Homélie du 24 juillet 2022 (Lc 11, 1-13)

Chanoine Jean-Michel Lonfat, Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

« Demandez, on vous donnera »

La prière de Jésus est une prière de louange et de demande.

Imaginez qu’un ami vienne vous demander quelque chose, allez-vous le remballer sans lui avoir donné ce qu’il attendait de vous ?

Depuis fort longtemps Dieu est cet ami qui vient à nous. Il vient frapper chez Abraham il demande le pain il demande l’hospitalité.

Dieu va répondre. Aussi curieusement que cela puisse se faire, oui Dieu va répondre directement à  Abraham en lui donnant le fils. Dieu aime nous visiter il semblerait même qu’il viendrait prendre humanité, s’incarner en la personne de notre prochain.

Il veut peut-être ainsi nous inviter modifier notre manière de demander.

Dieu attend une réponse à sa demande

Alors que nous attendions une réponse à notre demande, c’est Lui qui attend une réponse de notre part à SA demande.

Imaginez quel culot de venir au milieu de la nuit demander quelque chose, du pain, non pas pour soi-même mais pour un ami qui arrive de voyage.

Quelle volonté de vouloir absolument que l’ami arrivant de voyage puisse manger quelque chose.

Quelle disponibilité d’être présent au cœur de la nuit, porte grande ouverte, prêt pour servir, pour nourrir.

Pour le Seigneur il n’y a ni jour ni nuit il n’y a pas de guichet qui ouvre à 8h et qui ferme à 19h. le service est de  tout heure 24h/24

L’évangile nous dit, qu’en un certain lieu Jésus était en prière. Voilà le lieu par excellence, le cœur du DON, Jésus en prière, en relation avec son Père.

Jésus est don par excellence

Jésus en prière, Jésus qui est à l’écart, il s’est mis à part.  Peut importe le lieu, en un certain lieu nous dit l’évangile. On nous dit qu‘il prie. Ce n’est pas la première fois et ses disciples le savent ils ont l’habitude de voir leur Seigneur se retirer pour prier.

Un de ses disciples lui demanda : Apprends -nous à prier. Il est permis de penser qu’il ne s’agit pas directement d’un des apôtres, la question vient sans doute de quelqu’un qui est en recherche qui ne connaît pas encore très bien le Seigneur et sa relation au Père.

Ce qui semble important dans notre passage d’évangile et dans la parabole que Jésus donne à celui qui le questionne, on voit Jésus lui-même qui dans cette petite parabole, se met en modèle pour faire comprendre qu’il est Lui le DON par excellence.

Aux aliments demandés sont :  les petits pains, le poisson et les œufs véritable traditionnel pic nique aujourd’hui encore pour le voyage, à cette nourriture demandée dans la parabole les réponses sont diverses. Va-t-on répondre en donnant une pierre, surprenant ! un serpent très dangereux, un scorpion plus nuisible encore.

Qui est le père qui répondra par de tels dons à la demande de son enfant ?

Et cette question devient plus frappante quand, à la place d’un père quelconque, Jésus nomme le Père céleste.

Frères et sœurs, chers auditeurs, dans notre marche de chaque jour, en montagne ou en plaine ou du lieu où nous sommes en ce moment, il est bon que nous osions questionner le Seigneur : Apprends-nous à prier.

Le Notre Père comme nous l’appelons communément reste une des premières prières que nous apprenons depuis tout petit. Elle est si belle, si communautaire. Elle nous invite à nous reconnaître enfants.

Osons prendre du temps pour entrer en relation avec lui. Osons le déranger, osons lui montrer notre amour en disant sa grandeur sa majesté en le sanctifiant aussi.

Avec sincérité ouvrons lui notre cœur, demandons-lui le pain quotidien, demandons lui d’arriver à faire en sorte qu’il soit accueilli même au cœur de la nuit qu’il soit reconnu comme celui qui vient demander l’hospitalité comme celui qui a faim, comme celui qui désir entrer chez nous.

Jésus est à la fois celui qui demande et celui qui donne, qui se donne.

Celui qui demande parce qu’il ose cette proximité avec nous il attend, il frappe, il demande notre disponibilité.

Il est celui qui donne et se donne parce qu’il ne peut pas faire autre chose. Il est tout donné, entièrement donné.

Et il nous invite à faire de même. Demandez, on vous donnera.

Cherchez, vous trouverez,

Frappez, on vous ouvrira.

Du haut de la montagne frères et sœurs, chers pèlerins chers auditeurs vous aussi vous marchez avec nous vous êtes nombreux à écouter la Parole et vous mettre en route intérieurement surtout.

Le chemin est parfois difficile, même si nous demandons au cœur de la nuit de nos nuits un peu de nourriture pour poursuivre la route, sachons bien qu’il nous le sera donné.

Notre Père des cieux si bon et si généreux comment nous le refuserait-il ?

17e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32 ; Psaume 137 ; Colossiens 2; Luc 11, 1-13

Homélie du 17 juillet 2022 (Lc 10, 38-42)

Chanoine Roland Jaquenoud – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Dieu, qu’on n’aime pas cet évangile ! Marthe, la pauvre Marthe ! Elle qui reçoit le Seigneur chez elle (le texte de s. Matthieu est clair : « Une femme, nommée Marthe, le reçut » Luc 10, 38), elle qui fait tout pour bien le recevoir, voici qu’elle en prend plein la figure : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » (Lc 10, 41-42).

Pourtant, Marthe ne fait rien d’autre que ce qu’a fait Abraham dans la première lecture de cette Messe. Celui-ci, lorsqu’il voit apparaître le Seigneur sous les traits de trois hommes, court à leur rencontre, les invite à rester près de lui, se démène pour préparer un repas. N’imaginez surtout pas qu’il lui suffit d’aller au frigo pour amener sur la table un plat déjà prêt. Rien, absolument rien n’est prêt. Il faut faire la pâte avant de cuire les galettes, tuer le veau gras avant de l’apprêter. Tout le monde s’y met : Sarah, le serviteur, Abraham lui-même. On peut imaginer le branle-bas de combat. On peut imaginer aussi que les trois visiteurs sont restés un bon moment sans que leur hôte, tout occupé des préparatifs, ne soit présent pour faire avec eux la conversation ou, puisqu’il s’agit d’une apparition divine, pour les – l’écouter. Malgré cela, pas une once de reproche de la part des Trois. Simplement une parole : « Fais comme tu l’as dit. » (Gn 18, 5).

Invités à participer à la vie de Dieu, qui est relation entre trois personnes

Néanmoins, il est intéressant de voir ce que l’iconographie chrétienne a fait de cet épisode. Sans doute avez-vous en tête la célèbre icône de la Sainte Trinité peinte – ou plutôt écrite, pour utiliser le vocabulaire des iconographes – par le peintre russe Andrej Rublev. Trois anges – les trois « hommes » du texte de la Genèse – représentent chacun l’une des personnes de la Sainte Trinité. Ils sont assis autour d’une table. L’un siège sur le côté droit de la table, l’autre sur le côté gauche. L’ange du milieu se trouve derrière la table, en face de celui qui contemple l’icône. Il reste donc un côté de la table qui est vide. C’est le côté où nous nous trouvons, lorsque nous contemplons l’icône. De plus la perspective de l’image est inversée. Les traits de l’icône, au lieu de se rejoindre dans un point situé à l’intérieur tableau, ce qui se fait habituellement, partent au contraire chacun de leur côté vers l’extérieur. L’espace de l’icône se dilate, on a l’impression qu’elle nous attire vers elle, nous sommes comme happés, attirés à l’intérieur du tableau. En fait, le mouvement interne à l’icône nous invite à venir occuper la quatrième place laissée vide, au centre de la table entourée par les Trois. Nous sommes comme invités à venir participer à la conversation entre les Trois, à la relation entre les Trois, à la vie de Dieu, qui est relation entre trois personnes.

Pas de trace d’Abraham dans cette icône. On y voit un arbre – le chêne de Mambré dont nous parle la Genèse. On y voit aussi un petit bâtiment, stylisation, sans doute de la tente d’Abraham et on peut imaginer que Sara, qui ne quitte pas l’intérieur de la tente de tout l’épisode, s’y trouve. Mais Abraham n’y est nulle part. Selon le texte de la Genèse, après avoir servi le repas, il se tenait debout près d’eux – peut-être devant eux.

Abraham se trouve peut-être – sans doute – hors du tableau, à l’endroit précis où nous nous trouvons, nous qui nous tenons devant l’icône. Comme nous, il regarde les Trois, comme nous il est attiré vers les trois à l’intérieur de l’image, comme nous, il est invité à prendre place à la table des Trois, à écouter, à se rassasier de la vie divine.

Finalement, l’icône de la Trinité peinte par Andrej Rublev ne dit rien d’autre que ce que Jésus dit aujourd’hui à Marthe : « Arrête de t’agiter, viens, assieds-toi, écoute, communie ».

Ne manquons pas l’essentiel : la rencontre

Le meilleur repas ne remplace pas la présence de l’hôte : que serait une invitation si l’hôte, sous prétexte de nous bien nourrir, serait toujours absent. Le repas resterait certes très bon, mais il aurait manqué le plus important : la relation.

Alors, chers frères et sœurs, sous prétexte de travailler aux choses du Seigneur, ne manquons pas l’essentiel : la rencontre avec lui. Si Dieu nous visite, s’il franchit l’abîme qui sépare sa perfection de notre imperfection – il l’a fait en prenant notre chair,  et il le fait encore aujourd’hui, chaque jour, lors de l’Eucharistie, en nous faisant communier à sa chair et à son sang – Si Dieu nous visite, c’est parce qu’il veut nous rencontrer. Ne manquons pas cette rencontre sous prétexte d’organiser un tas de choses pour le servir. Avant d’agir, apprenons à nous mettre à son écoute – apprenons aussi à nous mettre à l’écoute les uns des autres. Nous avons besoin de communion, nous avons besoin de vie intérieure, nous avons besoin de relation forte avec lui et avec les autres, sans quoi toutes nos activités se transforment en activisme vide et desséchant. En fin de compte, ce n’est pas nous qui nourrirons Dieu, c’est toujours lui qui nous nourrira. Laissons-nous un peu faire par Lui, cela nous fera tant de bien. Amen

16e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 18, 1-10 ; Psaume 14 ; Colossiens 1, 24-28 ; Luc 10, 38-42