Jean-Claude Darrigaud missionnaire spiritain

+APIC-Portait

Grand reporter à France 2.

Jean-Claude Noyé, pour l’agence APIC

Paris, 20 septembre 1999 (APIC) Spiritain, informateur religieux depuis 27 ans, Jean-Claude Darrigaud est grand reporter à France 2. Une chaîne de télévision à laquelle il a été associé dès sa création, quand elle s’appelait encore Antenne 2. Rencontre avec un prêtre d’un autre type.

Regard pétillant, corpulence généreuse, geste un rien théâtral, la soixantaine alerte, tout de noir vêtu, Jean-Claude Darrigaud reçoit en toute simplicité. «Soyez libre. Je passe mon temps à éplucher les gens, c’est normal que je me fasse éplucher à mon tour !» Dans son appartement jouxtant la paroisse St Thomas, à deux doigts du boulevard St Germain et des éditions Gallimard, de nombreux objets et autres figurines attirent l’oeil. Le prétexte à engager la conversation. «Derrière ces pièces ramenées de tous mes voyages autour du monde, je mets un visage. Ce qui m’a toujours passionné, c’est l’être humain. J’aime spontanément les gens et j’aime les écouter, avec ce désir de les voir «vierges», sans les juger, avec ’bénévolance’, à l’exemple du Christ.»

De là à entrer dans une congrégation missionnaire, il y a pourtant un pas. Pourquoi l’avoir franchi ? «Mes parents n’étaient pas des piliers d’église mais ils ont vécu des «embruns» du christianisme. Fils de l’école laïque, j’ai vite eu une option catholique fervente grâce à des aumôniers qui m’ont aidé et fasciné par leurs qualités morales et intellectuelles. J’avais un projet missionnaire, convaincu de devoir racheter les erreurs de la colonisation, et, par delà, un type d’engagement missionnaire aujourd’hui révolu, Dieu merci.» Pourquoi les spiritains, rejoints dès 1956 ? «Etudiant jéciste, j’étais fasciné par l’Afrique. Ce qui me plaît dans l’intuition du père Libermann, c’est cette volonté «d’aller vers ceux dont les besoins sont les plus grands et vers les opprimés», de mettre debout l’homme noir, alors victime de l’esclavage, de se faire le plus proche du peuple auprès duquel on est envoyé.»

Notre homme a donné suite à son rêve d’Afrique : ordonné prêtre en 1966, il est envoyé au Sénégal. Mais bien vite, c’est une autre mission qui lui est confiée : les évêques de France le demandent pour les médias. Une formation aux métiers de la radio et de la TV à l’Institut supérieur de journalisme de Strasbourg et le voici à la 2. «Mon peuple, c’est les gens de TV. Mes confrères m’appellent le curé des médias.»

La dimension missionnaire de sa présence dans un monde réputé dur ? «Tout tient dans une attention voulue à l’autre, en essayant d’être un ferment d’unité dans un milieu plus «cassé» que dur. Dixit la prière de François d’Assise : «Mon Dieu, faites que là où se trouve la haine, j’apporte l’amour.» Il faut sortir des clichés sur un milieu connu à travers le seul filtre de quelques émergences : les stars de la TV. Ils lui donnent son aspect «Dallas» mais ne représentent que 2 % de ce monde.» Ne règne-t-il pas à la TV plus que dans les autres médias une compétition farouche, remportée par des individus très suffisants et «m’as-tu-vu» ? «C’est un milieu très traversé par les courants contemporains et les modes. De fait mes collègues ont souvent des vies cassées au plan moral. Ils illustrent pourtant cette phrase de l’Evangile : «L’esprit souffle où il veut» car, dans une même personne, cohabite une vie personnelle fantaisiste et la plus grande générosité. Ainsi, un collègue fort vagabond au plan sexuel a versé pendant 6 mois la moitié de son salaire à la femme d’un autre collègue tué en mission, en attendant qu’elle retrouve une assise financière. Qui dit mieux ?»

Perçu comme la voix de l’Eglise pendant deux décennies, ce prêtre au long cours, pas peu fier de ses trente ans d’expérience, source d’un vrai professionnalisme et clé de voûte de sa bonne insertion à la TV, se félicite qu’on ne l’ait jamais interdit de parler. S’il ne cache pas son attachement indéfectible à sa Congrégation religieuse, et par delà, à l’Eglise, il ne mâche pas ses mots. Les médias et l’Eglise ? «Cette dernière ne s’est pas assez rendue compte que, depuis 35 ans, les Français sont formés par le langage de la TV. Quand on veut dialoguer avec les hommes d’aujourd’hui, il est difficile de ne pas utiliser leur langage. En Occident, le christianisme est perçu comme une religion de l’interdit alors que l’Evangile est une école de liberté, liberté impliquant la rencontre de Quelqu’un : le Christ.» Et d’évoquer un clergé français «excellent» mais «à bout de souffle» ou la catéchèse qui échoue «malgré tout le dévouement des catéchistes et les efforts déployés pour renouveler les manuels» car «savoir beaucoup de choses sur le Christ, selon un mode scolaire, est une chose, en faire l’expérience en est une autre.»

«Etre chrétien c’est communiquer. Le Christ est d’abord un communiquant, avec le Père, avec les autres. A ce titre, la création d’une journée chrétienne de la communication lui semble le symbole le plus patent de l’échec de l’évangélisation.» En n’oubliant pas, toutefois, de se féliciter de la vitalité des jeunes Eglises. «Beaucoup de gens et de peuples sont en recherche du Christ. L’Evangile, levain dans la pâte : cette parabole parle encore à notre monde. Dans beaucoup de pays en développement, les chrétiens travaillent activement à mettre l’homme debout !» (apic/jcn/mp)

20 septembre 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
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