Le diacre jurassien   Didier Berret est un passionné de la Bible | © Grégory Roth
Suisse

[1/5] Didier Berret: un diacre responsable d'unité pastorale dans le Jura

Dans le Jura pastoral, comme dans le reste du diocèse de Bâle, le diacre est obligatoirement un agent pastoral. C’est-à-dire employé et salarié par l’Eglise. Il arrive qu’un diacre ait le profil de «modérateur» de paroisse. C’est le cas de Didier Berret, responsable de l’Unité pastorale des Franches-Montagnes.

Un diacre dans le rôle de curé? D’entrée de jeu, Didier Berret joue carte sur table. «Diriger une équipe, ce n’est pas être le chef, clarifie-t-il. C’est être au service de cette équipe, pour que chacun des membres puissent trouver la place qui est la sienne».

C’est à la demande de l’évêque de Bâle en 2014 que Didier Berret a accepté d’exercer la fonction de responsable d’Unité pastorale (UP), traditionnellement occupée par un prêtre. Confier ce rôle à un diacre est inédit en Suisse romande et n’est pratiqué dans aucun autre canton francophone. Cela ne va pas non plus de soi dans l’esprit des Romands. «Je connais des personnes qui m’en veulent d’être à cette place et qui, paradoxalement, sont en admiration devant l’évêque qui m’a nommé et m’a demandé d’être responsable d’UP», constate le Jurassien avec franchise.

Le manque de prêtres affecte aussi le diaconat

«Le diacre est davantage nécessaire aujourd’hui, car le nombre de prêtres n’a cessé de diminuer, explique Didier Berret. Et en même temps, la situation du diacre est fragilisée, car il est de plus en plus appelé à suppléer le manque de prêtres». A contrario, tant que le nombre de prêtres est suffisant, le diacre peut montrer plus aisément la différence entre deux ministères qui se complètent. «A cause du manque de prêtres, on en vient soit à faire taire les diacres, de peur qu’ils prennent une place qui n’est pas la leur –célébrer l’eucharistie, par exemple –, soit à moins voir la richesse de leur ministère, parce qu’ils doivent par trop prendre la place du prêtre.»

Pour l’agent pastoral, la fonction diaconale est déstabilisée par cette situation, car tous les ministères en paroisse s’articulent autour de celui du prêtre. «Il y a déjà des situations en Suisse allemande où une femme est responsable de paroisse: une situation tragique. Car le peuple de Dieu, dans une petite minorité, en veut à cette femme de prendre la place du prêtre, alors que si elle n’était pas là, il n’y aurait personne.»

La mission propre du diacre

Pour le Loitchou – habitant de Saignelégier –, le diacre est celui «qui cherche dans sa vie à manifester le caractère de serviteur du Christ». «C’est comme une mise à disposition de ma personne à la communauté chrétienne que j’essaye de servir», déclare-t-il. Comment? «En restant branché sur la Parole de Dieu: un diacre promet de s’inscrire dans le rythme de la Liturgie des heures, que les prêtres prient aussi, et que les chrétiens aussi peuvent prier. C’est un service de la prière. Un service invisible rendu à la communauté chrétienne.»

«J’ai à cœur de prendre ce qui reste, ce que des collègues n’aiment pas forcément faire.»

Didier Berret voit également le diacre comme le «responsable des miettes». Après la communion eucharistique, son rôle est de nettoyer les miettes d’hosties. Un travail qu’il qualifie d’ingrat et de discret. «Je n’aime pas boire dans le verre des autres, avoue-t-il. Pourtant ce rôle m’oblige à finir le calice dans lequel tout le monde a trempé ses lèvres». Un acte qui ne va pas de soi, et pourtant. «C’est une toute petite chose, mais elle invite à s’interroger sur le sens plus général de ce que ‘prendre la dernière place’ veut dire», explique-t-il.

Il en va de même lors de la distribution des rôles au sein de l’équipe pastorale. «J’ai aussi à cœur de prendre ce qui reste, ce que des collègues n’aiment pas forcément faire. Et je ne vis pas cela comme sacrifice mortifère, mais plutôt comme un excès de générosité.» Sur l’ensemble de son cahier des charges, il reconnaît qu’une bonne partie se situe dans l’invisible.

Le diacre: un clerc parmi les baptisés

La restauration du diaconat au concile Vatican II, Didier Berret la voit comme une mise à jour de certains ministères. «Nous sortions d’une l’Eglise à deux pôles: soit on était clerc, soit on était baptisé. Dans cette conception, les clercs faisaient tout et les baptisés ne faisaient rien. En devançant peut-être la pénurie des prêtres, Vatican II a surtout insisté sur la dimension sacerdotale du baptême. Elle a mieux aidé à prendre conscience que l’Eglise, c’est l’ensemble des baptisés et que la liturgie, c’est l’action du peuple.»

«Si, par malheur, je devenais veuf, je pourrais être ordonné prêtre, mais je ne le ferais pas.»

Le Jurassien raconte qu’à ses débuts dans l’Eglise, il y a 25 ans, les prêtres occupaient toutes les fonctions: directeur de Caritas, directeur du Collège St-Charles à Porrentruy, enseignants et responsables d’aumônerie. «Petit à petit, on a vu que si les prêtres n’étaient pas à la tête des finances, de la catéchèse, de Caritas, ça allait aussi», remarque-t-il.

Didier Berret, un diacre responsable de paroisse qui se tient au seuil de l'Eglise. (Photo: Grégory Roth) Didier Berret, un diacre responsable de paroisse qui se tient au seuil de l’Eglise. (Photo: Grégory Roth)

Ainsi, le diacre vient s’inscrire gentiment comme «ministre du seuil». Présent au seuil de l’Eglise, il va à la rencontre de ceux qui sont en marge de notre société. Il travaille auprès des personnes cabossées, auprès des réfugiés, auprès des personnes du quart-monde. Le diaconat se définit également comme ministère de la Parole. Le passionné de Bible aime rappeler que dans les Actes des Apôtres (Ac 7), «on institue des diacres pour le service des tables, et pourtant, on les présente toujours en train de parler et de prêcher la Parole de Dieu».

Le diacre n’est pas un mini-prêtre

Enseignant au Lycée cantonal de Porrentruy, Didier Berret insiste sur la nécessaire formation des diacres au ministère de la Parole, en vue de la prédication. «Il faut qu’ils aient suffisamment confiance en leur théologie pour pouvoir poser une parole et que l’assemblée puisse suffisamment porter crédit à ce qu’ils sont et ce qu’ils font, afin qu’elle puisse les entendre», recommande-t-il.

Le diaconat est un ministère à part entière. Pour Didier Berret, il n’est ni un ministère d’ersatz, ni un mini-ministère, et le diacre n’est pas un mini-prêtre. «Si malheureusement demain, je venais à devenir veuf, je pourrais être ordonné prêtre, mais je ne le ferais pas. Parce que je tiens à garder visible ce ministère dans notre Eglise, cela me paraît essentiel», conclut-il.

 


Didier Berret: tout ministère est avant tout un service

Didier Berret a été ordonné diacre permanent le 2 juillet 2000, à Delémont, en même temps qu’un diacre transitoire, en vue de la prêtrise, l’abbé Patrick Werth. Le fait d’être ordonné avec un futur prêtre l’a beaucoup marqué et a forgé sa compréhension des ministères en Eglise: «Il est important que tous les prêtres et tous les ministres gardent en mémoire qu’ils ont d’abord été des diacres. Ils ne doivent jamais occulter cet aspect essentiel de leur ministère, qui est et qui doit fondamentalement rester un service.»

Après son engagement à Delémont jusqu’en 2001, il restera à Porrentruy de 2001 à 2014, avec un mandat d’enseignement de religions au Lycée cantonal de Porrentruy et de Bible à l’IFM, Institut romand de Formation aux ministères, à Fribourg. Depuis 2014, il est installé à Saignelégier et reçoit le statut de responsable d’équipe pastorale, sur l’ensemble des Franches-Montagnes. «Je partage cette mission avec deux prêtres à plein temps, deux assistantes pastorales à temps partiel et trois prêtres retraités, qui rendent de multiples services», explique le père de famille. (cath.ch-apic/gr)

Le diacre jurassien Didier Berret est un passionné de la Bible | © Grégory Roth
29 septembre 2016 | 15:48
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 5 min.
Partagez!

Dossier: 50 ans de diaconat permanent

Chaque semaine jusqu’à fin octobre, retrouvez le portrait-témoignage de diacres qui ont marqué l’histoire du diaconat en Suisse romande.

> les entretiens

Le diaconat permanent en Suisse romande

Dans l’Eglise catholique, le diaconat permanent a soufflé ses 50 bougies. Disparue vers le Xe siècle, cette fonction de clerc a été restaurée au concile Vatican II (1962-1965). Comment ce ministère consacré aux plus démunis s’est-il installé en Suisse romande au bout d’un demi-siècle?

Tous les prêtres ont d’abord été diacres. «C’est pour qu’ils n’oublient jamais qu’ils ont d’abord été serviteurs», rappellent certains. Car «diacre» vient du grec «diakonos» qui signifie «serviteur». Par opposition au diacre ordonné en vue de la prêtrise, le diacre permanent, comme son nom l’indique, reste diacre à vie. Axé principalement sur les services de la charité, de la liturgie et de la Parole de Dieu, ce ministère est aussi ouvert aux hommes mariés.

Les contours du diaconat ne sont pas définis comme ceux de l’évêque et du prêtre. Certains diacres sont bénévoles et exercent une profession à plein temps. D’autres sont des théologiens et sont engagés entièrement dans l’Eglise. Certains assurent la lecture de l’Evangile et le service à l’autel, tandis que d’autres sillonnent les couloirs d’hôpitaux à l’écoute des patients. Certains sont mariés et ont une famille nombreuse, d’autres sont célibataires et vivent en communauté.

Pour mieux comprendre le rôle et la situation actuelle du diaconat en Suisse romande, plusieurs diacres permanents ont témoigné de leur expérience. Tous ordonnés depuis plus de dix ans et tous mariés, ils font part de leurs satisfactions et expriment également leur ressenti, face à la complexité de cette fonction en Eglise.