L'enlèvement, la conversion et le mariage forcés de Arzoo Marja ont eu une large résonance sociale et politique au Pakistan. Ici une manifestation de soutien en novembre 2020 | © Samaa TV
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Au Pakistan, un évêque lance un cri d’alarme sur les conversions forcées de jeunes filles

Les nombreux enlèvements suivis de conversions forcées d’enfants appartenant aux minorités religieuses dans la République islamique du Pakistan sont «une question de droits de l’homme, pas seulement une question religieuse», alerte Mgr Sebastian Shaw, archevêque catholique de Lahore.

Selon le Centre for Social Justice (CSJ), à Lahore, et d’autres organisations de défense des droits humains au Pakistan, ce sont par centaines que des jeunes filles mineures chrétiennes, hindoues et sikhs sont chaque année enlevées et converties de force à l’islam. La ville de Faisalabad, dans la province du Pendjab, compte le plus grand nombre de familles chrétiennes victimes de ces enlèvements qui frappent avant tout les jeunes filles hindoues et chrétiennes issues de castes inférieures et de familles pauvres.

Mariages forcés d’enfants  

Officiellement au Pakistan, il y aurait annuellement quelque 1’000 jeunes filles et femmes chrétiennes et hindoues enlevées, mariées et converties de force chaque année. Mais, certains rapports suggèrent que ce chiffre serait plutôt le fait de la seule province du Sindh, dont la capitale est Karachi, au sud du Pakistan.

Certains établissements islamiques pakistanais revendiquent fièrement ces conversions, notamment le leader religieux Pir Abdul Haq, alias Mian Mithu. Pir Abdul Haq est le gardien du dargah Bharchundi Sharif (sanctuaire construit sur la tombe d’une personnalité soufie, vénérée pour sa sainteté et sa piété). Dans ce célèbre centre spirituel du Sindh, Pir Abdul Haq affirme que ces conversions sont un devoir religieux impératif pour un musulman.

Des conversions forcées revendiquées, l’Etat ferme les yeux

De son côté, l’État pakistanais, la police et les responsables politiques refusent de voir le problème. En octobre dernier, les représentants des minorités religieuses du Pakistan ont vivement critiqué le gouvernement du Premier ministre Imran Khan pour avoir rejeté le projet de loi sur l’interdiction de la conversion forcée. Le projet de loi proposait que l’âge de la conversion à l’islam soit de 18 ans. Il criminalisait également l’acte de conversion forcée en prévoyant une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement et une amende de 1 à 2 millions de roupies (584 à 1168 dollars américains).

C’est un grave problème que le monde ne peut pas ignorer, lance l’archevêque de Lahore Sebastian Shaw, un évêque né en 1957 dans la province du Sindh. Au cours d’une journée de prière organisée par le bureau portugais de la fondation pontificale «Aide à l’Eglise en Détresse ACN» au sanctuaire du Christ-Roi dans le diocèse de Setúbal, Mgr Shaw a lancé un appel pour dénoncer ces cas qui touchent tant de familles au Pakistan.

Enfants enlevés sur le chemin de l’école

«Nous avons le devoir de parler de ce qui se passe, d’empêcher ces cas», a déclaré Mgr Sebastian Shaw, ajoutant que «les cas d’enlèvements, d’agressions sexuelles, de conversions forcées et de mariages forcés sont un problème dans la société pakistanaise que le gouvernement tente de maîtriser».

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce problème ne touche pas seulement les filles. «Parfois, des garçons sont aussi enlevés, abusés sexuellement et souvent tués», a révélé l’archevêque catholique de Lahore. «Imaginez la situation de ces parents, qui préparent les cartables de leurs enfants, les envoient en classe, puis ne les revoient plus jamais parce qu’ils ont été enlevés. Parfois, leurs corps sont retrouvés et ils ne peuvent qu’organiser les funérailles et pleurer. Mais dans d’autres cas, tout ce que les parents peuvent faire, c’est pleurer sur la disparition de leurs enfants !»

Sensibiliser l’opinion publique pour faire diminuer le nombre de cas

L’enlèvement de mineurs a été analysé dans un document de recherche produit par ACN, intitulé «Écoutez leurs cris». Le Pakistan est l’un des pays où le problème est le plus grave, avec le Mozambique, le Nigeria, l’Égypte, l’Irak et la Syrie.

L’archevêque de Lahore a remercié ACN pour le soutien qu’elle apporte à toute l’Église au Pakistan, et a demandé davantage d’aide pour sensibiliser les gens à ces crimes souvent ignorés à l’étranger, mais qui sont vraiment dramatiques pour de nombreuses familles. Selon le dernier rapport sur la liberté religieuse d’ACN publié en avril 2021, le problème des enlèvements de jeunes filles chrétiennes et hindoues s’est aggravé au cours des dernières années. Assad Iqbal Butt, président de la Commission des droits de l’homme du Pakistan, a noté que le nombre de victimes conversions forcées avait doublé depuis 2018, avançant même un chiffre de 2000 par an. «Les ravisseurs, souvent avec la complicité de policiers et auxiliaires de justice corrompus, affirment que les jeunes filles ont plus de 18 ans et ont voulu se marier de leur propre chef», indique le rapport. (cath.ch/be)

L'enlèvement, la conversion et le mariage forcés de Arzoo Marja ont eu une large résonance sociale et politique au Pakistan. Ici une manifestation de soutien en novembre 2020 | © Samaa TV
24 juillet 2022 | 13:52
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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