Homélie du 22 novembre 2020 (Mt 25, 31-46)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Eglise Sts-Pierre-et-Paul, Marly, FR

Nous venons d’entendre un passage de l’évangile absolument extraordinaire ! Nous assistons à une scène grandiose. Le Seigneur viendra dans sa gloire avec une escorte impressionnante d’anges.
Je m’attendais à entendre proclamer solennellement : « le premier prix d’excellence est accordé au pape François, à l’abbé Pierre, à sainte Marguerite Bays ».
Ou bien, au contraire : « seront jetés dans les cachots éternels les poseurs de bombes, les vendeurs de cocaïne ou le voisin de palier qui fait hurler sa télévision tous les soirs ! » Mais il n’est pas question de cela.

La lutte pour la vie

Qu’est-ce qui est en question ce jour-là ?

La faim de l’autre, sa soif et sa nudité.
L’autre en prison, à l’hôpital ou étranger.
Bref, tout ce qui est question de vie ou de mort.
Enjeux de première nécessité, besoins urgents avec lesquels on ne peut pas tricher sans, du même coup, condamner l’homme à la mort.

La faim, la soif, la nudité, la prison, l’étranger, l’hôpital : ce ne sont pas des produits de consommation, ce sont des points limites, des points de ruptures.
C’est le combat et c’est la lutte pour la vie.

Du côté du front, il y a l’homme et sa dignité, de l’autre, si on franchit certaines frontières, c’est le mépris, l’esclavage, la honte, l’homme humilié.

Vous aurez remarqué au passage comme tous les témoins interrogés n’ont rien vu, ils ne savaient pas : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? »
Ils ne savaient même pas qu’ils étaient brebis ou chèvres, ils viennent de le découvrir.

Jugés sur les actes

Et nous ?

Nous ne savons pas toujours non plus que Jésus était en question en chaque homme, dans chaque relation. Nous ne l’avons pas toujours reconnu !

Et pourtant, ce n’est pas là-dessus que nous serons jugés. On n’est pas jugés sur ses idées, sur ses connaissances, sur son savoir, sur son image de marque ou sur son look.
Ce jugement n’est pas un procès d’intention, ce n’est pas un tribunal idéologique ou théologique !

On n’est pas jugé sur ce que l’on pense, mais sur ses actes.
Saint Jean a écrit dans sa première lettre : « mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité ».
Les bonnes intentions ne suffisent plus du tout.

Oui, nous serons jugés sur nos actes ! La seule condition posée pour être reconnus parmi les brebis du Seigneur, ce n’est justement pas de dire « Seigneur, Seigneur », mais de témoigner d’une charité active là où nous vivons. N’oublions jamais que le Christ s’attache tellement à chacune et chacun d’entre nous qu’il est le premier touché quand une vie humaine est aimée ou abimée. Le pape François dans son exhortation apostolique « la joie de l’évangile » nous demande d’ « ôter nos sandales devant la terre sacrée de l’autre ». C’est pourquoi Jésus nous invite instamment à accueillir notre prochain comme s’il s’agissait de lui-même !

Les mains, les yeux, le cœur….

Et la liste pour accueillir notre prochain que donne aujourd’hui Jésus n’est pas limitative, n’est de loin pas exhaustive :

  • mon enfant pleurait la nuit et je me suis levé pour le consoler : c’était Jésus !
  • mon copain de classe s’est fait tabasser, je l’ai aidé à se relever sous le regard méprisant des autres : c’était Jésus
  • un jeune a eu un accident de voiture dû à l’alcool, j’ai été le saluer à l’hôpital : c’était Jésus !
  • des personnes âgées sont affaiblies par le coronavirus : je leur ai rendu le service qu’ils souhaitaient : c’était Jésus

A vous, chers amis, de continuer, par votre manière d’agir et d’être, là où vous vivez, cette liste !
Oui, en tant que baptisés, notre responsabilité à l’égard des exclus n’est pas une option. Elle fait partie de notre identité.
Nous sommes les mains, les yeux, le cœur, l’intelligence avec lesquels Jésus ressuscité lutte pour la justice et touche le cœur de tous ces petits qui sont mes frères.
Alors je ne peux plus faire du sur-place. Essayons de mettre Dieu dans notre vie et que nous ne soyons plus jamais tranquilles parce qu’il y a tant à faire pour les plus petits, pour Jésus.

C’est vraiment merveilleux ce chemin de vie qui nous est rappelé aujourd’hui.
AMEN !

Fête du Christ Roi de l’Univers
Lectures bibliques : Ézéchiel 34, 11-12.15-17; Psaume 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6; 1 Corinthiens 15, 20-26.28; Matthieu 25, 31-46

Homélie du 15 novembre 2020 (Mt 25, 14-30)

Abbé Giuseppe Foletti – Basilique Notre-Dame, Lausanne

Introduction

« Tends ta main au pauvre » est le titre que le pape François a voulu donner au message qu’il a écrit pour cette 4e journée mondiale des pauvres.

Le souci que le pape porte envers les personnes moins favorisées est certainement présent en lui comme sentiment simplement humain, qui nous pousse à lutter contre l’injustice et la souffrance de tant de personnes qui vivent une pauvreté matérielle ou toute autre sorte de pauvreté, comme par exemple la solitude que de nombreuses personnes vivent en cette période où on nous demande de limiter au maximum nos contacts sociaux. Pensons aussi à tant de personnes qui malgré le bien être matériel ne trouvent pas un sens à cette vie : c’est aussi une pauvreté.
Notre foi nous aide à comprendre aussi que « tendre la main au pauvre » nous convient ; nous avons quelque chose de décisif à apprendre, à découvrir en nous ouvrant à nos frères et sœurs dans le besoin. Là, dit le pape dans son message, « nous pouvons rencontrer le Seigneur Jésus ».

La soif de Dieu : le besoin le plus profond

Ces rencontres nous provoquent et nous interrogent ; elles sont des occasions de sortir de nous-mêmes et de notre confort et de nous ouvrir à un partage qui nous enrichit tous. Elles sont aussi l’occasion de découvrir que nos efforts sont une chose bonne, mais ils ne sont pas toute la réponse. Même si nous parvenons à soulager une situation de fragilité, nous nous apercevons que nous ne sommes pas en mesure de répondre au besoin le plus profond qui nous habite tous, qui est la soif de Dieu. Nous sommes tous pauvres en ce sens-là, et il s’agit dans ce cas d’une pauvreté vertueuse qui nous ouvre à la relation avec Dieu et avec les autres.

La grâce de la rencontre avec le Christ

La parabole des talents, que nous venons d’entendre dans l’évangile d’aujourd’hui, nous rappelle que les dons que Dieu nous fait ne sont pas là pour être gardés pour soi, mais pour être partagés ; seulement de cette manière ils porteront du fruit. Ce que nous avons reçu nous comble d’une gratitude qui nous pousse à le partager autour de nous ; ce don consiste sans doute dans les biens matériels ou de caractère, mais aussi et surtout la grâce de la rencontre avec le Christ. C’est la gratitude pour cette rencontre qui nous sauve, qui pousse le chrétien à aller à la rencontre des autres, et le soutien matériel est signe de ce regard plein de tendresse que le Seigneur a posé sur chacun de nous. Ce qui est beau aussi dans cette parabole, c’est que tous reçoivent des talents. Ceci vaut pour chacun de nous aussi : quelle que soit la circonstance dans laquelle on se trouve, le Seigneur donne des talents que nous avons à découvrir et à faire fructifier.

Nous écoutons maintenant le témoignage d’Amina, une de ces personnes vivant en situation de précarité, qui pourra nous montrer cette espérance que rien ne peut supprimer.

Témoignage

Bonjour à tous,

Je m’appelle Amina. Je suis mère de 4 filles dont 3 sont diabétiques et je viens du Maroc.

Je suis arrivée en Suisse en 1986. J’ai d’abord vécu une année à Bâle mais il y avait la difficulté de la langue. Je n’étais pas bien là-bas. Alors, je suis partie à Genève pendant plus de 10 ans. Au début, j’étais très heureuse et j’ai rencontré mon mari. C’est là que mes deux premières filles sont nées. Je travaillais auprès des personnes âgées, puis à l’aéroport comme vendeuse.

Comme mon mari travaillait à Lausanne, nous avons décidé de déménager. C’est alors que ma dernière fille est née. Cela fait maintenant 20 ans que j’habite dans le quartier de la Bourdonnette.

A l’âge de 4 ans, ma 3ème fille est tombée malade et elle a dû rester 2 mois à l’hôpital. Cela a été un choc pour nous et j’ai eu du mal à l’excepter. C’était très dur et nous avons dû apprendre à vivre avec le diabète. Malheureusement, 2 autres de mes filles l’ont aussi eu et ont toujours cette maladie. Pour moi, c’était trop et je suis tombée dans la dépression.

La situation est devenue difficile avec mon mari et nous avons fini par nous divorcer. Aujourd’hui, notre mariage a pris fin mais l’amour et le respect continu car je peux compter sur lui.

Grâce à leur attention, j’ai compris que je comptais aux yeux des autres

Heureusement, sur ma route, j’ai rencontré des personnes formidables qui m’ont aidées à me relever. Tout d’abord, j’ai eu la chance d’être soutenue par une infirmière extraordinaire. Puis, j’ai rencontré les sœurs de la Charité au centre œcuménique de la Bourdonnette. Leur présence et leur attention m’ont permis de me rendre compte que je comptais aux yeux des autres.

C’est là que j’ai aussi rencontré Doris, l’aumônière du quartier.  Sa présence, son écoute et son soutien m’aident au quotidien. Elle vient chez moi, nous buvons le café et je peux discuter avec elle de tout. Non seulement, elle m’aide pour le quotidien mais elle m’aide spirituellement.

Dans mon parcours, la fondation mère Sofia a aussi été une aide importante.

Aujourd’hui je peux redonner ce que j’ai reçu

Merci à toutes les personnes qui m’ont aidées. Aujourd’hui, pour moi c’est important de soutenir aussi d’autres personnes. Je peux redonner ce que j’ai reçu.

J’aime beaucoup la Bourdonnette et je suis par exemple active dans le centre socio-culturel dans les activités et le comité. Être présente pour les autres est essentiel même si les rendez-vous pour mes filles me demandent du temps.

Malgré mes difficultés, je garde confiance en Dieu. Si on n’a pas la foi, on n’arrive pas à s’en sortir. C’est grâce à ma foi, que je fais face aux épreuves. Dieu existe. Je suis musulmane mais j’ai beaucoup de respect pour les autres religions. Par exemple, nous avons beaucoup de chose en commun avec les chrétiens : le respect, l’entraide ou l’amour. Dieu nous commande de nous aimer.

Dans le Coran, il est dit de s’assurer que les 7 voisins du côté droit et gauche vont bien et qu’ils ne manquent de rien. On ne peut pas dormir si on n’est pas sûr que nos voisins aillent bien.

Le message que je souhaite transmettre c’est l’importance d’être là pour l’autre et de rester soudés. La foi est vraiment une aide dans nos épreuves.

33e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques :
Proverbes 31, 10-13.19-20.30-31; Psaume 127, 1-2, 3, 4-5; 1 Thessaloniciens 5, 1-6; Matthieu 25, 14-30