Fribourg: En quoi l’Université de Fribourg est-elle demeurée catholique ?
APIC enquête
Le catholicisme militant a cédé la place à l’humanisme chrétien
Paul Jubin, correspondant de l’APIC
Fribourg, 21 novembre 2002 (APIC) La quête du premier dimanche de l’Avent, le 1er décembre prochain, contribue au rayonnement catholique de l’Université de Fribourg. Cette institution pourtant n’est plus le bastion d’intellectuels catholiques qu’elle fut aux premiers temps de sa fondation. Internationale et multiculturelle, cette institution d’Etat, qui n’appartient pas à l’Eglise, conserve cependant une ligne inspirée par l’humanisme chrétien. Notre enquête.
L’Université de Fribourg accueille aujourd’hui 9’800 étudiantes et étudiants en provenance d’une centaine de pays. 15 % sont des non-Suisses, assurant à l’université sa caractéristique multiculturelle. Des étudiants d’outre-mer bénéficient de bourses reçues du Foyer St Justin qui les accueille. L’attractivité de l’Uni de Fribourg vient de la qualité de son enseignement, surtout dans ses deux facultés-phares: droit et théologie catholique. Dans certains domaines, l’institution offre des formations uniques, ainsi: pédagogie curative, travail social/politique sociale.
Citadelle catholique au moment de sa fondation en 1889, l’Uni de Fribourg a été cependant dès son lancement une université d’Etat, non d’Eglise. Les professeurs, de confessions diverses, savent qu’ils travaillent dans une institution aux liens traditionnels avec les catholiques. «En cas de vacance, les Facultés proposent des candidats, le rectorat préavise et l’Etat nomme. L’essentiel réside dans la qualité du corps professoral, dans les connaissances et valeurs enseignées aux étudiants, souligne le recteur, Paul-Henri Steinauer. Dans la Suisse du 21e siècle, les luttes confessionnelles sont dépassées.
Hébergeant une aumônerie catholique et une aumônerie protestante, l’Uni de fribourg dispose d’une Faculté de théologie catholique qui rayonne depuis plus de 110 ans. Fruit d’un accord entre l’Etat, la Conférence épiscopale et l’Ordre des Dominicains, le choix des enseignants est l’objet d’une procédure de ratification spéciale par les autorités ecclésiales.
Tout une histoire
Au moment de sa fondation, l’Uni de Fribourg était totalement engagée au service de l’Eglise pour remédier au déficit intellectuel des élites catholiques suisse face au libéralisme. Cette école d’Etat n’a pourtant cessé de décerner des titres et diplômes valables sur l’ensemble du territoire suisse. Un courant de renforcement de sa vocation catholique a été lancé dans les années 1930 dans un sens conservateur. Peu après, le Concile Vatican II, puis la sécularisation croissante ont abouti dans les années 1970 à une déconfessionnalisation. Les étudiants actuels ne proviennent plus seulement des cantons ou des milieux catholiques. Le professeur d’histoire contemporaine Francis Python connaît bien ces différentes étapes.
«Aujourd’hui, l’Uni n’exprime plus beaucoup sa vocation catholique. Celle- ci se manifeste encore, hors de la théologie, chez plusieurs professeurs des autres Facultés, mais il n’est plus exigé depuis longtemps que les professeurs soient catholiques ! Des associations et des mouvements d’étudiants essaient de perpétuer l’esprit confessionnel ou chrétien, mais ils sont minoritaires»
L’économie en question
Les professeurs d’économie ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. Certains s’avèrent sensibles au néolibéralisme ambiant, à l’eurocompatibilité, à la priorité du rendement. Une minorité prône la mondialisation de la solidarité. Pour sa part, le professeur Jean-Jacques Friboulet, professeur d’histoire économique et de politique économique constate: «Nous avons organisé un cours interfacultaire sur deux ans, consacré à la doctrine sociale de l’Eglise. Il s’adressait aux étudiants de toutes les facultés. Il était fort bien suivi. Les urgences économiques et réglementaires ont contraint chaque Faculté à donner la priorité à ses propres besoins. Ce cours a progressivement disparu. Pourtant, il importe que l’élite de demain acquière une solide colonne vertébrale, sans oublier la dimension spirituelle. Dès l’an prochain, je réintroduirai un séminaire sur l’enseignement social chrétien.»
La mondialisation a généré la défense d’une économie de marché utilitaire et à court terme. Or, la responsabilité sociale n’est pas neutre en économie. Les soubresauts actuels en témoignent. L’Université devrait être plus sensible aux dimensions morales de l’économie. «La carrière est devenue une préoccupation essentielle pour la majorité de nos étudiants, poursuit J.-J. Friboulet. Une partie d’entre eux rejettent la science économique pure et dure qui s’aligne sur une pensée unique et totalitaire. Ils aspirent à une ouverture aux autres sciences sociales et à la dimension éthique. Nous sommes plusieurs professeurs à penser que cette attente doit être satisfaite.»
En sciences
A Fribourg, les professeurs de la Faculté des sciences enseignent et mènent des recherches comme dans les autres universités. Günter Rager, professeur d’anatomie et d’embryologie, plaide pour un consensus entre les sciences naturelles et les sciences de l’esprit. «Par exemple, indique-t-il, nous affirmons le fait que dès la fécondation, un embryon est une personne. Ce fait détermine notre enseignement et permet d’aborder des éléments aussi sensibles que la fécondation un vitro, l’avortement, le clonage, etc. Mon équipe est habitée par le souci d’une éthique médicale et scientifique en accord avec la défense de la vie et de la personne.»
La renommée du professeur Rager est internationale, surtout dans le monde germanophone. Il a quitté Munich pour Fribourg, attiré par les possibilités de pousser la recherche et les publications dans un endroit favorable. Son nom figure dans maintes publications scientifiques de renommée mondiale. Il a publié un ouvrage-clé : «Beginn, Personnalität und Würde des Menschen» en coopération avec 15 professeurs européens, et il en prépare un sur la question complexe de la recherche embryonnaire et des cellules souches embryonnaires. Directeur de l’Institut Görres pour la recherche interdisciplinaire, il n’hésite pas à relier la science et les phénomènes liés à la spiritualité.
En théologie
«Après un vif débat d’idées, les fondateurs n’ont pas voulu que l’Université soit une institution d’Eglise, constate le Père Adrian Schenker, doyen de la Faculté de théologie. Aujourd’hui, les professeurs sont de confessions différentes, s’expriment librement, en harmonie avec l’héritage reçu des fondateurs enracinés dans leur Eglise,» Depuis 110 ans, la Faculté de théologie rayonne sur le plan international. Elle a formé des personnalités marquantes dans tous les continents. L’Ordre des Dominicains, chargé d’une partie de l’enseignement, a toujours été multinational, une des raisons expliquant la forte présence d’étudiants étrangers dans cette faculté, dont le tiers le tiers provient d’outre-mer
Pour l’ensemble des 400 étudiants inscrits cette année (pas de désaffection, le nombre se maintient !), auxquels il faut ajouter 150 étudiants ayant la théologie comme branche secondaire. Alors qu’un bon nombre d’entre-eux étudie la théologie pour se mettre au service de l’Eglise, d’autres cherchent simplement voir plus clair dans leur foi et le christianisme.
Autrefois, à Fribourg, la théologie et la philosophie étaient en osmose grâce à une référence commune: Thomas d’Aquin. Cette symbiose a fait place à une diversité plus grande de courants de pensée dans les deux facultés. L’interdisciplinarité déambule en fonction des disciplines et des intérêts des professeurs. Les moralistes et les éthiciens de la Faculté de théologie défendent vigoureusement la dimension éthique dans des commissions et organes nationaux.
Pourquoi la Faculté n’est-elle pas oecuménique? «Nous travaillons dans un esprit oecuménique et cherchons à comprendre les autres confessions, répond le Père Schenker. Si nous abandonnions notre identité catholique, ce serait contre-productif, car les étudiants cherchent à connaître l’héritage et la tradition catholiques, pour être bien profilés, comprendre les réalités actuelles et mieux s’engager ensuite avec leurs frères de vie.» PJ
Encadrés
Pourquoi ont-ils choisi Fribourg ?
– Judith, Lucerne, Philosophie : Fribourg est une ville bilingue, la région est attirante.
Pourquoi pas Berne ou Zurich ? C’est trop grand et surpeuplé.
– Alberto, Cap Vert, Lettres : Du Portugal je suis venu à Fribourg dans le programme d’échanges d’étudiants Erasmus, attiré par le bilinguisme et la Suisse très développée.
– Patricia, Brésil, Journalisme : Bien que réformée, j’ai trouvé à Fribourg, la possibilité de relier théologie et journalisme, en lien avec l’action sociale.
– Andrea, Glaris, Psychologie : Fribourg possède une atmosphère familiale qui permet des études fécondes ; la vie culturelle y est intense.
– Félix, Cameroun, séminariste : Le renommée internationale de Fribourg m’a attiré. J’y suis une bonne formation et j’améliore l’allemand appris dans mon pays.
– Marianne, St Gall, Sciences sociales: D’anciens de Fribourg m’ont vanté l’Uni. Et son bilinguisme la rend encore plus sympa.
– Kalidou, Sénégal, professeur de littérature comparée : Une coopération existe entre Dakar et Fribourg. Les anciens m’ont assuré de la qualité de l’enseignement ici. Dans le cadre de ma thèse de doctorat, je travaille la littérature suisse et le roman francophone. PJ
Le vigoureux catholicisme des origines
Nous voulons un lieu où «la jeunesse catholique pourra acquérir la science supérieure sans danger pour sa foi. Cette jeunesse est obligée de fréquenter des Universités imbues de doctrines hérétiques et livrées à tous les vents des variations de l’esprit humain». Cette déclaration du gouvernement de l’Etat de Fribourg dans un mémoire envoyé au pape Léon XIII en 1888 peut générer des sourires aujourd’hui, elle n’en reflète pas moins l’esprit de l’époque. Les cantons protestants, prospères et inventifs, disposaient de plusieurs universités. Les cantons catholiques de Suisse, dénués d’une haute école, portaient encore les séquelles humiliantes du Sonderbund. Depuis un certain temps déjà, des esprits ouverts avaient lancé une « Union de Fribourg » pour résoudre les problèmes sociaux. Cet esprit poussa les élites à fonder enfin une université catholique. Elle trouva son implantation à Fribourg, carrefour de langues et de cultures. Ainsi, la Suisse catholique ne serait plus en déficit intellectuel. Encore devait- elle trouver des «professeurs sûrs», qu’elle recruta en Allemagne, en Pologne, en Autriche, en France, en Belgique et à Rome ! Dès le départ, l’Université fut internationale.
La cité des bords de la Sarine comptait 12’000 habitants, vieillissait calmement comme son tilleul de Morat, au milieu d’une République catholique rurale dénuée de tout pôle commercial et industriel ! Des ecclésiastiques et des politiciens, aiguillonnés par la fondation d’une université catholique, y vouèrent l’essentiel de leur vie. Le chanoine Schorderet, fondateur du journal La Liberté, fut l’un d’entre eux. Visionnaire, lutteur intransigeant, il affirmait que «si la science et la foi sont menées sainement, elles ne peuvent que se conforter mutuellement». Il sut motiver les hommes politiques, notamment le directeur de l’Instruction publique Georges Python, dont il était l’ami et le père spirituel. En 1889, l’Université de Fribourg démarrait. Comprenez : enfin les catholiques auront leurs élites !
Les premiers statuts sont imprégnés de la rigueur, de la moralité, du comportement exemplaire exigés des étudiants. L’article 50 indique par exemple: «Le duel, même celui qui est connu sous le nom de Mensur, est puni d’expulsion».
La première loi sur l’organisation de l’Université de Fribourg , ainsi que les suivantes, ne mentionnent jamais l’institution Eglise ou le catholicisme. L’Université est catholique de fait, mais non de droit. Elle garde sa vocation éthique. Le canton n’oublie pas qu’il compte une minorité protestante équivalent au 1/6 de sa population. PJ
Quête pour l’Université de Fribourg
Chaque année, le premier dimanche de l’Avent, une quête est organisée dans toutes les paroisses catholiques de Suisse, au bénéfice de l’Université de Fribourg. La somme recueillie (680’000 francs en 2001 ; 697’800 francs en 2000 ; 777’800 francs en 1997) est affectée à des buts précis, tels : la recherche en enseignement social chrétien ; l’Institut de la famille ; l’Institut d’éthique et des droits de l’homme ; l’aumônerie catholique ; des bourses à des étudiants démunis; des publications, etc. Autrement dit, en organisant cette collecte, la Conférence des évêques suisses tient à appuyer l’Université dans sa préoccupation de catholicité, soit d’ouverture aux valeurs éthiques et à la formation intégrale de l’homme selon les promesses de l’Evangile. (apic/pj)
Suisse: Près de 40% des médailles Bene Merenti sont décernées à des Suisses
APIC – enquête
Fribourg et Sion, capitales mondiales des médailles Bene Merenti
Bernard Bovigny, de l’APIC
Fribourg, 22 mai 2002 (APIC) Créée par le pape Pie VII au début du 19e siècle pour récompenser la bravoure de ses policiers et soldats, la médaille pontificale du «Bon mérite» orne aujourd’hui les poitrines des chanteurs dévoués à l’Eglise depuis une quarantaine d’années. Mais la tradition n’est pas universelle. Sur les quelque 400 médailles Bene Merenti envoyées chaque année dans le monde par le Vatican, 140 arrivent en Suisse. Le diocèse de Sion et le canton de Fribourg, avec respectivement 54 et 46 remises par an, sont indéniablement les capitales mondiales des médailles «Bene Merenti».
Henri Biland chante depuis 54 ans au choeur mixte paroissial de Marly, près de Fribourg. Il évoque volontiers ce jour de mai 1993 où il a reçu la médaille en même temps que son confrère Paul Genoud. «Cela représente pour moi une reconnaissance pour les bons services rendus à l’Eglise. Je garde de cette cérémonie un souvenir lumineux», confie-t-il. Actuellement, une douzaine de chanteurs, pour la seule paroisse de Marly, ont reçu cette distinction. Et ils sont 700 dans le canton de Fribourg, dont 175 dames, à faire actuellement partie de la Confrérie des médaillés Bene Merenti.
«J’ai commencé au choeur mixte à l’âge de 16 ans. L’instituteur, qui en était le directeur, m’y a entraîné. Mon père chantait, deux beaux-frères aussi. C’était pour moi tout naturel d’en faire partie», affirme Henri Biland pour expliquer le choix de cet engagement. A l’époque, et bien longtemps après, ceux qui voulaient s’engager au service de l’Eglise n’avaient pas beaucoup d’autres choix que de chanter à la messe. Ce qui explique pourquoi la grande majorité des médaillés se trouvent dans les rangs des choeurs d’église.
Près de 95% des médaillés sont des chantres
Selon Fernand Bussard, archiviste à l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg depuis 1976, la proportion des chantres parmi les médaillés approche les 95%. «Les autres sont à chercher parmi les sacristains et autres fidèles serviteurs de l’Eglise», affirme-t-il. Le règlement d’attribution du diocèse précise d’ailleurs que les médailles Bene Merenti ne sont pas données pour les ministères de catéchiste et de lecteur. «Ni pour les assistants pastoraux, car ils entrent dans l’institution».
Depuis quand remontent les remises de médailles en Suisse? Fernand Bussard, qui collectionne les documents comme d’autres les timbres-poste ou les couvercles de pots à crème, avec minutie et passion, a retrouvé une lettre de 1933 dans laquelle Mgr Besson «humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté», demandait au pape «d’accorder à un fidèle serviteur la médaille BENE MERENTI». Le serviteur en question était un «brave homme» de Torny-le-Grand qui «remplit depuis 69 ans les fonctions de chantre d’église». C’est la première trace d’une remise de médaille dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg.
Une tradition qui s’est développée avec le Concile
La tradition s’est fortement développée dès les années 60, avec le Concile de Vatican II. «C’est à ce moment-là que les choeurs d’église se sont structurés et regroupés en association. Voilà la raison principale de cette popularisation des médailles dans les cantons catholiques marqués par la tradition du chant d’église», pense Gérald Kaeser, directeur de la Chanson du Moulin à Neyruz et auteur d’un mémoire sur «La musique au service de la liturgie». Jean-Claude Crivelli, directeur du Centre romand de liturgie à Bex, souligne que «les années 60 correspondent aux regroupements des paroisses en décanats et secteurs. Les chorales ont suivi le mouvement en organisant les fêtes céciliennes dans les décanats. On a vu à cette époque l’apparition de la Fédération des chorales du Valais romand».
Selon les chiffres énoncés par Mgr Ettore De Marinis, de la Secrétairie d’Etat du Vatican, 9’500 médailles Bene Merenti ont été distribuées dans le monde depuis le début du pontificat de Jean Paul II, en 1978. En près de 24 ans, cela représente environ 400 médailles par année. «Elles arrivent en grande majorité en Europe et en Amérique du Nord», souligne Mgr De Marinis. En fait, les diocèses suisses reçoivent la part du lion: plus de 140 par an, soit une proportion de 40%.
Un quart des médailles sur Fribourg et le Valais
Le Valais et Fribourg, parties romande et alémanique confondues, connaissent la plus forte tradition de remises de ces médailles. Dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, les statistiques tenues par Fernand Bussard permettent de constater que depuis 1989, le canton de Fribourg a reçu entre 7 et 74 médailles par année, avec une moyenne de 46. Cela représente 11,5% des médailles au niveau mondial, et 85% de celles du diocèse. Autant dire que les autres cantons se partagent les miettes: 5 par an sur Vaud (la plupart dans le district catholique d’Echallens), 2 sur Genève et une en moyenne sur Neuchâtel.
Les chiffres énoncés par le diocèse de Sion révèlent que 592 médailles ont été remises à des Valaisans ces 11 dernières années. Ce qui représente une moyenne de 54 par an, soit 13,5% au niveau mondial. Au total, le quart des médailles envoyées par le Vatican arrivent en Valais et dans le canton de Fribourg.
Dans les autres régions de Suisse, la tradition est beaucoup moins courante. L’immense diocèse de Bâle, qui comprend 9 cantons, remet chaque année près de 30 médailles, dont une bonne moitié dans le Jura pastoral, région francophone et traditionnellement catholique. Le diocèse de Coire en reçoit environ 20, et celui de Lugano à peine deux. «Elles sont rarement remises à des chanteurs, plutôt à des personnes qui ont accompli des loyaux services, comme des sacristains. Et le nombre d’années n’est pas déterminant», précise-t-on à l’évêché de Lugano.
Cette concentration de médailles Bene Merenti dans les cantons catholiques romands s’explique notamment par la tradition d’art choral qui s’y est développé. Par ailleurs, les diocèses alémaniques, tout comme la France, ont pris l’option de favoriser la distinction épiscopale, qui intervient en général après 25 ans d’activité. De façon, pour les paroisses, de simplifier les démarches administratives et d’éviter des frais supplémentaires? (bb)
Récompenser la bravoure militaire et policière
L’Annuaire pontifical de 1902 fait remonter à Pie VII, en 1814, l’initiative d’accorder des récompenses sous forme de médailles. Lorsque le pape rentra, en 1814, dans ses Etats qui venaient d’être incorporés durant 6 ans à l’empire napoléonien, il y rencontra un brigandage important. Pour stimuler sa police dans le combat de ce fléau, il institua une médaille ou décoration spéciale, portant la tiare pontificale, pour les agents les plus méritants. Pie VII institua également une médaille pour la valeur militaire. Ces décorations sont à l’origine des médailles Bene Merenti.
C’est au pape Grégoire XVI que revient la restauration des médailles à accorder «pour la récompense du courage civil et militaire». Nommées «médailles du mérite», elles ont été instituées en 1832. Celles destinées à la valeur militaire représentaient d’un côté le Souverain pontife et de l’autre un ange portant un parchemin où il est écrit «BENEMERENTI». Elles étaient surmontées d’une tiare et des clés du Saint-Père. Les médailles réservées aux mérites civils portaient au centre le mot «BENEMERENTI» entouré d’une couronne de chêne. Elles étaient suspendues à un ruban aux couleurs pontificales jaune et blanc. Ces médailles civiles ont été largement distribuées aux Romains qui ont combattu l’épidémie de grand choléra en 1836.
Une récompense aux troupes françaises et pontificales
Pie IX a fait frapper la médaille dite de Mentana pour récompenser les troupes françaises et pontificales qui avaient combattu à Ferrera, Bologne et Vicenza en 1848, ainsi que pour les soldats qui lui sont restés fidèles en 1849. Puis Léon XIII institua en 1888 une nouvelle décoration pour récompenser le dévouement des fidèles durant l’exposition vaticane, où étaient présentés les objets donnés au pape à l’occasion de ses 50 ans de sacerdoce. La médaille, portant effigie du pape, était d’or, d’argent ou de bronze. Sur son côté face était inscrit la mention «PRO ECCLESIA ET PONTIFICE» entourant les insignes du Vatican. Elle sera par la suite remise à d’autres catholiques méritants, pour les services rendus à la cause pontificale.
C’est en 1901, toujours sous le pontificat de Pie IX, qu’apparaissent les premiers noms de bénéficiaires: Paul Feron-Vrau, directeur de «La Croix», l’abbé Masquelier, rédacteur du même journal et Eugène Veuillot, directeur de «L’Univers». Puis le custode de Terre sainte, le Père Frediano Gianni, a reçu en 1901 un décret du pape le chargeant de conférer une décoration spéciale aux pèlerins de Terre sainte.
Pie X a créé en 1910 une médaille Benemerenti spécialement destinée aux militaires, et Pie XI institua en 1925 deux médailles spéciales pour ceux qui avaient oeuvré à l’Exposition missionnaire et à la célébration de l’Année sainte.
Depuis les années 30, des évêques, en majorité européens et nord- américains, ont requis auprès du Vatican des médailles pontificales à l’intention de fidèles méritants de leur diocèse.
Dans le cadre de la curie romaine, la médaille «Bene Merenti» est remise aux religieux ayant passé plus de 5 ans au service de Saint-Siège et qui ne peuvent pas recevoir le titre de «Monseigneur» contrairement aux prêtres séculiers. Par ailleurs, une trace de l’origine militaire subsiste au Vatican: les membres de la Garde suisse pontificale reçoivent la médaille «Bene Merenti» après trois ans de bons et loyaux services. BB
Encadré
Depuis 1978 avec une représentation du Christ
La médaille a actuellement la forme d’une croix crénelée en losange. Elle est ornée dans sa verticale d’un Christ bénissant. A sa gauche sont gravées les armes et la devise de Jean Paul II, et à sa droite les clefs croisées, armes du Saint-Siège, surmontées de la tiare de Paul VI. La médaille mesure 5 cm en hauteur et en largeur. Elle est suspendue à un ruban jaune et blanc, couleurs officielles du Saint-Siège.
C’est en 1978, «l’année des trois papes», que la figure du pape en fonction a été remplacée par une représentation du Christ. Afin d’éviter de trop nombreux changements?
Les illustrations de cet article sont à commander à l’agence CIRIC, Chemin des Mouettes 4, CP 405, CH-1001 Lausanne. Tél. ++41 21 613 23 83 Fax. ++41 21 613 23 84 E-Mail: ciric@cath.ch
(apic/bb)