Thaïlande: Un religieux italien recueille à Rayong malades et orphelins du sida

Apic Reportage

Le sida n’est pas une punition de Dieu

Jacques Berset, agence Apic

Pattaya/Rayong, 29 novembre 2004 (Apic) L’offre touristique de Pattaya, la pimpante station balnéaire sur le front de mer, est vaste et diversifiée. L’ancien bourg de pêcheurs, à deux heures de Bangkok, peine cependant à se défaire de sa mauvaise réputation, celle de supermarché du sexe pour étrangers. Et d’important foyer de sida. Notre reportage.

L’innocence de Pattaya a été perdue dans les années 60, quand les Marines américains y ont débarqué pour se refaire du stress de la guerre du Vietnam! Aujourd’hui encore, le «farang», l’étranger, n’y vient pas toujours pour visiter les îles de Ko Lan, Ko Khrok, Ko Sak, ou se prélasser sur les plages de Jomtien en contemplant le Golfe du Siam. C’est souvent les rues chaudes du bord de mer et ses bars à «go-go girls» qui attirent ici le touriste.

La nouvelle lèpre du pays

«A l’époque, il y avait peu de conscience dans la société et l’école, maintenant la Thaïlande est le pays leader en matière de lutte contre le sida en Asie», commente le Père Giovanni Contarin, un religieux présent en Thaïlande depuis une vingtaine d’années. C’est en 1992 que le missionnaire camillien s’engage dans la lutte contre la pandémie, après avoir travaillé pendant plusieurs années au séminaire et comme aumônier d’hôpital. Aujourd’hui, il dirige le Centre social des Camilliens, à Rayong, une localité du diocèse de Chanthaburi, au bord de mer, non loin de Pattaya. (*)

Ces dernières années, les Camilliens et les catholiques de Thaïlande ont fondé dans tout le pays une multitude d’autres associations de ce type. Leur charisme étant le soin des malades, les religieux italiens ont commencé leurs activités dans les hôpitaux de Thaïlande il y a 52 ans déjà, à l’époque avec les lépreux. «Nous avons découvert que le sida est la nouvelle lèpre du pays. Alors on m’a demandé d’étudier cette nouvelle pandémie et de commencer à travailler dans ce secteur.»

Face à l’éclatement de cette épidémie, le gouvernement thaïlandais a décidé d’agir vite, en distribuant des condoms. «A nos yeux, cela peut évidemment amener des résultats, car cela a changé le comportement des groupes à risques: drogués, homosexuels, prostituées et leurs clients.»

Le préservatif ne représente pas «la solution» unique

Mais, estime le religieux italien qui nous accueille au Centre social des Camilliens de Rayong, le préservatif ne représente pas «la solution» pour la population. Car comment faire comprendre l’usage du préservatif dans la vie familiale, chez les jeunes et les couples d’amoureux ? se demande-t-il. C’était une première réponse à court terme, mais toutes les institutions, notamment les catholiques, disent que la vraie réponse est d’abord l’éducation.

«Mais nous nous adressons aussi à des situations non idéales, c’est pourquoi nous parlons de prévention – par un comportement adéquat – et de protection – par tous les moyens disponibles pour protéger la vie. Pour une bonne qualité de la vie, nous présentons l’éducation à vivre dans la fidélité, à ne pas changer de partenaires, ce qui est la meilleure solution. Mais pour ceux qui ont des comportements à risques, protéger la vie signifie simplement utiliser tous les moyens disponibles.»

Un lieu de vie qui défie la mort

Au milieu de l’espace arborisé, parmi les rires et les jeux des enfants, rien n’indique de prime abord que l’on se trouve dans un Centre accueillant des séropositifs et des malades du sida. Sauf peut-être l’arrivée d’une ambulance. La vue du corps squelettique et inerte nous ramène à la réalité: la maladie est bien présente, comme elle est là aussi dans l’unité des soins palliatifs. Là, par respect, pas question de prendre des photos!

Dans le Centre, une trentaine d’enfants – des orphelins, à l’exception de deux d’entre eux, qui ont encore leur mère malade – jouent dans les pavillons. Ils ont l’air tout à fait sains, mais pour certains d’entre d’eux, la vision est trompeuse, car la maladie a déjà fait son apparition. Ils sont faibles et ont de la peine à aller à l’école. Leur vie est déjà grandement affectée par le virus et les effets secondaires de la panoplie de médicaments qu’ils doivent ingurgiter quotidiennement.

Au cours de l’épidémie, de nouvelles cures et de nouveaux médicaments ont été découverts, passant du cocktail de médicaments aux anti-rétroviraux (ARV). Le traitement coûtait cependant plus de mille dollars par mois par malades – hors de prix pour les Thaïlandais! -, puis les coûts ont baissé suite à des accords avec les compagnies pharmaceutiques. Finalement la Thaïlande a commencé à produire des médicaments sans brevets. Le Centre dispose maintenant de sept sortes de médicaments anti-rétroviraux. Parmi ceux-ci: les inhibiteurs de protéase et les inhibiteurs de transcriptase inverse. «Avec cet arsenal, on peut faire face à 90% des besoins, même si les derniers médicaments des firmes pharmaceutiques occidentales sont certainement meilleurs», souligne le Père Contarin. Rayong a déjà accueilli près de 1’000 patients, 500 ont déjà succombé, mais 369 ont pu retourner dans leur communauté et vivre leur vie.

Des survivants en sursis

Au début, le Centre social des Camilliens importait de l’étranger les médicaments pour les enfants, mais maintenant, il travaille avec les programmes du gouvernement. «Le prix est descendu à 120-130 dollars par mois. C’est bien meilleur marché qu’avant. Pour les adultes, nous obtenons les médicaments par le biais d’un programme gouvernemental. On les réhabilite et on les laisse retourner à la maison, sous surveillance», poursuit le directeur.

Le projet avec les enfants a commencé à Rayong il y a 7 ans. Ils ont eu la possibilité de recevoir une cure comme en Europe «et maintenant, il faut continuer», lance le Père Contarin, toujours à la recherche de fonds pour son oeuvre. «Nous devons nous battre pour mener notre centre, mais c’est normal», lance-t-il en nous présentant une jeune fille souriante. «En Asie, c’est sûrement la fille qui a vécu le plus longtemps en étant née avec le virus du sida, elle a maintenant 18 ans. L’anti-rétrovirus stoppe la réplique du virus dans le corps; il faut ensuite un bon environnement pour elle.»

Maï, un destin de jeune fille de Pattaya

Dans le bureau, en face de nous, une autre jeune fille souriante, âgée de 23 ans. Elle s’appelle Maï et est née sur les frontières, chez les Karens. Elle doit être Birmane, mais n’a pas de papiers d’identité, ce qui complique terriblement sa vie en Thaïlande. On la voit en photo, il y a deux ans: un corps décharné, presque un cadavre, sur un lit d’hôpital. «C’était moi, il y a deux ans!», dit-elle dans un anglais haché. «Je suis restée six mois au lit. Je ne sais pas avec qui j’ai attrapé la maladie; j’étais avec un Allemand à Pattaya, il m’a accompagné à l’hôpital pour me faire faire un test sanguin, car il s’était aperçu que quelque chose n’allait pas. Il avait 33 ans et c’était la deuxième fois qu’il venait pour les vacances.»

«A l’hôpital, ils ont trouvé que j’étais HIV positive. Mon ami ne voulait plus me toucher, alors j’ai avalé du détergent pour WC, je voulais mourir. Il est venu à l’hôpital, il a payé la facture, puis il est rentré en Allemagne en promettant de rester en contact, mais il m’a abandonnée», lâche la jeune fille. Elle a mis du temps à pouvoir à nouveau avaler, car son oesophage était brûlé. Aujourd’hui, Maï dit ne plus penser à son amoureux de l’époque, et elle vit momentanément avec un Hollandais d’une trentaine d’années. Elle fréquente toujours le Centre des Camilliens, où elle est sûre de trouver chaleur, accueil et compréhension. Et peut-être un jour une réelle porte de sortie à une vie sans grandes perspectives. JB

Encadré

A Rayong, les séropositifs trouvent du travail

Au Centre social des Camilliens de Rayong, les séropositifs trouvent du travail: ce sont eux qui font fonctionner l’institution, aidés également par des volontaires qui viennent pour un temps de Belgique, du Danemark, des Etats-Unis, d’Italie… Aux soins palliatifs, la seule personne qui ne soit pas HIV positive est l’infirmière. «Partout dans le Centre, les employés sont séropositifs. Nous offrons des opportunités pour des gens qui ont perdu leur travail, qui doivent combiner leur temps avec les visites à l’hôpital. En travaillant ici, ils évitent aussi la stigmatisation sociale», confirme le Père Contarin.

26 personnes travaillent dans le Centre, pour une bonne centaine de patients qui vivent pour la plupart à l’extérieur. 36 jeunes orphelins vivent dans le Centre, tous – sauf deux miraculés – sont porteurs du sida. Seuls trois enfants étaient déjà baptisés à leur arrivée, la plupart des autres sont d’origine bouddhiste. Les malades et les orphelins arrivent par le biais des services sociaux de la province ou des paroisses. Dans l’ensemble des 10 diocèses du pays, l’Eglise catholique dirige 29 centres, institutions et projets dépendant du Comité catholique contre le Vih/Sida, sous l’égide de la Conférence des évêques catholiques de Thaïlande.

Les religieux ont été poussés à s’engager dans le travail en faveur des malades du sida dès 1993 par le Dr Thani Sirijon, un médecin catholique thaïlandais qui a lancé le Comité catholique sur le sida. Ce dermatologiste aujourd’hui décédé s’est beaucoup engagé pour lutter contre la pandémie et aider les malades du sida. JB

Encadré

Le sida, première cause de mortalité en Thaïlande

La Thaïlande, vaste pays de quelque 500’000 km2 et plus de 61 millions d’habitants, compte plus d’un 1,2 million de personnes infectées par le Vih/Sida, dont un tiers sont déjà décédées depuis qu’a été déclaré le premier cas en 1984. La plupart des personnes contaminées ignorent qu’elles sont porteuses du virus. Le sida est devenu la première cause de mortalité en Thaïlande, devant les maladies cardiaques, le cancer ou les accidents. Ce fléau décime les forces vives du «pays des hommes libres», appellation sans conteste méritée, puisque cette terre bouddhiste – l’ancien Siam – ne fut jamais colonisée!

Les orphelins du sida sont déjà 300’000 dans le pays, peut-être plus. Dans de nombreuses familles, seuls les grands-parents sont là pour garder les plus jeunes: entre deux, une génération a déjà disparu, fauchée par la pandémie. Certes, le pic de l’infection a eu lieu il y déjà 10 ans environ et la situation commence à se stabiliser, grâce à des campagnes d’information. JB

Encadré

Les Camilliens au coeur de la pandémie, l’Eglise officielle réticente au début

Les religieux camilliens – Ordre religieux des Serviteurs des Malades fondé en Italie par saint Camillo De Lellis (1550-1614) – ont d’abord pris en charge des malades du Vih/sida pauvres et rejetés dans la capitale thaïlandaise, à Bangkok. Ils ont débuté leur action en collaboration avec l’Hôpital national «Bamraat Naradun» pour les maladies contagieuses. «J’ai découvert cette nouvelle réalité avec le Comité catholique contre le sida», témoigne le Père Giovanni Contarin. Il a fondé la première association de malades du sida, «Candle for life», en 1993.

Comme l’attitude était très négative, les religieux ont eu beaucoup de problèmes à Bangkok: ils ont subi des attaques violentes, même des attentats à la bombe et un mitraillage au fusil d’assaut. Ils ont finalement dû partir du quartier. C’était trop tôt pour travailler dans la zone urbaine dans les années 94-95. «Des gens influents ont réussi à nous faire partir, beaucoup de monde avait peur de la maladie. C’est pourquoi nous nous sommes installés dans la province de Rayong, à trois heures de route au sud-est de Bangkok.»

«Au tout début, nous avons essayé d’établir un projet au nom de la Conférence des évêques catholiques de Thaïlande, sur un terrain appartenant à l’archevêché de Bangkok. Mais nous n’avons jamais réussi, car au sommet, on ne désirait pas vraiment collaborer avec nous. Il y avait une telle peur de la maladie à l’époque! Peur d’être trop impliqués, peur du stigmate de la discrimination qui risquait de retomber sur l’institution catholique, crainte que ses terrains perdent de la valeur.

On ne voulait pas non plus qu’en mettant sur pied des programmes d’information sur le sida, sur la protection et la prévention contre le virus, on fasse de l’éducation sexuelle. C’est d’ailleurs encore le cas pour certaines écoles catholiques, qui ne souhaitent pas que l’on fasse de l’éducation sexuelle. En Thaïlande, l’Eglise catholique est une toute petite minorité (moins de 0,5%) et les écoles catholiques accueillent 95 % d’élèves non catholiques. «On ne peut aller contre la mentalité de la grande majorité. N’oublions pas que le sida a été mis au programme des écoles seulement ces dernières années.» JB

Encadré

Le sida: une maladie qui peut toucher tout le monde

Le fait que les catholiques se soient engagés dans la lutte contre le sida est certainement dû à leur spiritualité et à leur conception de la dignité des malades, témoigne le Père Contarin. «Il ne faut pas oublier qu’au début l’image du sida était partout très mauvaise, la maladie était liée à des comportements à risques: drogués, homosexuels, prostituées et leurs clients…»

Ce n’est que plus tard que cette image a changé, quand on a réalisé que le sida n’est pas une maladie de gens ayant de mauvais comportements, mais que cela peut arriver à tout le monde. «Les catholiques, en raison de cela, ont eu l’envie de changer cette image dans une société en très large majorité bouddhiste. Pour nous, le HIV est un virus et ceux qui en sont infectés sont des êtres humains comme nous, ce sont nos frères et soeurs, ils peuvent vivre dans la société avec leur dignité. De toute façon, les catholiques, au début, réagissaient de la même façon. Nombre d’entre eux refusaient de voir et de travailler avec les malades.» JB

(*) Fondé en janvier 1996, le Camillian Social Center Rayong bénéficie du soutien financier de Caritas Suisse (Fr. 310’000 francs pour la période 2003-2006).

Des photos du Centre social des Camilliens de Rayong et les activités avec les malades du sida sont disponibles à l’agence Apic: tél. 026 426 48 01, fax 026 426 48 00, courriel apic@kipa-apic.ch (apic/be)

29 novembre 2004 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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Ukraine: Boris Gudziak, historien de l’Eglise clandestine

APIC – Reportage

Rassembler la mémoire de 45 ans de persécutions

Maurice Page, Agence APIC

Lviv, 1erjuillet(APIC) Pendant 45 ans, l’Eglise grecque-catholique

d’Ukraine fut avec ses 5,5 millions de fidèles la plus grande communauté

religieuse interdite dans le monde. Rassembler la mémoire de ces 45 ans de

persécutions, telle est la tâche à laquelle se sont attaqués Boris Gudziak

et ses collaborateurs de l’Institut d’histoire de l’Eglise à Lviv, en

Ukraine occidentale.

Au-delà de l’intérêt historique, ce futur prêtre voit dans son travail

un aspect pastoral: faciliter l’intégration dans les nouvelles formes de

vie religieuse et préserver la mémoire des martyrs pour les générations futures. Dans une cellule de l’ancien couvent des studites à Lviv, méthodes

de l’histoire orale et fichier informatique sont au service de cette tâche.

La restauration de la mémoire fait partie de la restauration structurelle

et matérielle de l’Eglise grecque-catholique. L’expérience des communautés

clandestines est une ressource pour la reconstruction.

Les murs moyenâgeux d’une des cellules de l’ancien couvent des studites,

sur une des hauteurs de Lviv, abritent l’Institut d’histoire de l’Eglise.

Les armoires métalliques sont remplies de fiches rassemblées depuis l’été

1992. Chacune contient l’histoire vécue d’un membre de l’Eglise du silence.

«On peut comparer les prêtres d’ici aux martyrs des premiers temps de

l’Eglise», explique Boris Gudziak. Ils sont près de 550 plus 10 évêques à

avoir resurgi de la clandestinité à l’aube des années 1990.

Boris Gudziak est un ukrainien de la diaspora. Né aux Etats-Unis, il a

étudié à Rome et à Harvard, avant de rentrer au pays pour se lancer dans

cette recherche. «J’ai l’intention de devenir prêtre, mais je veux d’abord

accomplir mon travail scientifique pour lequel j’ai reçu une bourse américaine». «Au départ, nous ne nous rendions pas compte de l’ampleur du travail», dit-il. 19 personnes, historiens, enquêteurs, secrétaires et archivistes travaillent pour l’Institut. Les fonds sont pour l’instant suffisants. En Ukraine le salaire mensuel moyen n’est que l’équivalent de 15

dollars!

A l’instar des autres pays de l’Est, la situation est plus complexe

qu’il n’y paraît. En 1946, après l’emprisonnement de 9 évêques, un pseudosynode réunissant 216 prêtres et deux évêques avait souscrit à la liquidation de l’Eglise grecque-catholique. Certains prêtres signèrent la déclaration de réunification avec l’Eglise orthodoxe imposée par Staline pour se

retracter ensuite, d’autres suivirent le chemin inverse. Certains ont vécu

dans une clandestinité totale exercant leur ministère secrètement, d’autres

étaient tolérés. Pendant la persécution, les Eglises n’ont tenu ni archives, ni statistiques, ni documents officiels.

Les laïcs, notamment les femmes pour lesquelles la surveillance était

moins étroite, ont joué un rôle indispensable pour le maintien et la transmission de la foi, par exemple en servant régulièrment d’agents de liaison

entre les prêtres et les communautés. Les prêtres d’ailleurs voyagaient

souvent déguisés en femmes, relate Boris Gudziak. Le clergé de l’Eglise

grecque-catholique étant le plus souvent marié, l’histoire d’un prêtre est

aussi celle de sa femme, de ses enfants. Le témoignage des femmes de prêtres est un des éléments essentiels de la vie de l’Eglise clandestine.

La mémoire orale au service de l’histoire

La mémoire orale est la seule source pour connaître l’organisation, les

structures, les mentalités et la vie quotidienne des gens. Le projet prévoit des enquêtes auprès de 2’000 personnes réparties en 9 catégories. Certains entretiens ne durent qu’une demi-heure, d’autres 14 heures. Aujourd’hui beaucoup de témoins et de victimes de la répression des années

1946 à 1950 sont déjà morts, explique Boris Gudziak. Grâce aux méthodes de

l’histoire orale, la confrontation des témoignages doit permettre une vision assez réaliste, au-delà de l’hagiographie.

Les archives du KGB et de la police, dans la mesure où on ne les a pas

fait disparaitre, devraient livrer des renseignements importants sur le caractère systématique de la persécution. On devrait égaleemnt apprendre à

quel niveau étaient donnés les ordres.

Durant ces 45 ans, l’Eglise grecque-catholique a réussi à maintenir ses

structures et a formé deux générations d’ecclésiastiques. Aujourd’hui on se

trouve en présence de trois générations de prêtres, les premiers formés

avant la suppression de l’Eglise en 1946 et qui connurent très souvent la

prison ou le goulag. Les seconds formés dans la clandestinité dont certains

ne furent pas identifiés par le KGB. Les derniers formés au sein de l’Eglise orthodoxe. Les évêques arrêtés en 1946 ont tous été tués ou sont morts

en captivité. A l’exception du cardinal Josyf Slipyj qui, après 18 ans de

goulag, a été libéré en 1963 par Krouchtchev sous la pression du pape Jean

XXIII, pour être aussitôt expulsé du pays. Mgr Slipyj est mort en exil à

Rome en 1984.

Récupérer le passé pour construire l’avenir

Pour survivre et assurer la continuité des sacrements, l’Eglise grecquecatholique a fait d’importantes concessions liturgiques, pastorales et de

droit canonique. La nature de l’enseignement religieux et de la prédication

a-t-elle considérablement changé? Comment luttait-elle contre la propagande

anti-religieuse présente dans les écoles et dans la société?

Pourquoi un des plus proches collaborateurs de Mgr Slipyj, homme intelligent et cultivé, a-t-il été un des instigateurs de la suppression du catholicisme? Pourqoui est-il mort assassiné en sortant d’une église en 1976?

Comment des religieux et des religieuses ont pu continuer à avoir une vie

communautaire en petits groupes dans des appartements en étant actifs à

l’extérieur? Ont-ils bénéficié d’une certaine tolérance parce qu’on appréciait leurs services? Autant de questions que Boris Gudziak et son équipe

vont tenter d’élucider.

Il n’est pas possible non plus de faire de l’histoire en Ukraine, sans

évoquer les rivalités religieuses actuelles, les liens de la religion avec

la conscience nationale et les querelles pour la restitution des biens ecclésiastiques.

Pour donner tout le rayonnement voulu à cette histoire tragique, Boris

Gudziak rêve d’un musée de l’Eglise clandestine à Lviv au couvent des studites. Il évoque aussi l’écriture de scénarios de films. Une autre façon

aussi de récupérer le passé pour construire l’avenir. (apic/mp)

1 juillet 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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