Être enfant de prêtre, la fin du tabou

Homélie du 20 décembre 2020 (Lc 1, 26-38)
Père Jacques-Benoît Rauscher, OP – Collégiale Saint-Laurent, Estavayer-le-Lac, FR
Souvent, dans l’Evangile de l’Annonciation que nous entendons ce dimanche, c’est la dernière phrase de la Vierge Marie qui retient le plus l’attention : « voici la servante du Seigneur ». En un sens, c’est bien normal. En effet, ce sont ces mots qui engagent Marie et, avec elle, toute l’humanité : c’est parce que Marie accepte d’être la servante du Seigneur que nous pourrons fêter Noël d’ici quelques jours. Pourtant, cette acceptation de Marie risque de nous faire oublier un peu vite qu’elle a d’abord posé une question: « comment cela va-t-il se faire ? ». Et c’est précisément sur cette phrase, sur cette question, que je voudrais méditer avec vous en ce dernier dimanche de l’Avent. Une question peut avoir deux dimensions. Elle peut être une interpellation ; mais elle peut être aussi une demande d’éclaircissement. La question de Marie conjugue ces deux dimensions… et cela n’est pas sans conséquences très concrètes pour notre vie de foi aujourd’hui.
Un cri lancé vers Dieu
« Comment cela va-t-il se faire ? ». Si une actrice était appelée à jouer le rôle de Marie dans une représentation du mystère de l’Annonciation, elle pourrait choisir de prononcer cette phrase un peu comme un cri ; un cri qui ferait écho à l’effroi qui saisit la Vierge quand elle voit l’Ange entrer chez elle. Lancer une question quand nous vivons quelque chose de grand est une expérience que nous faisons tous, à notre niveau : « comment cela est-il possible ? Qu’ai-je fait pour que cela m’arrive, à moi ? » Ces interrogations nous pouvons les prononcer devant un évènement très heureux, mais aussi devant un grave malheur qui nous accable. Elles sont le cri d’une personne dépassée. Ces questions n’attendent pas d’abord une réponse. Elles cherchent avant tout à être accueillies. D’ailleurs, l’Ange ne répond pas à Marie en lui présentant une explication détaillée. Il accueille sa question et lui redit l’essentiel : « l’Esprit-Saint viendra sur toi. La puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. ». Dieu nous prend toujours sous son ombre quand nous osons, comme Marie, jeter vers le Ciel les situations qui nous dépassent.
Ne pas rester statiques sur notre chemin de foi
« Comment cela va-t-il se faire ? » Il y a une seconde manière de comprendre la question de Marie. Il s’agirait moins de voir cette question comme un cri lancé vers Dieu que comme une volonté de mieux comprendre ce que Dieu réalise. Il nous est dit plusieurs fois dans l’Evangile que Marie ne « comprenait pas » ce que Jésus disait (Lc 2,50). Mais il est aussi indiqué qu’elle méditait toutes choses dans son cœur (Lc 2,19 et Lc 2,51). Ce qui caractérise Marie est qu’elle est en chemin, qu’elle cherche à progresser dans sa foi. Si Marie, la Vierge immaculée, comblée de grâces, choisie de toute éternité, ne comprend pas et doit progresser dans son chemin de foi, il ne nous faudrait jamais désespérer de ne pas comprendre immédiatement tout le contenu de notre foi. La première phrase que l’Evangile retient de Marie est une question, un « comment ». Il y a là pour nous une invitation à ne pas délaisser les questions que nous nous posons sur la foi, mais à toujours plus chercher à les approfondir, quels que soient notre âge ou notre niveau d’études. Dieu nous demande de ne pas rester statiques sur notre chemin de foi en prétextant trop vite qu’il y a des mystères qu’il ne faut pas explorer. Comme Marie, il faut nous mettre en route et toujours avancer en prenant le risque de nous interroger, d’approfondir les points qui nous semblent obscurs dans la foi que nous confessons.
Marie assume pleinement son humanité
Frères et sœurs, parfois, nous mettons Marie à une place si élevée que nous en oublierions presque qu’elle est humaine. « Comment cela va-t-il se faire ? ». La question de l’Evangile de ce dimanche nous montre que Marie assume pleinement une humanité dont le propre est d’être déboussolée mais aussi de grandir, pas à pas, dans la connaissance de son Seigneur. C’est précisément parce qu’elle n’a pas peur de se comporter de manière humaine que Marie peut accueillir Dieu qui se fait homme.
A quelques jours de Noël, prions pour avoir, nous aussi, l’audace d’interpeller Dieu face aux évènements qui nous dépassent ou aux situations qui nous révoltent. Prions pour avoir le courage de creuser les points de la foi qui nous interrogent. C’est seulement de cette manière que nous pourrons, comme Marie, servir le Seigneur en toute vérité et Le voir naître dans toute l’épaisseur – très humaine, mais authentique – de notre vie.
4e DIMANCHE DE L’AVENT
Lectures bibliques : 2 Samuel 7, 1-5.8b-12.14a.16; Psaume 88 (89), 2-3, 4-5, 27.29; Romains 16, 25-27; Luc 1, 26-38
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Homélie du 13 décembre 2020 ( Jn 1, 6-8.19-28)
Abbé Marc Donzé – Collégiale Saint-Laurent, Estavayer-le-Lac
« C’est pas la joie ». Beaucoup le disent. Et ça peut se comprendre. Pour les restaurateurs, pour les milieux de la culture et bien d’autres encore, les temps sont difficiles et pleins de rudes préoccupations. Plus encore, les malades du coronavirus et ceux qui les soignent vivent des heures tendues, dramatiques parfois. « C’est pas la joie ».
Tout à l’opposé, Charles Trenet chantait : « y a d’la joie, bonjour les hirondelles ; y a d’la joie dans le ciel par-dessus les toits ; y a d’la joie, partout y a d’la joie ».
Et aujourd’hui, nous entendons saint Paul qui nous écrit : « Soyez toujours dans la joie ». Ce n’est pas un petit mot en passant. Paul l’écrit déjà dans sa toute première lettre. Et il l’écrit bien des années plus tard, aux Philippiens, alors qu’il est en captivité. « Soyez toujours dans la joie ».
Une parole à prendre au vrai
Mais comment est-ce possible d’être toujours dans la joie ? Saint Paul est-il réaliste ? N’est-il pas en train d’écrire une exagération orientale ? Sûrement pas. C’est une parole à prendre au vrai. Donc, nous devons explorer les chemins pour vivre toujours une part de joie. J’en vois trois.
D’abord, nous pouvons simplement cultiver les occasions qui nous donnent du plaisir et de la joie. Rencontrer un ami, vivre une fête de famille, jouir de la nature, écouter de la musique, lire un polar… et la liste peut s’allonger. A chacun de trouver ce qui le met en joie. Comme on dit de façon populaire, « y a pas d’mal à s’faire du bien »… à condition toutefois que ce soit dans le respect des autres, de la nature et de soi-même.
Ensuite, dans tout ce qui se passe autour de nous et dans le monde, nous pouvons porter un regard sur ce qui est vivant, respectueux, lumineux, aimant. Ce n’est pas facile. Car les discussions – les medias aussi – portent bien plus souvent sur ce qui ne va pas, sur ce qui est dramatique ou scandaleux. Cette part d’ombre ou de boue ou de mal existe, bien évidemment. Mais n’y a-t-il pas en même temps une autre part ? La pandémie existe, c’est on ne peut plus clair ; mais les gestes de soin, de service, de solidarité, de compassion et d’amitié existent aussi. N’est-il pas important de les voir et de les souligner, parce qu’ils apportent de la lumière, de la tendresse même parfois ?
La conversion du regard
Voir la part lumineuse, s’en émerveiller même, ce n’est pas chausser des lunettes roses et faire l’impasse sur ce qui est difficile. Mais c’est aussi porter l’attention sur ce qui est beau, et qui apporte une part de joie, même dans les situations difficiles. Comme ce n’est pas spontané, j’appelle cela « la conversion du regard ». Cette attitude correspond à ce mot d’un vieux sage chinois, Confucius, qui disait : « la joie est en tout, il faut savoir l’extraire ». Comme dit un proverbe, chinois lui aussi à ce qu’il paraît, « la forêt qui pousse fait moins de bruit qu’un arbre qui tombe ». Il est clair que l’on entend l’arbre qui tombe, mais il faut aussi avoir la lucidité de voir la forêt qui pousse. C’est moins spectaculaire, mais c’est source de joie.
Cultiver la joie en s’offrant des moments de réjouissance, et vivre la conversion du regard pour porter aussi attention à la face de lumière des événements, cela suffit-il pour être toujours dans la joie ? Sûrement pas ! Il y a des moments d’épreuve, d’incompréhension, de souffrance, où il faut encore une autre source de la joie.
Le Christ source de joie et de paix
Saint Paul lui-même a vécu mille épreuves : dangers innombrables, bastonnades, naufrages, injustices, prison. Quel est donc son secret pour être toujours dans la joie ? Cette joie, il la reçoit dans sa relation avec le Christ Jésus. Non seulement, il est joyeux de partager à sa mesure ce que furent les souffrances que le Christ lui-même a endurées ; mais, plus encore, dans cette relation, la paix de Dieu lui est donnée à chaque pas, car le Dieu d’Amour est fidèle.
C’est une parole difficile à entendre, certainement. Et elle ne se comprend que dans la foi vécue à l’Amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Saint François d’Assise l’a entendue fortement. Dans un texte célèbre, il dit que la joie parfaite, c’est quand on n’est pas reconnu, pas accueilli, et même malmené et que l’on peut supporter tout cela avec égalité d’humeur, parce que le Christ lui-même n’a pas été accueilli. La joie parfaite, c’est donc faire route avec le Christ en toutes circonstances et croire qu’il fait route avec nous en toutes circonstances.
Les heures peuvent être ténébreuses, mais, au fond, il y a le chant de la relation d’amour avec le Seigneur et c’est comme une source qui coule, joyeuse, au-delà au-dedans de tout.
Le chant d’une petite source
La joie parfaite, quel paradoxe ! Est-ce une parole impossible ? Pas vraiment. Il se peut même que nous en ayons une petite expérience, pour la comprendre et l’accueillir. Si l’on accompagne quelqu’un dans la souffrance, et même dans le passage de la mort vers la vie, si on le fait avec amour et tendresse, ne ressent-on pas, en même temps que la compassion, une joie discrète, ténue même, comme le chant d’une petite source ?
Avec cette simple expérience, je commence à croire que saint Paul n’exagère pas, quand il dit : Soyez toujours dans la joie.
Nous voilà donc invités à cultiver la joie et à convertir notre regard, comme nous le suggèrent les sages : il faut savoir extraire la joie. Mais, plus encore, nous voilà invités à faire route avec le Seigneur, en recevant de lui la source de joie et de paix.
Car finalement, la joie se reçoit. Elle est une grâce. Amen.
3e DIMANCHE DE L’AVENT DE GAUDETE
Lectures bibliques : Isaïe 61, 1-2a.10-11; Cantique : Luc 1, 46b-48, 49-50, 53-54; 1 Thessaloniciens 5, 16-24; Jean 1, 6-8.19-28