Homélie du 27 avril 2025 (Jn 20, 19-31)

Bernard Litzler, diacre, Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Mes amis,

Il y a un avant et un après dans l’Evangile d’aujourd’hui. Avant, c’était la mort de Jésus. Ses disciples, amers, sont là, à Jérusalem, découragés. L’aventure avec leur Maître semble terminée. Trois ans avec lui, et rien n’a changé. Ils sont enfermés, les portes verrouillées.
Soudain, le Christ vient et leur crainte se transforme en joie. Il leur a dit : « La paix soit avec vous » et leur a insufflé l’Esprit saint. Avant, ils étaient abattus, prostrés. Après, ils sont transformés. A tel point qu’ils veulent en témoigner à Thomas, l’absent du premier jour.

Il y a un avant et un après

Thomas, lui aussi, va expérimenter cet avant et cet après. Tout à son indépendance d’esprit, sans peur, il n’est pas avec ses amis. Et il ne les croit pas. Si peu pour lui… Alors il pose ses conditions : « Je ne croirai que si je mets mes doigts dans ses plaies, si je mets ma main dans son côté ».

Après, il tombe, saisi de l’intérieur : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». C’est un dévoilement, une révélation. Ses conditions semblent dépassées : Jésus l’a interpelé : « Avance ton doigt, mets ta main dans mon côté ». Avant, Thomas était dans le doute, la négation même. Après, il est conquis, retourné : les paroles du Christ l’ont fait passer de l’incrédulité à la foi.

Thomas est notre jumeau

C’est bien pour cela que Thomas est notre jumeau. Comme nous, il est pétri de la pâte du doute. Mais Jésus lui a fendu l’âme. Les inconstances de Thomas, il va les dissiper d’un coup.

L’avant et l’après concerne aussi Jésus lui-même. Avant, c’était l’homme sanglant, suspendu à une croix, puis mis au tombeau. Après, c’est l’homme vivant. Il ne va pas d’abord, en les voyant, reprocher aux disciples de l’avoir abandonné, au Jardin des Oliviers. « La paix soit avec vous… » : le Christ ressuscité n’est plus comme avant.

Il offre son pardon à ses amis. Et ce pardon est pour nous, aussi : car le sacrement de réconciliation donne la force d’avancer. « A chaque pardon, disait le pape François, nous sommes ragaillardis, encouragés, car nous nous sentons à chaque fois plus aimés, davantage embrassés par le Père. Et quand, aimés, nous retombons, nous éprouvons davantage de souffrance qu’avant. C’est une souffrance bénéfique qui lentement nous éloigne du péché. Nous découvrons alors que la force de la vie, c’est de recevoir le pardon de Dieu et d’aller de l’avant, de pardon en pardon. (…) C’est cela la vie chrétienne ! »

Croire sans le voir, c’est adhérer avec le cœur

Alors, mes amis, sommes-nous des hommes d’avant ou des hommes d’après la Résurrection ? « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », dit le Seigneur. C’est nous, là. Croire sans le voir, c’est adhérer avec le cœur. C’est faire acte d’humilité : « Seigneur, je crois, mais viens en aide à mon peu de foi ».

Avant et après, c’est aussi l’expérience de l’évangéliste Jean. Il a vécu, à l’instar de Thomas, un dévoilement sur l’île de Patmos. Et il le relate dans l’Apocalypse, il a « été saisi en esprit ». Un être vêtu d’une longue tunique s’est révélé à lui : « J’étais mort et me voilà vivant pour les siècles des siècles ». Dévoilement inattendu pour l’Apôtre, communion intense.
Cette expérience inoubliable constituera le dernier livre de la Bible. Livre qui s’achève par ces mots du Christ : « Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap. 22, 17).

Oui, le Seigneur transforme nos regards, insuffle une dynamique nouvelle dans nos relations, dans nos perceptions si humaines, si imparfaites. Lorsque nous sommes, comme les disciples, enfermés dans nos peurs, murés dans nos certitudes, il passe… Les traces de la divine miséricorde, nous les expérimentons, tous.

L’Église de l’après-François, c’est l’affaire de tous

L’avant et l’après, c’est aussi celui de l’Église, aujourd’hui. Le décès du pape François l’oblige à choisir un nouveau pasteur. Il y a l’avant, les 12 ans de François, et il y aura un après. Ce processus, mes amis, nous engage : l’élection d’un pape, c’est l’affaire de tout le peuple de Dieu.
135 cardinaux vont voter, mais la prière reste l’élément essentiel de ce choix. Et nous, en étant co-responsables de l’Evangile, nous y sommes invités, en toute fraternité. Car l’Église de l’après-François, c’est l’affaire de tous.

L’Evangile de Jean nous y convie : « Pour qu’en croyant », nous ayons « la vie en son nom ». Le nom de Jésus, mes amis ! Le message du salut est pour tout homme : et c’est la mission de l’Église.
Amen.

2e dimanche de Pâques, Dimanche de la Divine Miséricorde
Lectures bibliques : Actes 5, 12-16 ; Psaume 117; Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jean 20, 19-31

Homélie TV de Pâques, 20 avril 2025 (Jn 20, 1-9)

Abbé Marc Donzé, église Saint-Clément, Bex, VD

Le tombeau est ouvert. Vers quoi ? Vers quel à-venir ?
La pierre a été enlevée. Par qui ? Ne serait-ce pas par la puissance de la vie ? Le tombeau est vide. Les linges sont pliés, bien rangés.
Impression de calme, de paix. Impression de départ pour un nouveau voyage. O mort, où est ta victoire ?, s’exclamait saint Paul. La mort est passée, elle s’est absentée.

Le tombeau est ouvert. S’il est tourné vers l’Orient, à l’aube du matin de Pâques, il se peut qu’un rayon du soleil levant y pénètre. Les larmes cèdent la place à la lumière.

La vie prend un chemin nouveau

Le tombeau est ouvert. Nouveauté inouïe, et pourtant silencieuse et discrète. Mais elle suffit au disciple que Jésus aimait. « Il vit et il crut ». Il ne voit rien d’autre que cet espace vide, ordonné, nimbé d’une lumière nouvelle. Mais, du fond du cœur, il comprend que la mort s’en est allée et que la vie prend un chemin nouveau, un chemin de résurrection, un chemin de transfiguration.

La vie est ouverte à nouveau. Elle va susciter des énergies nouvelles. Pierre, qui court moins vite, le comprend lui aussi. Il trouvera la simplicité de dire à Jésus : « tu sais bien que je t’aime », alors que trois jours auparavant, il l’avait renié ; il trouvera le courage d’aller annoncer la Résurrection du Christ jusqu’à Rome, au péril de sa vie.

Marie devient « l’apôtre des apôtres »

Et Marie-Madeleine ? Au début, elle s’affole : comment est-il possible que le tombeau soit ouvert et vide ? Mais, un peu plus tard, elle entend la voix de celui qu’elle prend encore pour le jardinier, la voix douce et amie, qui, avec un ton d’une inexprimable tendresse, l’appelle : « Marie ». Quel moment bouleversant : la vie nouvelle est aussi communication de paix et d’amour. Mais ce moment de bonheur suspendu n’est pas fait pour que l’on s’y arrête. Il comprend une dynamique : ne reste pas immobile, Marie, dans un attachement où tu te complairais. Va annoncer la bonne nouvelle de la vie, non pas seulement avec des paroles, mais surtout dans le rayonnement du bonheur, de la paix, de l’amour, de la tendresse même. Et Marie-Madeleine se met en chemin et devient « l’apôtre des apôtres ». Mais elle n’est pas séparée de Jésus pour autant, il reste présent au cœur de son cœur.

Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite

A ce propos, Maurice Zundel écrit : « Jésus ressuscité entre dans la gloire de son Père. Il remonte vers le Père, comme il le dit à Marie-Madeleine. Il remonte vers le Père pour nous communiquer cette gloire qu’il avait, avant que le monde fût. Et quelle est cette gloire qui va transfigurer notre vie et lui donner une valeur incomparable ? Cette gloire, c’est l’Esprit Saint qu’il va répandre dans nos cœurs. Cette gloire, c’est la présence de Dieu, son habitation au plus intime de nous. Voilà que le ciel vient en nous, et que Dieu nous habite, que notre vie est identifiée avec la sienne : « le ciel, dit le pape saint Grégoire, c’est l’âme du juste ».

Oui, le tombeau est ouvert et vide. Alors, la présence du Christ devient différente. (A l’exception de quelques apparitions), il n’est plus à chercher dans un lieu géographique, ni sur le flanc du mont des Oliviers, ni sur le mont Thabor, ni ailleurs. Sa présence devient universelle et personnelle. Pour toute personne qui consent à l’accueillir, il habite au plus intime du cœur. Jean, le disciple que Jésus aimait, l’avait compris : il avait écouté le cœur de Jésus, en reposant sa tête sur le côté de son ami, et il en avait gardé la trace pour toujours. Et Marie-Madeleine elle aussi l’avait compris, sinon elle n’aurait pas eu le courage de prendre la route qui l’éloignait du jardin du matin de Pâques.

Et nous, qui sommes ressuscités avec le Christ, déjà maintenant, comme nous le confirme saint Paul, ne pourrions-nous pas avoir le cœur ouvert, habité par la vie et la tendresse du Christ et rempli d’un dynamisme de lumière ? Alors, nous ne serions jamais seuls. Et même si à certains jours nous pouvons être traversés de découragement, de tristesse ou de sentiment d’abandon, nous ne serions pas seuls, car le Christ ressuscité ne nous abandonne pas.

Cette présence du Christ au plus intime de notre être faisait jubiler saint Augustin : « Vivante sera ma vie toute pleine de Toi », écrit-il. C’est comme un chant qui déborde de son cœur. Il le vit comme un immense cadeau qui embellit et dynamise toute l’existence.

« Toute grâce est une mission »

Oui, c’est un immense cadeau. « Une grâce », comme on dit dans le langage habituel. Mais le cadeau comporte une invitation : « toute grâce est une mission ». Marie-Madeleine l’avait compris, qui courut annoncer la nouvelle. Et Jean aussi, qui proclama l’Amour jusque dans son exil sur l’île de Patmos. Et Pierre également, qui, malgré ses peurs, se laissa guider jusque sur les rivages de l’Italie.

C’est donc une mission pour nous aussi. Elle peut être très simple : vivre dans cette présence du Seigneur ressuscité. Et de cette vie émane un rayonnement, dont nous n’avons pas à nous soucier, mais qui peut parler au cœur de ceux que nous rencontrons. Comme l’écrit encore Maurice Zundel : « c’est cela qui nous remplit de joie en voyant le Christ ressuscité et remonté vers son Père (…). Car, dès cet instant, chacun d’entre nous peut alors entrer dans une grandeur infinie et recevoir une mission universelle. Dès lors, même la vie la plus humble, la plus cachée, peut rayonner sur le monde entier et lui apporter la vie éternelle ».

Alors, le tombeau ouvert, n’est-ce pas une vision vers l’avenir ? Une nouvelle joyeuse et vivifiante, comme l’a compris saint Jean d’un seul regard. Nous aussi, nous pouvons souhaiter, selon les mots de frère Roger de Taizé, que le Christ vienne animer au plus intime de nous la fête de la Résurrection. Alléluia. Amen.

Messe de la Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie de Pâques 20 avril 2025 (Jn 20, 1-9)

Abbé Thierry Fouet, Eglise Sainte-Thérèse, Genève

Matin de Pâques : rendez-vous au tombeau, il est vide, et jamais vide n’a été aussi plein. « On a enlevé le seigneur » dit Madeleine. Et jamais absence n’aura été autant présence.
L’Eglise du matin de Pâques, c’est d’abord ce petit groupe de femmes qui, parties de grand matin, pour voir un sépulcre et embaumer un cadavre, découvrent soudain qu’elles n’ont plus à chercher parmi les morts celui qui est vivant…. Et s’en retournent à toute vitesse porter la joyeuse nouvelle aux disciples
.

Premières à chercher Jésus après la tragédie du Golgotha, premières à le rencontrer vivant, premières à entendre la parole de paix et l’envoi en mission : ces femmes Apôtres ELLES FORMENT LA PREMIERE COMMUNAUTE PASCALE.
L’Eglise du matin de Pâques, c’est cette pécheresse pardonnée qui pleure au bord d’un tombeau vide parce que quelqu’un, croit-elle, a enlevé le corps crucifié de son bien-aimé Seigneur.

La course des survivants

A l’immobilité apparemment définitive du Christ dans la tombe s’oppose la course des survivants, après Marie-Madeleine, il y a Pierre et Jean. Oui Pierre et Jean à leur tour se mettent à courir. Le plus jeune, Jean, s’efface devant l’ancien : Pierre. Que voit Pierre ? le linge roulé. Sans doute ne comprend-t-il pas ce qui se passe. L’autre disciple, Jean, voit le linge roulé mais pour lui c’est comme si se déroulait le rouleau de l’Ecriture qui annonce que Jésus devait ressusciter. Tout s’éclaire alors. Le jour est levé. Jésus s’est relevé d’entre les morts.

L’Eglise du matin de Pâques, c’est ce groupe d’hommes encore divisés, presque tous sceptiques devant les paroles des femmes : comment pourraient-ils- croire ? Non seulement Celui qu’ils ont suivi est mort mais surtout il est mort désavoué, désavoué par le peuple, par les représentants de Dieu et, en apparence, par Dieu lui-même, les disciples pensent qu’ils se sont trompés sur Jésus.
Depuis le début de la scène, on court beaucoup, on s’agite beaucoup, Dieu vient déranger l’ordre immuable de la mort, il vient arracher comme un voleur, le mort à sa honte. Il vient nous voler notre mort.
DIEU SE FAIT LE PERTURBATEUR DE TOUTES NOS CERTITUDES DONT LA PRINCIPALE :
NOUS SOMMES MORTELS. MAIS LA RESURRECTION NOUS ENLEVE A LA MORT DEFINITIVE.
C’est le Passage, c’est la Pâque.

L’assurance émerge peu à peu du doute

Eglise du matin de Pâques, j’aime tes premiers pas, si timides, si maladroits, combien cela est rassurant pour nous., à l’image du papillon si fragile qui sort de son cocon.
Il faut attendre le vent de la Pentecôte pour prendre ton envol.
En ces premières heures de la semaine pascale nous voyons que l’assurance de cette communauté émerge à peine du doute, sa paix émerge à peine de l’angoisse, et sa joie des larmes, mais c’est déjà l’Eglise de Jésus-Christ ressuscité.

Le croyant essaie sa foi sur tous les terrains

Aussi, je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois autour de moi des hommes et des femmes qui se lèvent encore pour refuser la fatalité de l’injustice, de la violence et de l’égoïsme.
Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois des peuples humiliés se redresser et s’opposer aux forces du mensonge et de la haine.

Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je vois des communautés chrétiennes, anciennes et nouvelles, inventer des nouvelles manières, des nouveaux lieux où chacun est accueilli, aimé, pardonné, écouté.
Je crois d’autant plus en la Résurrection du Christ quand je rencontre des frères et des sœurs visiblement « habités » qui suscitent, qui RE-suscitent tous ceux qui les approchent.
Des mots ? Oui tant que je n’essaie pas ce que la foi rend possible. Le croyant est celui qui essaie sa foi sur tous les terrains. A propos de terrain….
En ce jour de Pâques il est une tradition que j’aime particulièrement et qui a marqué d’émerveillement ma vie de petit garçon. En ce matin particulier, les œufs de Pâques ont été dispersés dans le jardin par une Grand-Mère experte qui sait depuis des années où elle peut les cacher au plus proche, au plus secret.
Dimanche en fin de matinée, tout une bande d’enfants envahit la pelouse. Philippe se précipite sur une des cachettes de l’an passé. Mais cette fois il n’y a rien et il revient tout triste le dire à sa grand-mère. Deux cousines, plus petites, se mettent en quête à leur tour. Nadine trotte en tête ; Annie, de peu son ainée, suit avec prudence.
Sur place elle fouille le feuillage avec méthode. Mais Nadine repart en avant, comprenant qu’il faut chercher plus loin.

Il en va du chemin de la foi comme de la course des petites cousines. Qui croit savoir doit apprendre qu’il ne sait pas et qu’il peut en être tout autrement. Qui s’entête dans sa recherche peut se perdre dans des bandelettes de détails. Mais qui a le cœur assez vif sait ouvrir les yeux et comprendre que le trésor est ailleurs.

Jésus Vivant est toujours présent. Il est un cadeau à découvrir aujourd’hui et c’est sans doute pour cela qu’on appelle ce cadeau « aujourd’hui » : PRESENT.
C’était le premier jour de la semaine. Rien ne semblait avoir changé : les chants des oiseaux, les bourgeons des arbres… tout aurait été comme d’habitude si, dans le silence de la nuit, Dieu n’avait pas fracturé le tombeau.
Ni caméra, ni micro, ni mise en scène, juste un linceul resté là comme un clin d’œil. Nous sommes loin d’un spectacle. DEPUIS CETTE NUIT, LA VIE ETERNELLE EXISTE POUR DE VRAI.

Messe de la Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du Vendredi Saint 18 avril 2025 (Jn 18. 1-19,42)

Abbé Thierry Fouet, Eglise Sainte-Thérèse, Genève

Nous entendons la Passion du Christ, et peut-être la regardons-nous de loin, de très loin… comme si il y avait une partie de nous-même qui se distancie, ou qui refuse Dieu, et toute cette souffrance. Or il y a quelque chose en nous qui crucifie l’Amour. La croix nous montre l’ampleur du drame, celui de refuser l’Amour.

Dieu n’est pas le Dieu de la souffrance et de la mort, c’est aussi un scandale pour lui (éloigne de moi cette coupe…) Jésus n’est pas venu pour souffrir mais pour nous aimer et nous sauver de tous nos refus, de toutes nos croix en nous aimant.

Le drame de l’amour rejeté


Et c’est librement que Jésus s’est donné pour nous, gratuitement. Ce n’est donc pas un sacrifice de réparation, pour calmer la colère d’un Dieu qui aurait exigé la mort de son fils pour sauver l’homme. C’est un drame bien plus grand : l’amour rejeté. Le Père n’a pas dressé la croix sur la route de son Fils, c’est bien l’homme qui l’a fait.
Et c’est bien l’homme qui continue de le faire aujourd’hui. Combien de fois ais-je entendu : « Le pardon ? moi, je n’ai pas tué, je n’ai pas volé… »

Mais lorsque la couleur de nos peaux est une barrière, lorsque nos langues ou nos coutumes deviennent autant d’obstacles entre les hommes, Jésus est crucifié sur le bois de la différence.

Lorsque nos familles se déchirent, lorsque la séparation nous blesse, lorsque la tendresse et l’amour s’effacent, Jésus est crucifié sur le bois du ressentiment.

Lorsque nous rabaissons un collègue ou une connaissance, lorsque nous ne nous respectons pas nous-mêmes, avec nos qualités et nos faiblesses, Jésus est crucifié sur le bois de l’humiliation.

Lorsque notre regard s’arrête aux apparences, lorsque notre cœur refuse la rencontre à cause de préjugés en voyant des gens prier autrement que nous ou avec d’autres mots, Jésus est crucifié sur le bois de l’intolérance.

Lorsque nos mots se font agression plutôt qu’amour, lorsque l’ami oublie ses promesses, lorsque la confiance est trompée, Jésus est crucifié sur le bois de la trahison.

Lorsque nous cachons la vérité afin d’en tirer profit, lorsque nos tromperies provoquent peine et souffrance, Jésus est crucifié sur le bois du mensonge.

Lorsque nous ne voyons que notre intérêt et notre bien-être, fermant nos yeux aux besoins des autres, oubliant jusqu’à leur existence, Jésus est crucifié sur le bois de l’égoïsme.

Lorsque nos paroles blessent l’autre au plus profond de son être, lorsque nous négligeons l’humain dans toute sa fragilité et sa sensibilité, Jésus est crucifié sur le bois de la cruauté.

Lorsque notre vie part à la dérive, que nos espoirs s’effritent, lorsque notre esprit rejette l’aide de Dieu, Jésus est crucifié sur le bois de la détresse.

Lorsque nous nous dérobons devant un appel au secours, lorsque nous fermons nos yeux pour ne pas voir la détresse humaine, lorsque la solidarité fait défaut, Jésus est crucifié sur le bois de la lâcheté. Et bien d’autres exemples encore….

L’amour seul peut nous faire entrevoir la signification de la croix


Or le disciple du Christ qui veut suivre ses traces, afin que l’Amour triomphe, va nécessairement rencontrer la même hostilité, la même haine. 350 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde aujourd’hui. Le serviteur n’est pas plus grand que le Maître…
Seul l’Amour peut nous faire entrevoir la signification de la croix. Aimer l’autre en tant qu’autre (Aristote), si j’aime vraiment un ami, un époux, un frère, je vais apprendre à l’aimer tel qu’il est, même avec ses limites.

Alors ce bois de la croix, je le reconnais, Seigneur. C’est le bois dont sont faits mes refus, mes étroitesses, mes manques d’amour. Viens Seigneur, viens prendre le bois de toutes nos croix, n’oublie aucune d’elles, n’oublie aucun de ceux qui souffrent, n’oublie aucune écharde, si petite soit-elle car tu es le Seigneur de la Vie et tu viens nous donner la Vie éternelle pour de vrai.

Jésus, sur la croix tu as dit : « j’ai soif », c’est le cri d’un torturé implorant un peu de pitié. C’est surtout, chez toi, la soif de voir les hommes répondre à ton amour. Tu as soif de mon amour Jésus !
Tu as soif de partager ton Amour avec tous ! donne-nous d’entendre cet appel et d’y répondre. Amen.

Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52, 13-53, 12; Psaume 30; Hébreux 4, 14-16; 5, 7-9; Jean 18, 1 -19, 42