Homélie du 4 octobre 2020 (Mt 21, 33-43)

Chanoine Alexandre Ineichen – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Depuis plusieurs dimanches, Jésus décrit le royaume de Dieu et le compare à une vigne, mieux il nous explique avec pédagogie comment s’en occuper selon la volonté du Père. Rappelez-vous. La vendange était si abondante qu’il fallait alors embaucher de nombreux ouvriers, les derniers comme les premiers, à toute heure du jour, et pour le même salaire : une pièce d’argent. Ou encore, la vendange était si pressante que les prostituées et les publicains précéderont ceux qui premier à répondre par la parole ont abandonné bien vite le travail lorsqu’il s’agissait de le réaliser en acte et en vérité. Aujourd’hui, à nouveau, Jésus nous décrit son royaume comme une vigne et le roi comme un maître de domaine qui donne en gérance son bien le plus précieux. A nouveau, le propriétaire du domaine met tout en place avec soin : une clôture, un pressoir et même une tour de garde. Puis, il part en voyage et donne cette vigne en fermage à des vignerons. Le silence de Dieu nous oblige à être les acteurs, libres et responsables, du développement harmonieux de sa création.

La vendange ne nous appartient pas


Pourtant, comme dans les autres paraboles, tout va aller de travers. Les fermiers crurent qu’ils étaient les propriétaires de la vigne. Et lorsque le maître envoya des serviteurs pour se faire remettre le produit de la vigne, ces mauvais locataires n’avaient plus d’autres choix que de tuer ces serviteurs afin de s’approprier les biens du maître. Ainsi la vendange, l’héritage de Dieu leur reviendrait. Mais le maître, qui est un bon maître, ne désespère pas de ses vignerons, de ses locataires, de l’humanité. Il n’arrête pas d’envoyer des signes et des prodiges afin que nous comprenions que la vendange ne nous appartient pas. Rien n’y fait. Il ne lui reste alors pour le maître plus qu’à envoyer son fils. Dieu a tant aimé le monde qu’il envoya son propre Fils. Dieu est devenu homme afin que l’homme devienne Dieu. Mais le fruit de la vigne, la vendange tant attendue, l’héritage promis appartient au seul Fils. Les mauvais locataires se saisirent alors de lui et le jetèrent hors de la vigne. «Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage !» Là s’arrête la parabole.
Les chefs des prêtres et les pharisiens à qui s’adressent Jésus, nous-mêmes, nous pouvons nous écrier : ces misérables, il les fera périr misérablement. Or, notre Seigneur et notre Dieu n’en fit rien. Au contraire il les renvoya, il nous renvoie aux Ecritures. «La pierre qu’ont rejetés les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire.» comme chante le psaume 117 que nous prions chaque dimanche, et plus particulièrement lors du temps pascal.

Des locataires consciencieux


Ainsi cette parabole viticole nous donne deux enseignements.
D’abord la vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison de Juda. La création est donc un don de Dieu aux hommes, création qu’ils doivent chérir, qu’ils doivent gérer, non comme des propriétaires cupides, mais comme des locataires consciencieux. Le fruit de cette vigne, les beaux raisons attendus, ce sont l’héritage qui revient au maître. Il y a droit. Pourtant, bien que Dieu en attendît de beaux raisins, les locataires, nous-mêmes en fait, ne lui en donnèrent que des mauvais. Les serviteurs envoyés furent massacrés, la création saccagée. Ce qui devait être le chant du bien-aimé à sa vigne devint un chant funèbre, un chant de mort. La création ne nous appartient pas, ni les signes et les prodiges que Dieu nous envoie, ni la Loi, ni la religion si bonne soit-elle. Nous devons y travailler, non pour notre seul orgueil, mais pour remettre à Dieu le fruit de notre labeur, pour préparer l’héritage du Fils. Et Dieu poursuit son dessein et envoie son propre Fils.

Devenir héritiers du Royaume de Dieu


Deuxième enseignement de cette parabole : le Fils prenant notre condition, et notre condition mortelle, nous fait alors co-hériter. Ainsi si nous devenons disciples de Jésus, alors nous pourrons bénéficier de l’héritage promis. C’est donc par Jésus, mort et ressuscité, que nous pouvons passer de locataire cupides, à fils et filles de Dieu, à héritiers du Royaume de Dieu.

Ainsi peut se conclure notre parabole, par trop vigneronne. Nous sommes locataires de la création, mais nous sommes surtout co-héritiers avec le Christ du fruit de cette création. Pour en vivre, il nous suffit de relire le testament, de l’ancien comme du nouveau. Pour le comprendre, il nous suffit de méditer inlassablement la parole des prophètes et les enseignements de Jésus. Alors le Royaume de Dieu ne nous sera pas enlevé, il nous sera donné afin que nous puissions en produire un fruit, et un fruit savoureux. «C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux !»

27e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques :
Isaïe 5, 1-7; Psaume 79, 9.12, 13-14, 15-16a, 19-20; Philippiens 4, 6-9; Matthieu 21, 33-43

Homélie du 27 septembre 2020 (Mt 21, 28 – 32)

Abbé Wolfgang Birrer – Basilique Notre-Dame, Lausanne

« Lequel des deux fils a fait la volonté du père ? » demande Jésus aux grands prêtres et aux anciens du peuple. « Le premier » Lui répondent-ils très à propos. Avec le Christ, nous sommes conduits à faire nôtre sa qualité de regard. Jésus nous fait entrer dans son regard à Lui sur les personnes (sur soi et les autres). Un regard qui va au cœur, qui est neuf, qui espère, qui est source de vie, qui est confiant.

Avec cette parabole, le Christ nous donne une très bonne nouvelle : chacun est capable de changer, et de changer pour le mieux.

Dans ce récit, il y a un fils qui avait d’abord dit « je ne veux pas », et qui finalement a eu le courage de changer d’avis. Ce faisant, il est dans la volonté du père. Cela nous apprend à ne jamais cantonner quelqu’un définitivement dans une catégorie, à éviter d’étiqueter les personnes.

Chacun peut évoluer vers plus de vie

Cela nous fait entrer dans le regard de Dieu : Il voit plus loin que notre première impression. Il n’oublie pas que l’être humain n’est pas fixé pour toujours dans une posture. La personne humaine est capable d’évoluer, indépendamment de son passé et de ce qu’elle vit dans le présent. L’être humain évolue. Avec la grâce de Dieu, avec Son action dans les cœurs et les intelligences, nous, chrétiens, nous espérons avec cette parabole que chacun peut évoluer pour le mieux, vers plus de vie.

Il en va de même dans la relation avec Dieu : admettons une personne n’arrivant aujourd’hui pas à dire « oui » à Dieu et à l’Evangile. Rien n’empêche qu’à un moment opportun, il lui sera donné d’ouvrir son cœur au Christ et de Lui répondre par un heureux « Oui ».

Humilité et confiance

Que dire de l’autre fils de la parabole, celui qui change dans le mauvais sens ? Cela aussi est une réalité : quelqu’un peut avoir dit « oui » à Dieu, avant de se raviser. Savoir que cette possibilité existe nous conduit à beaucoup d’humilité, mais aussi de confiance.
A beaucoup d’humilité, car personne n’est définitivement à l’abri d’un épisode dans son parcours où il n’arrivera pas à dire « oui » à Dieu.
A beaucoup de confiance, car nous, chrétiens, nous croyons au Christ qui nous reste proche, toujours ! C’est sur Ssa fidélité à nos côtés et sa présence en nous que nous tissons jour après jour notre lien de confiance et d’amitié avec Lui. En outre, nous garderons toujours cette dignité de pouvoir – au besoin – renouer le fil de notre vie avec Lui (notamment dans le sacrement de la Réconciliation).

« Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne » : l’invitation nous est donnée pour chaque jour, pour aujourd’hui et maintenant.
Forts de notre capacité à évoluer pour le mieux et forts du soutien et de l’accompagnement du Christ à nos côtés, nous sommes invités par cette même parabole à travailler à la vigne du Seigneur, à savoir : vivre avec Lui pour vivre de Lui, selon son Evangile, dans ce que nous sommes et faisons.

Devenir des témoins

Ce qui compte – comme pour les deux fils de la parabole de Jésus – c’est ce que nous faisons de notre vie. Nous sommes invités à « faire passer l’Evangile par notre vie personnelle », selon une image du pape François. Par cela, nous devenons des témoins. « Le témoin, c’est celui qui, sans périphrases, mais avec le sourire et une sérénité confiante, sait redonner courage et consoler, car il révèle naturellement la présence de Jésus ressuscité et vivant » (Pape François, Cathédrale de Palerme, samedi 15 septembre 2018).

Que le Christ, dans le don de la sainte Communion, nous donne d’entrer dans sa qualité de regard à Lui : un regard qui va au cœur, qui est toujours neuf, qui espère, qui est source de vie, qui est confiant. Durant notre messe, nous Lui redisons ce qui nous tient à cœur et nous nous laissons combler par le Christ présent, vivant et agissant dans sa sainte Eucharistie. Aujourd’hui encore, le Christ se remet en nos mains. Dans sa sainte Communion, Il se fait lui-même notre nourriture et notre soutien.
Merci Seigneur, de rester proche de nous et présent à nous, et de nous aider à entrer dans la profondeur de ton regard de vie sur chacun et sur soi-même. Aide-nous aussi à être tes témoins. Amen.

26ème Dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques
: Ézéchiel 18, 25 – 28 ; Psaume 24 (25) ; Philippiens 2, 1 – 5 ; Matthieu 21, 28 – 32