Frère Gilles Emery – Chapelle du couvent Saint-Hyacinthe, Fribourg
Nous avons entendu, comme première lecture, la partie centrale du discours de saint Pierre le jour de la Pentecôte, dans les Actes des Apôtres. C’est la première prédication chrétienne, importante pour nous car elle nous montre le cœur de la foi, le centre de la prédication des apôtres. Et ce centre, c’est Jésus ressuscité. Ce Jésus, insiste saint Pierre, ce Jésus le Nazaréen, cet homme Jésus qui a vécu au milieu de vous et qui a été crucifié. Voici le centre de la foi : « Ce Jésus, dit saint Pierre, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins ». Nous trouvons ici trois composantes essentielles du noyau de la foi chrétienne, trois composantes essentielles de ce qu’on appelle le “kérygme”, c’est-à-dire la proclamation du cœur de la foi.
Notre foi repose sur celle des apôtres
La première composante, c’est l’identité personnelle de Jésus. La résurrection n’est pas un symbole de la vie qui réapparaît, elle n’est pas une figure ou un “chiffre” de la vie plus forte que la mort, mais la résurrection est un événement tout à fait concret et singulier qui est advenu à une personne elle aussi tout à fait concrète et singulière : « ce Jésus ». Saint Pierre et les apôtres l’affirment, non pas à la façon d’un raisonnement, mais comme un témoignage : ils ont connu Jésus vivant avant Pâques, et ils l’ont reconnu vivant lorsqu’il s’est manifesté à eux après sa résurrection. Cette continuité est essentielle pour nous, puisque notre foi repose sur celle des apôtres.
Jésus est l’accomplissement de tout ce qui est rapporté par l’Ancien Testament
La deuxième composante, c’est l’accomplissement des Écritures. Il s’agit, ici aussi, d’une réalité très importante. Jésus, spécialement en sa résurrection, est l’accomplissement de tout ce que Dieu a entrepris depuis la création du monde, de tout ce que Dieu a fait jusqu’alors et qui est rapporté par l’Ancien Testament. Saint Pierre cite ici le prophète Joël concernant le don de l’Esprit et l’annonce de la foi (« Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, alors vos fils et vos filles prophétiseront »), il évoque le prophète Isaïe au sujet de ce qui arrivera dans les derniers jours, et saint Pierre rappelle le Psaume de David concernant la fidélité de Dieu qui fait vivre et qui redonne la vie (« ma chair reposera dans l’espérance : tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption »). Ce Jésus ressuscité est le centre et le sommet de l’histoire du salut, il est l’accomplissement de l’espérance du peuple aimé de Dieu. Il est, comme nous l’avons dit en préparant le cierge pascal durant la vigile de Pâques, l’Alpha et l’Omega. Les hauts faits de Dieu, la loi du Sinaï, la liturgie de l’Ancien Testament, les paroles des prophètes, tout est advenu parce que cela était destiné à trouver son accomplissement dans la résurrection de ce Jésus. C’est là ce qui a rendu tout brûlant le cœur des disciples d’Emmaüs lorsque Jésus, en chemin, leur ouvrit le sens des Écritures.
Jésus, donateur de l’Esprit
Et voici la troisième composante : la résurrection est un événement qui, dans la première prédication des apôtres, engage trois acteurs : ce Jésus, dit saint Pierre, « élevé par la droite de Dieu, a reçu de son Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous ». Trois acteurs : (1) Dieu le Père, qui a ressuscité Jésus ; (2) Jésus, qui est ressuscité et exalté auprès de son Père ; et (3) l’Esprit Saint, dont Jésus exalté a été comblé en plénitude et qu’il répand maintenant sur ses disciples. C’est déjà la forme du credo et du baptême que nous découvrons ici : je crois au Père, et au Fils Jésus, et en l’Esprit Saint. Et l’événement central, autour duquel tout se déploie, c’est la résurrection de Jésus, qui a fait de lui le donateur du Saint-Esprit en abondance. Jésus ressuscité partage avec son Père cette prérogative exclusivement divine qui est de donner l’Esprit Saint. Saint Pierre l’exprime en rappelant le Psaume 110 : « le Seigneur a dit à mon Seigneur : siège à ma droite ». Jésus est assis à la droite du Père. Autrement dit, par son exaltation, Jésus en son humanité, Jésus homme glorifié, partage le trône divin de son Père, le trône divin d’où, précisément, l’Esprit Saint est répandu. C’est ainsi que la résurrection de Jésus fait de lui le donateur de l’Esprit, celui qui répand l’Esprit Saint vivifiant, l’Esprit qui donne la vie.
La résurrection de Jésus : un événement concret et singulier qui est advenu à une personne concrète et singulière ; un événement trinitaire, qui accomplit les promesses et qui constitue le centre de l’histoire des hommes ; un événement qui est la source de notre espérance et de notre salut.
La première prédication chrétienne de saint Pierre insiste sur la nouveauté que la résurrection a apportée à Jésus et à nous. À Jésus d’abord : la résurrection établit Jésus dans le plein exercice de ses prérogatives de Seigneur et de Christ, c’est-à-dire de donateur de l’Esprit Saint. C’est ce que nous allons célébrer à la Pentecôte. Et voici la nouveauté qui nous est donnée, à nous : quiconque invoquera le nom du Seigneur Jésus sera sauvé. L’Esprit Saint, désormais, est répandu en abondance sur tous ceux qui croient en Jésus et reçoivent le baptême au nom de Jésus — et même, d’ailleurs, sur tous les hommes qui accueillent l’action de la Providence de Dieu et qui sont, d’une manière que Dieu connaît, associés à la Pâque de Jésus – ce Jésus que Dieu a ressuscité pour nous et pour notre salut — ce Jésus que nous allons reconnaître et recevoir dans la fraction du pain.
3e dimanche du Temps pascal
Lectures bibliques : Actes 2, 14.22-33 ; Psaume 15 ; 1 Pierre 1, 17-21 ; Luc 24, 13-35