Edith Stein est morte à Auschwitz le 9 août 1942 (Photo:wwwuppertal/Flickr/CC BY-NC 2.0)
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A Auschwitz-Birkenau, la foi a résisté

Si les juifs représentent 90% des victimes du camp d’extermination d’Auschwitz, on estime qu’environ 100’000 Polonais y ont également péri. Une chercheuse polonaise a étudié les pratiques religieuses de ces prisonniers chrétiens.

Alors que le 75e anniversaire de la libération du camp de la mort a été marqué en Israël et en Pologne, une historienne révèle un autre aspect du Konzentrationslager (KL). «Bien que la plupart des déportés à Auschwitz en provenance de l’Europe occupée soient juifs, le camp était, à l’origine, ouvert aux prisonniers polonais et accueillait également des résistants catholiques de France, d’Allemagne, de Belgique et d’autres pays», indique Teresa Wontor-Cichy, historienne au Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, auteur de l’étude La vie religieuse des prisonniers chrétiens au KL Auschwitz. «Jusqu’à présent, cet aspect de leur histoire n’a été étudié que de manière aléatoire. Mais il est important que le monde en sache davantage et en tienne compte».

Maximilien Kolbe et Edith Stein

Parmi les figures catholiques les plus connues, le Père Maximilian Kolbe et la religieuse carmélite d’origine juive Edith Stein, tous deux exécutés à Auschwitz-Birkenau. Leur vie spirituelle durant leur séjour a été largement documentée. Cependant, précise l’historienne à Catholic News Service, des milliers de laïcs catholiques avaient également gardé la foi dans le camp, où 1,2 million de détenus ont été tués par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

«Jusqu’à présent, les dévotions religieuses n’étaient connues que par des mémoires et des articles occasionnels. Il est maintenant possible de les documenter plus complètement, indique Teresa Wontor-Cichy.

Comme 95% des archives du camp ont été détruites, il est impossible de dire combien de chrétiens étaient ici. Mais les affiliations religieuses ont été notées lors de l’enregistrement des prisonniers et de leur décès. Et nous savons que les catholiques étaient les plus nombreux, principalement de Pologne, mais aussi de France, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Slovaquie et d’Union soviétique».

La cellule du camp de concentration d’Auschwitz dans laquelle Maximilien Kolbe est mort | © Maurice Page

Sacrements distribués secrètement

Outre les détenus juifs, qui représentaient 90 % des victimes, environ 100’000 Polonais ont été tués dans les chambres à gaz et les lieux d’exécution d’Auschwitz. Les nazis ont également tué des Russes, des Roms et des prisonniers d’autres nationalités.

Dans son étude, la chercheuse révèle que la distribution des sacrements avait été «strictement interdite» sous peine de mort à Auschwitz-Birkenau, mais que les prêtres les administraient secrètement, apportant «une forme de soutien spirituel et psychologique» et un «sentiment de communauté».

Plusieurs membres du clergé ont décrit leur travail après avoir survécu, notamment le père Adam Zieba, un prêtre polonais, et Adam Kozlowiecki, devenu plus tard cardinal et archevêque de Lusaka, en Zambie.

Chapelets en pain séché

De nombreux prisonniers auparavant non croyants se tournent vers la prière pendant leur incarcération, «cherchant instinctivement le contact» avec des prêtres et des religieuses catholiques que les gardiens du camp appelaient avec dérision «Pffafen» (curetons) et à qui ils confiaient les tâches les plus difficiles.

En outre, l’étude de Mme Wontor-Cichy atteste que de nombreux prisonniers catholiques avaient fait preuve d’une «grande détermination» en dissimulant des objets liturgiques et de dévotion, tels que des chapelets faits de pain séché.

En 1944, les administrateurs d’Auschwitz-Birkenau tentèrent de décourager les célébrations de Noël en installant un arbre de Noël entouré de cadavres dans la cour de rassemblement du camp. Mais un prêtre, le Père Wladyslaw Grohs, avait néanmoins célébré la messe et entendu des confessions dans sa cellule.

Volonté de survie

Alors que de nombreux détenus «doutaient de la Providence», indique l’historienne, certains se sont tournés vers Dieu pendant leur incarcération. «Tant de gens ont été déportés ici, tous avec une volonté de survie, qu’il est facile de comprendre pourquoi les émotions et les conflits ont parfois éclaté. Mais notre tâche est de travailler sur l’histoire du camp – le bon et le noble aux côtés du mal et du méchant – et nous devons accepter que la recherche académique et la politique suivent des chemins séparés». (cath.ch/cns/bl)

Commémorations à Jérusalem et à Auschwitz
De nombreux dirigeants internationaux ont assisté aux commémorations de la libération d’Auschwitz-Birkenau en 1945 à l’Institut Yad Vashem de Jérusalem le 23 janvier, tandis que plus de 50 chefs d’État et ambassadeurs devaient assister à des événements distincts pour le 75e anniversaire en Pologne le 27 janvier, date à laquelle le camp a été libéré par les troupes soviétiques. Au moins 200 anciens prisonniers du camp, originaires des États-Unis, du Canada, d’Israël et d’autres pays, sont attendus aux commémorations d’Auschwitz-Birkenau. BL

Edith Stein est morte à Auschwitz le 9 août 1942
24 janvier 2020 | 17:00
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 3 min.
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