Suisse: L’Armée du Salut fête le 125e anniversaire de sa création en Suisse
Apic portrait
Une troupe sans armes mais pas sans soldats
Pierre Rottet, Apic
Saint-Aubin, 9 mai 2007 (Apic) Les 19 et 20 mai prochains, les salutistes de Suisse se rendront en masse à Berne. Histoire de répondre présents à leur Congrès du Jubilé, qui marquera le 125e anniversaire de la fondation de la branche suisse des salutistes, en 1882. Soit après la création du mouvement de l’Armée du Salut à Londres, en 1865. Visite à Saint-Aubin, entre Yverdon et Neuchâtel, au poste salutiste de cette communauté chrétienne du lieu que dirige une femme, Christine Volet.
Il suffit de lever les yeux pour apercevoir sur la façade sud du poste de St-Aubin le blason de l’Armée du Salut. La maison domine le lac, en contrebas du vignoble neuchâtelois. Entre l’eau et le vin, en quelque sorte, même si soldats et soldates de l’Armée du Salut pratiquent l’abstinence. En bannissant alcool et cigarettes. Peut-être une barrière pour agrandir le recrutement au sein de l’armée? «Nombre de personnes qui sympathisent avec nous préfèrent rejoindre le cercle des amis, en raison de cette abstinence», convient Christine Volet.
La discrimination des sexes n’est pas d’usage dans ce mouvement international, composante de l’Eglise chrétienne universelle et membre du Conseil oecuménique des Eglises (COE). «La place de la femme est immense au sein de l’Armée du Salut», assure en effet notre interlocutrice, la majore Volet. «Les grades, jusqu’à une certaine fonction, ne traduisent pas un «fait d’armes», mais plus simplement des années de service». Plusieurs femmes ont du reste assumé la responsabilité du mouvement au niveau international, avec le grade de général, le plus haut. «Une femme célibataire à la tête d’un poste, c’est courant. Ce qui l’est moins, c’est qu’une femme mariée puisse l’être, avec un époux affecté à d’autres tâches, au siège bernois des salutistes. Ce qui est relativement rare», admet-elle.
Changement de look
A 46 ans, mariée, mère de trois enfants, Christine Volet a plus de 20 ans de ministère derrière elle. Assez pour porter son grade, même si sa compétence y est pour beaucoup, aux dires de ses ouailles, dont elle est la pasteure à plein temps. Aujourd’hui, Christine Volet assume chaque jour son ministère, avec l’appui d’un noyau d’une trentaine de personnes de cette communauté salutiste fondée en 1983, et d’une collaboratrice à 50%, plus spécialement chargée des enfants et des adolescents. Son engagement est lié à son charisme: annoncer l’Evangile de Jésus-Christ et soulager sans distinction aucune les détresses humaines. De quoi s’engager pour des siècles encore.
Contrairement à l’armée, à la grande muette, l’Armée du Salut de craint pas de faire du «bruit», avec ses fanfares. Une manière harmonieuse de ne pas passer inaperçu, et surtout pas dans les bistrots, avec le passage des soldats et des soldates. Mieux vaut savoir chanter. Et surtout ne pas craindre d’afficher et de témoigner de sa foi en public, et d’essuyer les quolibets des grincheux à l’heure de l’apéro prolongé. Même si ceux-ci se font plus rares, assure la majore Volet. Sans doute que le changement de look féminin y est pour beaucoup, avec un uniforme ouvert, allégé, des blouses ouvertes. «Des tas de choses ont évolué». On est loin de l’époque ou la soldate dissimulait sa féminité comme si elle prenait plaisir à bannir l’élégance, en s’affublant d’un uniforme loin d’être seyant, surmonté d’un chapeau que la reine d’Angleterre même aurait hésité à porter. «D’ailleurs, le chapeau n’est plus à la mode», convient Christine Volet. Les juke-box non plus, que les éternels râleurs mettaient en marche au moment où s’entonnait le premier chant des soldat(e)s. «Les gens sont plus respectueux, on a appris à nous connaître. Nous sommes généralement bien accueillis».
Connotation dérangeante?
Aujourd’hui, «Le Cri de guerre» distribué notamment dans les bistrots, a été remplacé par «Espoir», le mensuel des salutistes. Evolution là aussi, pour s’éloigner d’une connotation militaire pas toujours bien perçue. Mais pas révolution, pour oser changer le nom «Armée du Salut». «Personnellement, j’aurais envie de le changer. Je n’en ai ni les moyens ni le pouvoir», convient la majore Volet. Des discussions ont-elles eu lieu? «Notre nom est excellent pour nous ouvrir les portes sur le continent africain et en Amérique latine, voire dans les pays anglophones. C’est en revanche plus compliqué de ce côté-ci de l’Europe, particulièrement en Allemagne, où l’uniforme peut raviver de mauvais souvenirs liés à la seconde guerre mondiale».
Sur la base d’une étude menée en Suisse par l’Armée du Salut, 54% des personnes interrogées estiment que l’uniforme souligne le sérieux de l’institution; 40% pensent au contraire qu’elle aurait un accès plus facile auprès de la population sans uniforme. 32% affirment en revanche que l’uniforme est un symbole de guerre, non de paix. A noter que l’uniforme est porté par les officiers et les salutistes lorsqu’ils sont en activités.
De pères en fils?
Les parents de la majore Volet, déjà, étaient missionnaires salutistes en Afrique. C’est dire qu’elle n’a pas eu à se forcer pour épouser la foi parentale. Et un homme qui partage ses convictions, y compris pour la manière d’élever leurs trois enfants. De là à dire que dans la famille Volet, on naît salutiste de père en fils ou de mère en fille? «Mes enfants ont tous eu un espace par lequel ils ont fait leurs propres parcours spirituels. Si on regarde ma vie, on peut effectivement dire que j’ai suivi la trace de mes parents. Nous étions quatre enfants. Chacun d’entre nous a reçu le même bagage, a suivi son propre cheminement par rapport à sa foi, à l’appartenance de l’Armée du Salut». Et d’ajouter: J’essaie d’offrir la même chose à mes enfants, afin qu’ils aient suffisamment d’espace pour pouvoir accepter le Christ. A un moment donné, mes enfants ont fait leurs propres expériences, de manière à pouvoir choisir de manière totalement libre. Au sujet de leur engagement de soldats, les deux aînés sont en pleine réflexion».
Des moments de doutes dans sa vie, Christine Volet en a connus. Et même de ceux qui auraient pu mettre son couple en danger, comme la perte d’un bébé qui viendra assombrir sa vie. Et celle de son mari. «Chaque fois qu’une épreuve vient percuter notre couple, on a affaire à une fragilisation». Et d’assurer: «J’arrive aujourd’hui à dire que je peux tout perdre, sauf ma relation avec Dieu». PR
Encadré
L’armée du Salut en Suisse et dans le monde en chiffres
Avec l’Autriche et la Hongrie, la Suisse forment un territoire comprenant: 432 officiers; 1’359 employés entre 20 et 100%; 70 postes – paroisses locales; 36 établissements sociaux (foyers pour personnes âgées, pour femmes, pour hommes, pour enfants); 5 bureaux sociaux; 8 foyers d’accueil temporaire pour requérants d’asile; 4 centres de coordination; 28 brocantes et un centre d’appel. Quelque 500 «fanfaristes instrumentistes» consacrent en outre une partie de leurs loisirs à jouer dans les homes, les hôpitaux, les prisons. Selon leurs possibilités, soldats et soldates peuvent s’engager comme chanteurs, trompettistes, responsables de groupes de jeunesses, collaborateurs à la mission dans les cafés.
Dans le monde, avec son siège à Londres, le mouvement salutiste compte environ 1,6 million de membres; près de 26’000 officiers; plus de 107’000 employés: 15’241 postes, 3’600 établissements sociaux; 461 hôpitaux et polycliniques; 877 écoles. Actuellement dirigé par le général Shaw Clifton, il est présent dans 111 pays. PR
Encadré
L’argent, le nerf de l’Armée
En 2005, l’Armée du Salut Suisse avait réalisé un chiffre d’affaires de quelque 183 millions de francs, et ses charges pour son administration centrale s’élevaient à 4,7% de son chiffres d’affaires total. Environ un tiers des recettes représentent des contributions de la part de privés (donateurs, membres et amis) et de fondations, ainsi que de legs. Les fameuses marmites des salutistes en période de Noël sont devenues une véritables institution dans les villes suisses.
L’Armée du Salut fait ainsi partie des organisations à but non lucratif les plus importantes de Suisse.
Dans son rapport annuel, l’Armée du Salut fournit des informations concernant ses activités variées, notamment son oeuvre d’évangélisation, ses oeuvres sociales (foyers et ateliers de réinsertion, foyers d’accueil temporaire, établissements médico-sociaux, crèches et foyers pour enfants et jeunes, service des prisons, centres d’accueil pour les réfugiés, visite dans les hôpitaux.) Elle gère également des brocantes.
L’Armée du Salut est un mouvement international et revendique son appartenance à «l’Eglise chrétienne universelle», avec un message qui se fonde sur la Bible. De nos jours, l’Armée du Salut peut compter sur un large soutien au sein de la population suisse. En tant qu’Eglise libre, elle entretient des contacts avec d’autres Eglises et oeuvres, tant au sein de l’Alliance évangélique que du mouvement oecuménique. Elle est, d’une part, un partenaire reconnu des autorités dans le domaine social, d’autre part, elle joue également un rôle important dans le cadre de la collaboration au développement et de l’aide en cas de catastrophes, en raison de ses contacts au niveau international.
(apic/pr)
Mgr Wolfgang Haas, évêque de Coire
APIC – Portrait
Gabriele Brodrecht, agence APIC
Coire, 20septembre(APIC) L’enfant court vers lui et le fait presque trébucher. Mais il l’attrappe et rit avec lui – on ne renverse pas si facilement l’évêque de Coire que beaucoup auraient volontiers vu moins inébranlable -. Wolfgang Haas, le plus contesté et le plus connu des évêques suisses.
Sans aucune timidité, l’enfant prend sa main en toute confiance. Certains n’ont pas cette même confiance envers l’évêque qui se mèle maintenant
aux gens dans la cour du couvent d’Einsiedeln. Les deux nouveaux évêques
auxiliaires que le pape a placé à ses côtés, viennent d’être installés solenellement dans leurs fonctions. Un pas vers l’apaisement d’un conflit qui
depuis des années, n’occupe pas seulement les médias. La nomination en 1988
de Mgr Wolfgang Haas comme évêque auxiliaire avec droit de succession et
son accession surprise deux ans plus tard comme évêque de Coire a provoqué
d’innombrables protestations et discussions, jusqu’au danger de division de
l’Eglise en Suisse.
En fait, chacun a son opinion, – la plupart du temps définitive – à propos de l’évêque. Les uns le défendent comme champion de la «vraie foi»; les
autres tiennent prête une longue liste de reproches: sur son attitude ultra-conservatrice, sur sa fidélité au pape et au droit canon, sur ses décisions dans les questions de personnel ou du séminaire St- Luzi. On croit
savoir qui’il est arrogant et incapable de dialoguer.
Pas tout à fait comme on le pense
Les gens tiennent souvent Mgr Haas pour un véritable monstre – jusqu’à
qu’ils le rencontrent une fois, soupire l’évêque. Ils remarqueront alors
qu’il est en fait tout autre – un homme joyeux et plein d’humour, qui va
volontiers vers les gens et ouvre la discussion, qui se réjouit de la diversité de la nature – qui est plus multicolore que verte -. Conservateur,
il l’est certes, mais cela n’a rien à faire avec des boîtes de conserves.
Qui connaît vraiment les textes du Concile remarque que Mgr Haas ne représente pas autre chose…
Il sait d’ailleurs exactement ce qu’il veut protéger et défendre. La
conversation avec lui conduit à la notion de vérité, comment elle est
conservée dans l’Eglise et comment Dieu la révèle dans l’Evangile et dans
le Christ. «Cette vérité rend libre et conduit au salut» et pour lui il en
est de même pour le salut des âmes. Mgr Haas le dit simplement, certainement pas à partir d’une théologie compliquée, mais à partir de sa spiritualité mariale. «Maria duce obviam Christo», telle est sa devise «sous la direction de Marie vers le Christ».
Le fait qu’il désire conduire les hommes aux pensées surnaturelles, au
respect de la volonté et les commandements de Dieu et à une foi simple et
joyeuse, l’expose au danger qu’on se moque de lui comme quelqu’un de «démodé». Il y est finalement un peu habitué: les plaisanteries de carnaval et
les «witz» lui ont collé toutes les étiquettes possibles de mysogine à exorciste.
«Mgr Haas frappe de nouveau» a dit un jour de l’évêque un slogan qui lui
reproche de frapper avec une vérité infuse, une vérité qui place sur le
même plan le témoignage profond de la foi avec n’importe quel paragraphe du
droit canon… Dans la discussion, il sait toujours – lui qui considère le
nouveau Catéchisme comme un cadeau merveilleux – faire très bien la
différence et s’exprime souvent avec prudence et circonspection.
Certes il suit très clairement sa ligne et pense continuer à le faire «la décision finale appartient toujours à l’évêque diocésain, cela personne
ne peut le lui enlever». Des opinions différentes, mais aussi du respect
ont été jusqu’à présent perceptibles dans de bonnes discussions avec les
évêques auxiliaires. Mgr Haas espère d’eux qu’ils servent de médiateurs
mais qu’ils affirment clairement qu’il est l’évêque diocésain. Et aussi
longtemps que le pape ne le rappelle pas, il entend rester fidèle à sa mission ecclésiale – «non pas par fierté, mais parce que je veux m’attaquer à
ce défi». Même si cela ne sera peut-être pas toujours plus facile et même
si certains ne voient de solution dans l’affaire Haas qu’avec son éviction
remarque mi-fatécieux l’évêque en faisant le geste de couper la tête.
«Je suis comme je suis»
Il n’a encore jamais craint les débats avec les autres opinions – que
l’on m’accepte ou pas. Il dit simplement ce qu’il pense «Je suis comme je
suis», estime l’évêque de Coire qui relie moins le conflit avec sa propre
personne qu’avec ce pour quoi il s’engage. Il n’attend plus rien du dialogue s’il conduit à un faux compromis au lieu de mener à la vérité. Il n’est
pas intéressé au pouvoir, pas plus que monarchiste. Il entretient simplement des contacts cordiaux avec la maison princière du Liechtenstein.
A Schaan, au Liechtenstein, les parents de l’évêque tenaient un magasin
d’objets d’art. Aujourd’hui encore, Wolfgang Haas sait se réjouir des belles choses et enfant il aimait bien dessiner, peindre et modeler. Mais
Wolfgang, né en 1948 et qui a grandi à Nendeln, préférait encore jouer au
prêtre pour sa grand-mère alitée. Il a ressenti très tôt l’amour de l’Eglise. Il a toujours eu un bon abord de la confession et il lui tient à coeur
encore aujourd’hui de rendre ce sacrement proche des hommes.
«Plus gentil que les autres enfants», il ne l’a pas été. Il considère
juste cette opinion courante sur lui-même. L’ancien chancelier diocésain
s’oppose par contre à une autre opinion selon laquelle il aurait travaillé
très activement pour obtenir le siège d’évêque. Il a toujours aimé être
prêtre et aurait très bien pu imaginer le rester. «Le célibat n’est pour
moi pas seulement un devoir – je sais ce à quoi je renonce, mais je sais
aussi ce que je gagne». Dans toute son évolution il voit une certaine
continuité. Ainsi il a eu déjà tôt un intérêt pour le droit canon et à Rome
où il a étudié, cela lui a plu encore davantage.
La résistance contre lui a aussi de la continuité et on peut se demander
comment il y résiste finalement. Il n’est pas du tout un évêque imperméable
sur qui toute la souffrance des hommes glisse simplement, souligne-t-il. Et
s’il ne répond pas à une lettre c’est parce que depuis sa nomination à Coire, l’ordinariat a reçu plus que correspondance qu’un autre pendant quinze
ans. Les prêtres qui invoquent sa personnalité pour demander un changement
de diocèse le déçoivent particulièrement: «On n’est pas prêtre contre un
évêque, mais par la volonté du Christ!»
Rien n’apparaît de ce poids. Il n’a perdu ni son humour ni son apétit
est ses soucis n’ont pas entamé son sommeil (y compris la sieste). Il ne
«veut pas dissimuler» qu’il mange volontiers de bonnes choses comme la
tourte fôrêt noire. Mais il tient pour une grâce particulière d’avoir un
bon sommeil.
Cependant il n’existe pas que des souffrances physiques ou morales, mais
aussi des souffrances spirituelles», remarque-t-il. Lorsque qu’il parle du
tapis humain couché devant la cathédrale de Coire lors de sa nomination et
qui symbolisait la maxime «celui qui passe sur nous, nous oublie» j’entends
dans sa voix de la souffrance et de la déception. Il admet volontiers qu’il
fasse aussi des erreurs et que l’appel à la conversion vaut pour tous.
Il regrette d’avoir si peu d’occasions de rencontrer vraiment les gens.
Il se réjouit certes des rencontres avec les jeunes comme à Denver, mais en
beaucoup d’endroits, il n’est pas accepté pour donner la confirmation. Il
est prêt aussi à aller dans les paroisses pour discuter dans un cadre plus
restreint. Pourquoi ne pas lui adresser la parole aller vers lui comme cet
enfant à Einsiedeln?. Mgr Haas voudrait bien une fois laisser toutes les
discussions de politique ecclésiale derrière lui et pouvoir faire comprendre aussi à ses critiques que «l’évêque vous aime et veut être là pour
vous.» (apic/gbr/mp) (traduction Maurice Page)