussi de s’écouter les unes les autres, d’écouter la réalité qui nous entoure, les autres cultures, la voix souffrante des pauvres et des plus fragiles, le cri de la Terre blessée et maltraitée. Qu’il est beau d’écouter Jésus, de nous écouter les uns les autres et de grandir dans le dialogue, dans un monde où tant de personnes voyagent enfermées dans leur solitude, ne pensant qu’à elles-mêmes.
Briller, écouter et, enfin, ne pas craindre. Ce sont les dernières paroles que Jésus prononce sur la montagne pour encourager les disciples effrayés : « Relevez-vous et soyez sans crainte » (Mt 17, 7). Maintenant qu’ils ont eu une anticipation de la gloire pascale, qu’ils ont été plongés dans la lumière divine et qu’ils ont écouté la voix du Père, les disciples peuvent descendre de la montagne et affronter les défis qui les attendent dans la vallée. Il en est de même pour nous aussi: si nous gardons la lumière de Jésus et ses paroles, nous pouvons marcher chaque jour dans la vie, le cœur libéré de la peur.
À vous, jeunes, qui cultivez de grands rêves mais souvent obscurcis par la crainte de ne pas les voir réalisés; à vous, jeunes, qui pensez parfois ne pas y arriver; à vous, jeunes, qui, en ces temps, êtes tentés de vous décourager, de vous juger inadaptés ou de cacher la douleur en la masquant d’un sourire ; à vous, jeunes, qui voulez changer le monde et qui luttez pour la justice et la paix ; à vous, jeunes, qui y mettez votre engagement et votre imagination, bien que cela vous semble ne pas suffire; à vous, jeunes, dont l’Église et le monde ont besoin comme la terre a besoin de pluie ; à vous, jeunes, qui êtes le présent et l’avenir ; oui, précisément à vous, jeunes, Jésus dit : “Soyez sans crainte !”.
Les paroles que saint Jean-Paul II a prononcées lors d’une des JMJ résonnent plus que jamais : « En réalité, c’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur ; c’est Lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne vous satisfait ; c’est Lui, la beauté qui vous attire tellement; c’est Lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis ; c’est Lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie ; c’est Lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand. […] N’ayez pas peur de vous en remettre à Lui » (Veillée de prière, Rome, 19 août 2000).
Chers jeunes, je voudrais regarder chacun de vous dans les yeux et lui dire : sois sans crainte ! Mais je vous dis une chose beaucoup plus belle : Jésus lui-même vous regarde maintenant, Lui qui vous connaît et qui lit en vous : Il regarde dans vos cœurs, vous sourit et vous répète qu’Il vous aime toujours et infiniment. Toujours et infiniment. Allez donc, et portez à tous le sourire radieux de Dieu ! Allez et témoignez de la joie de la foi, de l’espérance qui réchauffe votre cœur, de l’amour que vous mettez en toute chose. Brillez de la lumière du Christ. Écoutez-le pour devenir vous aussi la lumière du monde. Et soyez sans crainte, car le Seigneur vous aime et marche à vos côtés. Avec lui, la vie renaît, toujours.

Homélie du 6 août 2023 (Mt 17, 1-9)
Chanoine Hugues de la Boussinière – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS
Dans la seconde lecture, Pierre raconte l’expérience bouleversante qu’il a vécue quelques années avant sur le Mont Thabor : la vision de Jésus transfiguré. Dans un court moment, l’homme Jésus qu’il connaissait bien a révélé la grandeur de sa divinité. Et Pierre insiste pour dire que cette expérience est bien réelle. Ce n’est ni une image, ni le fruit de son imagination : « Ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur ». Sur cette montagne, Pierre, Jacques et Jean ont vu de leurs propres yeux que vraiment Jésus est l’envoyé du Père. D’ailleurs l’épisode de la Transfiguration suit de près un autre grand moment de la vie de Pierre : sa confession de foi à Césarée. Jésus demande à ses disciples : Pour vous qui suis-je ? Pierre répond : Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant. L’expérience du Mont Thabor vient attester la proclamation de Pierre. Ce que Pierre a professé, il peut le voir maintenant.
La gloire de Dieu est une communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit
Au cœur de l’expérience du Mont Thabor, Pierre relève cette parole qui vient de la nuée lumineuse : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je trouve ma joie ». Et il insiste pour dire qu’eux aussi comme apôtres, ils ont entendu cette parole : « Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte ». Cette parole ne concerne pas que Jésus, elle s’adresse aussi aux trois apôtres et donc à nous mêmes. Jésus est le Fils bien aimé du Père. La gloire de Dieu n’est donc pas une puissance écrasante. C’est une communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Et notre espérance est d’un jour entrer dans cette communion divine. Tel est notre appel, notre vocation. C’est ce que nous avons entendu dans la prière d’ouverture de cette liturgie : « tu as annoncé notre merveilleuse adoption ; accorde-nous d’écouter la voix de ton Fils bien-aimé, afin de pouvoir un jour partager avec lui son héritage ». Par notre baptême, nous devenons les héritiers de cette promesse formidable : devenir des fils bien aimés du Père dans le Fils unique : Jésus le Christ.
Une espérance qui nous guide à travers les lieux obscurs de nos vies
C’est un souffle d’espérance. C’est encore Pierre qui le dit : « Ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». Combien de lieux obscurs en nos vies ! Cette espérance est pour nous la lumière qui peut nous guider à travers toutes les luttes de nos existences. Pour Pierre ce sera pendant les jours de la Passion, ce sera aussi à la fin de sa vie sur terre quand il sera lui aussi crucifié. Parmi ces lieux obscurs, le plus significatif pour nous est la mort. Depuis la Résurrection de notre Seigneur, la mort est devenue le lieu de la pleine réalisation de cet appel. C’est le moment où l’étoile du matin se lèvera en nos cœurs.
Prenons le temps de remonter sur la montagne sainte
La Transfiguration fait naître en nos cœurs cette merveille de l’adoption filiale, don gratuit du Seigneur. Dans les lieux obscurs de nos vies, prenons le temps de revenir à cette source. Prenons le temps de remonter souvent sur cette montagne sainte pour contempler, adorer la beauté de notre vocation. La Transfiguration est aussi l’expérience de la beauté de Dieu et de son projet d’amour pour nous. Ce retour à la source, nous le vivons dans la prière, dans la contemplation de la création du Seigneur. Nous le vivons de manière privilégiée à chaque Eucharistie : source et sommet de la vie chrétienne comme le dit le concile Vatican II. Par les signes sensibles, nous pouvons faire une première expérience de la gloire de Dieu et de notre magnifique destinée éternelle : vivre cette relation filiale avec le Père, dans le Fils et par l’Esprit.
C’est ce que rappelle le pape François dans sa lettre sur la liturgie Desiderio Desideravi : « La liturgie rend gloire à Dieu non pas parce que nous pouvons ajouter quelque chose à la beauté de la lumière inaccessible dans laquelle Dieu habite. Nous ne pouvons pas non plus ajouter à la perfection du chant angélique qui résonne éternellement dans les demeures célestes. La Liturgie rend gloire à Dieu parce qu’elle nous permet – ici, sur la terre – de voir Dieu dans la célébration des mystères et, en le voyant, de reprendre vie par sa Pâque ».
Fête de la Transfiguration du Seigneur
Lectures bibliques : Daniel 7, 9-14 ; Psaume 96 ; 2 Pierre 1, 16-19 ; Matthieu 17, 1-9

Homélie TV du 1er août 2023, fête nationale (Lc, 11, 5-8)
Mgr Alain de Raemy, administrateur apostolique du diocèse de Lugano – Col du Gothard
Ce jour-là, David a eu la grande peur de sa vie !
Oui, David, le grand roi de l’Ancien ou du Premier Testament, s’est mis ce jour-là à craindre Dieu ! Honteux, n’est-ce pas ?
Mais que s’est-il passé ? Sous ses yeux, un homme avait été comme foudroyé par Dieu lui-même ! Mort sur place. L’homme s’était approché du nouveau char transportant l’arche de Dieu. Il faut savoir que pour les juifs, l’arche est le lieu par excellence de la présence divine… L’homme étendit la main vers l’arche, et s’appuya sur elle, car les bœufs la faisaient glisser… Mais par ce geste, il avait, pour ainsi dire, touché l’intouchable…
Le deuxième livre de Samuel dit : La colère de l’Éternel s’enflamma contre cet homme ; Dieu le frappa pour sa faute, et il mourut sur place, près de l’arche de Dieu… Le texte original, cependant, ne dit pas « pour sa faute », mais plus précisément : « pour sa présomption, pour sa témérité ». Pour sa présomption, pour son irrévérence à l’égard de Dieu, l’homme meurt … sous les yeux du roi David !
On comprend alors dès ce moment la grande crainte de David à l’égard de Dieu ! Et David se demande aussitôt si ce n’est pas aussi de la présomption de vouloir abriter lui-même l’arche du Seigneur, comme il l’avait prévu….
Chers amis,
Le roi David était cependant très avisé. Afin de ne pas prendre de risques personnellement, au lieu de prendre l’arche du Seigneur lui-même, il a décidé de la confier à un autre, il se choisit, pour ainsi dire, un substitut. « Si l’autre n’en subit aucune conséquence, s’il s’en sort vivant, alors je peux essayer aussi. » Aussitôt pensé, aussitôt fait ! et l’arche du Seigneur resta trois mois dans la maison de celui qui avait été choisi.
Et que se passe-t-il ? Le Seigneur bénit cette personne et toute sa maison. Et on dit au roi David : « Le Seigneur a béni sa maison et tout ce qui lui appartient, précisément à cause de la présence de l’arche de Dieu.
Chers amis,
Ainsi, que ce soit pour David ou pour nous, la question est posée : Est-il possible que la proximité de Dieu soit un risque ? y a-t-il une familiarité avec Dieu qu’il faut éviter ?
La réponse est claire : la proximité du Seigneur n’a rien à voir avec la mort de cet homme qui a touché l’intouchable ! La proximité du Seigneur est toujours et partout une bénédiction ! Mais la question à poser est peut-être différente. Que faisons-nous de la proximité de Dieu ? Qu’en fait l’homme ? Qu’en fait le chrétien ?
Chers habitants de cette belle patrie qui nous est commune ! Quand aurons-nous compris qu’il n’y a pas lieu de craindre Dieu, et ce n’est malheureusement pas évident quand on voit le développement de toutes sortes de superstitions dans notre pays.
Mais ensuite nous devons nous demander ce que nous faisons de la bienheureuse proximité du Seigneur. Cette proximité voulue par lui est aujourd’hui plus forte que celle de l’arche d’alliance, pensons à l’Eucharistie !
Demandons-nous comment et quand nous pourrions tomber dans la présomption ou l’irrévérence envers Dieu ? Oui, nous devons vraiment nous interroger :
Prenons-nous conscience de sa proximité par des moyens si tangibles ?
Par exemple :
– que faisons-nous de sa proximité dans les femmes et les hommes qui cherchent auprès de nous un refuge et un avenir ?
– que faisons-nous de la terre, de l’eau et de l’espace qui sont ses créatures, expressions tangibles de son amour ?
– quelle place donnons-nous, dans l’organisation de notre société et de notre Église, aux plus fragiles et aux plus démunis, en qui Il s’identifie ?
– comment nous comportons-nous à l’égard des chrétiens d’autres dénominations qui accueillent aussi la proximité du Christ ?
La proximité multiforme de Dieu est un défi permanent. Lorsqu’elle est reconnue et vécue, c’est une bénédiction sans fin ! Mais lorsqu’elle ne retient pas notre attention, alors oui, il y a danger de cynisme, de tristesse, voire de mort !
Chers amis !
Nous, chrétiens, reconnaissons toute la gloire de Dieu dans un homme qui est comme nous : le Christ Jésus ! Demandons-lui de ne jamais traiter une personne humaine ou des affaires, sans le reconnaître, sans l’aimer, sans l’accepter.
Lui. Sinon, nous risquons fort de blesser, de blasphémer, voire de mourir et faire mourir…
Que nous dit Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui ? Si l’un d’entre vous a un ami et qu’il va le trouver à minuit en lui disant : « Mon ami, prête-moi trois pains : il ne se lèvera pas pour les lui donner parce que c’est son ami, mais à cause de son insistance, il donnera tout ce dont il a besoin.
Mais nous avons manqué ce que Jésus a ajouté : “Eh bien, je vous le dis : demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. Si donc, vous qui êtes méchants, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père des cieux donnera le Saint-Esprit à celui qui le demande.”
Chers amis, chers amis,
Aujourd’hui, nous sommes réunis pour prier, pour intercéder pour notre patrie. Et nous avons avec Dieu un grand avantage ! Nous ne venons pas vers Dieu à minuit, nous ne venons pas non plus à Lui à l’improviste. Au contraire, nous faisons ce qu’il nous a ordonné : faites ceci en mémoire de moi !
Ainsi, notre intrusion ordonnée auprès d’un Dieu, Père plus que bon, qui veut être une source d’inspiration pour nous, qui se veut si proche, au point de devenir lui-même dans quelques minutes notre Pain, nous avons la permission de tout Lui demander, nous pouvons l’appeler à haute voix, et exprimer avec force nos pourquoi.
Avec simplicité, nous l’exprimons pour tous les membres de notre confédération ! Sans exclure qui que ce soit ! Je suis convaincu qu’Il nous écoute plus que jamais. Non pas parce que nous sommes ici plus haut sur la montagne, non ! Mais parce que nous ne sommes guidés par aucune crainte envers lui, sinon la peur de ne pas le reconnaître et de ne pas l’accueillir suffisamment en chacun. Le Seigneur est donc prêt à nous aider, à nous bénir, ici et où que ce soit.
Ce jour-là, David a eu la peur de sa vie, mais ici aujourd’hui, je nous souhaite à tous d’avoir confiance en Dieu pour toujours !
Amen !
Lectures bibliques :
2e livre de Samuel 6, 1-11; Luc, 11, 5-8