Cathdérale orthodoxe d'Astana, au Kazakhtan | DR
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Au Kazakhstan des voix orthodoxes pour quitter le Patriarcat de Moscou

Au Kazakhstan, la volonté de se séparer du Patriarcat de Moscou en devenant une Eglise autocéphale ne vient pas de l’État mais de l’intérieur même de la hiérarchie orthodoxe, selon l’Américain Paul Goble. Ce spécialiste des questions ethniques et religieuses en Eurasie est un ancien collaborateur du Département d’État américain et de la CIA.

Depuis que la Russie a lancé son invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, les Eglises orthodoxes russes dans les États post-soviétiques subissent des pressions de la part des gouvernements de ces États pour adopter une ligne anti-Moscou. Certains poussent même les Eglises orthodoxes locales à séparer du Patriarcat de Moscou en devenant autocéphales.  

Mais cette dynamique, alimentée principalement par les gouvernements opposés à la Russie plutôt que par des forces au sein de l’Eglise, a été beaucoup moins perceptible dans les pays du Caucase et d’Asie centrale. «Mais maintenant, cela change», écrit Paul Goble sur la plateforme libre de discussion «Parlons d’orthodoxie».

Une poussée vers l’autocéphalie

«Peut-être le plus inquiétant du point de vue de Moscou, alors que l’Eglise orthodoxe du Kazakhstan persécute ceux de ses dirigeants qui sont le plus opposés à Moscou et qui sont en faveur de l’autocéphalie, d’autres responsables ecclésiaux disent que l’autocéphalie pour le Kazakhstan est ›inévitable’. Si cela se produisait, le Patriarcat de Moscou perdrait plus de la moitié des paroisses et évêchés restants qu’il possède encore au-delà des frontières de la Fédération de Russie. Et la poussée de l’autocéphalie ailleurs en Asie centrale, et plus généralement, s’accélérerait presque certainement».

L’action publique pour séparer les orthodoxes du Kazakhstan de Moscou et poursuivre l’autocéphalie a été menée depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine par l’archimandrite Iakov qui, jusqu’à récemment, était proche du métropolite d’Astana et du Kazakhstan Alexandre, chef de l’Église orthodoxe russe en République du Kazakhstan.

L’archimandrite Iakov dénonce l’attitude «servile» du patriarche Cyrille

L’archimandrite Iakov a publiquement dénoncé l’invasion et signé des lettres protestant contre le fait que l’Église russe suivait servilement la ligne du Kremlin. Le patriarche Cyrille de Moscou a en effet justifié la guerre en Ukraine par la nécessité de défendre la «sainte Russie» face à un Occident jugé décadent. Le chef de l’Eglise orthodoxe russe n’a de cesse de justifier les actions du Kremlin, allant jusqu’à évoquer un «conflit métaphysique» contre les «forces du mal» représentées par l’Occident.

Le Père Iakov a donné des interviewes dans lesquelles il a appelé l’Église orthodoxe du Kazakhstan à rompre avec Moscou et à poursuivre l’autocéphalie afin qu’elle puisse contrôler son propre destin. Cela a déclenché à la fois une discussion généralisée au Kazakhstan et les efforts du métropolite Alexandre pour calmer la situation en forçant simultanément le Père Iakov à partir dans un diocèse moins important tout en maintenant des relations avec lui, de peur que l’ecclésiastique dissident ne rompe complètement avec la hiérarchie, affirme Paul Goble.

Cette approche n’a pas fait taire le Père Iakov. Il a continué à dénoncer Moscou et sa guerre en Ukraine et à utiliser de manière démonstrative le kazakh plutôt que le slavon (ou russe) dans les services religieux, ce qui lui a valu le soutien des orthodoxes de langue kazakhe mais a offensé la sensibilité de Moscou et des ecclésiastiques de Moscou dans cette République.

Puis, le 19 juin dernier, le métropolite a forcé Iakov à prendre un congé sabbatique après avoir jugé que ses déclarations politiques étaient incompatibles avec son statut de prêtre. En partant, cependant, le moine a appelé ni plus ni moins à «la dénazification et la démilitarisation de l’Église orthodoxe russe». (cath.ch/parlonsd’orthodoxie/be)

Cathdérale orthodoxe d'Astana, au Kazakhtan | DR
17 juillet 2023 | 12:19
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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