Chanoine Joseph Voutaz – Eglise Saint-Etienne, Sembrancher, VS
L’évangile d’aujourd’hui nous offre ce que Jésus appelle-lui même un « commandement nouveau ». Dans ce passage bien connu, Jésus est très solennel et ce qu’il dit semble lui tenir absolument à coeur !
Mais je l’avoue : lorsque j’écoute cet évangile, la première idée qui me vient à l’esprit c’est de dire à Jésus : « Regarde, ça ne marche pas ! Ce que tu nous dis, c’est irréaliste, impossible ! Tu as vu l’état de notre monde ? Tu as vu qu’en ce moment même, à quelques milliers de kilomètres, des frères chrétiens se battent entre eux sauvagement ? Cette guerre nous fait si mal… »
Et puis, plus profondément, si je veux être honnête, J’avoue que moi le premier je n’arrive pas à aimer… je ne fais pas mieux. Certes, je suis prêtre, je veux donner ma vie pour Dieu… mais j’ai tellement de peine à aimer vraiment ! C’est facile d’en parler en théorie, quand je suis en chaire, mais dans le concret du quotidien… aïe !
Jésus donne le commandement de l’amour juste avant sa mort
Alors comment faire, comment aimer ? Reprenant l’évangile, j’ai été frappé par le moment où Jésus nous donne le commandement de l’amour. Quand Jésus le prononce, il n’est pas sur une chaise longue, il ne parle pas du haut d’une chaire. C’est juste avant sa mort. Il sent que l’étau se resserre. Judas (nous dit le texte) est déjà sorti pour le trahir… Jésus va être vendu pour une somme dérisoire.
Je réalise ainsi que Jésus ne nous fait pas une théorie, un cours de morale. Il vit une situation concrète et difficile, désespérée même. Il nous livre alors une parole qui nous dépasse totalement et qu’il va signer par le don de sa vie. Le commandement nouveau est ainsi totalement lié à la croix, au fait que Jésus soit allé jusqu’à l’extrême de l’amour. Sur la croix, Jésus donne librement sa vie et nous dévoile l’amour incommensurable du Père.
Jésus ouvre un chemin nouveau, inédit
A ce moment-là, il y a quelque chose qui a totalement changé dans l’histoire de l’humanité. Pour la première fois, quelqu’un de trahi, abandonné, mis à mort de manière totalement injuste a pu aimer jusqu’au bout, sans aucune retenue. Et le don de Jésus a conduit au dimanche de Pâques et à la résurrection. Jésus a ouvert un chemin tout à fait nouveau, inédit. Lui seul pouvait le faire. Comme nous le disons dans la liturgie, « la mort a été vaincue par la vie. Quel changement ! Quel miracle !
Alors, qu’est-ce qui est « nouveau » dans ce commandement que Jésus nous donne ? » J’y vois trois choses, trois niveaux de compréhension
La première chose nouvelle, c’est la personne de Jésus même, son don d’amour, sa présence. Le texte le manifeste par un petit mot : « comme » : « … comme je vous ai aimés ». Souvent on se dit que ce comme nous invite à prendre l’exemple sur Jésus. C’est vrai, mais si on en reste là, on risque d’être assez vite découragés ! Et moi le premier ! Nous sommes si pauvres !
L’assurance que Jésus sera toujours là
En fait, derrière ce comme se cache la présence de Jésus. Quand Jésus nous dit : « … comme je vous ai aimés », il veut nous dire : Je suis là, je te donne mon coeur, ma force. Aie confiance, tu peux t’appuyer sur mon amour. Ce « comme… » est donc bien plus qu’une invitation à suivre l’exemple : c’est l’assurance que Jésus sera toujours là. Nous ne sommes plus livrés à nos propres forces, mais nous agissons désormais « Par Lui, avec Lui et en Lui »… cette formule doit bien vous rappeler quelque chose, non ?
La deuxième chose qui est nouvelle, c’est l’amour même. Je m’explique : chaque fois que nous décidons d’aimer, chaque fois que nous empruntons cette route que Jésus a ouverte, celle de l’amour jusqu’au bout, alors quelque chose change. L’amour, la décision d’aimer ouvre des routes insoupçonnées, des horizons nouveaux.
Le choix d’aimer, qui est parfois difficile et même héroïque, nous donne des énergies nouvelles et nous remplit d’une force que nous ne soupçonnions même pas ! Et quelque chose change vraiment. Par exemple, chacun(e) d’entre nous a pu être témoin de pardons donnés qui ont complètement débloqués des situations que nous pensions désespérées. Et la haine a fait place à la lumière. Oui si le manque d’amour nous tue, le choix d’aimer apporte partout clarté, joie et paix. Saint Augustin le dit dans une très belle formule : « Le péché m’avait vieilli, mais ta grâce me renouvelle ! »
La résurrection de Jésus c’est l’amour en marche
La troisième chose nouvelle, c’est l’espérance que donne ce commandement. Si, par la grâce de Jésus, de sa mort et de la résurrection, il me devient possible d’aimer, alors le monde va pouvoir changer ! La transformation du monde par l’amour n’est plus une chimère irréalisable ! C’est possible ! La résurrection de Jésus, c’est l’amour en marche !
Nous l’avons entendu dans la deuxième lecture : « J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle » « Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus. ». Si, les chrétiens, nous acceptons vraiment d’aimer, alors le monde va changer. Non par nos forces, mais avec la force de Jésus ! Non par nos idées, mais par la volonté de Jésus.
On dit parfois : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». Quand un prêtre ou une figure médiatique connue est empêtrée dans une histoire d’abus, ça nous scandalise et ça nous fait bien mal. Mais cela ne peut pas couvrir le nombre incroyable des petits actes d’amour accomplis dans le silence du quotidien et qui sauvent le monde. Il y a tellement et tellement d’actes d’amour cachés… Ils ne feront jamais la une des journaux. Et pourtant c’est par eux que Jésus réalise un monde nouveau !
J’aimerais résumer et conclure. Ce qui est nouveau dans ce commandement, c’est d’abord Jésus. C’est lui qui nous donne la force, par sa présence de chaque instant dans notre coeur. Ce qui est nouveau ensuite, c’est chaque acte d’amour. Chaque fois que nous décidons d’aimer – plutôt que de faire la guerre – quelque chose change dans le monde, qui devient meilleur. Ce qui est nouveau, enfin, c’est l’espérance que nous recevons en aimant. Quand nous regardons une personne avec regard qui l’espère, en abandonnant nos jugements, alors nous lui permettons de changer !
Nous allons maintenant célébrer l’eucharistie qui est vraiment le sacrement de l’amour. Que le Seigneur nous donne à travers la communion la force de sa présence, pour que nous puissions aimer en actes et en vérité.
Et toi qui nous écoutes à la radio, nous te prenons aussi dans notre prière. Quels que soient tes joies ou tes peines, tes soucis du moment, que le Seigneur renouvelle ton coeur par sa présence et son amour. Sois béni ! Amen
5e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 14, 21b-27; Psaume : 144, 8-9, 10-11, 12-13ab; Apocalypse 21, 1-5a; Jean 13, 31-33a.34-35