Neuchâtel : L’église rouge fête son 100e anniversaire
Apic interview
Un fort symbole de la foi catholique en pays protestant
Bernard Bovigny, Apic
Neuchâtel, avril 2006 (Apic) Au 16e siècle, le Pays de Neuchâtel se laisse entraîner par la Réforme. Tout les pays ? Non : deux villages résistent à «l’envahisseur»: Le Landeron et Cressier, créant une situation pour le moins particulière dans ce canton devenu mixte. Les autorités politiques de l’époque ont instauré un régime de séparation stricte : aucun protestant ne peut résider au Landeron et à Cressier, et aucun catholique n’a le droit de s’établir ailleurs dans le canton.
Cette règle est restée en vigueur jusqu’en 1814, lorsque le roi de Prusse reprend le pouvoir et édicte une loi autorisant le libre établissement des catholiques et des protestants dans toutes les communes neuchâteloises. Mais dans les faits, à la fin du 18e siècle, des catholiques résidaient déjà en ville de Neuchâtel. Ils y étaient en quelque sorte tolérés, mais ne pouvaient pratiquer leur culte, rappelle Vincent Callet-Molin, Valaisan établi à Neuchâtel, licencié en Lettres, assistant conservateur au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel. Auteur en 2004 d’un ouvrage sur la commune de La Brévine, il rédige actuellement un livre sur la présence catholique à Neuchâtel de 1806 à 2006, à l’occasion des 100 ans de l’église Notre-Dame de l’Assomption, dite «l’église rouge», et du 200e anniversaire du rétablissement du culte catholique dans le canton.
Apic : Cressier et Le Landeron devaient vivre une importante situation d’isolement social depuis la Réforme .
Vincent Callet-Molin : Oui, les mariages mixtes y étaient interdits jusqu’au 19e siècle, mais les règles se sont progressivement assouplies dans le canton. Ainsi, j’ai trouvé une lettre de l’évêque du diocèse en 1817, dans laquelle il répond au curé de Neuchâtel que si les mariages mixtes sont illicites, ils ne sont pas pour autant invalides. Cette réponse permet ainsi la pratique des mariages mixtes, sans toutefois les autoriser formellement.
Apic : Autre commune catholique du canton : Le Cerneux-Péquignot, mais avec une situation particulière .
V. C-M : Très particulière même. Cette commune est devenue neuchâteloise en 1815, à la suite du Congrès de Vienne. Les autorités neuchâteloises voulaient profiter de la redistribution des terres pour acquérir des communes françaises à l’ouest, dans le but de pousser la frontière sur un obstacle naturel : le Doubs. Leur dossier a été mal défendu, et elles n’ont reçu que la petite commune pauvre du Cerneux-Péquignot. Ce qui a d’ailleurs compliqué le dessin des frontières.
Cette «annexion» a provoqué, surtout au début, d’importants problèmes administratifs. Un jour, les autorités neuchâteloises sont venues annoncer aux habitants : «Dorénavant, vous êtes Suisses». Mais il a fallu longtemps pour que la population l’accepte. Elle avait continué ses contacts avec ses voisins français comme auparavant. Au niveau du culte, elle a été alors desservie par le clergé neuchâtelois.
Apic : L’histoire du Pays de Neuchâtel révèle de nombreux changements au niveau du pouvoir. Quelle identité s’est-il forgé à travers ces événements ?
V. C-M : Jusqu’en 1707, Neuchâtel a été en mains françaises, puis la Principauté est passé sous le pouvoir du roi de Prusse. Et l’élément particulier de ce changement réside dans le fait que ce sont les autorités locales qui ont choisi leur souverain. Cette année-là, après la mort de Marie de Bourbon, dernière souveraine française de Neuchâtel, quinze prétendants aspirent à sa succession. Le tribunal des Trois Etats de Neuchâtel a alors décidé de passer en mains de Frédéric Ier, roi de Prusse. D’une part c’était un souverain protestant, et d’autre part son éloignement était gage d’une certaine indépendance.
Après les guerres napoléoniennes, et la défaite d’Austerlitz, le Roi de Prusse se détache de Neuchâtel en 1805 pour l’échanger avec Napoléon contre le Hanovre. Cette manoeuvre a fait grand bruit à Neuchâtel, où l’on considérait que la principauté était «inaliénable».
Napoléon cède alors le Pays de Neuchâtel en fief d’empire à un de ses maréchaux, Alexandre Berthier, qui est lui-même trop occupé pour s’en occuper. Il n’y mettra d’ailleurs jamais les pieds. Il confie cette terre au général Oudinot, qui vient en prendre possession, accompagné de 5’000 hommes. Les autorités locales n’ont pas le choix et l’accueillent en nouveau souverain. Le règne de Berthier sera caractérisé par une importante modernisation du canton, avec notamment la construction de nombreuses routes, et cela sans changer le régime en place, de type féodal, ni les autorités politiques. Il est à noter que durant tous ces siècles de soumission, le Conseil d’Etat de Neuchâtel n’a jamais perdu son pouvoir. Ce qui a dû forger au canton un fort caractère d’indépendance.
Apic : Et au niveau de l’identité religieuse ?
V. C-M : L’histoire du canton depuis la Réforme révèle une très forte emprise du protestantisme, même au temps des princes français, pourtant catholiques. Cela explique qu’en 1806, le rétablissement du culte catholique, sous le règne d’Alexandre Berthier, a provoqué des bouleversements. Le général Oudinot avait alors fait célébrer la messe de Pâques pour ses troupes à la Collégiale, le lieu de culte officiel de la ville. Il avait fait venir le curé de Cressier, qui est ensuite venu à Neuchâtel tous les dimanches, avec la protection des autorités françaises.
Apic : Comment cela a-t-il été perçu par les autorités protestantes ?
V. C-M : La compagnie des pasteurs n’a pas tardé à réagir. Le prêtre avait fait installer un autel permanent, que les pasteurs devaient ôter chaque fois qu’ils célébraient le culte, et une procession avait traversé une partie de la ville lors d’un enterrement. Le Conseil d’Etat est alors intervenu pour demander davantage de discrétion au curé de Cressier.
Puis la présence catholique à Neuchâtel a gagné en droits et en importance. En 1816, deux ans après le re-passage de la principauté sous la domination prussienne, un prêtre est installé en ville. La liberté d’établissement des catholiques et des protestants avait été auparavant décrétée en 1814 pour tout le territoire neuchâtelois.
Apic : Liberté d’établissement . et de culte aussi ?
V. C-M : Pas vraiment . Face à cette nouvelle situation, les autorités de la ville ont édicté un règlement sur l’exercice du culte catholique. Ce texte très restrictif a été ressenti par la population catholique comme une vexation. La grandeur de leur lieu de culte ne devait pas excéder le nombre de catholiques en ville, les cloches étaient interdites, tout comme les manifestations à l’extérieur de la chapelle (processions et autres), le prêtre en fonction ne pouvait avoir le titre de curé, et le lieu de culte devait être une chapelle et non une église. En quelque sorte, la pratique de la foi catholique était strictement limité et ne pouvait déborder dans le domaine public.
Ce règlement va marquer très fortement la population catholique, qui en gardera une certaine amertume. Il n’a d’ailleurs jamais été aboli officiellement. Il est en fait tombé en désuétude. J’ai même retrouvé un document de 1940 dans lequel le Conseil d’Etat se demande si ce règlement a encore cours. Il faut attendre 1828 pour voir l’érection de la première chapelle catholique à Neuchâtel, à la Maladière.
Apic : Et au niveau de la population, comment cela s’est-il passé ?
V. C-M : La liberté d’établissement dans les communes du canton a engendré plusieurs problèmes politiques et notamment un climat de méfiance réciproque. Les protestants ont soupçonné très rapidement les catholiques de vouloir reconquérir Neuchâtel. La Bourgeoisie de la ville, par exemple, demandait à ses membres de demeurer fidèles à la religion réformée. Ce qui a posé des problèmes pratiques face à leurs membres convertis au catholicisme. En clair : peut-on être bourgeois de Neuchâtel sans être protestant ? Le Conseil d’Etat a tranché en 1814 en soulignant la liberté de religion. Mais dans la pratique, le problème va perdurer plusieurs décennies, y compris pour les mariages mixtes.
Apic : Qui composait cette communauté catholique de Neuchâtel ?
V. C-M : Le canton a assisté au 19e siècle déjà à une vague d’immigration, d’Italiens notamment. Les catholiques présents à Neuchâtel étaient en majorité issus de milieux simples. C’étaient des servantes de maison, des maçons et autres travailleurs à revenu modeste. Ce qui posait problème pour le financement de la paroisse. A la fin du 19e siècle, la communauté catholique en Pays de Neuchâtel, à part dans les villages catholiques, est essentiellement formée d’étrangers – dont de nombreux Italiens et Français – et de confédérés des autres cantons.
Apic : Une minorité catholique certes, mais qui a bénéficié du soutien des autorités locales : le Kulturkampf a peu été ressenti, les autorisations pour bâtir l’église ont été facilement accordées, et les prêtres étaient soutenus financièrement par l’Etat.
V. C-M : Il est vrai que les rapports entre communauté catholique et autorités politiques étaient empreints de respect. Le Kulturkampf s’est bien passé à Neuchâtel, mais il en a été autrement à La Chaux-de-Fonds. Une majorité de la paroisse catholique romaine est passée du côté catholique chrétien, et ce changement confessionnel a été reconnu par l’Etat. Les catholiques romains ont alors dû abandonner leur chapelle.
A Neuchâtel, les angles étaient arrondis depuis longtemps. Le Kulturkampf, ressenti très douloureusement dans les cantons catholiques, a pour ainsi dire tourné à l’avantage des catholiques sur Neuchâtel, qui avaient très peu à perdre. Leurs prêtres, tout comme les pasteurs protestants, ont été rétribués par l’Etat dès 1848, ce qui a d’ailleurs réglé les problèmes financiers récurrents liés à la pauvreté de la population. En gros, les rapports entre l’Eglise catholique et l’Etat radical se passent plutôt bien. Quelques accrocs à signaler tout de même, en 1859 surtout, avec le départ des Soeurs hospitalières présentes à l’hôpital Pourtalès. Cette communauté était très importante pour l’identité des catholiques de la ville, car elle avait reçu du canton l’autorisation de célébrer régulièrement la messe dans la chapelle de l’hôpital. L’arrivée d’un nouveau médecin chef protestant aux méthodes médicales modernes va provoquer des dissensions et exacerber les tensions religieuses. Dans ce contexte, la Mère supérieure de Besançon préfère retirer les soeurs de l’hôpital.
La communauté catholique, blessée, a dénoncé un «renvoi» des religieuses. Elle décide alors de créer son propre hôpital. En deux semaines, la somme nécessaire à sa construction est rassemblée. Le bâtiment aura trois étages et sera construit à 200 mètres de l’hôpital de Pourtalès. Les premiers malades seront accueillis en 1860 déjà.
Il est étonnant que cette communauté catholique, très minoritaire et formée de pauvres, arrive à se mobiliser pour récolter des fonds et financer de gros projets comme cet hôpital ou plus tard son église.
Apic : . inaugurée en 1906, justement. Et pourquoi a-t-elle pris cette teinte rouge ?
V. C-M : Je n’ai trouvé aucun document de l’époque concernant les questions d’esthétique ou de couleur de l’église Notre-Dame, alors que les discussions sur l’emplacement ont duré plus de 10 ans. Officiellement, la couleur renvoie au grès d’Alsace à l’aspect rougeâtre. Mais il y a très probablement volonté de la part de la communauté catholique de se démarquer de la couleur jaune qui caractérise la ville. Quant au style gothique, il se situe dans la continuité d’autres monuments catholiques de Suisse romande, notamment les cathédrales de Fribourg et de Lausanne.
Mais à partir de 1950, l’esthétique gothique et la couleur rouge sont remis en question. Ce qui explique qu’en 1980, alors qu’une rénovation était rendue nécessaire, la question de sa destruction a été posée. Le bâtiment, en très mauvais état, était aussi devenu trop grand, du fait que la paroisse a été divisée en quatre secteurs.
Apic : La construction de cette église a-t-elle redynamisé la vie des catholiques ?
V. C-M : Elle constituait d’abord une reconnaissance de la vie de la communauté catholique. La chapelle de la Maladière était devenue bien trop petite. Il faut dire qu’entre 1850 et 1900, la population a triplé en ville de Neuchâtel, et le nombre de catholiques a augmenté au moins dans les mêmes proportions en raison de l’immigration.
L’église rouge a en fait permis à toute la population catholique de prendre place pour suivre la messe. Elle a redonné une certaine présence et une sorte de reconnaissance à la paroisse. Et la visibilité de cette église était appréciée par les visiteurs notamment. Il faut dire que la chapelle de La Maladière était très discrète et se trouvait à l’écart du centre ville.
Apic : Quelles qualités avez-vous découvert chez les catholiques neuchâtelois dans les recherches entreprises jusqu’à maintenant ?
V. C-M : Leur ténacité, leur énergie et leur capacité à mettre en place une stratégie pour se faire leur place en pays protestant. Surtout au 19e siècle.
J’ai par exemple découvert un document de 1811 dans lequel l’évêque de Pontarlier s’adresse aux religieuses envoyées à l’hôpital Pourtalès. Il leur recommande de faire preuve de prudence et d’habileté, de renoncer à tout prosélytisme auprès des malades et de prêcher par l’exemple.
J’ai aussi découvert un personnage haut en couleurs, le doyen Joseph Aibischer, de Fribourg, qui a desservi et développé la communauté catholique de Neuchâtel au début du 19e siècle. Au temps du Sonderbund, il a créé une «société secrète catholique» en Suisse romande, dont les membres se transmettaient des informations par des lettres codées, dont l’auteur et le contenu ne pouvaient être compris par ceux qui les interceptaient.
Apic : Et durant le 20e siècle, comment se caractérisée la paroisse catholique de Neuchâtel ?
V. C-M : Par une période beaucoup plus calme. Les grandes luttes sont terminées. La paroisse se développe dans les années 30 à 50 comme une société parallèle, avec une sorte de repli sur elle-même. Elle a ouvert son propre hôpital, et ses établissements scolaires tenus par les Frères des écoles chrétiennes. Elle lance alors un nombre importants de sociétés censées couvrir l’intégrité de la vie du catholique (école, travail, loisirs, .) et l’intégrité de la population catholique. On assiste à la création des âmes vaillantes pour les plus petits, des scouts de Notre-Dame, de la Jeunesse Ouvrière Catholique, de la Jeunesse Etudiante Catholique, des oeuvres de bienfaisance, des instituts de protection de la jeune fille pour assister les jeunes migrantes, des Sociétés de saint Vincent-de-Paul, puis des Caritas régionales, .
Tout cela se développe sur fond de rivalité avec les protestants. On se compare, on essaie de faire mieux qu’eux. Ce n’est qu’en 1950 qu’apparaissent les premières initiatives dans le dialogue oecuménique, lancées côté catholique par le curé Louis Glasson.
Apic : En depuis Vatican II, l’Eglise catholique de Neuchâtel subit-elle la même évolution que les autres cantons ?
V. C-M : Oui, dans les années 60, l’établissement d’une société entièrement catholique devient un projet désuet. La ville de Neuchâtel est marquée par la forte immigration des Italiens et des Espagnols, et on assiste à une forte augmentation de la population catholique. Des chapelles se construisent dans les quartiers et villages périphériques, ce qui provoque un manque d’unité au niveau de la paroisse. L’église Notre-Dame reste le lieu central de la communauté catholique, mais des désirs d’indépendance apparaissent dans les quartiers. Le rectorat de Vauseyon est créé dans le années 60. Puis en 1982, la réorganisation de la communauté catholique de Neuchâtel mène à sa division en quatre paroisses, celles de Saint-Marc (Serrières), Saint-Nicolas (Vauseyon), Saint-Norbert (La Coudre) et Notre-Dame (Neuchâtel).
La fin du 20e siècle est caractérisée par les importants travaux de restauration de l’église rouge et la construction de différentes églises. Il convient également de citer l’importance prise depuis les années 50 dans le paysage pastoral par les communautés linguistiques italienne, espagnole et portugaise, organisées sous la forme de paroisses. BB
Note : Le livre de Vincent Callet-Molin paraît en automne 2006. Edité chez Gilles Attinger à Hauterive, il aura 144 pages. Son prix : 48 frs en souscription. Titre provisoire : «Des catholiques en terre protestante / La paroisse Notre-Dame de Neuchâtel 1806-2006».
Encadré :
Evangélisation par deux missionnaires de Lyon
C’est à deux prêtres, saints Ferréol et Ferjeux, que l’on attribue l’évangélisation du Pays de Neuchâtel. Selon une tradition qui remonte à Grégoire de Tours (6e siècle), ils ont été envoyés au tournant du 2e et 3e siècle dans la région de Besançon par saint Irénée de Lyon. Certains historiens affirment qu’il s’agit en fait d’un seul et même personnage. Au terme d’un long apostolat dans cette région, ils auraient été martyrisés et seraient morts en 211.
Encadré :
Appartenance religieuse de la population résidente à fin 2005 (Source : République et canton de Neuchâtel – Recensement annuel de la population) / Site internet : www.ne.ch/stat
Dans le district de Neuchâtel :
Catholiques romains : 19’667 (38,3%)
Protestants : 18’338 (35,7%)
Catholiques chrétiens : 428 (0,8%)
Musulmans : 1’357 (2,6%)
Juifs : 65 (0,1%)
Autres religions 3’251 (6,3%)
Sans religion : 8’142 (15,9%)
Sans indication : 87 (0,2%)
Population totale : 51’335
Dans le canton :
Catholiques romains : 63’076 (37,3%)
Protestants : 67’923 (40,2%)
Catholiques chrétiens : 790 (0,5%)
Musulmans : 5’349 (3,2%)
Juifs : 250 (0,1%)
Autres religions 9’263 (5,5%)
Sans religion : 21’403 (12,7%)
Sans indication : 926 (0,5%)
Population totale : 168’980
Encadré :
Programme pour les festivités du 100e anniversaire de l’église rouge
Antoine Wildhaber, ancien conseiller paroissial, président du comité de l’école catholique et de l’hôpital de la Providence, est responsable du programme d’activités pour le 100e anniversaire de l’église Notre-Dame. Il a réuni autour de lui des gens pas forcément engagés dans les mouvements habituels afin de mieux cerner ce que représentait cet événement pour une communauté actuelle, et afin d’atteindre les milieux ados, jeunes et adultes.
Les points les plus forts de son programme concernent les animations lancées notamment auprès des jeunes. «Nous avons approché les écoles secondaires inférieures et supérieures avec une proposition de concours graphique, historique ou autres sur le thème : Les 100 ans, qu’est-ce que cela signifie ? Les travaux seront exposés à l’Hôtel de Ville fin mai début juin. Des jeunes y présenteront leurs réalisations. Le bâtiment, l’église rouge, est le point de repère de ce concours, mais les travaux vont évidemment déborder sur des sujets plus larges».
Antoine Wildhaber se dit enchanté de l’accueil reçu dans les écoles. «Au Lycée Denis de Rougemont (gymnase académique), une classe rédige des chroniques à partir d’archives et une autre réalise des activités au niveau du dessin. Les résultats commencent déjà à venir. De même, un excellent accueil m’a été réservé au Lycée Piaget (commercial). A La Chaux-de-Fonds, une classe de 2e de l’Ecole d’Art tournera des séquences à la vidéo. Chacun des 12 élèves produira un clip de 2 minutes. Là également, les participants ont carte blanche. Nous nous laisserons surprendre par leur regard sur les 100 ans de l’église rouge. Un diaporama est également annoncé. Les prix, attribués par un jury, seront remis aux classes pour financer leurs camps, sorties, .»
Autre réalisation d’envergure : le CPLN (Centre professionnel du Littoral neuchâtelois) va confectionner pour la fin de l’année un calendrier de l’Avent géant. «Quelque chose d’assez gigantesque, avec un support technique qui s’annonce très sophistiqué et très élaboré», annonce Antoine Wildhaber
Un autre élément majeur du programme du 100e anniversaire est bien évidemment le livre de Vincent Callet-Molin. Un montant de 20’000 frs a été accordé par la Loterie romande, et d’autres soutiens par des banques et autres institutions de la place. Le budget de l’ensemble des festivités, y compris le livre, se monte à 70’000 frs.
Un programme pastoral a également été élaboré à la paroisse. Ainsi, Neuchâtel accueille les 8 et 9 avril les JMJ romandes, annonce le curé Philippe Baudet. Un pèlerinage cantonal est prévu le 10 septembre et une exposition d’oeuvres de l’artiste Arcabas aura lieu fin août – début septembre. Des visites de l’église rouge sont organisées dans langues différentes, en fonction des communautés présentes à Neuchâtel. Une fois par mois, un «samedi du centenaire» est consacré à Marie, patronne de la paroisse, avec messe, conférence une fois sur deux, et repas.
La paroisse de Notre-Dame de l’Assomption espérait faire coïncider le centenaire de l’église rouge avec son élévation au rang de basilique mineure. Mais le dossier, envoyé à Rome, a été retourné à Neuchâtel pour des compléments d’information. De ce fait, L’église rouge ne sera probablement pas basilique avant 2007, selon l’abbé Baudet.
Des illustrations de cet article peuvent être commandées à l’agence CIRIC, Bd de Pérolles 36 – 1705 Fribourg. Tél. 026 426 48 38 Fax. 026 426 48 36 Courriel: info@ciric.ch ou sur le site www.ciric.ch
(apic/bb)
Irak: Rencontre avec l’abbé Noël F. Hermiz, curé à Dohuk, au Kurdistan irakien
Apic – Interview
En Irak, l’avenir reste sombre pour la minorité chrétienne
Jacques Berset, agence Apic
Accra/Dohuk, 3 juillet 2005 (Apic) L’avenir reste sombre pour les Irakiens, particulièrement pour la minorité chrétienne. «Beaucoup d’entre nous, en raison de l’insécurité, essaient d’obtenir la double nationalité. avoir un pied à l’étranger et un pied dans notre patrie», confie à l’Apic l’abbé Noël Farman Hermiz.
Ancien rédacteur en chef de la revue chrétienne irakienne «Al Fikr al- Masihi», (La Pensée chrétienne), Noël F. Hermiz a été ordonné prêtre pour l’Eglise chaldéenne le 29 décembre dernier. Agé de 53 ans, il vit actuellement à Dohuk, dans le Kurdistan irakien.
Depuis quelques années, on assiste à une forte émigration des chrétiens d’Irak, qui ne formaient déjà que le 3% de la population totale de la Mésopotamie (ils sont certainement bien moins de 600’000 aujourd’hui). Mais il leur est difficile de trouver des pays qui les accueillent, affirme le prêtre chaldéen. «Cette émigration n’est pas encouragée, les portes ne nous sont pas ouvertes, mais les chrétiens irakiens explorent toutes les voies possibles pour s’en aller. ils partent en Syrie, en Jordanie, en Turquie.», nous confie Noël Farman Hermiz, qui participait fin juin à l’assemblée générale de l’UCIP, l’Union catholique internationale de la presse, qui tenait ses assises à Accra, capitale du Ghana.
Avant d’être ordonné prêtre, ce père de famille de trois enfants – deux filles, dont l’aînée est mariée depuis un an et s’est installée au Canada, et un garçon – était depuis six ans diacre permanent de l’Eglise chaldéenne. C’était même l’un des premiers diacres depuis des années. Il dirigeait alors «La Pensée chrétienne», une revue irakienne tenue par les Dominicains de Bagdad. Dans un français parfait, le prêtre et journaliste catholique brosse pour l’Apic un tableau de la situation de son pays à la fois sombre et optimiste.
Apic: Vous êtes retourné au Kurdistan, d’où vous êtes originaire.
Noël F. Hermiz: Je suis né dans cette région, dans le village de Sanat. On m’appelle d’ailleurs «Noël Farman Sanati», qui veut dire «qui vient de Sanat», pour perpétuer la mémoire de ce village rasé par le régime de Saddam Hussein. Dans les années 1975, il avait fait détruire tous les villages de la frontière entre la Turquie et l’Irak, sur 30 km de profondeur, dans le but de créer une zone tampon. Certains auraient préféré mourir sur place plutôt que de tout quitter, mais ils ont été déportés de force.
Je ne souviens pas tellement de Sanat, car j’avais deux ans quand notre famille s’est installée à Mossoul. J’y retournais quand j’étais jeune, mais mon village est maintenant détruit, même l’église. Des gens retournent désormais, et des chrétiens l’an dernier ont monté la garde tout l’été pour faire comprendre aux non chrétiens qui avaient envie de s’y installer que cette terre est à nous.
Pour le moment, on ne peut y accéder en voiture, car il n’y a pas de route carrossable dans ces montagnes. Je connais l’existence d’une trentaine de villages kurdes et chrétiens assyro-chaldéens qui ont été détruits à la frontière, et leurs habitants ne pouvaient plus y retourner, car tout était miné. Il y a encore davantage de villages que je ne connais pas, mais cela concerne à chaque fois au moins 100 à 200 familles.
Apic: Qu’est-il advenu de ces gens forcés à quitter leurs villages ?
Noël F. Hermiz: Ces montagnards se sont installés en ville, mais ils se sont sentis dépaysés, car ils parlaient la langue assyrienne, l’araméen, que l’on appelle chez nous le syriaque ou «sureth». Ils ont ouvert des bars à Mossoul et à Bagdad, et lorsque le régime de Saddam Hussein, pour plaire aux fondamentalistes islamiques, a fermé les bars il y a une dizaine d’années, ils sont partis en masse. Certains ont fait faillite, et les familles se sont dispersées partout, là où ils ont pu émigrer: Canada, Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, France, Allemagne, Belgique, Suisse, Hollande.
Apic: Les chrétiens irakiens se sont de plus divisés.
Noël F. Hermiz: On a eu la malchance au cours de l’histoire d’être divisés entre chaldéens catholiques et assyriens orthodoxes (nestoriens), ce qui nous a séparés. Maintenant les gens revendiquent une ethnicité imaginaire, qui s’appelle l’ethnie chaldéenne, un nom qui leur a été attribué lorsqu’ils ont embrassé la foi catholique. Aujourd’hui, on encourage cette division depuis les Etats-Unis, notamment de la part des chaldéens américains.
Cette division était enfouie, souterraine, jusqu’à la chute de Saddam Hussein. Les chaldéens immigrés en Amérique soutiennent des groupes en Irak, des parents, des cousins, qui se séparent de leur ethnie d’origine.
J’assiste avec beaucoup d’amertume au démantèlement du peuple assyro- chaldéen ou araméen, avec l’encouragement de certains membres du clergé ou de politiciens. Ils sont encouragés à se diviser parce qu’ils reçoivent des prérogatives et des places dans le nouveau gouvernement; ils forment ainsi de nouveaux partis pour réclamer pour eux le label de «vrais chaldéens» ou de «vrais assyriens», alors qu’il s’agit de la même ethnie. Le corps de l’Eglise d’Orient est divisé en treize parties. et ce qui est dommage, c’est que des membres du clergé ont aussi joué sur le registre de la division.
Apic: Plus de deux ans après l’invasion américano-britannique, on a l’impression que l’insécurité est partout.
Noël F. Hermiz: Il y a toujours plus de gens qui essaient de partir, effectivement, car il n’y a pas de sécurité en Irak, et les chrétiens se sentent particulièrement menacés par la violence et la volonté de certains d’instaurer un régime islamiste. Il y a des gens qui essaient depuis dix ans de se réfugier à l’étranger, car le complexe d’insécurité et de persécution est très fort parmi eux.
Cela devient parfois de la paranoïa, même au Kurdistan, où il est – objectivement – plus facile à vivre qu’à Bagdad. Mais, même sans statut, ils se trouvent mieux au Liban ou en Syrie.
Pourquoi? Les gens qui vivent au Kurdistan n’ont pas de travail, ils dépendent des aides de leur famille à l’extérieur, mais ils reçoivent moins d’aide que s’ils sont réfugiés à l’étranger. Alors ils essaient tout de même de retourner près de la frontière syro-turque, dans leurs villages détruits ou arabisés, pour tenter de les réhabiliter: c’est le cas de Faish Khabour, sur le Tigre, ou de Deir Aboun, où la tradition veut que se soit échoué la barque de Noé. Ces chrétiens ont des perspectives, des prêtres viennent dire la messe toutes les semaines.
Au Kurdistan irakien, où les quelque 4 millions de Kurdes vivent une réelle autonomie depuis 1992 – dès après la 1ère guerre du Golfe – il ne reste plus que quelques milliers de chrétiens. Ils sont très respectés et très aimés, et l’entente est dans l’ensemble très bonne.
Apic: Malgré tout, vous cherchez également à vous procurer un passeport occidental!
Noël F. Hermiz: Chez nous, c’est calme, mais on ne sait jamais. Si on se rend à Mossoul et à Bagdad, je ne suis plus du tout à l’aise. Les Américains contrôlent la route, et ils peuvent la fermer pendant des heures, pour assurer leur propre sécurité. Le fait de circuler à Bagdad est devenu très dangereux, on ne sait jamais s’il va nous arriver quelque chose.
On sent le fondamentalisme islamique partout, clairement, dans le langage des politiciens, dans le nouveau discours des médias, et même les voisins s’y mettent avec leurs commentaires. S’il n’y a pas l’obligation formelle de se voiler pour les filles chrétiennes, elles le portent ou ne laissent plus la maison, quitte à ne plus fréquenter l’école. Même les musulmanes émancipées se sentent obligées de porter le voile, en raison de la pression sociale.
Au Kurdistan même, on sent poindre l’insécurité, car les Irakiens n’acceptent pas l’idée d’un Etat fédéral tel que le souhaitent les Kurdes. Si les Kurdes imposent l’Etat fédéral, ils seront alors coupés du reste du pays, enclavés, sans accès à la mer. L’avenir de la région reste donc fragile, c’est pourquoi comme d’autres, je songe à m’installer à l’étranger, tout en restant en contact avec l’Irak. Avoir une double nationalité, c’est pour nous un gage de survie! JB
Des photos de Noël F. Hermiz sont disponibles à l’Apic Tél. 026 426 48 11, Fax 026 426 48 00 Courriel: apic@kipa-apic.ch (apic/be)