Homélie du 4 juillet 2021 (Mc 6, 1-6)

Fr. Jean-Michel Poffet op – Chapelle de La Pelouse, Bex, VD

Chers frères et sœurs, ici réunis en cette chapelle des Sœurs de St-Maurice, et vous tous, vous toutes, qui êtes en communion avec nous par les ondes ce matin :

Ne faut-il pas être fort pour témoigner du Christ, et pourtant que faire de cette faiblesse, de ces faiblesses qui nous collent à la peau ? N’est-ce pas là souvent votre expérience et la mienne ? D’où l’intérêt d’écouter ce matin le prophète Ézéchiel ; il a des mots percutants pour dire la vocation prophétique, la vocation de témoin : « L’Esprit vint en moi et me fit tenir debout ». Je précise qu’un prophète n’a pas grand-chose à voir avec une Madame Soleil biblique. Il est d’abord un croyant, lucide par grâce sur son temps, qui perçoit à la lumière de sa foi ce qui est vrai et ce qui relève du mensonge ; il (ou elle) discerne ce qui, aujourd’hui, est porteur d’avenir et ce qui, au contraire, mène dans une impasse. Et le prophète est chargé, par Dieu, de le dire. Cette vocation est parfois lourde à porter, souvent les prophètes sont priés de se taire : parfois par les pouvoirs en place, politiques ou médiatiques, parfois par la foule, par l’opinion publique, parfois aussi par ceux qui, dans l’Église, souffrent d’une arthrose particulière : une allergie sévère au changement et à la conversion, et un attrait marqué pour le ronronnement.

Un message neuf, dérangeant

Ézéchiel reçoit comme mission d’aller parler à une nation rebelle, à ceux qui ont le visage dur et le cœur obstiné. Mais, mes amis, avez-vous remarqué qu’il ne s’agit pas des païens mais du cher peuple d’Israël, de ses contemporains qui « ont le visage dur et le cœur obstiné ». Jésus est bien dans la même ligne lorsqu’il précise à ceux qui bougonnent et marmonnent devant sa sagesse et ses miracles : « un prophète n’est méprisé que dans son pays ». En effet, les gens de son village, Nazareth, s’étonnaient de sa sagesse : où l’avait-il apprise ? La familiarité avec celui qu’on avait côtoyé pendant de longues années empêchait soudain d’écouter et d’accueillir un message neuf, fort et dérangeant. Même les miracles et les guérisons opérés par Jésus semblaient une lumière trop forte pour leurs yeux.

J’insiste sur cette perspective parce qu’elle est de nature à nous encourager et nous invite surtout à ne pas trop vite nous étonner de la difficulté de la tâche : ce n’est pas simple, en effet, de prêcher l’Évangile, de faire découvrir le Christ, d’être écouté, même quand, avant toute chose, on a essayé d’être crédible. Mais il est réconfortant de s’entendre dire par le prophète et par Jésus lui-même que les « méchants » (entre guillemets) ne sont pas tous à l’extérieur, menaçant une Église solennellement pure et intègre. Les failles sont aussi à l’intérieur, parce que le péché blesse le cœur humain, et c’est vrai de chacune et chacun, y compris des croyants. Mais il est parfois plus difficile de convertir un croyant qu’un païen.

Peur de nos faiblesses ? de nos échecs ?

Comment ne pas être saisi de vertige devant un tel ministère prophétique : pas seulement celui des évêques ou des prêtres, mais des parents, des catéchistes et de tous les baptisés appelés à témoigner du Christ, après l’avoir écouté, après avoir prié et s’être exposé à sa Parole. Comment ne pas avoir peur de nos faiblesses ? de nos échecs ? C’est là que le témoignage de saint Paul est sans prix. Lui qui avait commencé par se vanter de sa fidélité sans faille, « un homme irréprochable », a été non seulement surpris mais bouleversé par le Christ vivant, au chemin de Damas. Paul a découvert en un instant qu’il était si sûr de sa foi, de ses vues, de son Dieu… qu’il avait fini par devenir persécuteur de ces chrétiens qui prétendaient que le Messie tant attendu par Israël était venu. C’était ce Nazaréen condamné par les autorités de son peuple et mis en croix. Le Pharisien parfait… était aussi – et il le reconnaîtra – un persécuteur. « J’ai persécuté l’Église de Dieu », je me suis opposé à la volonté de mon Dieu.

Dorénavant, Paul aura une connivence avec ce mystère de la croix où la folie de l’amour de Dieu déconcerte les sages ; où la faiblesse – nous y voilà – la faiblesse absolue de celui qui est rejeté est plus forte que les puissants de ce monde. Paul va même – nous venons de l’entendre – jusqu’à porter un regard positif sur ses faiblesses. Non seulement il les accepte désormais, mais il va jusqu’à en être fier ! Par masochisme ? Non, mais parce qu’il a été conduit à découvrir que lorsqu’il se sent si démuni, ce n’est plus lui mais le Seigneur qui par lui et à travers sa faiblesse, donne une fécondité à sa parole, à son ministère. Beaucoup ont cherché à savoir quelle était cette fameuse « écharde dans la chair » dont Paul a supplié le Seigneur de le libérer. Nous n’en savons rien ; cette formule, plus vague qu’un diagnostic médical, permet à chacune et chacun d’y glisser ses propres faiblesses, qu’elles soient de l’ordre physique, moral ou spirituel.

Humilité sur fond de certitude

Paul a découvert peu à peu que lorsqu’il s’épuisait à la tâche et souffrait de ses limites, le Seigneur passait pourtant à travers ses paroles : davantage même, c’est à travers cette faiblesse que Dieu était le plus purement à l’œuvre. Parce qu’alors le Christ lui inspirait les mots et surtout l’attitude correcte pour servir l’Évangile. Non pas un surplomb autoritaire, aucune arrogance, fût-elle sacrée, mais de l’humilité sur un fond de certitude. C’est ainsi que le Seigneur travaille, avec des serviteurs et des servantes « inutiles » selon les mots même de Jésus : « inutiles » peut-être et pourtant embauchés dans la vigne du Seigneur. « Inutiles » non pas au sens où nous pourrions nous croiser les pouces en attendant que ça se passe, mais au sens où, après avoir engagé notre vie à la suite du Christ et pour le faire connaître, nous reconnaissons que, finalement, c’est peu de chose parce que celui qui fait grandir la moisson, c’est le Seigneur.

En résumé, l’Esprit de Dieu habite et traverse nos faiblesses, il ne les supprime pas toujours. Mais le Seigneur est un expert : avec de pauvres serviteurs et servantes, il peut faire des merveilles, pour peu que nous nous laissions habiter par son amour. Alors, il ne s’agit plus de nos performances mais des siennes. C’est vraiment Lui, mais aussi par nous. Je vous pose la question : n’est-ce pas un message d’espérance ?

14e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Ézéchiel 2, 2-5; Psaume 122, 1-2ab, 2cdef, 3-4; 2 Corinthiens 12, 7-10;ar Mc 6, 1-6

Homélie du 27 juin 2021 (Mc 5, 21-43)

Abbé Aimé Munyawa – Église Saint-Joseph, Lausanne

Chers frères et sœurs et vous bien-aimés de Dieu qui nous suivez à travers les ondes de la RTS,

La parole de Dieu en ce dimanche nous met en face des réalités les plus dures, les plus touchantes et parfois même les plus révoltantes de l’existence humaine. Il s’agit de la souffrance, de la mort et surtout de l’angoisse qui, souvent, accompagne les deux lorsqu’elles touchent à notre vie.

Une femme accablée par la souffrance pendant 12 ans vient toucher le Seigneur Jésus. 12 ans d’humiliation et de souffrance de la maladie sans guérison, mais aussi 12 ans d’angoisse parce qu’elle était exclue de la communauté à cause d’une maladie considérée comme expression d’impureté dans la loi juive.

Dans le même instant, le Christ était déjà en route pour aller répondre à un cri de détresse, à un cri d’angoisse d’un papa qui a peur de perdre sa fille qui n’était âgée que de 12 ans. Il est clair que souffrir pendant 12 ans c’est trop long, c’est trop angoissant, trop révoltant parfois ; Mais il est aussi clair que mourir à 12 ans c’est trop tôt, c’est trop dur et c’est même trop révoltant encore. Dans ce contexte, parfois on finit par se demander pourquoi moi ? Dieu n’est-il pas injuste de laisser cette souffrance s’abattre sur moi ? Ou encore laisser la mort m’arracher cette personne que j’aime tant ? La femme, tout comme Jaïre, pouvait se poser ces questions.

La Parole de Dieu : un chant à la vie

Face à l’angoisse ou à la révolte qui découle de nos questionnements sans réponses, la parole de Dieu nous répond aujourd’hui par le livre de la Sagesse que nous avons entendue : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants… c’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ». En ce sens, la Parole de Dieu retentit aujourd’hui comme un chant, une hymne à la vie, laquelle vie jaillit de l’amour de Dieu, lui qui est plus fort que toutes les forces du mal qui pourraient menacer l’épanouissement et le bonheur humain.

La femme souffrante et la fille de Jaïre constituent, chacune en ce qui la concerne, le symbole de l’humanité qui croupit sous l’angoisse de la maladie, de la mort ou de toute autre forme de misère. Et le Seigneur Jésus qui est venu dans le monde pour que l’humanité aie la vie et qu’elle l’aie en abondance (Jean 10, 10) décide de sortir l’humanité de cette angoisse afin de montrer que la gloire de Dieu se trouve dans l’homme debout, dans l’homme et dans la femme remplis de vie. À celle ou à celui qui est terrassé par la maladie, il dit : « lève-toi » ou encore : « Ma fille / mon fils, ta foi t’a sauvé (e). Va en paix et sois guéri (e) de ton mal ». À celle ou à celui dont la vie est bouleversée ou détruite par la mort d’un être cher le Seigneur dit : « Ne crains pas, crois seulement ».

Cher frères et sœurs et vous bien-aimés de Dieu qui nous suivez de tous les coins du pays par la voie des ondes,

Le chiffre 12 et la foi

L’histoire de la femme malade ainsi que celle de la fille de Jaïre ont deux choses en commun : le chiffre 12 et la foi.

  • Le chiffre 12 dans la bible signifie l’élection. Les 12 tribus d’Israël, les 12 apôtres, les 12 portes de la Jérusalem céleste, etc. 12 ans de maladie comme 12 ans d’âge au moment de la mort, nous révèle que quel que soit le degré de souffrance ou quelle que soit l’angoisse de la mort, nous sommes et nous demeurons des élus de la vie nouvelle en Jésus Christ. Rien ne peut nous séparer de son amour. Ni la souffrance, ni l’angoisse, ni la mort, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu qui vient nous transformer.
  • La foi : le Seigneur Jésus est touché par la foi de la femme et l’espérance sans faille d’un père désespéré. Cependant, Jésus invite leur foi à grandir, à tendre vers la maturité. Jaïre était un homme de foi. Il adresse sa prière à Jésus. Pendant que ce dernier s’apprête à répondre à sa demande, une autre personne intervient avec une demande aussi pressante. Le Seigneur s’occupe d’abord de la dernière demande comme s’il oubliait celle de Jaïre qui était pourtant le premier à prier Jésus. La foi de Jaïre est appelée à la patience. La foi implique la patience parce que le temps de Dieu n’est pas le nôtre et que le Seigneur a son temps pour nous répondre. Jaïre ne doit être ni jaloux ni fâché de la femme dont le Seigneur prend soin au point de retarder sa réponse. La foi nous amène à nous réjouir avec les autres. Nous avons l’impression d’être mis entre parenthèses ou en jachère, mais sachons que le Seigneur ne nous oublie pas.. Les proches viennent lui dire : « Laisse tomber, l’enfant vient de mourir. Pourquoi continuer à déranger Jésus ». Sa situation s’est entretemps empirée. Parfois nos proches peuvent nous décourager. Ici la foi de Jaïre, pour ne pas dire notre foi, est appelée à la persévérance. Si le Seigneur nous dit : « Ne crains pas, crois seulement » et que les amis nous disent : « Laisse tomber ça ne vaut plus la peine ». Qui devrions-nous écouter ? encourageons-nous mutuellement dans la foi sans semer le doute dans les cœurs de nos proches. La foi de Jaïre, vécue dans la patience et la persévérance a produit la vie nouvelle en Jésus pour sa fille, pour ses proches et pour lui-même.

Oser montrer que nous sommes chrétiens

Quant à la femme, c’était une femme de foi. Mais elle voulait obtenir sa guérison en cachette, en toute discrétion, sans le vis-à-vis avec le Christ. Le Seigneur l’invite à sortir de sa cachette pour faire une véritable profession de foi publique. Soyons courageux pour affirmer publiquement notre foi sans pour autant mépriser celle des autres, bien entendu. N’ayons pas honte de montrer que nous sommes chrétiens

Enfin, le Seigneur demande à l’assistance de donner à manger à la fille ressuscitée. La vie nouvelle se conserve et s’entretient par une nourriture divine. Et cette nourriture divine nous la retrouvons dans la parole de Dieu, la prière et les sacrements. Le sacrement de l’Eucharistie comme nourriture de celles et ceux qui sont nés de l’eau et de l’Esprit Saint pour la vie nouvelle. Et de manière particulière nous sommes invités à redécouvrir la grâce, la force et la joie du sacrement de réconciliation lorsque nous sommes malades de péchés et celui de l’onction des malades lorsque notre corps est affaibli par la maladie physique.
Loué soit Jésus Christ !

13e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24; Psaume 29 (30) 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13; 2 Corinthiens 8, 7.9.13-15; Marc 5, 21-43