Homélie du 2 mai 2021 (Jn 15, 1-8)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice, Vs

            Chers frères et sœurs, en ce temps pascal nous avons tous en tête l’envoi en mission du Christ ressuscité, disant à ses disciples :

19 Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,

20 apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 19-20).

            De tout temps, l’Eglise tente d’être fidèle à cet appel. Pour ce faire, on organise des actions, on tente d’élaborer des plans pastoraux, on imagine mille choses pour toucher le plus grand monde possible. Quand cela « marche » on se sent béni du Seigneur, accompagné de sa grâce, plein de joie. Et quand cela ne marche pas, alors … on va chercher les raisons : nous ne savons plus parler un langage qui touche, nos liturgies ne sont pas assez ceci ou trop cela, ne faisons trop ceci et pas assez cela, etc. etc.

Les « fruits »

            Et derrière tout cela, il y a les fameux « fruits ». Ces gens-là sont bien, ils sauvent l’Eglise. On le voit à leurs fruits. Ceux-là, par contre : des dépassés, des has been … Et puis il peut arriver que ceux qui ont porté tant de fruit reconnus, tout à coup, sont dévoilés comme de simples être humains, avec leurs qualités certes, mais aussi leurs défauts, leurs blessures, leurs incohérences, et on ne sait plus que faire de cela.

            Aujourd’hui, c’est bien de fruits que parle Jésus dans l’Evangile selon s. Jean (15, 1-8), mais il me semble que bien écouter ce qu’il dit pourrait nous aider à recentrer les choses. Il commence par une affirmation forte :

01 Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.

02 Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.

Deux choses sont dites ici :

1- La nécessité absolue de porter du fruit : Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève

2- La nécessité pour le sarment qui porte du fruit d’être encore taillé et purifié par le Père : tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.

            On a peut-être trop vite porté aux nues des sarments certes fructueux, mais qui comme tout sarment avaient besoin d’être émondés, taillés, purifiés, pour continuer à porter du fruit.

Demeurer en Jésus

            Mais revenons à la nécessité absolue de porter du fruit, que Jésus affirme dans notre évangile. Comment s’y prendre ?

            Jésus ne parle ni de plan pastoral, ni d’événements à organiser. Il parle de demeurer en Lui.

4 Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.

05 Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

            Ainsi, pour porter du fruit, il faut demeurer en lui. Là où nous parlions « action », Jésus parle d’abord de communion avec lui, d’union à lui. Une petite étude du mot « fruit » dans les évangiles nous montrerait que Jésus, lorsqu’il parle de fruit, parle toujours de la manifestation d’une conversion intérieure, d’une purification intérieure, d’où est issue notre présence au monde, notre agir. Et le texte final, absolu, se trouve en Galate 5, 22-23 :

Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi

            Le fruit que Jésus nous demande de porter, c’est l’amour, la charité, et toutes ses déclinaisons possibles. Aujourd’hui, il nous enseigne que ce fruit s’obtient dans l’union à Lui, Amour parfait, absolu, total.

            Serait-ce donc qu’il suffirait de prier pour porter du fruit. Non bien sûr. La foi sans les œuvres est morte, nous dit saint Jacques. Une fois morte, une foi sans œuvre, c’est une foi sans amour concret, sans exercice concret de la charité. Le passage de la première Épitre de saint Jean (1 Jn 3, 18-24) lu tout à l’heure est clair :

18 Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité.

19 Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité.

            Les fruits sont bien une manière de vérifier notre union à Dieu, la cohérence de notre vie spirituelle. Mais ces fruits ne sont pas d’abord des plans et des projets : c’est un amour « en acte et en vérité », un amour véritable du prochain qui se traduit par des actes concrets. De cet amour, et de lui seul, naîtront les plans d’action. Tout plan d’action qui naîtrait d’une autre source ne serait que propagande, idéologie.

Aimer mieux

            On n’a pas à faire de la propagande pour Dieu et son Eglise ; ce que l’on doit « faire », c’est aimer mieux, de manière toujours plus concrète, toujours plus actuelle.

Cela passe par un émondage constant de notre vie, de notre action, de notre amour, une taille effectuée par notre vigneron de Père. Cet émondage est parfois douloureux, mais laissons nous faire par lui, cela en vaut la peine : le récit des actes des apôtres, que nous avons lu tout à l’heure, nous parle de l’incroyable conversion de Saul – Saint Paul, le persécuteur devenu apôtre. C’est tellement invraisemblable, à l’époque dont parle notre texte des Actes, que personne n’y croit. Et pourtant la suite de la vie de Saul – Paul montrera que c’est vrai. Laissons le Père nous tailler, laissons le nous désarçonner, comme il l’a fait pour l’Apôtre des nations : cela en vaut la peine.

5e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques :
Actes 9, 26-31; Psaume 21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32; 1 Jean 3, 18-24; Jean 15, 1-8

Homélie du 25 avril 2021 ( Jn 10, 11-18)

Abbé Aimé Munyawa – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Chers frères et sœurs en Christ,
Et vous bien aimés de Dieu qui nous suivez par la voie des ondes,
En ce dimanche qui est réservée à la prière pour les vocations, l’Eglise nous propose cette parole de Dieu où le Seigneur Jésus se présente comme le Bon Berger – et même, le Vrai Berger. Qu’est-ce que cela veut dire, le Bon Berger ?
En se présentant comme le Bon et le vrai Berger, Jésus veut souligner deux réalités importantes de sa vie dans sa relation avec l’humanité, dans sa relation avec nous. Premièrement il veut affirmer son statut de Messie, de Fils de Dieu attendu par tout le peuple de Dieu. Et la seconde réalité que Jésus souligne est la manifestation de l’immense amour et bonté de Dieu à l’égard de chacun de ses enfants, de chacun d’entre nous.

Jésus est le Messie attendu


Pour ce qui est du messianisme de Jésus : le Seigneur Jésus sait qu’il est entrain de s’adresser un peuple qui prie régulièrement les psaumes. Et dans le Psaume 22 il est dit que : Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Pour le peuple juif, c’est Dieu qui est le Vrai Berger d’Israël. Et dans le Psaume 94 les fils d’Israël affirment : Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit, le troupeau guidé par sa main. Le titre du Vrai Berger était réservé à Dieu. En s’attribuant ce titre aujourd’hui, Le seigneur Jésus affirme avec force et sans équivoque qu’il est le Messie attendu, qu’il est la manifestation de ce Dieu adoré par Israël, il vient prendre soin son troupeau Israël. Il vient prendre soin de nous aujourd’hui. Mais il demande à ses brebis d’hier et celles d’aujourd’hui, que nous sommes, de reconnaître sa voix, de l’écouter et de la suivre.

S’agissant de l’immensité de l’amour et de la bonté de Dieu pour chacun de ses enfants, Jésus proclame qu’il incarne cet amour et le rend plus ardent. Pour comprendre ceci, jetons un regard rétrospectif dans l’évangile de saint Jean que nous venons d’écouter. Dans le chapitre 9 qui précède le discours sur le bon berger, Jésus venait de guérir un aveugle de naissance le jour du sabbat. Au lieu que cette guérison suscite la joie de sa communauté, elle a plutôt provoqué une colère de la part des responsables de la communauté, les pharisiens, qui sont supposés être des bergers des fils d’Israël. Nous retrouvons d’ailleurs, dans la première lecture que nous venons d’entendre, la même colère de la part des chefs et des anciens qui ont arrêté et interrogé les apôtres parce qu’ils ont guéri un infirme au nom de Jésus. Face à cette attitude, qui peut certaines fois nous arriver, de ne pas nous réjouir du bonheur des autres ou de vouloir maintenir les autres dans leur misère, le Christ sort de ses réserves, fustige cette manière d’être berger. D’où son affirmation, Moi je suis le Bon Berger – le Vrai Berger.

Jésus se met au service de chacun


Le Bon berger est celui qui donne sa vie pour le bonheur, le bien-être de ses brebis. Par amour, il prend soin de chacune des brebis. Il écarte tout danger et tout risque de prédation. Il connait le besoin de chaque brebis et y réponds à tout moment. Il ne donne pas seulement ce qu’il a, mais aussi et surtout ce qu’il est ! En Jésus, Dieu-Amour se met au service de chacun d’entre nous.
Chers frères et sœurs et bien aimés de Dieu qui nous suivez dans tous les coins de notre pays, Jésus nous invite ici à partir du cœur même de Dieu son Père qui nous aime sans cesse. Et il nous lance ce même regard à partir du plus profond de nous-mêmes, de ce que nous avons de plus intime, de plus intérieur et de plus particulier pour nous faire émerger comme des rayons de sa lumière au cœur du monde. Nous pourrons ainsi abattre les barrières des enclos en faire un seul avec un seul pasteur qui nous aime et qui partage au quotidien nos soucis.


Nous, les brebis du Seigneur, sommes invitées aujourd’hui à partager la responsabilité de notre berger en devenant Bon et Vrai berger les uns pour les autres afin que le monde soit transformé par l’amour. L’amour des parents pour leurs enfants et celui des enfants pour leurs parents, de l’époux pour son épouse et de l’épouse pour son époux, du frère pour sa sœur et de la sœur pour son frère, . . . bref c’est l’amour de tout humain pour son semblable qui devient le reflet et la concrétisation de l’amour de Dieu pour chacun de nous.

Dieu se cache derrière chaque visage que nous rencontrons

Chers frères et sœur autant nous portons des masques pour nous protéger du virus, autant Dieu en porte aussi pour nous protéger de l’indifférence. Le masque de Dieu c’est le Visage Humain. Dieu se cache derrière chaque visage humain que nous rencontrons. Soyons capable de le reconnaître et de l’aimer. Nous n’allons pas changer le visage de ce monde en partageant uniquement ce que nous avons : C’est en partageant surtout ce que nous sommes que le monde prendra le visage de son créateur. Nous sommes des fils et filles bien aimés de Dieu, enfants comblés de l’amour, de la bonté et de la miséricorde de Dieu.


En ce dimanche des vocations, prions pour que Dieu suscite au milieu de nous, au sein de nos familles, de nos communautés et nos sociétés des frères et sœurs capables de s’embarquer dans la dynamique de l’amour, du service et du sacrifice à l’image de Jésus le Bon Pasteur pour changer le visage du monde et en faire une seule famille des enfants de Dieu. Loué soit Jésus Christ !

4e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 4, 8-12; Psaume 117 (118), 1.8-9, 21-23, 26.28-29; 1 Jean 3, 1-2; Jean 10, 11-18

Homélie du 18 avril 2021 (Lc 24, 35-48)

Frère Etienne Harant, O.P., Maison Saint-Dominique, Pensier, FR

La double manifestation du Ressuscité

« J’ai revu mon vieil ami Matthieu hier dans la rue, je l’ai à peine reconnu ! » Nous avons sûrement déjà fait cette curieuse expérience, alors que nous avons très bien connu quelqu’un, de ne pas être en mesure de le reconnaître (au sens littéral même de le « connaître à nouveau »), tellement ce dernier semblait avoir changé. Jésus après sa résurrection cherche manifestement à éviter cette situation avec ses disciples. Il se rend présent et identifiable aux apôtres par de multiples moyens, afin qu’ils croient qu’Il a bel et bien vaincu la mort et qu’Il est réellement ce qu’Il prétendait être : le Fils éternel du Père céleste.

Une expérience sensible du Christ


Mais alors, comment s’y prend-il ? L’évangéliste saint Luc nous raconte une double manifestation, en deux temps distincts, mobilisant toutes les capacités d’identification disponibles à l’être humain.
La première étape est une étape sensorielle, ou sensitive. Le Ressuscité se manifeste aux sens. Il parle aux apôtres (« la paix soit avec vous »), Il invite à regarder (« voyez mes mains et mes pieds ») et même à toucher (« touchez-moi, regardez », le verbe employé ici signifie d’ailleurs littéralement « palper », « découvrir en touchant », « faire une investigation par le sens du toucher »). Ainsi les apôtres font une expérience véritablement sensible du Christ réellement, physiquement présent à eux. Je vous invite d’ailleurs à remarquer l’ordre des sens monopolisés : l’ouïe, la vue, et le toucher. Nous allons du plus éloigné au plus proche, du moins assuré au plus certain. Christ se manifeste de manière crescendo, Il s’approche véritablement de ses disciples, même dans la manière de se faire reconnaître, jusqu’à devenir palpable. Il est audible, visible, et palpable. Il ne manquerait plus que les apôtres puissent le sentir et le goûter. Et surprise ! Parce que les disciples n’en reviennent toujours pas, et bien c’est Christ lui-même qui mange ! Ainsi, dans cette première manifestation, les cinq sens sont mobilisés, (partons du principe que si l’on peut toucher quelqu’un, il est aussi possible de le sentir…) plus de doute sensible possible : cet homme vivant n’est pas un esprit, il a un corps, et ce corps permet d’identifier celui qui est mort sur la croix.

Christ se manifeste à l’intelligence des disciples


Mais ce n’était que la première étape. Christ identifié sensiblement, va à présent se manifester à l’intelligence des disciples. Remarquez que cette découverte suit notre mode naturelle de connaissance. Tout ce que notre intelligence connaît, elle le connaît par les sens ! Eh bien Christ se met à dévoiler à l’intelligence de ses apôtres tout ce qui le concernait dans l’Ecriture. Comme pour les disciples d’Emmaüs, il retrace son histoire, l’histoire de son annonce dans l’Histoire Sainte. Christ remédie lui-même à l’ignorance dont Pierre accuse le peuple dans notre première lecture. Vous avez sûrement noté d’ailleurs que ces mêmes disciples d’Emmaüs sont également présents ! Ils auront donc bénéficié deux fois de cette leçon d’exégèse biblique de la part du Verbe, une telle science leur vaut bien le titre de doctor honoris causa de l’Université de Fribourg ! Toujours est-il, on ne connaît rien de cette leçon que donne Jésus aux disciples.
Sens et intelligence sont saisis pour reconnaître que Jésus est bien vivant et qu’Il est le Sauveur annoncé. Ce sont donc toutes les « capacités d’identification » des apôtres qui sont mises à contribution.

Beaucoup « d’indices eucharistiques »


J’attire à présent votre attention sur une troisième révélation du Ressuscité, qui cette fois ne concerne pas tant les apôtres que nous-mêmes. En effet, remarquez que Jésus apparaît au milieu des disciples, dans une pièce close, après que l’on a parlé de lui (qu’il a été « invoqué »), une fois présent il mange, le tout suscité par le récit d’une apparition au cours de laquelle le Christ s’est fait reconnaître à la fraction du pain. Frères et sœurs, cela fait tout de même beaucoup « d’indices eucharistiques », dans un contexte de reconnaissance du Vivant. Et ce nouveau mode de présence du Christ fait à la fois appel aux sens et à la Parole Divine, il est à la jonction des deux. Les sens ne suffisent pas, ils sont débordés par l’Eucharistie, ils sont dépassés par la Parole de Vie qui rend réellement présent le corps et l’âme du Ressuscité. Nous sommes en ce moment même, en célébrant cette eucharistie, unis à tous ceux qui nous écoutent à la radio, dans la même situation que les apôtres : face au Ressuscité, qui se révèle aux sens, soutenus par l’Ecriture. Seulement, pour nous un voile de plus a été déposé sur cette présence vivifiante : celui de la foi.
Alors demandons à celui qui va venir, d’irradier toute notre personne de sa sainte présence afin que toute notre vie en soit transformée, pour que nous puissions vivre un jour enfin, totalement, pleinement, et éternellement en sa présence.

3e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 3, 13-15.17-19; Psaume 4, 2, 4.7, 9; 1 Jean 2, 1-5a; Luc 24, 35-48