En vue du diaconat, Noël et Josiane Aebischer ont suivi une formation théologique de 1973 à 1975 à l'Ecole de la Foi à Fribourg | © Grégory Roth
Suisse

[3/5] Noël Aebischer: le premier diacre pour Lausanne, Genève et Fribourg

Noël Aebischer est le premier diacre permanent pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Ordonné le 5 décembre 1982 par l’évêque de l’époque, Mgr Pierre Mamie, il a inauguré la mise en pratique de ce ministère restauré par le concile Vatican II, entre 1962 et 1965. Rencontre.

Domiciliés au cœur de Vevey, à deux pas du lac Léman, Noël et son épouse Josiane sont confortablement installés depuis 22 ans, entourés des souvenirs de toute une vie. Une vingtaine de fois grands-parents et arrière-grands-parents, les octogénaires profitent aujourd’hui d’un repos mérité, après les nombreux déplacements que leur engagement en Eglise a nécessité.

Titulaire d’une formation commerciale, Noël Aebischer a travaillé pendant plusieurs années à l’Ecole hôtelière de Glion, actuel Institut de hautes études. Il raconte comment, alors que sa voie semblait toute tracée, il fut interpellé au début des années septante par un ami prêtre: le jeune vicaire Bernard Genoud, futur évêque de LGF (1999–2010).

Plusieurs années pour remercier les bienfaiteurs

Avec son épouse Josiane, il entame une formation théologique à l’Ecole de la Foi à Fribourg en vue d’un ministère diaconal. De 1973 à 1975, ils s’engagent sur ce parcours à plein temps, bien qu’ils aient quatre enfants à charge. «Nous avons pu être logés dans des appartements communautaires à Fribourg. Mgr Mamie et l’abbé Bernard Genoud ont demandé à des amis et à des paroissiens de compléter nos économies pour assurer le financement, raconte Josiane. A la fin de nos études, nous avons appris l’identité de nos bienfaiteurs et nous avons pu les remercier. De nos jours, je ne sais pas si une telle opportunité serait encore envisageable.»

«Certaines personnes ne comprenaient pas pourquoi je ne célébrais pas la messe»

A la demande du Père Jacques Loew, fondateur de l’Ecole de la Foi, approuvée par Mgr Mamie, les Aebischer passent de l’autre côté du pupitre et deviennent animateurs de l’établissement pendant six ans. Puis, succédant au Père Loew, Noël reprend la direction pour dix années. «Les trois piliers constitutifs de l’école – étude/foi; spiritualité/célébration; et communauté/mission – ont été le moteur de notre engagement et de toute notre vie, révèle Noël. Et tout le cheminement vers le diaconat s’est fait en couple et pas à pas, dans un long discernement».

La France comme exemple

Tout était à inventer, à cinquante ans passés. Premier diacre pour le diocèse de LGF, Noël a tracé un sentier nouveau. «Au début, nous allions jusqu’en France pour nous informer et enrichir cette préparation au diaconat, explique Josiane. Pour les volées suivantes, nous sommes allés rencontrer les paroisses pour leur signifier ce que suppose l’accueil d’un futur diacre et de son épouse.»

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Intégrés dans la paroisse St-Jean à Vevey, les Aebischer commencent assez vite à accompagner des couples dans leur préparation au mariage et à préparer les familles au baptême de leurs enfants, tout en accompagnant les futurs diacres dans leur formation.

Année après année, ils avouent que la figure du diacre, à côté de celle du prêtre, n’est pas forcément claire pour tous. «Certaines personnes ne comprenaient pas pourquoi je ne célébrais pas la messe, se souvient Noël. Je le leur ai toujours expliqué du mieux que j’ai pu.»

Josiane se rappelle avoir bénéficié d’une bonne collaboration avec les prêtres et les équipes pastorales. Tant comme femme de diacre, que comme couple engagé professionnellement en Eglise.

Permettre au diacre de conférer le sacrement des malades?

Noël, bien que sa mobilité se réduise de jour en jour, continue d’accompagner des personnes âgées qui le souhaitent, fidèle à sa fonction d’aumônier d’hôpital et d’EMS dans la région. Un regret? «Non, si ce n’est que le diacre ne peut conférer le sacrement des malades, réservé encore aujourd’hui au prêtre, lâche-t-il, expliquant que l’onction d’huile pour les malades n’a pas grande différence avec celle qu’il applique habituellement aux baptisés. «Mais la réflexion sur une éventuelle ouverture du sacrement des malades administrée par les diacres est en cours», complète Josiane, réjouie de l’idée.


Le premier diacre romand vient de prendre sa retraite

Jean-François Lovis (Photo: SCJP) Jean-François Lovis (Photo: SCJP)

Le Jurassien Jean-François Lovis, 71 ans, a souhaité quitter ses fonctions au sein de l’équipe pastorale de Delémont à l’été 2016. Ordonné le 25 mars 1979 à l’ancienne église des jésuites à Porrentruy, ce diacre permanent a exercé son mandat d’agent pastoral 40 ans durant. Licencié en théologie à l’Institut catholique et diplômé de l’Ecole sociale de Genève, il s’est toujours senti reconnu dans son rôle de diacre.

«Bien que je n’y accorde peu d’importance, j’ai toujours cru être le premier diacre de Suisse romande, jusqu’il y a peu. On m’a informé récemment qu’un diacre permanent aurait été ordonné avant 1979 en Valais. Mais je ne connais pas son nom [il s’agit de Joseph Carron, aujourd’hui décédé, ndlr]», raconte Jean-François.

A cette époque, beaucoup de diacres avaient déjà été ordonnés pour le diocèse de Bâle, dont dépend le Jura pastoral.

«Même si notre Eglise tolérait des prêtres parmi les hommes mariés, je pense que j’aurais tout de même choisi le diaconat», tranche-t-il, expliquant qu’il ne se serait jamais vu dans la peau d’un curé, responsable de paroisse. (cath.ch/gr)

En vue du diaconat, Noël et Josiane Aebischer ont suivi une formation théologique de 1973 à 1975 à l'Ecole de la Foi à Fribourg | © Grégory Roth
13 octobre 2016 | 08:45
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 4 min.
Diacres (21), Diacres permanents (19), école (45), Jacques Loew (4), LGF (58)
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Dossier: 50 ans de diaconat permanent

Chaque semaine jusqu’à fin octobre, retrouvez le portrait-témoignage de diacres qui ont marqué l’histoire du diaconat en Suisse romande. > les entretiens

Le diaconat permanent en Suisse romande

Dans l’Eglise catholique, le diaconat permanent a soufflé ses 50 bougies. Disparue vers le Xe siècle, cette fonction de clerc a été restaurée au concile Vatican II (1962-1965). Comment ce ministère consacré aux plus démunis s’est-il installé en Suisse romande au bout d’un demi-siècle?

Tous les prêtres ont d’abord été diacres. «C’est pour qu’ils n’oublient jamais qu’ils ont d’abord été serviteurs», rappellent certains. Car «diacre» vient du grec «diakonos» qui signifie «serviteur». Par opposition au diacre ordonné en vue de la prêtrise, le diacre permanent, comme son nom l’indique, reste diacre à vie. Axé principalement sur les services de la charité, de la liturgie et de la Parole de Dieu, ce ministère est aussi ouvert aux hommes mariés. Les contours du diaconat ne sont pas définis comme ceux de l’évêque et du prêtre. Certains diacres sont bénévoles et exercent une profession à plein temps. D’autres sont des théologiens et sont engagés entièrement dans l’Eglise. Certains assurent la lecture de l’Evangile et le service à l’autel, tandis que d’autres sillonnent les couloirs d’hôpitaux à l’écoute des patients. Certains sont mariés et ont une famille nombreuse, d’autres sont célibataires et vivent en communauté. Pour mieux comprendre le rôle et la situation actuelle du diaconat en Suisse romande, plusieurs diacres permanents ont témoigné de leur expérience. Tous ordonnés depuis plus de dix ans et tous mariés, ils font part de leurs satisfactions et expriment également leur ressenti, face à la complexité de cette fonction en Eglise.