Le patriarche Cyrille et le pape François, le 12 février 2016 (Photo:EPA Alessandro Di Meo/Keystone)
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Alexandre Avdeev: «le pape et le patriarche ont devancé les politiciens»

Un an jour pour jour après la déclaration commune entre le pape François et le patriarche orthodoxe russe Cyrille, l’événement sera célébré le 12 février 2017 à Fribourg (Suisse) par le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et le métropolite orthodoxe Hilarion. Alexandre Avdeev, ambassadeur de la Russie près le Saint-Siège, revient pour I.MEDIA sur la portée de cette rencontre, notamment pour les chrétiens d’Orient.

Un an après, quelles sont pour vous les résonnances de la rencontre entre le pape et le patriarche? 
C’est une rencontre qui restera vraiment historique. D’abord parce que c’était une grande première, mais aussi par le contexte. Nous étions alors confrontés à un véritable génocide des chrétiens au Moyen-Orient, avec entre 300 et 350 chrétiens tués chaque jour par les extrémistes : catholiques, orthodoxes, Arméniens… Face à cette menace de disparition totale des chrétiens dans cette partie du monde, ce qui aurait changé la nature du Proche-Orient – patrie du Christ – les deux chefs des plus grandes Eglises du monde ne pouvaient pas rester indifférents.

«De manière générale, les relations bilatérales entre le Saint-Siège et la Russie sont excellentes».

Le premier pas est toujours le plus difficile, aussi je suis convaincu qu’il y aura d’autres rencontres. Car tous deux sont convaincus que la chrétienté est l’instrument principal contre la menace de guerres et le terrorisme.

Quelles ont été les conséquences concrètes sur l’action diplomatique et militaire au Proche-Orient? 
Le pape et patriarche ont en fait devancé les politiciens, qui n’arrivent toujours pas à élaborer la bonne formule de leur action commune pour éradiquer le terrorisme. Mais cet appel a eu une très grande importance, car il a obligé les chefs d’Etat à comprendre la profondeur de la tragédie, et à commencer d’agir.

En mettant de côté leurs différences religieuses et théologiques, les deux chefs religieux ont ainsi fait bouger l’opinion publique mondiale, y compris en France. Et ce indépendamment des positions politiques, les uns critiquant les Américains, les autres l’action diplomatique et militaire des Turcs et des Russes. Tous ont commencé à comprendre que la menace principale était du côté des djihadistes, et les victimes du côté de la population, en premier lieu les chrétiens. Dès lors, la recherche d’action commune est devenue plus intense après cet appel des religieux.

Comment cette déclaration a-t-elle été perçue en Russie? 
La Russie est un pays complexe. Nous avons aussi nos conservateurs, qui seront toujours contre les contacts avec les catholiques. Mais ils sont minimes. La grande majorité a vu cette déclaration de manière très positive.

C’est le cas aussi pour le pape François, de par son action pour promouvoir la paix et résoudre les problèmes mondiaux par la négociation et la politique. Il a été le premier, par exemple, à s’opposer à une intervention militaire en Syrie en septembre 2013. Cela a été très apprécié en Russie, de même que son insistance à soutenir les bases éthiques et morales du droit international. C’est très important.

Quid des relations entre le pape et Vladimir Poutine?
Elles sont très bonnes ! Il y a eu déjà deux rencontres, ce qui est beaucoup, des contacts téléphoniques, notamment le jour du 80e anniversaire du pape. La conversation a duré 25 minutes et a porté sur la situation dans le monde.

De manière générale, les relations bilatérales entre le Saint-Siège et la Russie sont excellentes. Qu’elles soient politiques ou culturelles, avec la plus grande exposition au monde de tableaux du Vatican qui se déroule actuellement à Saint-Pétersbourg. En fin d’année devrait en retour avoir lieu une exposition au Vatican de sujets bibliques dans la peinture russe.

Sans oublier non plus, la coopération au sein des Nations unies : à Genève, les auteurs d’une résolution pour sauver les chrétiens et les croyants dans tous les conflits du monde sont la Russie et le Saint-Siège.

Une visite du pape en Russie est-elle envisageable?
Elle est tout à fait imaginable. Un évêque russe me disait récemment que chaque jour nous rapproche un peu plus de cette rencontre. Certes il n’y a pas encore de calendrier, mais le principe est acquis. (cath.ch/imedia/ap/pp)

Le patriarche Cyrille et le pape François, le 12 février 2016
10 février 2017 | 17:53
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 3 min.
Russie (273), Vatican (537)
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