Les bombardements de Hiroshima (à g.) et de Nagasaki en août 1945. (Photo: Charles Levy/CC BY-SA 3.0)
International

70 ans après Hiroshima, l'Eglise du Japon invite à la paix

Hiroshima, 05.08.2015 (cath.ch-apic) 70 ans après les explosions atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, l’Eglise catholique du Japon lance l’initiative »dix jours de prière pour la paix», du 6 au 15 août 2015. Par cette initiative, l’Eglise catholique japonaise rappelle son opposition à la modification de la Constitution et exhorte le gouvernement à contribuer à la paix «non avec des armes, mais avec ses activités nobles et son histoire».

Le 5 août au soir, tous les évêques catholiques et anglicans se retrouveront pour une prière commune dans la cathédrale catholique d’Hiroshima. Dans un message repris par l’agence Asianews, Mgr  Isao Kikuchi Tarcisio, évêque de Niigata et Président de Caritas Asie souligne que le Japon peut contribuer à la paix » non avec des armes nouvelles, mais avec ses activités nobles et son histoire, une contribution au développement et au respect de la dignité humaine qui peut être très appréciée par la communauté internationale».

Non à la réforme de la Constitution

Ces commémorations sont aussi l’occasion pour chaque diocèse du Japon d’organiser ses propres activités au service de la paix. Ainsi, le diocèse de Niigata a décidé d’inviter un couple non chrétien engagé dans le soutien à l’éducation des enfants de l’est de l’Inde. Dans d’autres domaines, l’Église locale s’est associée avec des ONG pour ouvrir une école pour les enfants des rues.

Le président de Caritas Asie rappelle aussi son opposition à la modification de l’article 9 de la Constitution japonaise, voulue par le chef du gouvernement Shinzo Abe. Jusqu’ici, le Japon renonce constitutionnellement à la guerre, mais le gouvernement souhaite renforcer le rôle de l’armée face aux velléités d’expansion de la Chine en particulier. Un projet qui a provoqué de nombreuses manifestations dans le pays.

Dans le sillage de Jean Paul II

Au Japon, les évêques redisent leur attachement à la Constitution de leur pays, dans laquelle est inscrite depuis 1946 «la décision de renoncer à la guerre», qualifiée par eux «d’exigence de l’évangile du Christ». Face à ce renforcement sécuritaire, l’Église japonaise a fait entendre sa voix à plusieurs reprises ces derniers mois. Elle a publié en mars dernier, un message daté de février 2015 qui s’inscrit dans le sillage de l’appel à la paix lancé par le pape Jean Paul II le 25 février 1981 à Hiroshima. Le pontife y dénonçait la guerre comme «une œuvre de l’homme», synonyme de «destruction» et de «mort». En 1995 puis en 2005, pour les 50e et 60e anniversaires de la fin de la seconde guerre mondiale, les évêques japonais avaient saisi l’occasion pour redire leur attachement à la paix mais aussi à la nature prophétique pour le monde, du renoncement à la guerre inscrit dans l’article 9 de la Constitution japonaise. Un article qu’ils avaient qualifié de «trésor dont le Japon peut être fier».

Vers une modification de la Constitution japonaise ?

Intitulé «Bienheureux les artisans de paix», le message affirme que, face à la montée des nationalismes dans la région de l’Asie du Nord-Est, la course aux armements n’est pas la solution. La droite nationaliste, actuellement au pouvoir, incarnée par le Premier ministre Shinzo Abe  inquiète les évêques japonais. «On entend des appels à réécrire l’histoire [période 1930 à 1940], niant ce qui s’est réellement passé. Le gouvernement actuel s’efforce d’adopter des lois pour protéger les secrets d’Etat, pour permettre le droit à la légitime défense collective et pour modifier l’article 9 de la Constitution» peut-on lire dans le document.

Un discours attendu

En saisissant l’anniversaire du discours de Jean Paul II, les évêques prennent date. Il savent que l’année 2015 est particulière: outre le 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, le Premier ministre japonais dispose de tous les leviers, au sein des pouvoirs exécutif et législatif, pour faire aboutir son programme visant à «abandonner le régime de l’après-guerre», perçu comme ayant été imposé au Japon par l’occupant américain.

Dans les chancelleries et tout particulièrement en Corée, en Chine et dans l’Asie du Sud-Est, on attend de voir quelle sera la teneur du discours que le Premier ministre japonais prononcera pour les commémorations des 6 et 9 août 1945, et  pour celle du 15 août 1945, qui marqua la reddition sans condition du Japon.

En conclusion du message, les évêques japonais rappelaient les paroles de Jean-Paul II dans son appel à la paix à Hiroshima: «La paix doit toujours être l’objectif: une paix poursuivie et protégée en toutes circonstances. Ne répétons pas le passé, un passé de violence et de destruction. Laissons-nous embarquer sur le chemin escarpé et difficile de la paix, la seule voie qui convienne à la dignité humaine, la seule voie qui va vers un avenir dans lequel l’équité, la justice et la solidarité sont des réalités et pas seulement des rêves lointains».


Encadré

Abolition des armes nucléaires

Le message adressé par les évêques en mars 2015 au gouvernement japonais n’est pas une première. Dans un appel daté du 26 février 2010, déjà Mgr Mitsuaki Takami et Mgr Atsumi Misue, les évêques des diocèses respectivement de Nagaski et Hiroshima, avaient demandé au Président des Etats-Unis, au gouvernement japonais et aux hommes d’Etat du monde d’abolir les armes nucléaires. Estimant qu’il y avait plus de 20’000 armes nucléaires réparties dans le monde, ils avaient exhorté les grandes puissances à faire tous les efforts possibles au Sommet de la sécurité nucléaire d’avril, à Washington, puis en mai à la Conférence d’examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), à New York, pour une effectuer une avancée significative vers l’abolition totale des armes nucléaires. (apic/rv/asn/eda/com/bh)

Les bombardements de Hiroshima (à g.) et de Nagasaki en août 1945.
5 août 2015 | 16:07
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 4 min.
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