Homélie du 29 mai 2022 (Jn 17, 20-26)

Mgr Alain de Raemy – Paroisse Saint-Joseph, Lausanne

Dimanche des Médias – Journée mondiale des communications sociales

«Voici que je viens sans tarder – disait Jésus dans le Livre de l’Apocalypse –, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait! Viens! Viens! Oui, je viens sans tarder! Amen! Viens Seigneur Jésus!»

Il y a bien longtemps, que ce n’est vraiment plus du tout à la mode chez nous les chrétiens de souhaiter ce retour de Jésus. Du moins en Occident, on avait l’impression d’avoir intérêt à ce que le monde continue, puisque c’était un monde qui semblait aller mieux qu’autrefois, et même toujours mieux, avec les progrès de la technique et de la démocratie.

Mais voilà qu’aujourd’hui, avec la pandémie ici, la guerre plus proche et le climat qui surchauffe partout, les plus vieux semblent dire aux plus jeunes: heureusement que j’ai vécu avant, l’avenir est bien sombre maintenant… Mais est-ce que l’on crie pour autant dans nos Églises: Viens Seigneur Jésus?

Souhaiter le retour de Jésus, c’est partager la conviction des premiers chrétiens

Passer du constat que tout devient toujours pire au souhait que Jésus revienne, et qu’on en finisse avec ce monde et son histoire tragique, il y a encore un pas que peu de chrétiens franchissent. Pourquoi? Eh bien, pour souhaiter le retour de Jésus, c’est-à-dire la fin de ce monde et le début de l’éternité pour tous, il faut partager la conviction des premiers chrétiens, c’est-à-dire ce que Jésus dit de lui-même: qu’il est vraiment l’alpha et l’oméga, l’étoile resplendissante du matin, ce bien-aimé de Dieu le Père, qui nous fait cadeau de cet amour infini du Père pour lui.

Il faut donc être convaincu qu’il n’y a pas mieux que Jésus… et que ça vaut donc la peine d’être jugés par lui. Mais en sommes-nous convaincu? On préfère remettre encore à plus tard, et profiter quand même de cette vie. Oui, la question n’est pas tant de désirer le retour de Jésus, mais tout simplement d’être convaincu qu’il n’y a pas mieux que Jésus.

Dans le Livre de l’Apocalypse, Jésus nous dit aussi: «Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire. qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.» Autrement dit, toute cette soif de bonheur qui est la nôtre, terriblement frustrée par tant d’inquiétudes actuelles sur notre avenir terrestre, on peut donc l’étancher ici et maintenant auprès de Jésus, ici et maintenant, tous ensemble: «Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.»

Ce «Viens Seigneur Jésus», les chrétiens l’ont toujours chanté…

Les chrétiens ont toujours chanté ce «Viens Seigneur Jésus» quand ils célébraient l’Eucharistie. «Il est grand le mystère de la foi, dit le prêtre juste après la consécration, et tous de répondre: nous proclamons ta mort, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ton retour dans la gloire! Autrement dit: Viens Seigneur Jésus! Oui, viens mener le monde à son accomplissement final en toi, mais viens déjà, par ce pain transformé en toi, nous remplir de toi.

Je suis toujours impressionné par le silence qui règne dans nos assemblées pendant la consécration du pain et du vin. On touche dans ce silence la présence inouïe de Jésus. Vraiment, il n’y a pas mieux que lui. Pourquoi avoir peur? Il est là et il sera là. Et c’est aussi ce que je souhaite à nos médias et à nos journalistes chrétiens, en ce dimanche qui leur est consacré.

Cette seule conviction devrait les animer: il n’y a pas mieux que Jésus, autant pour l’avenir que pour le présent du monde et de chacun. Et si on se dit chrétien pour faire son travail de journaliste, on devrait avoir tout le temps les oreilles aiguisées par l’écoute de Jésus dans tout ce qui se passe.

Aiguiser nos oreilles de chrétiens et de journalistes chrétiens

Et pour aiguiser nos oreilles de chrétiens et de journalistes chrétiens, pour entendre et faire entendre Dieu dans ce monde, rien de mieux que la messe, la présence inouïe de Jésus, perceptible dans le silence de la consécration: viens Seigneur Jésus!

Oui, Dieu n’est pas visible, mais si souvent audible. Parfois le journaliste veut tout montrer, et il devient voyeur. Ne devrait-il pas d’abord tout écouter? Écouter Jésus en tous et en tout, le reconnaissant pour l’avoir écouté dans son silence à la messe, quand c’est vraiment que Lui: «ceci est mon corps, ceci est mon sang». Ainsi aucun danger de devenir voyeur, on devient écouteur. Dieu on ne le voit pas, mais on peut l’entendre.

Car la Messe c’est quoi? C’est quand tout le monde se tait, devant Jésus ressuscité. C’est quand se réalise tout ce qu’il nous a dit dans l’évangile: «Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, pour que l’amour dont tu m’as aimé, Père, soit en eux, et que moi aussi je sois en eux… pour qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi…»

Oui, la messe c’est quand tout le monde se tait devant Jésus mort et ressuscité. C’est là que se fait l’unité, la communion. «Que tous soient un, moi en eux et toi en moi». C’est là que le ou la journaliste peut percevoir ce qui unit, et donc combattre ce qui divise. Devenir toujours plus écouteur, et toujours moins voyeur. C’est ce que la messe produit. Oui, viens Seigneur Jésus! Maintenant et à la fin des temps. Car oui, vraiment, il n’y a pas mieux que toi.

Amen.

7e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 17, 55-60; Psaume 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9; Apocalypse 22, 12-14.16-17.20; Jean 17, 20-26

Homélie TV du 26 mai 2022, Ascension (Lc 24, 46-53)

Père Jean-Bosco Devaux – Eglise St-François de Sales, Genève

Chers frères et sœurs,

Luc rapporte, dans les Actes des Apôtres et dans son Évangile, comment le Christ, juste avant son Ascension, annonce le don de l’Esprit, et que nous deviendrons ses témoins, de Jérusalem « jusqu’aux extrémités de la terre ».

Devenir témoin du Christ, être son témoin, témoigner de lui, peut nous interpeller : comment être témoin, alors que nous sommes tous « en chemin », en « progression », dans un monde où la crédibilité de la parole appelle à être appuyée par la crédibilité des actes ?

Le premier « témoin », c’est le Christ, dont l’Apocalypse dit qu’il est le « témoin fidèle et vrai ».

Jésus, envoyé du Père, a manifesté l’amour de Dieu pour toute personne, quelle qu’elle soit, et les évangiles racontent les nombreuses rencontres que le Christ a eues avec des gens très différents, comment il les a rejoints, comment il les a accueillis dans les étapes de vie qui étaient les leurs, et ce qu’il a fait pour eux, en les libérant et en les guérissant, en leur ouvrant un avenir de salut grâce à leur foi en lui.

Jésus témoin de l’amour de Dieu

Jésus est témoin de l’amour de Dieu pour les hommes par sa mort et sa résurrection, offrant ainsi l’Alliance de Dieu avec toute l’humanité.

Devenir témoin du Christ, l’être, s’insère donc dans une dynamique : nous sommes témoins en lui et avec lui, à sa suite. À la suite de Jésus, mais aussi à la suite des disciples et apôtres, des baptisés qui l’ont été dans la suite des siècles.

Et pour nous aujourd’hui, que veut dire être témoin ? Dans un premier sens, historique, le témoin est celui qui a vu, qui a entendu, qui a assisté à un évènement, une rencontre, et qui est en mesure d’en parler.

Dans un second sens, juridique, le mot « témoin », évoque une personne qui a participé à un acte contractuel, ou bien qui intervient dans un procès.

Mais il y a un autre sens, plus existentiel : est témoin celui qui est traversé par un évènement, qui entraine des bouleversements, des changements de vie.

C’est sûrement ce dernier sens, existentiel, qui nous dit le mieux ce qu’est être témoin. C’est celui qui est traversé, marqué par un évènement.

Souvenez-vous, frères et sœurs, des moments importants de votre vie, ceux qui ont entrainé des changements importants et qui ont amené des transformations nécessaires et heureuses pour vous. Souvenez-vous, faites mémoire de ces évènements, en les regardant avec les yeux de la foi, pour y déceler la présence du Ressuscité agissant dans votre vie, lui qui est avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Ces évènements ont traversé votre vie, et ont encore des choses à vous dire aujourd’hui. Vous en êtes les témoins !

Nous sommes témoins du Christ

« Vous serez alors mes témoins », nous dit Jésus dans les Actes des Apôtres. Nous ne sommes pas témoins d’une idée, mais d’une personne. Nous sommes témoins du Christ.

Le témoignage chrétien suppose un évènement de rencontre avec le Ressuscité, dans la diversité des manières avec laquelle cette « rencontre » peut se vivre, et qui bouleverse une vie, d’une manière ou d’une autre. Si la rencontre personnelle fonde le fait d’être témoin, le témoignage concerne toute l’Église.

Le Christ ne s’adresse pas aux disciples un à un, mais à tous : « A vous d’en être les témoins », dit Jésus aux disciples, tel que l’Évangile nous le rapporte. Nous ne sommes pas témoins seuls,

mais ensemble, en Église, et vivant ce témoignage dans nos lieux de vie.

La fraternité à laquelle le Seigneur nous appelle est le milieu de vie dans lequel nos dispositions à être témoin se forgent.

Si nous sommes « témoin » dans nos paroles et nos actes de chaque jour, en désirant vivre avec le Christ, sous le souffle de l’Esprit et avec nos capacités, nous sommes aussi « témoin » dans certaines circonstances, dans certaines situations qui nous surprennent.

A bien des reprises, c’est dans la situation que nous avons vécue et traversée qu’une force inattendue s’est rendue visible, et s’est révélée à nous, comme le dit Jésus : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ». Cette force de l’Esprit repose sur nous, et en bien des circonstances, c’est dans les évènements que nous vivons qu’elle se révèle et nous aide à avancer en étant témoins.

Si l’Ascension nous révèle la destinée finale de l’homme, être en Dieu pour la vie éternelle, la mission de témoin à laquelle que le Christ nous appelle nous ancre sur terre, dans une recherche incessante du bien, à vivre dans la simplicité du quotidien. C’est ainsi que notre vie est traversée par l’Esprit et que nous devenons témoins de Jésus-Christ.

Amen

Fête de l’Ascension

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Psaume 46; Hébreux 9, 24-28; 10, 19-23; Luc 24, 46-53

Homélie du 22 mai 2022 (Jn 14, 23-29)

Abbé Marc Donzé – Monastère du Carmel, Le Pâquier, FR

Le mot qui est à l’avant-scène dans l’Église ces temps-ci, c’est : synode. J’allais dire : le mot qui est à la mode ; mais ce n’est pas une mode. Le synode, c’est une composante essentielle de la vie de l’Église. C’est ou plutôt ça devrait être, car nous sommes souvent loin d’une attitude synodale.

Dans le fond – et selon l’étymologie – synode, ça veut dire : faire la route ensemble ; marcher ensemble. Ce n’est pas spontané, ni facile. Deux obstacles principaux sont sur la route : une attitude cléricale et hiérarchique, où tout est décidé d’en haut sans débat ni concertation ; et puis l’individualisme actuel dans le monde occidental.

Marcher ensemble, cela ne veut pas dire faire abstraction des chemins personnels. Cela veut dire mettre ensemble les richesses humaines et spirituelles de chaque personne, pour qu’ensemble nous nous enrichissions de cette diversité et de ce partage et que nous marchions comme un peuple vers la Jérusalem céleste, vers la ville-peuple avec ses 12 portes et ses 12 fondations portant le nom des Apôtres, vers la plénitude de la lumière, de l’amour et de l’unité. Longue marche, certes, pour conjuguer les personnes et la communion fraternelle.

Un chemin qui permette la communion de tous

Mais si je parle de synode ce matin, c’est parce que nous avons lu, dans les Actes des apôtres, le récit et surtout la conclusion du premier synode important de l’Église naissante, que l’on appelle souvent « le concile de Jérusalem ». Et c’est plein d’enseignements. D’abord, cette assemblée se réunit, parce qu’il y a un grave problème. Certains chrétiens issus du judaïsme voudraient imposer la circoncision et les lois juives aux chrétiens issus du paganisme ; attitude insupportable aux yeux de saint Paul, car en Christ s’est inauguré un chemin nouveau et il n’y a pas à revenir dans l’archéologie des prescriptions rituelles et légales. Alors, on se réunit pour trouver une solution, ou plutôt un chemin qui permette la communion de tous. Quand on se réunit, on discute, on débat : les différents avis s’expriment : Paul pour les chemins nouveaux ; Jacques pour les judéo-chrétiens.

Et puis on prie, on se met ensemble à l’écoute de l’Esprit-saint. Ce moment est très important, car il permet de trouver le chemin d’unité et de lumière, non pas dans une espèce de dentelle diplomatique, mais dans la remise ensemble de la question auprès de Celui qui est la Lumière et l’Amour.

L’Esprit-saint et nous-mêmes.

C’est ce qui permet à ce premier synode d’écrire cette superbe introduction: l’Esprit saint et nous-mêmes avons décidé… Pas nous tout seuls. L’Esprit-saint et nous-mêmes.

Et la décision est magnifique à la fois d’audace et de compromis : on renonce à imposer aux chrétiens issus du paganisme la circoncision ; on renonce aussi à leur imposer les 600 et quelques préceptes de la loi juive, on n’en garde que quatre, qui à l’époque paraissaient nécessaires. Quelle sagesse : le conflit aurait fait éclater l’Église naissante ; le chemin trouvé permet de garder l’unité, même si ce n’est pas sans difficultés. Et puis, je me plais à noter l’extraordinaire modération dans la liste des préceptes ; n’y a-t-il pas là une leçon pour aujourd’hui où fleurissent les règles, les papiers, les dispositions canoniques, les prescriptions morales à l’envi ?

Enfin, le synode ne s’est pas contenté d’écrire une lettre et de l’envoyer par la poste. Cette lettre est portée par des frères jusqu’à ses destinataires, des frères qui peuvent raconter la démarche et attester de son authenticité. Et ainsi, on s’encourage les uns les autres sur le chemin de la foi et de la vie.

En résumé : il y a un problème important ; on se réunit ; on débat ; on prie et on se met à l’écoute de l’Esprit-saint ; on trouve un chemin qui permet la communion ; on le communique en s’encourageant les uns les autres. Est-ce que cela ne devrait pas être la manière de faire des assemblées d’aujourd’hui ? Nous l’avons assez bien vécu, d’ailleurs, lors du Synode 72, dans tous les diocèses de Suisse ; et lors d’AD 2000 dans notre diocèse.

Permettez-moi un petit rêve, pour illustrer ce qui serait possible. Imaginez une assemblée paroissiale, où l’on traite des comptes et du budget. Une proposition est émise : finalement, nous sommes assez riches ; il faudrait donner la dîme à un projet dans une Église plus pauvre (ce que d’ailleurs recommandait saint Paul aux Corinthiens pour l’Église de Jérusalem). C’est un problème important, non seulement pour les finances, mais aussi pour la fraternité et la communion universelle de l’Église.

On prend alors le temps de débattre, ce qui n’est pas souvent le cas dans ce genre d’assemblée.

Puis on prie, en se mettant à l’écoute de l’Esprit. Ce qui n’est jamais le cas… hélas. Une solution se fait jour.

Alors on écrit, en toute vérité, à l’Église de NN : l’Esprit-saint et nous-mêmes avons décidé d’un geste de partage fraternel…

Si mon rêve se réalisait, ce serait un magnifique exemple de chemin synodal.

Le même rêve pourrait se vivre dans de nombreuses questions, évidemment. Par exemple, comment mettre ensemble la paroisse suisse et la mission portugaise ou italienne ou hispanophone, pour qu’il y ait non pas un catalogue de règlements et de délimitations de territoires, mais un enrichissement mutuel. Alors : débattre entre tous les acteurs, prier ensemble à l’écoute de l’Esprit, trouver un chemin à la fois fraternel et réaliste… C’est une grande conversion qui pourrait s’opérer, car on ne se contenterait plus de défendre son intérêt propre, mais on chercherait ensemble les chemins possibles de communion.

Mais revenons au point de départ. Synode, cela veut dire faire ensemble le chemin, dans la communion fraternelle. Chacun de nous devrait pouvoir se poser la question : avec qui est-ce que je fais le chemin de l’Évangile ? et avec quelle communauté ?

Et est-ce que je peux promouvoir la culture du partage et du débat ? et la prière commune à l’écoute de l’Esprit ?

Faire synode, au fond, c’est un chemin d’amour fraternel, et universel, et cela permet de recevoir le cadeau de la paix et de la joie, qui chantent au fond du cœur, comme nous dit l’Évangile de ce matin.

Amen.

6e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 15, 1-2.22-29; Psaume 66, 2-3, 5, 7-8; Apocalypse 21, 10-14.22-23; Jean 14, 23-29