Homélie du 23 avril 2023 (Lc 24, 13-35)

Frère Gilles Emery – Chapelle du couvent Saint-Hyacinthe, Fribourg

Nous avons entendu, comme première lecture, la partie centrale du discours de saint Pierre le jour de la Pentecôte, dans les Actes des Apôtres. C’est la première prédication chrétienne, importante pour nous car elle nous montre le cœur de la foi, le centre de la prédication des apôtres. Et ce centre, c’est Jésus ressuscité. Ce Jésus, insiste saint Pierre, ce Jésus le Nazaréen, cet homme Jésus qui a vécu au milieu de vous et qui a été crucifié. Voici le centre de la foi : « Ce Jésus, dit saint Pierre, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins ». Nous trouvons ici trois composantes essentielles du noyau de la foi chrétienne, trois composantes essentielles de ce qu’on appelle le “kérygme”, c’est-à-dire la proclamation du cœur de la foi.

Notre foi repose sur celle des apôtres

La première composante, c’est l’identité personnelle de Jésus. La résurrection n’est pas un symbole de la vie qui réapparaît, elle n’est pas une figure ou un “chiffre” de la vie plus forte que la mort, mais la résurrection est un événement tout à fait concret et singulier qui est advenu à une personne elle aussi tout à fait concrète et singulière : « ce Jésus ». Saint Pierre et les apôtres l’affirment, non pas à la façon d’un raisonnement, mais comme un témoignage : ils ont connu Jésus vivant avant Pâques, et ils l’ont reconnu vivant lorsqu’il s’est manifesté à eux après sa résurrection. Cette continuité est essentielle pour nous, puisque notre foi repose sur celle des apôtres.

Jésus est l’accomplissement de tout ce qui est rapporté par l’Ancien Testament

La deuxième composante, c’est l’accomplissement des Écritures. Il s’agit, ici aussi, d’une réalité très importante. Jésus, spécialement en sa résurrection, est l’accomplissement de tout ce que Dieu a entrepris depuis la création du monde, de tout ce que Dieu a fait jusqu’alors et qui est rapporté par l’Ancien Testament. Saint Pierre cite ici le prophète Joël concernant le don de l’Esprit et l’annonce de la foi (« Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, alors vos fils et vos filles prophétiseront »), il évoque le prophète Isaïe au sujet de ce qui arrivera dans les derniers jours, et saint Pierre rappelle le Psaume de David concernant la fidélité de Dieu qui fait vivre et qui redonne la vie (« ma chair reposera dans l’espérance : tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption »). Ce Jésus ressuscité est le centre et le sommet de l’histoire du salut, il est l’accomplissement de l’espérance du peuple aimé de Dieu. Il est, comme nous l’avons dit en préparant le cierge pascal durant la vigile de Pâques, l’Alpha et l’Omega. Les hauts faits de Dieu, la loi du Sinaï, la liturgie de l’Ancien Testament, les paroles des prophètes, tout est advenu parce que cela était destiné à trouver son accomplissement dans la résurrection de ce Jésus. C’est là ce qui a rendu tout brûlant le cœur des disciples d’Emmaüs lorsque Jésus, en chemin, leur ouvrit le sens des Écritures.

Jésus, donateur de l’Esprit

Et voici la troisième composante : la résurrection est un événement qui, dans la première prédication des apôtres, engage trois acteurs : ce Jésus, dit saint Pierre, « élevé par la droite de Dieu, a reçu de son Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous ». Trois acteurs : (1) Dieu le Père, qui a ressuscité Jésus ; (2) Jésus, qui est ressuscité et exalté auprès de son Père ; et (3) l’Esprit Saint, dont Jésus exalté a été comblé en plénitude et qu’il répand maintenant sur ses disciples. C’est déjà la forme du credo et du baptême que nous découvrons ici : je crois au Père, et au Fils Jésus, et en l’Esprit Saint. Et l’événement central, autour duquel tout se déploie, c’est la résurrection de Jésus, qui a fait de lui le donateur du Saint-Esprit en abondance. Jésus ressuscité partage avec son Père cette prérogative exclusivement divine qui est de donner l’Esprit Saint. Saint Pierre l’exprime en rappelant le Psaume 110 : « le Seigneur a dit à mon Seigneur : siège à ma droite ». Jésus est assis à la droite du Père. Autrement dit, par son exaltation, Jésus en son humanité, Jésus homme glorifié, partage le trône divin de son Père, le trône divin d’où, précisément, l’Esprit Saint est répandu. C’est ainsi que la résurrection de Jésus fait de lui le donateur de l’Esprit, celui qui répand l’Esprit Saint vivifiant, l’Esprit qui donne la vie.

La résurrection de Jésus : un événement concret et singulier qui est advenu à une personne concrète et singulière ; un événement trinitaire, qui accomplit les promesses et qui constitue le centre de l’histoire des hommes ; un événement qui est la source de notre espérance et de notre salut.

La première prédication chrétienne de saint Pierre insiste sur la nouveauté que la résurrection a apportée à Jésus et à nous. À Jésus d’abord : la résurrection établit Jésus dans le plein exercice de ses prérogatives de Seigneur et de Christ, c’est-à-dire de donateur de l’Esprit Saint. C’est ce que nous allons célébrer à la Pentecôte. Et voici la nouveauté qui nous est donnée, à nous : quiconque invoquera le nom du Seigneur Jésus sera sauvé. L’Esprit Saint, désormais, est répandu en abondance sur tous ceux qui croient en Jésus et reçoivent le baptême au nom de Jésus — et même, d’ailleurs, sur tous les hommes qui accueillent l’action de la Providence de Dieu et qui sont, d’une manière que Dieu connaît, associés à la Pâque de Jésus – ce Jésus que Dieu a ressuscité pour nous et pour notre salut — ce Jésus que nous allons reconnaître et recevoir dans la fraction du pain.

3e dimanche du Temps pascal
Lectures bibliques : Actes 2, 14.22-33 ; Psaume 15 ; 1 Pierre 1, 17-21 ; Luc 24, 13-35

Homélie du 16 avril 2023 (Jn 20, 19-31)

Abbé Marc Donzé – Monastère du Carmel du Pâquier, FR

« Le nom de Dieu est miséricorde », écrit le pape François. Pour que l’homme se relève de toute misère, pour qu’il grandisse dans la lumière et dans l’amour, pour qu’il soit en communion d’alliance avec Lui, Dieu est Cœur, Dieu est Amour, Dieu est Don. Comme le dit saint Thomas d’Aquin, « la miséricorde est le propre de Dieu, dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde ».

Avec enthousiasme, le pape François a institué en 2016 une année jubilaire de la miséricorde et c’est l’une des plus belles initiatives qu’il ait prises.

Enfin, la miséricorde divine est pleinement à l’avant-scène de la pastorale de l’Église. Et avec elle, l’accueil, le non-jugement, le dialogue, la fraternité. Et surtout une vision de Dieu qui réjouit le cœur de l’homme, car rien n’est plus précieux que le Bel Amour.

Enfin… car ce ne fut pas toujours ainsi. Pendant longtemps, l’Église a voulu régner sur la société ; elle a voulu moraliser, enrégimenter, contrôler les consciences ; elle a culpabilisé, elle a engendré la peur en menaçant à tout va des peines de l’enfer.

Il suffit de penser aux noires perspectives développées par le jansénisme au XVIIe siècle, dont les séquelles culpabilisantes se font sentir encore aujourd’hui.

« La pastorale de la peur »

Ou à la crise moderniste au début du XXe siècle, avec ses condamnations si nombreuses des pensées innovantes, même parmi les théologiens.

C’était une tactique pastorale. Comme disait un curé, dans une campagne française : « Surtout, ne prêchez pas votre Dieu d’Amour, parce qu’ils n’y comprendront rien. Il faudra leur cuisiner un enfer, qui leur donne une trouille du diable pendant huit jours, et quand ils auront bien tremblé, alors la mission réussira. Si vous leur parlez d’amour, ils n’y comprendront rien. Le Bon Dieu, c’est autre chose ! Le Bon Dieu, il faut le craindre et c’est dans cette crainte qu’est le commencement de la sagesse ! » Tout cela a engendré ce que le grand historien Jean Delumeau a nommé « la pastorale de la peur ».

Mais c’est un mauvais chemin, car il ne change pas les cœurs. Il engendre le pharisaïsme, c’est-à-dire des pratiques extérieures pour faire bonne figure, lesquelles n’empêchent pas de subtils arrangements avec la liberté de commerce ou le respect des personnes. Et les grands chantres de la moralisation, des ecclésiastiques le plus souvent, n’ont pas échappé au pharisaïsme. Ils ont dit et n’ont pas fait, comme le montrent hélas les si nombreux scandales qui sont mis au jour en ce moment dans l’Église.

Des voix, surtout féminines, s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu

Heureusement, dans ces sombres perspectives où Dieu n’est vraiment pas présenté comme ami de l’homme, quelques voix s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu. Et ce sont surtout des voix féminines. On peut penser à sainte Marguerite-Marie Alacoque. En plein jansénisme, elle eut la mission – qui lui coûta mille épreuves – de promouvoir le culte du Sacré-Cœur de Jésus ; autrement dit de présenter Jésus-Christ qui, avec un  amour infini, donne sa vie pour que l’homme soit sauvé, pardonné, élevé vers la lumière.

On peut penser aussi à sainte Faustine Kowalska, qui, en pleine crise moderniste, reçut la mission de mettre en exergue la Divine Miséricorde. Et je ne saurais oublier, ici dans ce Carmel, la petite Thérèse, qui, avec un esprit d’enfance si frais a voulu se loger au cœur de l’Église, au cœur même de Dieu et devenir une chantre de l’Amour.

Oui, avec elles, il faut dire que « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père ». Pour le montrer, nous pouvons regarder les attitudes du Ressuscité.

Jésus-Christ, visage de la miséricorde du Père

Rencontrant Pierre, qui l’a renié, il ne lui fait pas de reproches. Une seule question, trois fois répétées : Pierre, m’aimes-tu ?. La relation entre Pierre et Jésus s’était fissurée. Jésus simplement l’invite à aimer à nouveau, à aimer plus, à aimer jusqu’au bout. Et Pierre, devant une si belle ouverture, consent.

Quand il apparaît aux apôtres, qui tous, peu ou prou, ont été lâches, Jésus ne leur fait pas de reproches. Il leur souhaite la paix ; mieux encore, il leur insuffle des énergies nouvelles, l’Esprit d’Amour qui leur permettra d’annoncer l’Évangile jusqu’au bout.

A Thomas, l’incrédule, Jésus ne fait pas de reproches non plus. Il va à la rencontre de son incrédulité et lui montre les traces glorieuses de sa passion. Et Thomas, se sentant rejoint jusqu’à la racine de l’être, émet alors l’un des plus beaux actes de foi qui soient : « mon Seigneur et mon Dieu ».

Une avance de générosité

L’attitude de Jésus, c’est donc de renouer une relation de paix et d’amour, alors qu’elle avait été mise à mal. C’est d’offrir le pardon et la réconciliation, en faisant le premier pas d’amitié, de paix, de compréhension. En faisant avance de générosité, selon cette expression que j’aime tellement. Avance de générosité.

Jésus ne moralise pas. Il n’a qu’un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Et encore, est-ce un commandement, puisqu’il s’agit d’amour. C’est plutôt une invitation, si puissante qu’il l’a payée au prix de sa vie : « comme je vous ai aimés jusque sur la Croix ».

Les Béatitudes : des directions de vie

En revanche, il indique des chemins pour accomplir le métier d’homme de la façon la plus lumineuse, la plus noble, la plus généreuse, la plus fraternelle. Ces chemins, nous les trouvons dans les Béatitudes, qui sont des directions de vie, pour monter toujours plus haut et pour aller toujours plus profond.

La vie, dès lors, n’est pas faite du respect d’innombrables règles qui vont engendrer le pharisaïsme. Elle devient une dynamique vers la lumière et vers l’amour, qui demande la conversion du cœur, et tout au fond une relation d’alliance avec le Dieu d’Amour, que cette relation soit explicite ou implicite.

Dans sa miséricorde, Jésus a donné sa vie pour la réconciliation et la paix ; dans les Béatitudes, il a ouvert les chemins vers la vraie grandeur de l’homme.

Et encore, il nous promet la miséricorde suprême, qui est la résurrection. Comme dit saint Pierre, « dans sa grande miséricorde, le Père nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure ».

N’est-ce pas une bonne nouvelle ? La vie est plus que la vie. Dieu nous relève chaque fois que nous tombons, et c’est déjà résurrection ; il nous élève vers les chemins de la générosité, et c’est encore résurrection. En nous, la résurrection est déjà commencée, si nous le voulons bien, et rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, comme dit saint Paul.
Dès lors, la miséricorde de Dieu permet de trouver un peu de lumière et de paix, même dans les chemins les plus noirs. Amen

Deuxième dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde
Lectures bibliques : Actes 2, 42-47 ; Psaume 117 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31

Homélie TV du 9 avril 2023 (Jn 20, 1-9)

Mgr Charles Morerod – Eglise St-Pierre, Fribourg

Nous célébrons la résurrection du Christ, notre Sauveur. Des spectateurs qui arrivent sur cette messe à la télévision se demandent peut-être en quoi cela peut les concerner, ou ce que ça change à la vie du monde (en d’autres termes : pourquoi un Sauveur ?). Récemment, un adolescent préparant sa confirmation à Genève m’a posé cette question : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? »

Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. L’une d’entre elles est notre désir de vie, et d’une vie dont l’aboutissement ultime ne soit pas la mort. Ce désir de vie inclut un désir de bonheur, lié à notre désir jamais assouvi d’amour et de connaissance. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour avoir ce désir, parce qu’il est inscrit dans nos cœurs. J’en prends comme témoin Aristote, qui a vécu avant le Christ. Dans son éthique, il montre que nos actions ne devraient pas être dispersées, parce qu’alors on s’épuiserait en avançant dans la vie. Il dit que ce qui unifie nos actions, c’est le désir d’un Bien ultime qui nous rendrait heureux. Il voit toutefois le problème : si on ne prend pas ce désir au sérieux on n’est pas suffisamment humain, mais il semble que l’atteindre soit plutôt divin qu’humain. Notre désir humain est infini, mais nous sommes limités, et mortels. Aristote peut poser un bon diagnostic, mais il n’a pas un remède suffisant.

Le désir du bonheur est un désir de Dieu

Le désir de bonheur qu’Aristote pointe du doigt dans la vie humaine trouve sa réponse dans une personne. C’est un désir de Dieu, auquel Dieu seul peut répondre. Dieu nous a créés avec ce désir en nous : il nous a faits pour que nous puissions être avec lui. Et comme Dieu n’agit pas en vain, il nous donne aussi le moyen d’assouvir ce désir infini. Dieu le Fils vient parmi nous, il se fait vraiment homme, jusqu’à la mort, et il ressuscite. C’est bien sûr ce que nous fêtons aujourd’hui.
La réponse divine est une personne, en l’occurrence une personne divine qui est aussi un homme. On ne comprend vraiment une personne qu’en étant en relation avec elle. Que nous suggérait le Vendredi Saint ? Si on aime Jésus c’est un événement horrible. Voir torturer une personne que l’on aime est abominable. Et ensuite on est en deuil. Ce défunt nous manque. Si on se réjouit de la résurrection, c’est d’abord à cause de Jésus, parce qu’on avait souffert de son absence. C’est ce lien avec Jésus que nous montrent les lectures de cette messe.

La joie de la résurrection d’une personne aimée

Pourquoi est-ce que Marie Madeleine va au tombeau : parce qu’elle souffre de la mort de Jésus, parce qu’elle l’aime. C’est aussi pour cette raison qu’après l’annonce par Marie Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait y courent aussi. Ils vont au tombeau parce qu’ils veulent trouver Jésus, et ils en repartent dans la joie de la résurrection d’une personne aimée.

Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit pourquoi nous tourner vers la vie éternelle : « Recherchez les réalités d’en haut » (Colossiens 3,1). S’agit-il d’un désir général de hauteur ou de bonheur ? Il précise tout de suite la cause : « C’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu » (Colossiens 3,1). Depuis sa rencontre avec le Christ, il veut être avec lui : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus » (Philippiens 3,12). C’est le programme de sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » (Philippiens 1,21).

Etre avec Jésus

Je reviens à la question du confirmand genevois : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? » Eh bien, être au Ciel, c’est être avec Dieu, et c’est ce qui nous rend heureux. Et on sait ce que cela veut dire, quand on connaît Jésus et qu’on est heureux d’être avec lui.
Être avec Jésus, dès maintenant, ça change la donne, et ça contribue à changer le monde. Si nous sommes ses disciples, nous l’imiterons. Le Fils de Dieu fait homme, lui sans qui rien de ce qui s’est fait ne s’est fait (cf. Jean 1,3), aurait eu tous les droits de se présenter comme le centre du monde. Eh bien il a tout rassemblé, mais en se donnant. Il ne nous prend pas, il se donne à nous. C’est une dynamique qui inverse la violence et l’injustice. Si chacun se met au centre, la violence est inévitable. Si, comme Jésus, on se tourne vers l’autre pour qu’il puisse vivre, la paix et la justice sont possibles. Être ses disciples est notre meilleur cadeau à un monde en recherche d’espérance.


La résurrection de Jésus a bouleversé les disciples parce qu’ils aimaient Jésus. Cette rencontre a changé leur vie, et la résurrection explique leur comportement. Je prends ici à témoin l’enquête de Pinchas Lapide, théologien juif allemand du XXe siècle. En tant que Juif, il se demande ce qui explique le changement de comportement d’autres Juifs, à savoir les disciples de Jésus. Il se pose la question parce que le comportement des disciples était dangereux pour eux, et que ce danger apparaissait bien dans la mort de Jésus : « Comment se fait-il que ses disciples, qui ne brillaient ni par leur intelligence, ni par leur éloquence, ni par leur force de foi, n’aient pu entamer leur marche victorieuse de conversion qu’après le fiasco fracassant du Golgotha – une marche qui a complètement occulté tous leurs succès d’avant Pâques ? (…) La réponse des apôtres a été brève et sans ambiguïté : la résurrection de Jésus d’entre les morts. »*

Le Christ ressuscité est celui qui a été crucifié : il prend au sérieux nos souffrances et nos inquiétudes, et nous ouvre les portes du bonheur que cherche tout être humain. Quelle joie d’être avec lui !


“How was it possible that his disciples, who by no means excelled in intelligence, eloquence, or strength of faith, were able to begin their victorious march of conversion only after the shattering fiasco on Golgotha — a march which put all their successes before Easter completely into the shadow? (…) [70] The answer of the apostles was brief and unambiguous: The resurrection of Jesus from the dead.”

Pinchas Lapide, The Resurrection of Jesus, A Jewish Perspective, Wipf and Stock Publishers, Eugene, OR, 2002, 69-70

Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du 9 avril 2023 (Jn 20, 1-9)

Abbé Bernard Allaz – Eglise Saint-Martin, Torny-le-Petit, FR


Oui, joyeuse et sainte fête de Pâque. Jésus est ressuscité, alléluia ! alléluia !
Il est vraiment ressuscité. Ayant la foi, ce ne peut être qu’un plus pour nous tous. Certitude que la vie vaut la peine d’être vécue. Que l’amour est éternel. En ce jour nous sommes portés par les chants de joie de notre chœur-mixte de Middes qui réunit plusieurs paroisses et par la vie de Saint Martin que nous révèle les vitraux de notre église de Torny-le-Petit. Que la joie éclate dans nos cœurs, non pour un moment mais pour l’éternité ! Mais voilà que le doute peut s’installer et nous devenons comme saint Thomas. N’oublions pas la béatitude que le Ressuscité nous a offerte : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 29)

Des événements qui nous invitent à reprendre vie

Pendant 10 ans j’ai eu la joie d’enseigner la religion au CO de Domdider. Lorsque la fête de Pâques approchait, j’avais posé cette question : « Est-ce qu’il vous est arrivé de ressusciter ? Que quelqu’un vous ait ressuscité ? » Prenons quelques minutes en silence pour se souvenir ! Bien entendu un ou deux élèves répondaient immédiatement : « mais je n’ai jamais été mort. » Puis d’autres réponses arrivaient. « Oui, j’étais triste. Un téléphone de mon amie qui a besoin de moi et vite je vais chez elle. – Le chant d’un petit oiseau venu sur le bord de ma fenêtre. – Oui mille et un petits évènements nous invitent à reprendre vie. Les autres nous redonnent goût à la vie. Oui, il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie à l’exemple du Christ ressuscité. Ayons une foi vivante et rayonnante.

Ainsi nous sommes conduits sur le chemin de l’espérance. Charles Péguy l’appel : « La petite fille espérance ! » Elle nous offre comme un petit enfant son beau sourire. Elle est présente sur le chemin de notre vie. Elle nous invite à relever la tête et comme quand saint Martin a croisé le regard du mendiant, le regard de Jésus présent en l’autre et à être généreux par un moment de partage, par un sourire et pourquoi pas un geste concret de solidarité. Alors nous donnons vie et nous apportons la joie de Pâques à tous ceux qui nous entourent.

Se laisser rejoindre par le Christ sur notre chemin d’Emmaüs

Oui, il n’y pas de foi et d’espérance en la résurrection sans la charité, sans l’amour vrai du prochain. Saint Martin a eu sa vie bouleversée en partageant son manteau et il nous offre chaque année par sa fête l’été de la Saint-Martin, un jour plus chaud et dans le Jura un temps de rassemblement des familles et du partage, comme lors de notre bénichon. N’ayons pas peur ! Ne nous laissons pas envahir par les mauvaises nouvelles soyons créateurs d’amour. Venez contempler les vitraux de notre église. Laissez-vous émerveiller par les chants de notre chœur-mixte qui désirait vous offrir cette messe. N’oublions pas, si nous avons des doutes, de nous laisser rejoindre par le Christ sur notre chemin d’Emmaüs. Avez-vous chez vous la table de l’auberge ? Oui, bien sûr, c’est votre table de cuisine, là où chaque jour vous partagez le repas. Que votre joie se communique, que votre peine soit partagée et qu’un regard d’espérance vous conduise à donner votre vie, en aimant de tout votre cœur.
Vous avez peut-être un grand chagrin. Un proche est entré récemment dans la vie éternelle. Où est-il ? Il est avec la Petite Thérèse de l’Enfant Jésus et avec elle, il vous comble d’une pluie d’amour et saint Martin vous invite à vivre et à apporter de l’aide à vos proches et à être actif là où vous vivez.

Avec Maurice Zundel souvenons-nous : « La Résurrection du Seigneur, condition de la nôtre, qui se situe dans l’expérience de la transfiguration de notre chair pour la glorification de notre corps. Le sens de la Résurrection est donc de faire de notre vie une réalité divine. Il s’agit de ne point mourir, et de triompher de la mort aujourd’hui. »

Oui soyons des ressuscités ! Que la foi, l’espérance et la charité animent toute notre vie aujourd’hui et toujours. Amen, alléluia !

Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du 7 avril 2023 (Jn 18,1-19,42)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,
Si je lis le prophète Isaïe qui dit : “Qui donc s’est inquiété de son sort ?”, cela me fait froid dans le dos. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui encore, je pense que l’on pourrait dire, mais au présent cette fois-ci : Qui donc s’inquiète de son sort ? Oui, Dieu existe, oui Jésus a dû être un prophète ou en tout cas un homme qui a fait du bien durant sa vie. Oui on arrive même à dire qu’il a été martyrisé par les Romains sur insistance de ses contemporains. C’est vrai, on sait des choses sur Jésus. Mais le Jésus des images que l’on s’en fait, est-il le vrai Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même ? Est-ce que notre époque s’inquiète suffisamment de Jésus, de son œuvre et de sa présence au monde ? Car en effet, si la lumière de Noël annonça la royauté pour les nations, les ténèbres du Vendredi Saint révélèrent la parfaite expression du salut pour la création.

Pourquoi Jésus est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ?

L’Enfant Jésus de l’Incarnation est le Dieu Sauveur de la Rédemption. Et ces notions échappent à toute représentation qui pourrait être faite de Jésus, parce qu’on est dans la sphère du mystère. Mystère de l’Incarnation, tout en voyant un réel bébé naître dans l’étable de Bethléem, c’est vrai, et mystère de la Rédemption, dans la contemplation de la réalité d’un homme crucifié sur la croix du Calvaire. Mais quelle mission allait-il accomplir ? Pourquoi est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ? Là est la question fondamentale qui se résout dans la méditation de la mort et de la résurrection du Christ.

Jésus est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde

Isaïe nous a présenté celui qu’il appelle le Serviteur Souffrant, dans sa prophétie du Jésus aux outrages qui, en croix, réalise l’espérance d’Israël, son peuple, et qui est finalement celle de toute l’humanité. Sur la croix Jésus remet sa vie en sacrifice de réparation, il est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde et devenant, pour tous ceux qui croient et croiront en lui, “pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel”. Ainsi dit alors Isaïe : “Mon serviteur réussira, il s’élèvera, il sera exalté”. Dans ces trois mots du prophète nous trouvons la merveilleuse description fidèle et détaillée, du ministère, du caractère, et de la Gloire du Messie. Il réussira, dans le sens hébraïque de ‘il sera attaché et ligoté’, comme l’animal qui va être sacrifié et que l’on pourra voir ; ainsi sera-t-il élevé sur le bois du sacrifice, l’ignominieuse croix du supplice, et en même temps trône de sa gloire, d’où il sera exalté en sa résurrection.

La force du don que Jésus fait de sa vie pour nous délivrer du Mal et nous ouvrir la voie de la vraie Vie, fut donc de passer par la douleur et la souffrance, (“ses blessures par lesquelles nous sommes guéris”), “faisant retomber sur lui nos fautes à nous tous”, dit encore le prophète. Son sort fut donc de nous justifier, lui qui était “compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs”, nous dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux. Oui, Notre Seigneur a accepté notre condition humaine, excepté le péché, pour l’anéantir, et dès lors nous former à sa ressemblance pour l’éternité.

Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52,13-53,12 ; Psaume 30 ; Hébreux 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jean 18,1-19,42

Homélie du 2 avril 2023 (Mt 26, 14 – 27, 66)

Abbé Jean-Claude Dunand – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland VD

Nous voici entrés, ensemble, dans la Semaine sainte. Une semaine pour nous souvenir des derniers moments de la vie de Jésus. Sept jours pour suivre le Christ depuis son entrée triomphale à Jérusalem jusqu’à sa résurrection, en passant par son dernier repas avec ses amis durant lequel il leur lava les pieds, puis son arrestation, son procès, sa crucifixion et sa mort sur la croix. Toute une semaine pour nous rappeler ces événements si importants qui nourrissent notre foi et qui ont marqués l’histoire de l’humanité.

La dernière semaine de Jésus commence avec son entrée triomphale dans la ville de Jérusalem. Il ne se présente pas comme quelqu’un de puissant, comme une star mondialement connue. Il est humblement assis sur un petit âne. La foule l’acclame comme le Messie : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » La ville, elle, s’interroge : « Qui est cet homme ? » La foule répond : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Prendre un rameau en main, c’est affirmer que la fête d’aujourd’hui n’est pas qu’un souvenir. Un rameau, c’est bien plus qu’un objet de piété qui nous apporterait protection et bénédiction. Rapporter un rameau à la maison, c’est inviter Jésus chez soi, c’est lui ouvrir la porte de son cœur, c’est le reconnaître comme le Sauveur, le ressuscité. Il demeure au milieu de nous. Tenir un rameau dans nos mains, c’est aussi reconnaître le serviteur souffrant Jésus, annoncé par le prophète Isaïe, déjà très tôt !

Jésus n’a pas triché avec la condition humaine

Jésus ne s’est pas dérobé devant la condamnation à mort. Il a accepté de donner son sang sur la croix pour toute l’humanité, il nous révèle ainsi la grandeur de l’amour de Dieu. Il a connu une mort atroce. Crucifier Dieu, admettons-le, c’est impensable.
Et quand Jésus crie : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? », son Père reste silencieux. Des passants l’injuriaient en disant « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
Et aujourd’hui combien disent : « si Dieu existait vraiment, il n’y aurait pas tant de malheur et de souffrance ».
Jésus n’a pas triché avec la condition humaine. Depuis sa naissance, il a voulu vivre pleinement la vie humaine jusque dans ses plus grandes difficultés et souffrances. Nous ne croyons pas en Dieu pour expliquer le mal, mais pour le combattre avec lui. En traversant la mort, et non en l’évitant, Jésus nous donne la VIE.

Saint Paul nous a dit dans la 2e lecture « C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom ». Le Père a exaucé la prière de son Fils : il l’a ressuscité. Tenir un rameau en main, c’est affirmer cette espérance. C’est aussi marcher avec le Christ sur le chemin de l’amour. C’est garder confiance en Dieu dans les moments difficiles. Chez soi, mettons un rameau bien en vue et rappelons-nous jusqu’où est allé l’amour de Dieu pour nous.
Osons-le dire. Bonne Semaine sainte !



Messe des Rameaux et de la Passion
Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Psaume 21; Philippiens 2, 6-11; Matthieu 26, 14 – 27, 66 (Procession des Rameaux : Matthieu 21, 1-11)