Le philosophe et spécialiste zurichois des sectes Hugo Stamm à propos de son dernier livre

APIC Interview

L’ésotérisme ou la religion des «surhommes»

Par Benno Bühlmann, pour l’APIC

Zurich,

(APIC) Les charlatans et les gourous sont nombreux à se cacher dans la jungle inextricable de l’ésotérisme. Pour débusquer les imposteurs, Hugo Stamm, spécialiste des sectes, très connu outre Sarine et dans les pays de langue allemande, propose une approche critique des pratiques ésotériques.

Dans son dernier livre «Achtung Esotherik» (Attention ésotérisme), le philosophe et rédacteur au quotidien zurichois «Tages-Anzeiger» Hugo Stamm observe d’un oeil critique le vaste champ des pratiques et des rituels de l’ésotérisme moderne. Après avoir passé au crible les déviances de la «Scientology», l’auteur et conférencier, très connu en Allemagne, en Autriche et en Suisse, s’en prend aux excroissances dangereuses du phénomène de masse qu’est devenu l’ésotérisme. Il critique les conséquences dramatiques des traitements de certains guérisseurs et met en garde contre les pratiques extrêmes comme la transmutation, l’alimentation par la lumière, les voyages astraux, la «bilocation» ou encore à la pensée positive. Des méthodes qui, selon Hugo Stamm, contribuent à faire perdre le sens des réalités. Le spécialiste des sectes et des cultes zurichois appelle ses lecteurs à trier le bon grain de l’ivraie dans les méthodes et les rituels ésotériques. Interview.

APIC: Hugo Stamm, il suffit d’entrer dans une librairie pour se rendre compte que près d’un livre sur dix traite d’ésotérisme. Comment comprenez-vous ce phénomène?

Ce boom des ouvrages sur l’ésotérisme est l’expression d’un monde désorienté sur le plan spirituel. Nous vivons une époque de transition: les anciennes valeurs n’ont plus cours mais elles n’ont pas encore été remplacées par de nouvelles. Dans la quête de nouveaux repères, les idées surnaturelles de l’ésotérisme anesthésient les angoisses existentielles. C’est dans ce sens que je considère l’ésotérisme comme un révélateur de l’état socio-politique de notre société.

APIC: Le succès grandissant de l’ésotérisme signifie-t-il en dernier ressort que les Eglises ont échoué?

Hugo Stamm: C’est plus compliqué que cela. L’enseignement chrétien se heurte à notre mentalité de consommateur. Il part de la foi et de l’espérance et nous demande des efforts pénibles. Nous vivons dans une société d’assurés et nous exigeons des ordonnances et des recettes immédiates! L’ésotérisme fait toutes les promesses possibles: l’homme peut voyager dans le passé et voir le futur. L’homme ésotérique est clairvoyant et plein de sensibilité, il a Dieu en lui et croit qu’il peut accéder à l’état de surhomme.

APIC: Pourquoi les femmes sont-elles les premières intéressées à l’ésotérisme?

Hugo Stamm: Les femmes sont les premières à avoir ressenti un malaise face à la société, à son évolution sociale et économique. Elles sont aussi les premières à s’être mises en quête de nouvelles valeurs et d’un nouveau sens à la vie. Elles ont trouvé ces nouveaux messages dans l’ésotérisme. Mais avec le temps, elles ont développé une folie des grandeurs, des rêves de toute puissance. Elles se sont laissé prendre dans les rets de maîtres spirituels et de gourous qui les ont entraînées vers des univers surnaturels. Des méthodes et des rituels extrêmes se sont greffés sur les formes raisonnables et douces de l’ésotérisme. Cette radicalisation provoque plus de problèmes qu’elle n’en résout.

APIC: Dans l’ésotérisme, où se trouve la frontière entre méthodes «douces» et «radicales»?

Hugo Stamm: La méditation, le yoga, les fleurs de Bach, le recours à la cartomancie ou aux pierres «qui soignent» peuvent se révéler très utiles pour se détendre après une journée éprouvante. Mais en se persuadant que l’on peut voyager dans les astres, se trouver en deux endroits à la fois ou ne se nourrir que de lumière, on s’expose à des troubles de la perception de la réalité et à la folie. L’état de conscience ne s’élargit pas par ce genre de pratique mais se réduit au contraire dangereusement.

APIC: La ligne de démarcation entre les méthodes ésotériques n’est-elle pas un peu floue?

Hugo Stamm: Certainement, car tout est question de mesure. Prenez l’exemple d’une personne qui cherche la guérison dans la méditation et s’abstrait quotidiennement plusieurs heures dans un monde spirituel. Ce monde tout à coup devient une réalité en soi qui risque de la couper de la réalité et de devenir une fuite. On peut également devenir dépendant en tirant les cartes à chaque nouvelle situation où en pendulant sur le calendrier pour savoir ce que la journée nous réserve.

APIC: Dans votre dernier livre «Achtung Esotherik», vous décrivez l’ésotérisme comme un succédané de religion. A vos yeux, qu’est-ce qu’une religion authentique et une vraie mystique?

Hugo Stamm: Je me garde bien de définir la vraie mystique dans mon livre. Je courrais le risque d’être taxé de gourou. Pour délimiter les abus dans l’ésotérisme, j’ai choisi de citer des mystiques comme Alan Watts et Krishnamurti. Il existe d’ailleurs des principes que l’on peut reprendre: par exemple, la mystique devrait être un voyage à l’intérieur de soi-même, dénué de toute attente ou finalité particulières et sans limite dans le temps. On ne sait pas où conduit le chemin ni combien durera le périple.

APIC: L’ésotérisme moderne en revanche veut avancer au pas de charge et parvenir au but par le chemin le plus court…

Hugo Stamm: Il est vrai que nous nous trouvons en face d’une sorte de «mystique de supermarché». Un coup d’œil dans les magazines ésotériques suffit à mesurer l’ampleur de l’offre en ateliers qui prétendent que l’on peut acquérir en deux jours les aptitudes d’un chaman. L’ésotérisme moderne est une illustration de notre société de consommation et fonctionne selon les règles de la société de marché. Devenu une branche commerciale générant des millions de chiffre d’affaire, il n’est plus à mes yeux qu’une perversion de la mystique authentique.

APIC: Pourquoi les adeptes d’ésotérisme n’ouvrent-ils pas les yeux?

Hugo Stamm: Le problème, c’est que l’ésotérisme est très complaisant envers lui-même. Il n’y a pas de discours critique ni de questionnement. La tendance est de croire tout ce que professent les maîtres autoproclamés ou les gourous illuminés. Derrière cette attitude se cache le désir inavoué d’échapper aux limitations du monde matériel. La science, la technique et la médecine qui promettaient le paradis ont échoué dans leur projet de sauver le monde. C’est pourquoi tant de gens attendent leur salut de l’ésotérisme. Et comme dans notre société, n’a de valeur que ce qui est cher, les adeptes de l’ésotérisme sont nombreux à sortir, sans sourciller, 1’500 frs pour un week-end de formation.

APIC: Vous avez mentionné le scepticisme face à la technique et à la médecine. Ne pensez-vous pas que les thérapies alternatives soient un bon complément à la médecine allopathique?

Hugo Stamm: Je n’ai absolument rien contre l’acupuncture ou la phytothérapie. Le danger vient des thérapeutes spirituels qui s’arrogent en règle générale beaucoup trop de pouvoirs. La situation devient critique lorsque des guérisseurs traitent de grands malades et leur disent d’arrêter tout traitement médical, sous le prétexte que la chimie rompt leur équilibre spirituel et affaiblit leur immunité et leurs forces de guérison. Maints cancéreux s’abandonnent aux mains de guérisseurs et de guides spirituels, et laissent passer leur chance d’enrayer la progression de la maladie par les moyens médicaux.

APIC: Avez-vous personnellement connaissance de tels cas?

Hugo Stamm: J’en connais un grand nombre, le plus récent étant celui d’une jeune femme, mère de deux petits enfants et atteinte du cancer du sein qui est actuellement en train de mourir. Elle s’est fait soigner durant des mois par un guérisseur avant d’être hospitalisée en section oncologique, la poitrine complètement envahie par le cancer. Les médecins sont catégoriques: elle aurait eu de grandes chances de s’en sortir en acceptant d’être traitée à temps.

APIC: Cela signifie que de nombreux guérisseurs jouent avec la vie de leurs patients?

Hugo Stamm: En effet. Un grand nombre de guérisseurs se chargent de lourdes responsabilités. Je prétends même que si certains guérisseurs ont des vies humaines sur la conscience, c’est qu’ils étaient persuadés, dans leur aveuglement, de pouvoir sauver des personnes gravement malades. Je n’ai rien contre le fait de consulter un guérisseur en parallèle au traitement médical. Ne serait-ce que pour l’effet placebo. La croyance que le guérisseur possède des pouvoirs miraculeux peut dans certaines circonstances mobiliser la résistance immunitaire et améliorer la qualité de vie.

APIC: Vous développez dans votre livre la thèse selon laquelle l’ésotérisme représente une forme passive de fascisme. Comment en arrivez-vous à une telle conclusion?

Hugo Stamm: Je ne parle évidemment pas de l’ésotérisme doux mais des milieux extrémistes de l’ésotérisme, dont l’idéologie s’apparente au racisme et à la théorie de la supériorité des races. Certains ésotéristes radicaux voudraient faire revivre l’idéal germanique de la race aryenne. Les groupes néopaïens disent que notre mystique vient des germains et des druides, et ils rejettent complètement le christianisme.

APIC: Pourquoi?

Hugo Stamm: Ces extrémistes prétendent que l’enseignement du salut chrétien vient du judaïsme – ce qui est vrai – et que nous avons été colonisés par la spiritualité juive. (On est ici tout proche de l’antisémitisme.) Ils sont convaincus que l’homme indogermanique représente l’élite de l’espèce humaine. Cela conduit très rapidement au racisme et aux idées xénophobes selon lesquelles on ne devrait pas se mélanger avec des gens de races et de cultures différentes. Ce genre d’idées étaient très largement partagées sous le national-socialisme.

APIC: Est-ce que vous ambitionnez de faire bouger quelque chose dans les milieux ésotériques, avec votre livre?

Hugo Stamm: Telle est bien mon intention avec ce livre. Je veux provoquer le débat et la discussion. Je savais dès le début que je n’allais pas me faire que des amis et les premières réactions montrent bien que mon ouvrage remue les choses. Je reçois un grand nombre d’appels et de lettres de personnes intéressées par l’ésotérisme. Les opinions sont plutôt négatives mais j’ai également l’écho de personnes dont la propre expérience vient confirmer mes observations critiques. (apic/bbü/wm/mjp)

28 septembre 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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4’000 mots pour dire toute la Bible

APIC – Interview

Rencontre avec Soeur Lydie Huynh Khac Rivière

Traductrice de la Bible en français fondamental

Maurice Page, Agence APIC

Fribourg, 21novembre(APIC) La Bible n’est pas un outil de piété, mais une

parole qui interpelle pour changer le monde. Elle n’est pas réservée aux

lettrés, tous doivent y avoir accès, même les gens les plus simples et sans

instruction. En traduisant la Bible en français fondamental, Soeur Lydie

Rivière a mis en pratique cette conviction. Avec 4’000 mots, soit le dixième de ceux que compte un dictionnaire courant, et une structure très simple

elle a décortiqué le Livre des livres pour l’offrir à tous ceux qui ne possèdent que les rudiments de la lecture, aussi bien en Europe qu’en Afrique.

A l’origine, le projet de Bible en français fondamental s’adressait aux

Africains pour qui le français est à la fois la langue véhiculaire et celle

de la formation. Les pays francophones de souche n’ont pas manqué cependant

de s’y intéresser, en particulier depuis qu’on a commencé à se pencher sur

la question de l’illettrisme dans les pays développés.

«Comme jeune religieuse, rien ne me destinait à l’Afrique ni à la traduction de la Bible», avoue Soeur Lydie. Après des études de philosophie et

de lettres modernes en France, Soeur Lydie, de la communauté des Xavières,

enseigne durant dix ans dans un lycée d’Etat en France. Le premier appel,

celui de l’Afrique, la propulse en 1972 à Abidjan, en Côte d’Ivoire dans un

institut de développement fondé par les jésuites dans les années 60. On lui

demande d’adapter pour les Africains des traités d’agriculture et des ouvrages pédagogiques en français fondamental. «J’ai dû moi-même me mettre à

l’école. Je suis tout à fait autodidacte dans ce domaine. J’ai pris un dictionnaire de français fondamental et je me suis mise au travail 8 heures

par jour.»

Le français, langue véhiculaire pour 18 pays d’Afrique

Un travail dont l’importance pour le développement n’avait pas échappé à

ses supérieures. Dans 18 pays d’Afrique, le français est la langue de communication principale. Les gens qui n’ont accompli que la scolarité primaire sont cependant souvent loin de le maîtriser parfaitement. Le français

fondamental, avec ses 4’000 mots et sa structure très simple, répond à

leurs besoins.

«Au bout de quatre ans, je me débrouillais assez bien.» Des prêtres connaissent son travail et lui demandent d’adapter des textes liturgiques en

français fondamental. Le second appel, celui de la Bible, est lancé. «Cette

idée ne m’était pas venue à l’esprit. Ce fut vraiment une demande de la base». En 1978, la Commission épiscopale de catéchèse et de liturgie d’Afrique de l’Ouest lui demande officiellement de traduire la Bible en français

fondamental. La publication, avec le soutien de l’Alliance biblique universelle (ABU), des divers livres du Nouveau Testament (NT) d’abord, s’échelonne durant 15 ans. En 1991, les Evangiles et les Actes des Apôtres ont pu

être offerts au pape et au COE. En 1993, le NT complet est édité en France,

La Bible complète est en voie d’achèvement. «Il reste encore les divers

contrôles par les conseillers en traduction de l’ABU, exégètes, biblistes

et linguistes», précise Soeur Lydie.

APIC – Interview

Le français fondamental se limite à un vocabulaire de 4’000 mots répértoriés dans un dictionnaire spécial. Un dictionnaire ordinaire en compte

40’000 environ. En plus du vocabulaire, la grammaire est également simplifiée. Les phrases ne doivent pas dépasser deux propositions, une principale

et une subordonnée. Comme dans le journalisme, elles ne doivent pas dépasser 16 mots. Le principe est de calquer la phrase sur la respiration, avec

des pauses suffisamment nombreuses et correctement placées. Les traducteurs

évitent ce que les Africains appellent les phrases «kilométriques». La facilité de lecture à haute-voix est un critère déterminant.

Un autre principe, lui aussi proche de l’écriture journalistique, est

d’utiliser le présent de narration ou le passé composé en renonçant au passé antérieur, au passé simple, au futur antérieur, au subjonctif passé, ou

au conditionnel. Les verbes pronominaux et irréguliers, un des principaux

écueils de la langue française, sont aussi évités. Le pronom relatif ’dont’

(génétif), qui est très mal compris par les étrangers est sytématiquement

écarté. Les interrogations doivent être simples en évitant l’inversion.

La neige ressemble à du coton très blanc

La question du vocabulaire se double de celle du niveau de langage et du

niveau culturel, en particulier pour les Psaumes et l’Ancien Testament.

L’Afrique de l’Ouest par exemple ne connaît ni neige, ni montagnes, ni hiboux, ni hulotte, ni forteresse etc. Pour la neige, la traductrice avait

deux possibilités: soit de garder ce mot en estimant que les gens savent ce

qu’est la neige par les livres ou par la télévision et en disant en note

que la neige tombe du ciel quand il fait très froid, et qu’elle ressemble à

du coton très blanc. La seconde possibilité est de dire simplement: c’est

très blanc. Par exemple pour la lumière de la transfiguration qualifiée par

l’évangéliste de blanche comme neige. On peut aussi transposer les images:

les grêlons sont qualifiés de cailloux de glace. Si on dit glaçons, les

gens pensent à ceux qu’on met dans son verre. «Dieu ma forteresse» peut se

transposer en «Tu me protèges avec sûreté». Selon le mot savant, il s’agit

du principe des équivalences dynamiques. Les choses fondamentales comme le

blé, la vigne et le raisin ont été cependant maintenues, car ce sont des

symboles qui courent dans toute la Bible jusqu’au Christ.

Pour le terme ’résurrection’ la solution était assez simple. Il suffisait de reconstruire le mot sur le grec qui signifie se relever de la mort.

Autre exemple de terme technique: la crainte de Dieu. La mentalité africaine a en général peur des dieux ou de Dieu. Si on traduit le mot crainte par

’peur’ on ne fait qu’ancrer ce sentiment négatif. Pour les exégètes, la

crainte de Dieu contient deux notions: le respect et l’amour. Le traducteur

peut donc écrire: respecter Dieu ou respecter Dieu avec amour. La géhenne

ou l’enfer, comme concept biblique, signifie selon les exégètes non pas un

lieu, mais un état dans lequel on se met librement: il s’agit du refus de

Dieu en toute connaissance de cause. La traduction a donné: lieu de souffrance ou ’vivre loin de Dieu pour toujours’.

Refus d’un langage exclusivement masculin

«J’ai appris le grec et l’hébreu, mais je me base d’abord sur la TOB

puis sur la Bible en français courant et la Bible de Jérusalem pour les

textes poétiques. J’utilise aussi la Bible du rabbinat, et la Bible interlinéaire c’est-à-dire la Bible en hébreu avec sa traduction anglaise. Cette

interlinéaire sert notamment à harmoniser le vocabulaire, car les textes

bibliques contiennent beaucoup de répétitions.» L’informatique est très

utile pour les contrôles finaux, numérotation, ponctuaction, cohérence.

«Sur le conseil d’un des correcteurs, j’ai introduit dans ma traduction,

un langage plus «inclusif». Ainsi chaque mention «homme» a été doublée en

«hommes et femmes», «Frères» en Frères et soeurs» reprenant en cela la ’Bible des familles’ américaine. Je crois que cela apporte encore plus de profondeur au texte», relève Soeur Lydie.

La Bible en français fondamental est d’une grande utilité pour les traductions en langue locale. Les catéchistes, qui connaissent souvent très

bien la Bible, ont parfois beaucoup de difficultés à l’expliquer aux catéchumènes. Un jour, un catéchiste a saisi la Bible en français fondamental

et spontanément s’est mis à la traduire oralement dans sa langue. Un texte

écrit permet aussi d’éviter trop de rajouts ou de commentaires personnels.

En Afrique la Bible est non seulement un instrument d’évangélisation,

mais aussi de lecture. Une fois que les adultes sont alphabétisés, ils

n’ont plus rien à lire. Il y a très peu de littérature dans le niveau de

langue qu’ils possèdent. De plus les Africains sont très religieux, et très

attirés par la Bible. «Au départ j’ai été très étonnée, je pensais que la

Bible n’est pas un moyen, mais une fin.» En Afrique, le livre religieux

permet à la fois de lire avec une motivation spirituelle et de manière progressive. Comme en Amérique latine, les gens apprennent souvent à lire pour

proclamer la Parole à l’église.

La culture africaine étant essentiellement orale, l’écriture n’est venue

qu’avec la civilisation occidentale. La littérature africaine existe, elle

est même abondante, mais le niveau de langue reste trop élevé pour la

majorité de la population. Une deuxième raison est le prix. Les livres sont

chers alors que les ouvrages de la Société biblique sont vendus très bon

marché, à partir de 100 francs CFA (0,25 franc). Enfin dernière raison,

explique Soeur Lydie, les livres en français fondamental sont toujours imprimés en gros caractères ce qui permet de lire sans lunettes.

Les Pères de l’Eglise en français fondamental

«J’ai accompli le même travail pour une série de textes plus spécialisés, cette fois-ci en dehors de l’ABU. Le premier a été la Règle de saint

Benoit demandé par les religieuses et les religieux lors de l’Année St-Benoît. S’en est suivi avec l’aide d’autres traducteurs, une série de textes

spirituels des Pères de l’Eglise. On dispose aujourd’hui de 35 fascicules

édités par Mediaspaul allant d’Irénée à Tertullien en passant par Bernard

de Clairvaux, entres autres. Même les protestants s’en servent.

«Après cette longue fréquentation de la Bible, je suis convaincue que la

Parole de Dieu peut être vraiment pour l’Afrique et pour le monde un chemin

d’espérance et de courage», souligne Soeur Lydie. Mais pas n’importe comment. Il faut une catéchèse performante qui libère les gens de la peur et

de la corruption et leur donne le courage de lutter. Si on utilisait la Bible de façon prophétique, elle serait un outil de construction de l’homme,

et des peuples. La plupart des responsables politiques africains se disent

chrétiens, mais on constate que l’impact chrétien sur ces gens est souvent

nul. Parallèlement, on remarque un foisonnement de groupes de prière. Mais

ont-ils empêchés les Rwandais de se massacrer entre eux?

Pour la religieuse, il faut reprendre la perspective de la théologie de

la libération pour concrétiser le message chrétien dans les structures socio-politiques. La Bible n’est pas un outil de piété, mais une parole qui

interpelle pour changer le monde. La lecture de la Parole de Dieu, dans son

intrégalité, y compris l’Ancien Testament, doit promouvoir la paix, la justice et la réconciliation. La Bible reste plus révolutionnaire que le capital de Marx, même en Europe où les gens sont asphyxiés dans leur confort et

leur bien-être et où Dieu n’a plus de place. (apic/mp)

Des photos CIRIC de soeur Lydie sont disponibles à l’APIC 037/86 48 11

Encadré

Ci-dessous un exemple concret d’une traduction en français fondamantal tiré

de la revue «Bible Actualité» 4/93 éditée par la Société biblique Suisse.

21 novembre 1994 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 7  min.
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