
Homélie du 10 avril 2022 (Lc 22, 14 – 23, 56 )
Abbé Jean-René Malaba – Eglise Notre-Dame de l’Assomption de Saignelégier
Frères et sœurs dans le Christ Jésus,
Le baiser de Judas, l’agonie de Gethsémani, les coups de fouet, les moqueries de soldats, le jugement inique, la montée au calvaire, les clous, la soif du mourant et finalement la croix qui se dresse avec ce corps transpercé, sont autant d’évocations dans ce récit de la Passion qui ne peuvent laisser de glace le cœur le plus fermé.
Et pourtant, ce qu’il y a peut-être de plus déchirant, c’est ce cri tragique que la souffrance a arraché à Jésus : ‘‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?’’
Le Christ a connu l’abandon absolu
Le cri d’un homme : ce qui rend insupportable la souffrance, c’est lorsqu’elle se vit dans l’abandon et la solitude. Sans le réconfort d’une main qui caresse un front brûlant. Personne ne voudrait mourir seul, comme un chien, abandonné de tous.
Et pourtant, le Christ a connu l’abandon absolu : abandonné de ses apôtres. Ce qui, à la rigueur, peut encore se comprendre tellement ils avaient peur.
Abandonné de la foule qui l’avait acclamé. Ce qui ne peut pas étonner. La foule est versatile, c’est bien connu.
Mais abandonné de son Père! On ne peut pas le comprendre. Au lieu de ce ciel lumineux, le jour de la Transfiguration, voici le ciel sombre et fermé de Gethsémani. Et, elle s’est tue, cette voix merveilleuse du Père qui disait si chaleureusement : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ».
C’est alors que monte vers le Père ce cri d’un homme, cet SOS tragique qui jaillit de la peur viscérale de tout homme devant la mort. C’est le cri épidermique d’un homme. Pas un surhomme, mais un homme tellement semblable à nous. Un homme qui connaît ces moments terribles où les plombs sautent, où la raison se tait pour laisser crier des entrailles à vif.
Il a crié avec tous ses frères et sœurs
Mais, c’est aussi le cri d’un frère : nouvel Adam, premier des cordées de l’humanité, le Christ est venu partager la condition humaine jusque dans sa forme la plus aiguë : la souffrance dans le silence de Dieu. Et il a crié alors avec tous ses frères et sœurs qui connaîtront ce drame après lui :
- Avec le psalmiste en premier dont il a repris les paroles mêmes (Ps 22,1).
- Avec tous les juifs de la Shoah qui ont imploré le ciel avec ce psaume, avec aujourd’hui tous ceux qui souffrent de conflits et de guerre comme en Ukraine, en RDC, au Sahel, dans des pays d’Asie et ailleurs encore.
- Jésus a associé à son cri les malades incurables.
- Les handicapés murés dans leur détresse.
- Les torturés impuissants qui ne peuvent même pas crier.
- Les laissés pour compte de l’amour, malgré tant de prières.
Et depuis que le Christ a poussé ce cri pathétique, tous les humains ont désormais le droit de le dire, sans être sacrilège, sans offenser le Père : ‘‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’’. Alors tombera dans leur cœur la paix ; mais aussi la capacité de dire comme Jésus: « Mais que ta volonté, à toi Père, soit faite ». Il se remettait ainsi entre les mains du Père.
Frères et sœurs en Christ, ces derniers mots pleins de confiance du Christ en croix devraient être aussi les derniers mots de toute vie chrétienne : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ». Puissions-nous être capables de les prononcer lorsque l’heure sera venue pour nous de passer de ce monde au monde du Père. Amen !
DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR
Lectures bibliques :
Procession des rameaux : Luc 19, 28-40
Messe : Isaïe 50, 4-7; Psaume 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a; Philippiens 2, 6-11; Luc 22, 14 – 23, 56
Jeunes explorateurs de la foi: un livre de cath.ch et Saint-Augustin, bientôt en librairie
Vincent Bolloré: le magnat de la presse au service d’un catholicisme conservateur
Pourquoi les évêques refusent la loi sur le don d’organes?

Homélie du 3 avril 2022 (Jn 8, 1-11)
Didier Berret, diacre – Église Notre-Dame de l’Assomption, Saignelégier
Il les connaît par cœur, Jésus, ces doigts levés impératifs, autoritaires, sûrs d’eux-mêmes qui se dressent pour haranguer les foules. Il les connaît trop bien, ces doigts pointés sur les défauts des autres, qui appuient là où ça fait mal, ces index accusateurs, qui enferment et jugent ! Il a vécu cela tant de fois, lui, le Verbe fait chair qu’ils ont voulu faire taire : ils viennent de l’interrompre en plein enseignement, alors qu’il partageait la parole, sans aucun égard pour ce peuple à l’écoute. Jésus sait bien que cette pauvre femme traquée n’a aucune chance en face des gens-là. Ils ont tracé autour d’elle un cercle dont il est impossible de sortir. Il sait bien aussi qu’elle n’est qu’un prétexte, un objet de plus entre leurs mains pour trouver les moyens de l’accuser lui-même et de le condamner.
Réécrire une histoire nouvelle
Jésus ne va pas répondre pas avec son doigt. Avec son doigt, il montre une autre direction : celle du sol, celle de la terre et avec ce doigt au sol, plutôt que de dénoncer, il trace des lettres, comme s’il s’agissait de réécrire une histoire nouvelle. Comme s’il fallait prendre le temps d’épeler l’un après l’autre les mots qui lentement racontent une vie ! D’où vient-elle cette femme ? Comment s’appelle-t-elle ? Quelle est son histoire ? Qui est son mari ? Qui sont ses frères, ses sœurs, sa mère ? Prise en flagrant délit d’adultère… est-elle seulement consentante ? Ou un rustre l’a-t-il entraînée de force dans un coin sombre de la ville ? Où est-il, du reste cet autre membre du flagrant délit ?
Ils s’en moquent de ces questions, les Scribes et les Pharisiens, et ils insistent avec mépris : (littéralement) Toi, de celles-là (au pluriel) que dis-tu ? Peut-être que s’ils se penchaient pour lire ce que Jésus lentement dessine… ? Mais ces gens-là ne s’abaissent pas, ils toisent et décrètent, cachés derrière leur code de droit.
Renvoyés à leur propre histoire
Jésus aurait pu se dresser avec autorité, les confondre et les chasser du Temple comme il l’a fait avec les vendeurs, mais Jésus n’est pas venu pour jouer au plus fort. Il se met à la hauteur de celle qu’on accuse. Il parle et en une phrase de génie, extraordinairement malicieuse, il les renvoie à leur propre histoire : qui est sans péché ? Jeter la pierre tous ensemble est facile ; chacun peut toujours se rassurer en pensant que c’est la pierre de l’autre qui a blessé ou même tué. Mais qui, en premier, seul, en face-à-face serait d’accord de porter la responsabilité de ce lynchage ? Qui commence ?
Mais même lorsqu’il dit cela, Jésus ne les montre pas du doigt, il ne les dévisage pas pour les confondre, mais se baisse à nouveau. Il les aime, eux aussi, malgré tout et les laisse partir dignes, sans savoir dans quel ordre ils s’en vont, sans observer les grimaces qu’ils font, sans les juger et sans les condamner, eux non plus. Ces intransigeants qui ont tant de réponses pour les autres, Jésus les renvoie avec une question pour eux-mêmes : « qui d’entre vous est sans péché ? »
Lui, assis à terre, continue d’écrire, à ras-du-sol. Il se plonge dans les Écritures, comme pour redire l’Alliance. On dirait qu’il relit Isaïe : « ne faites pas mémoire du passé, je fais toute chose nouvelle, je fais passer un chemin dans le désert, pour que chacun redise ma louange » Jésus touche le monde avec son doigt comme le Dieu de Michel-Ange à la Sixtine touche le premier homme de son doigt pour le créer, lui donner vie. Les Pharisiens sont partis, la femme est libre et libérée. Va, il y a un avenir pour toi !
Plusieurs mois plus tard, non loin du Temple, c’est Jésus qui sera mis au milieu, accusé, encerclé, sur la croix. Les jeteurs de pierre, tenaces, tiennent leur victoire. La nuit tombe sur Jérusalem.
Mais voici…
La scène de la femme adultère s’était passée « dès l’aurore ». « Dès l’aurore » des femmes courent en direction du tombeau. C’est une voie sans issue barricadée par une pierre immobile, à moins qu’il ne s’agisse d’un tas de pierres jetées, cumul de toutes les lapidations. Elles sont lourdes de toutes les condamnations et de toutes les haines du monde.
Le monde de la nuit n’a pas d’avenir
« Dès l’aurore » un matin nouveau, des femmes courent au tombeau et je crois bien qu’elle en fait partie, cette femme adultère parce qu’elle a fait l’expérience de ce qui peut se produire à l’aube ! Le monde de la nuit n’a pas d’avenir, désormais elle le sait. La vie de Dieu ne se laisse pas enfermer.
Jésus se lève, la femme se lève. Ils se rencontrent, elle se transforme. Va désormais ne pèche plus ! La vie t’attend. Tu es belle comme chacun des êtres que Dieu a créés.
5e DIMANCHE DE CARÊME
Lectures bibliques : Isaïe 43, 16-21 ; Psaume 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ;: Philippiens 3, 8-14 ; : Jean 8, 1-11
Messe du temps de Carême à Saignelégier

bannière emploi CES

Bannière UNIFR Avril
