Homélie du 2 octobre 2022 (Lc 17, 5-10)

Chne Alexandre Ineichen basilique de l’Abbaye de St-Maurice (VS)

Le silence dérange. Le silence met mal à l’aise. Le silence est parfois assourdissant, même à la radio. Souvent dans l’Évangile, voire même dans de nombreux passages des Écritures, Jésus, Dieu, ne répond pas à la question posée.

« Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas. » Il est comme un élève qui n’aurait pas appris sa leçon et qui reste bouche bée à la question du maître, ou mieux afin de cacher son ignorance ou sa faiblesse y répond, non à la question, mais avec un bavardage, que l’on pourrait croire inutile.

La foi est la plus petite de toutes les graines!

A la question légitime des Apôtres: « Augmente en nous la foi! », Jésus compare la foi à une graine de moutarde dont il dit ailleurs qu’elle est la plus petite de toutes les graines, mais qu’elle est suffisamment puissante pour déraciner un arbre et le planter dans la mer, loin de son milieu naturel. Ne manquons pas d’essayer de comprendre la réponse de Jésus, réponse qui semble ne pas nous satisfaire et faire croire que Jésus n’est qu’un mauvais élève, ignorant la réponse, trop faible pour agir, pour nous donner ce qu’on demande à grand cri.

Cette graine de moutarde, cette foi que Dieu a inscrite en chacun de nous, certes elle est toute petite et il n’en sèmera pas d’autre dans la terre féconde qu’est notre cœur, cette graine de moutarde, c’est à nous de la faire fructifier. « Fils bien-aimé, je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu. (…) Tu es le dépositaire de l’Évangile. » Alors ne manquons pas de retourner labourer la terre ou de garder les bêtes. Alors la foi que nous avons reçue, chacun d’entre nous, pourra s’exprimer, se manifester, fructifier.

Le silence de Jésus est une réponse

Jésus ne répond pas tout de suite à la question posée, c’est vrai, mais son silence, sa réponse ne veut ici qu’être l’espace et le temps où nous, grâce à cette petite graine de moutarde, pouvons accomplir ce que nous sommes en acte et en vérité. Si le silence apparent de Jésus nous a dérangés, nous savons que nous avons au fond du cœur l’essentiel pour lui répondre.

Bien sûr, Dieu répond en partie à nos légitimes questions car nous croyons en sa manifestation, nous croyons que le Père a envoyé son Fils dans le monde afin que le monde croit et puisse participer dans l’Esprit à la vie même de Dieu. Les prophètes ne disent rien d’autre. « Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé. »

Pourtant, nous nous impatientons, nous aimerions bien que le Maître nous dise: « Viens vite à table! » Mais le bruit du monde, les affaires du siècle nous retiennent et nous obligent à garder la tenue de service. Mieux nous préférons parfois nos affaires à celles de Dieu, nous aimons mieux être assourdi pour être sourd aux demandes du Maître, nous abandonnons la tenue de service car nous pensons que Dieu nous doit un repos bien mérité.

Le silence nous astreint à écouter vraiment la musique divine

Cependant, le silence nous recentre et nous astreint à écouter vraiment la musique divine, la mélodie discrète de l’authentique bonheur, l’harmonie d’une vie non seulement extérieure, mais aussi intérieure. Nous sommes mal à l’aise avec nous-même, avec Dieu, mais le silence peut nous aider à nous rappeler vers qui nous sommes appelés, à qui nous devons de rendre grâce, d’être reconnaissant à Dieu, non pas parce qu’il nous invite tout de suite aux noces, mais parce qu’il nous donne l’occasion d’écouter notre cœur, là même où fructifie la graine de moutarde déposée par Dieu.

Enfin, même si nous avons découvert en nous l’image de Dieu, si nous avons essayé tant bien que mal d’illustrer par notre vie, notre vie de tous les jours, les enseignements solides que nous avons reçus, il n’en reste pas moins que le silence de Dieu est toujours aussi bruyant. Nos questions sont toujours aussi lancinantes. « Devant moi, pillage et violence; dispute et discorde se déchaînent. »

Serviteurs inutiles, nous sommes associés à l’œuvre de Dieu

Devant le spectacle du monde, aux bruits qui nous assaillent, nous avons raison d’être troublés, de ne savoir que faire. Mais Dieu dans son infinie grandeur, non pour nous écraser, poursuit son explication, n’arrête pas de nous appeler, de nous parler. Il nous rappelle alors que nous ne sommes que des serviteurs inutiles, que nous n’avons fait que notre devoir.

Nous pourrions nous désespérer de notre situation, du tragique humain et de cette réponse. Au contraire, en nous rappelant que nous ne sommes que des serviteurs inutiles et que nous n’avons fait que notre devoir, Jésus nous dit combien Dieu dans son infinie miséricorde veut nous associer à son œuvre.

Son silence n’est pas assourdissant, n’est pas là pour nous écraser. Au contraire, il veut, nous qui ne sommes que des serviteurs inutiles, nous faire participer à sa vie même, à la vie même du Maître tout puissant. La petite graine de moutarde fructifiera jusqu’à l’infini. C’est notre destin, c’est à cela que nous sommes tous appelés, c’est cela notre vocation.

27e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Habacuc 1, 2-3 – 2, 2-4 ; Psaume 94 ; 2 Timothée 1, 6-8.13-14 ;
Luc 17, 5-10

Homélie du 25 septembre 2022 (Mt 19, 27-29)

Mgr Charles Morerod église Saint-Joseph, Lausanne
Fête de saint Nicolas de Flüe

Connaissez-vous tous bien saint Nicolas de Flüe? Je vais vous faire quelques citations. Que dire de lui? Comme nous n’avons entendu dans l’introduction de cette messe, c’est quelqu’un qui a rendu un service à la Suisse. Alors nous allons voir comment! Si le texte de l’Évangile que nous avons entendu a été choisi pour la fête de saint Nicolas de Flüe, c’est parce qu’il a vraiment tout quitté à cause du nom de Jésus: maison, frères, sœurs, épouse, enfants. C’est un peu particulier comme vocation: je ne dis pas que tout le monde doit faire exactement ce qu’il a fait… À savoir: quitter sa femme et ses enfants. Mais pourquoi et comment l’a-t-il fait?

D’abord, il était jusque là un politicien – selon les modalité de l’époque – juge et soldat. Il était très engagé dans la vie de la société, avec une épouse et dix enfants. Et  à un moment donné, il s’est senti appelé – alors que ses enfants étaient suffisamment grands pour assurer la vie de la famille, et avec l’accord de sa femme, qui partage d’une certaine manière sa sainteté. Il est donc parti pour vivre en ermite à côté de Sachseln, dans le canton d’Obwald, où son ermitage se trouve encore.

Pendant près d’une vingtaine d’années, il a vécu, non pas en ne mangeant rien, – car quand on lui disait: « vous ne mangez rien », il répondait: « je n’ai jamais dit cela » –, mais en mangeant que l’Eucharistie. Sauf quand il a été obligé, par le coadjuteur de l’évêque de Constance – qui avait quelques doutes par rapport à ce jeûne –, à manger un peu de pain et à boire un peu de vin, ce qui pour lui a été très difficile.

Saint Nicolas n’a consommé que l’Eucharistie pendant vingt ans

Nicolas n’a consommé que l’Eucharistie pendant vingt ans. Il nous montre ainsi une chose, qui nous concerne tous, même si nous ne sommes pas tous des ermites (je signale entre parenthèses qu’il y a des ermites dans ce diocèse). Il nous montre qu’il a pris au sérieux Jésus, et Jésus dans l’Eucharistie. Il nous montre ainsi un aspect de la vie chrétienne, qui est de remarquer ce don infini de Dieu. Et de se dire: « Si Dieu a fait cela tout pour moi… et c’est large… le Fils de Dieu se fait homme… il me ressuscite pour nous… et il veut rester avec nous dans l’Eucharistie… Eh bien il faut que j’y réponde. »

C’est ce que Nicolas a fait, de cette manière-là, complètement fixé sur cette présence de Dieu et sans oublier ce qui se passait autour. D’ailleurs, l’Évangile, aucune de ses pages doit être complètement absente de la vie de l’Église, ses pages sont illustrées de manière variable par les différents personnes. Par exemple, il y a des moments où Jésus part, quitte tout le monde, et se met à l’écart pour prier. Cela fait aussi partie de la chrétienne. Et quand quelqu’un quitte tout, c’est précisément pour se mettre en accord avec cet élément-là de la vie de Jésus.

Même comme ermite, saint Nicolas n’a pas cessé d’être engagé dans la société

Saint Nicolas, qui avait été un politicien, donc quelqu’un qui était engagé dans la société, n’a pas cessé de l’être. Il restait dans son ermitage, mais ce sont les gens qui venaient à lui, parce qu’ils savaient qu’il était là. Ce qui nous a été rappelé dans l’introduction de cette messe, c’est que lorsqu’en 1481, les cantons de Fribourg et Soleure sont entrés dans la Confédération, – le premier moment d’ailleurs, dans l’histoire de la Suisse, où il y a eu une petite partie francophone –, cela a failli provoquer – mais non à cause de la langue – une guerre civile.

Nous savons que la guerre fait des ravages sans fin. Nous avons bien des exemples, nous en avons une pas très loin de chez nous en ce moment. Mais nous n’oublions pas non plus qu’il y en a dans bien d’autres endroits depuis longtemps, – et l’abbé Aimé Munyawa pourrait nous en parler lui-même, car le Congo est ravagé par la guerre depuis longtemps, et chez nous, on en parle moins. Mais saint Nicolas a vu la guerre, a vu les ravages qu’elle pouvait faire, il avait été soldat, alors il a essayé de l’éviter et il l’a évité. Il se trouve qu’il jouissait d’une grande estime, et on s’est tourné vers lui pour trouver des conseils.

« Ne faites pas passer l’utilité politique avant l’honneur »

Et qu’est-ce qu’il dit? « Si l’amitié ne parvient pas à régler les différends, alors c’est le droit qui sera meilleur ». En d’autres termes, il prône une société de droit, qui permet d’établir la justice entre les gens. Ce n’est pas un discours que l’on pourrait imaginer, complètement éthéré, de la part de quelqu’un qui vit tout seul. Il se préoccupe de la relation entre les autres et de la manière de la régler. Il dit encore: « Il faut éviter que la politique deviennent vénale ». En gros: ne vous laissez pas corrompre, n’allez pas où l’argent vous attire, cela ne va pas établir la justice. Ou encore: « Ne faites pas passer l’utilité politique avant l’honneur ». Il a donc donné des conseils qui restent parfaitement actuels et valables pour nous.

Et il donne aussi un principe de base – lui qui s’est retiré pour être seul avec Dieu –, qui suffit pour rendre quelqu’un heureux: « La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix ». Et lui qui se trouvait justement avec Dieu et à l’écart, il voyait bien la source de la paix. Il pouvait nous la communiquer.

Saint Nicolas: modèle de sobriété heureuse

Enfin, je pense à un aspect de la vie de saint Nicolas, qui est particulièrement actuel, et qui correspond à ce que le pape François –  dans son encyclique Laudato Si’ sur l’écologie – nous recommande en terme de: « sobriété heureuse ». Si on veut que le monde puisse survivre, dans la justice, entre nous maintenant, avec la nature, et du même coup, avec les générations futures, sachons vivre sobrement. Si l’on veut tout pour soi, cela ne va pas mener à un monde juste. Il y aura de toute manière une inégalité entre les êtres humains, et même avec l’ensemble de la Création.

Si le pape nous parle de sobriété heureuse dans une encyclique, c’est qu’il voit bien qu’il faut une motivation pour pouvoir vivre sobrement et pour pouvoir – en Suisse, c’est un peu la forme que pourrait prendre cette sobriété – renoncer à une partie de ce que l’on a, renoncer une partie de son confort – notez qu’on risque d’y être un peu obligé. Et pour cela, il faut une motivation. Et précisément, la foi donne une telle motivation.

Saint Nicolas de Flüe – de manière extrême, certes – nous montre que l’on peut renoncer à beaucoup et être encore plus heureux, au bout du compte. Nous pouvons donc, le jour de sa fête, demander son intercession pour la paix. Pour la paix dans le pays dont il est le patron, c’est-à-dire le nôtre, mais aussi bien plus largement, dans les pays ravagés par la guerre. Et qu’il nous inspire à nous aussi de savoir reconnaître le don qu’est la présence du Christ dans l’Eucharistie. Et de nous tourner vers cette présence avec reconnaissance. Amen.

Sanctoral de la Solennité de saint Nicolas de Flüe
Lectures bibliques : Sagesse 7, 27 – 8, 9 ; Psaume 89 ; Romains 14, 17-19 ;
Mt 19, 27-29

Homélie du 18 septembre 2022 (Lc 16, 1-13)

Pasteur Jean-Baptiste Lipp Eglise Saint-François, Lausanne
Jeûne fédéral

Frères et soeurs,

Trois lectures. Trois lectures et un psaume qui nous viennent du lectionnaire de l’Eglise catholique pour ce 18 septembre. Et je m’émerveille de ce que ces textes bibliques tombent finalement si bien pour un dimanche du Jeûne Fédéral. Et je rends grâce de cette occasion qui nous est donnée de célébrer une messe en un lieu de l’Eglise réformée tout empreint de spiritualité franciscaine, et ouvert à de tels partages œcuméniques à l’occasion de ses 750 ans… C’est ici, en effet, qu’une série de célébrations œcuméniques a été proposée, et même osée, lors du temps du Carême.

Nous revoici donc, ce matin du Jeûne fédéral, en laboratoire œcuménique, ouvert sur le monde, non seulement par un lectionnaire universel, mais encore par les ondes. Et cela tombe plutôt bien que l’on soit ensemble ce matin, lorsque l’on sait que l’institution de ce jeûne, il y a bientôt 200 ans, provient d’un temps de grandes tensions confessionnelles dans notre pays. De Sonderbund en Kulturkampf, la paix confessionnelle est heureusement devenue comme un « label suisse ». Dieu merci. Reste encore à aller plus loin que de se souhaiter une bonne messe ou un bon culte… Célébrer en paix, mais séparément, combien de temps encore ? Alors, profitons de cette occasion.

Trois lectures et un psaume qui tombent vraiment bien pour nous ce matin. Le message du prophète Amos entre en résonnance avec toutes les situations d’exploitation, et même d’esclavage moderne. Aujourd’hui, et non seulement au loin, mais dans notre pays « propre en ordre », aujourd’hui existent des hommes, des femmes et des enfants que l’on achète pour un peu d’argent, « pour une paire de sandales ». C’est un scandale qui entache toujours la belle Suisse. Ces personnes survivent parmi nous. Elles vivent sous le seuil de la pauvreté. Tout ce qui se passe nous pousse à ouvrir nos yeux et nos esprits, nos cœurs et nos mains.

Un Dieu qui relève le faible

Saurons-nous, avec Caritas, le Centres Social protestant, l’Armée du Salut et toute œuvre d’entraide, engager davantage encore nos paroles et nos actes ? Et le faire de manière encore plus coordonnée ? Car enfin, nous fondons notre foi et notre action en ce Dieu que chante le Psaume de ce jour : « Lui, il siège là-haut. Mais il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre. De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre… » C’est magnifique. Et le Magnificat de Marie est de la même veine, « du même tonneau », annonçant un vin nouveau pour une humanité humiliée. Comment croire en un Dieu qui relève le faible, sans lui tendre nos faibles mains, et les ouvrir aux autres, faibles comme nous ?

Faut-il agir ou prier ? Les deux mon capitaine. Faut-il compter sur l’Etat et les autorités ou compter sur nous-mêmes ? Les deux mon général. Merci à l’apôtre de relier, dans cette épître, de relier la prière pour les chefs d’Etat aux enjeux d’un vivre ensemble en paix. Et de le faire en ces termes : « Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute. » Nous mesurons de manière nouvelle la colère. Nous voyons venir de façon inquiétante la dispute. Colère et dispute arrivent autour de nous, y compris dans notre beau pays.

Cette année, – et c’est une première qui mérite qu’on le dise, – cette année, le message du Conseil d’Etat vaudois pour le Jeûne fédéral a été rédigé avec la contribution de la Plateforme interreligieuse du canton de Vaud, soit les autorités religieuses chrétiennes, juives et musulmanes. Si l’apôtre Paul vise une humanité appelée à prier, parce que Dieu veut que tous soient sauvés, nous sommes, en 2022, une humanité formée de quelques croyantes et croyants d’autres traditions religieuses. Nous avons pris conscience d’être une humanité appelée à lever les mains au ciel pour toutes et tous, et non plus chacun pour sa propre confession.

Appelés à quitter nos communautarismes

Nous sommes appelés à quitter nos communautarismes pour jouer une partition sociétale. Invités à mettre les trésors spirituels de nos religions au service du corps social dans son entier. Chacune de nos religions vit d’une foi en un Dieu un, et se sait, par conséquent, appelée au service d’une humanité une. Et cela vient bousculer nos modèles hégémoniques, quels qu’ils soient. Et cela nous conduit à rendre compte de nos actions et de nos discours, je dirais même plus, cela nous conduit à rendre des comptes de nos actions et de nos discours, dans une forme d’interdépendance.

Trois lectures et un psaume qui tombent donc plutôt bien pour ce dimanche du Jeûne fédéral. Sauf… Sauf que l’Evangile pourrait nous gâcher le message. C’est vrai, la parabole lucanienne dite du « gérant habile » vient sonner à nos oreilles comme une parole impossible. Indéfendable même : « Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ».  

De quoi le Christ fait-il l’éloge, en racontant cette histoire aux accents immoraux à ses disciples ? On a beau rattraper le tout en mettant en exergue cette affirmation conclusive du passage que nul ne peut servir deux maîtres, Dieu ou l’argent… C’est immoral. On a bien tenté, en exégèse, de justifier la manœuvre du gérant en envisageant que ses calculs n’auraient visé qu’à réduire sa propre marge de bénéfice, ou d’y renoncer. La parabole laisse un goût de fraude ou de faux dans les titres. Ce que vient confirmer le vocabulaire du bilan que fait le maître de son intendant : c’est un gérant malhonnête. Mais habile. Il ne sera pas réhabilité. En revanche, il sera cité comme exemple. Etonnamment.

Ne nous y trompons pas. Le maître ne fait pas l’éloge de l’argent. Il fait l’éloge d’un homme qui s’en est servi pour sa propre vie. Au fond, le gérant destitué a œuvré à son « outplacement », comme on le dit dans le monde du travail. Il a pris son avenir et sa vie en mains. Certes, on ne peut servir Dieu et l’argent. En revanche, il est possible de se servir de l’argent pour vivre. Pour rebondir. Pour soi, pour sa famille, et pourquoi pas, pour cette société dans laquelle j’aurai une seconde chance…

Alors oui, je le dis avec cette parabole du Christ Jésus : l’argent n’a pas d’autre valeur que celle de mettre en valeur l’humain, sa place et ses relations dans le corps social. L’argent n’a d’autre justification, dans ce bas monde, que de redresser les uns avec les autres, et non de dresser encore davantage les uns contre les autres. Et nous, eh bien, faisons l’éloge de ce maître qui n’a d’autre but que la dignité humaine de chacune et de chacun.   

Amen  

25° dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 8, 4-7 ; Psaume 112 ; 1 Timothée 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13