Homélie du 5 juin 2022 (Jn 14, 15-16.23b-26)

Chanoine Roland Jaquenoud – Basilique de Saint-Maurice

Fête de la Pentecôte

            Chers frères et sœurs,

            Les lectures de cette fête de Pentecôte nous parlent de l’Esprit-Saint comme source de trois cadeaux pour notre vie :

  1. le cadeau de l’enseignement : l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
    lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
  2. le cadeau du rapport filial avec Dieu : vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
  3. le cadeau de la communion entre nous, quelles que soient nos origines :  Tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu.

1-  Le cadeau de l’enseignement

L’Esprit Saint vous enseignera tout. Comment ? Il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Chers frères et sœurs, c’est Dieu lui-même, dans l’Esprit Saint, qui nous enseigne. Oh, bien sûr, nous avons toute une série de médiation par lesquelles Dieu nous enseigne, à commencer par les paroles de Jésus dans l’Évangile. Mais c’est l’Esprit Saint qui fait que ses paroles deviennent pour nous paroles vivantes, paroles redressantes, paroles dispensatrices de vie. C’est par Lui que, au cours de notre vie, telle ou telle parole, lue et relue mille fois dans l’Évangile, devient tout à coup actuelle, nous aide, nous redresse, nous permet d’avancer une peu plus sur le chemin. L’enseignement de l’Esprit Saint n’est pas un enseignement ex cathedra. C’est un vrai accompagnement concret de nos chemins de vie : délicatesse de l’Esprit qui, au moment favorable, nous fait nous souvenir de ce dont nous avons besoin.

2- Le cadeau du rapport filial avec Dieu

            Cadeau extraordinaire, au sens propre de ce terme : qui sort de l’ordinaire. Le Dieu trois fois saint, celui qui est le maître de nos vie, l’Esprit nous fait l’appeler Abba. Il est intéressant que saint Paul, qui s’exprime en grec dans la lettre aux Romains que nous avons entendue tout à l’heure, se croie obligé d’utiliser un mot araméen, sa langue maternelle, qu’il traduit ensuite en grec pour ses destinataires romains : « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! Comme s’il ne trouvait pas l’équivalent du mot Abba dans la langue dans laquelle il communique. C’est que Abba ne signifie pas simplement Père. Il signifie quelque chose comme « Papa ». L’Esprit saint nous enseigne que ce Père qu’est Dieu est un papa pour nous : nous sommes les enfants non pas d’un Père, mais d’un papa : la relation paternelle que Dieu établit avec nous est une relation d’extrême intimité. L’Esprit Saint nous met en relation intime avec Dieu, notre Abba, notre papa.

3- Le cadeau de la communion avec nous

            L’événement de la descente de l’Esprit le jour de la Pentecôte a pour résultat que tous, quelle que soit leur langue maternelle, comprennent ce que les Apôtres annoncent : les merveilles de Dieu. Au début de l’histoire biblique, il y a eu Babel et la confusion des langues : il a fallu que l’être humain apprenne l’altérité, que l’autre est autre et qu’il a parfaitement le droit d’être autre, pour qu’ensuite la communion devienne possible. On ne communie pas avec un autre soi-même. Ça, c’est de l’egocentrisme, la recherche du moi par le moi. La communion est possible parce que l’autre est différent de moi. C’est cette différence qui permet la relation, la relation vraie, qui enrichit mutuellement. Oh, il a fallu que l’Esprit Saint donne de sacrés coups de pied à l’Eglise pour qu’elle commence à comprendre la richesse de la communion avec l’autre. Cela a commencé dès ses débuts. Les Actes des Apôtres nous montrent comment les premiers chrétiens, tous issus du peuple élus, était bien entre eux, comment il n’avait guère envie de partir vers les autres, les étrangers les païens. A coup de miracles, de dispersions forcées, de persécutions même, le Saint Esprit a poussé premiers chrétiens à partir, afin qu’ils accomplissent le commandement du Seigneur : « Allez, de toutes les nations faites mes disciples ». Tout au long de son histoire, l’Église est tentée de rester entre soi. La Mission au loin elle-même peut devenir une exportation de l’entre-soi, une forme de colonisation.

            Or l’Esprit nous enseigne tout autre chose : l’autre est capable d’entendre la Parole en tant qu’autre, c’est-à-dire dans sa langue, c’est-à-dire dans sa culture. Et donc, il sera aussi un jour capable l’enseigner, de me l’enseigner. L’interculturalité que nous vivons de manière de plus en plus concrète dans nos communautés chrétiennes, encore trop souvent vue comme un pis-aller dû à l’affaiblissent de la foi et à la raréfaction des vocations dans nos régions, ne serait-elle pas en fait un nouveau souffle de l’Esprit de Pentecôte ? Cet Esprit qui veut que nous entendions les merveilles de Dieu de la part de gens qui ne sont pas de notre langue, de notre culture, eux qui ont reçu ces merveille dans leur langue.

            Que l’Esprit, chers frères et sœur, continue de nous enseigner : nous avons encore tant de choses à apprendre !

Fête de la Pentecôte
Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; Psaume 103; Romains 8, 8-17; Jean 14, 15-16.23b-26

Homélie du 29 mai 2022 (Jn 17, 20-26)

Mgr Alain de Raemy – Paroisse Saint-Joseph, Lausanne

Dimanche des Médias – Journée mondiale des communications sociales

«Voici que je viens sans tarder – disait Jésus dans le Livre de l’Apocalypse –, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait! Viens! Viens! Oui, je viens sans tarder! Amen! Viens Seigneur Jésus!»

Il y a bien longtemps, que ce n’est vraiment plus du tout à la mode chez nous les chrétiens de souhaiter ce retour de Jésus. Du moins en Occident, on avait l’impression d’avoir intérêt à ce que le monde continue, puisque c’était un monde qui semblait aller mieux qu’autrefois, et même toujours mieux, avec les progrès de la technique et de la démocratie.

Mais voilà qu’aujourd’hui, avec la pandémie ici, la guerre plus proche et le climat qui surchauffe partout, les plus vieux semblent dire aux plus jeunes: heureusement que j’ai vécu avant, l’avenir est bien sombre maintenant… Mais est-ce que l’on crie pour autant dans nos Églises: Viens Seigneur Jésus?

Souhaiter le retour de Jésus, c’est partager la conviction des premiers chrétiens

Passer du constat que tout devient toujours pire au souhait que Jésus revienne, et qu’on en finisse avec ce monde et son histoire tragique, il y a encore un pas que peu de chrétiens franchissent. Pourquoi? Eh bien, pour souhaiter le retour de Jésus, c’est-à-dire la fin de ce monde et le début de l’éternité pour tous, il faut partager la conviction des premiers chrétiens, c’est-à-dire ce que Jésus dit de lui-même: qu’il est vraiment l’alpha et l’oméga, l’étoile resplendissante du matin, ce bien-aimé de Dieu le Père, qui nous fait cadeau de cet amour infini du Père pour lui.

Il faut donc être convaincu qu’il n’y a pas mieux que Jésus… et que ça vaut donc la peine d’être jugés par lui. Mais en sommes-nous convaincu? On préfère remettre encore à plus tard, et profiter quand même de cette vie. Oui, la question n’est pas tant de désirer le retour de Jésus, mais tout simplement d’être convaincu qu’il n’y a pas mieux que Jésus.

Dans le Livre de l’Apocalypse, Jésus nous dit aussi: «Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire. qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.» Autrement dit, toute cette soif de bonheur qui est la nôtre, terriblement frustrée par tant d’inquiétudes actuelles sur notre avenir terrestre, on peut donc l’étancher ici et maintenant auprès de Jésus, ici et maintenant, tous ensemble: «Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.»

Ce «Viens Seigneur Jésus», les chrétiens l’ont toujours chanté…

Les chrétiens ont toujours chanté ce «Viens Seigneur Jésus» quand ils célébraient l’Eucharistie. «Il est grand le mystère de la foi, dit le prêtre juste après la consécration, et tous de répondre: nous proclamons ta mort, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ton retour dans la gloire! Autrement dit: Viens Seigneur Jésus! Oui, viens mener le monde à son accomplissement final en toi, mais viens déjà, par ce pain transformé en toi, nous remplir de toi.

Je suis toujours impressionné par le silence qui règne dans nos assemblées pendant la consécration du pain et du vin. On touche dans ce silence la présence inouïe de Jésus. Vraiment, il n’y a pas mieux que lui. Pourquoi avoir peur? Il est là et il sera là. Et c’est aussi ce que je souhaite à nos médias et à nos journalistes chrétiens, en ce dimanche qui leur est consacré.

Cette seule conviction devrait les animer: il n’y a pas mieux que Jésus, autant pour l’avenir que pour le présent du monde et de chacun. Et si on se dit chrétien pour faire son travail de journaliste, on devrait avoir tout le temps les oreilles aiguisées par l’écoute de Jésus dans tout ce qui se passe.

Aiguiser nos oreilles de chrétiens et de journalistes chrétiens

Et pour aiguiser nos oreilles de chrétiens et de journalistes chrétiens, pour entendre et faire entendre Dieu dans ce monde, rien de mieux que la messe, la présence inouïe de Jésus, perceptible dans le silence de la consécration: viens Seigneur Jésus!

Oui, Dieu n’est pas visible, mais si souvent audible. Parfois le journaliste veut tout montrer, et il devient voyeur. Ne devrait-il pas d’abord tout écouter? Écouter Jésus en tous et en tout, le reconnaissant pour l’avoir écouté dans son silence à la messe, quand c’est vraiment que Lui: «ceci est mon corps, ceci est mon sang». Ainsi aucun danger de devenir voyeur, on devient écouteur. Dieu on ne le voit pas, mais on peut l’entendre.

Car la Messe c’est quoi? C’est quand tout le monde se tait, devant Jésus ressuscité. C’est quand se réalise tout ce qu’il nous a dit dans l’évangile: «Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, pour que l’amour dont tu m’as aimé, Père, soit en eux, et que moi aussi je sois en eux… pour qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi…»

Oui, la messe c’est quand tout le monde se tait devant Jésus mort et ressuscité. C’est là que se fait l’unité, la communion. «Que tous soient un, moi en eux et toi en moi». C’est là que le ou la journaliste peut percevoir ce qui unit, et donc combattre ce qui divise. Devenir toujours plus écouteur, et toujours moins voyeur. C’est ce que la messe produit. Oui, viens Seigneur Jésus! Maintenant et à la fin des temps. Car oui, vraiment, il n’y a pas mieux que toi.

Amen.

7e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 17, 55-60; Psaume 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9; Apocalypse 22, 12-14.16-17.20; Jean 17, 20-26

Homélie TV du 26 mai 2022, Ascension (Lc 24, 46-53)

Père Jean-Bosco Devaux – Eglise St-François de Sales, Genève

Chers frères et sœurs,

Luc rapporte, dans les Actes des Apôtres et dans son Évangile, comment le Christ, juste avant son Ascension, annonce le don de l’Esprit, et que nous deviendrons ses témoins, de Jérusalem « jusqu’aux extrémités de la terre ».

Devenir témoin du Christ, être son témoin, témoigner de lui, peut nous interpeller : comment être témoin, alors que nous sommes tous « en chemin », en « progression », dans un monde où la crédibilité de la parole appelle à être appuyée par la crédibilité des actes ?

Le premier « témoin », c’est le Christ, dont l’Apocalypse dit qu’il est le « témoin fidèle et vrai ».

Jésus, envoyé du Père, a manifesté l’amour de Dieu pour toute personne, quelle qu’elle soit, et les évangiles racontent les nombreuses rencontres que le Christ a eues avec des gens très différents, comment il les a rejoints, comment il les a accueillis dans les étapes de vie qui étaient les leurs, et ce qu’il a fait pour eux, en les libérant et en les guérissant, en leur ouvrant un avenir de salut grâce à leur foi en lui.

Jésus témoin de l’amour de Dieu

Jésus est témoin de l’amour de Dieu pour les hommes par sa mort et sa résurrection, offrant ainsi l’Alliance de Dieu avec toute l’humanité.

Devenir témoin du Christ, l’être, s’insère donc dans une dynamique : nous sommes témoins en lui et avec lui, à sa suite. À la suite de Jésus, mais aussi à la suite des disciples et apôtres, des baptisés qui l’ont été dans la suite des siècles.

Et pour nous aujourd’hui, que veut dire être témoin ? Dans un premier sens, historique, le témoin est celui qui a vu, qui a entendu, qui a assisté à un évènement, une rencontre, et qui est en mesure d’en parler.

Dans un second sens, juridique, le mot « témoin », évoque une personne qui a participé à un acte contractuel, ou bien qui intervient dans un procès.

Mais il y a un autre sens, plus existentiel : est témoin celui qui est traversé par un évènement, qui entraine des bouleversements, des changements de vie.

C’est sûrement ce dernier sens, existentiel, qui nous dit le mieux ce qu’est être témoin. C’est celui qui est traversé, marqué par un évènement.

Souvenez-vous, frères et sœurs, des moments importants de votre vie, ceux qui ont entrainé des changements importants et qui ont amené des transformations nécessaires et heureuses pour vous. Souvenez-vous, faites mémoire de ces évènements, en les regardant avec les yeux de la foi, pour y déceler la présence du Ressuscité agissant dans votre vie, lui qui est avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Ces évènements ont traversé votre vie, et ont encore des choses à vous dire aujourd’hui. Vous en êtes les témoins !

Nous sommes témoins du Christ

« Vous serez alors mes témoins », nous dit Jésus dans les Actes des Apôtres. Nous ne sommes pas témoins d’une idée, mais d’une personne. Nous sommes témoins du Christ.

Le témoignage chrétien suppose un évènement de rencontre avec le Ressuscité, dans la diversité des manières avec laquelle cette « rencontre » peut se vivre, et qui bouleverse une vie, d’une manière ou d’une autre. Si la rencontre personnelle fonde le fait d’être témoin, le témoignage concerne toute l’Église.

Le Christ ne s’adresse pas aux disciples un à un, mais à tous : « A vous d’en être les témoins », dit Jésus aux disciples, tel que l’Évangile nous le rapporte. Nous ne sommes pas témoins seuls,

mais ensemble, en Église, et vivant ce témoignage dans nos lieux de vie.

La fraternité à laquelle le Seigneur nous appelle est le milieu de vie dans lequel nos dispositions à être témoin se forgent.

Si nous sommes « témoin » dans nos paroles et nos actes de chaque jour, en désirant vivre avec le Christ, sous le souffle de l’Esprit et avec nos capacités, nous sommes aussi « témoin » dans certaines circonstances, dans certaines situations qui nous surprennent.

A bien des reprises, c’est dans la situation que nous avons vécue et traversée qu’une force inattendue s’est rendue visible, et s’est révélée à nous, comme le dit Jésus : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ». Cette force de l’Esprit repose sur nous, et en bien des circonstances, c’est dans les évènements que nous vivons qu’elle se révèle et nous aide à avancer en étant témoins.

Si l’Ascension nous révèle la destinée finale de l’homme, être en Dieu pour la vie éternelle, la mission de témoin à laquelle que le Christ nous appelle nous ancre sur terre, dans une recherche incessante du bien, à vivre dans la simplicité du quotidien. C’est ainsi que notre vie est traversée par l’Esprit et que nous devenons témoins de Jésus-Christ.

Amen

Fête de l’Ascension

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Psaume 46; Hébreux 9, 24-28; 10, 19-23; Luc 24, 46-53