Au Village de François, non loin de Toulouse, résidents et volontaires réunis autour d’un projet novateur | © DR
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Au Village de François, le pape inspire l’action sociale

Innovation sociale inspirée du pape, le Village de François s’organise dans une ancienne abbaye, près de Toulouse. Il est fondé sur trois piliers: le vivre ensemble, l’activité économique et l’écologie intégrale. Et un axe fondamental: donner une chance aux personnes fragiles.

Bernard Litzler, pour cath.ch

Le 4 octobre 2020, à l’Abbaye Sainte Marie du Désert, à 35 km de Toulouse, se déroule une remise de clés peu commune. Les huit moines cisterciens, dont la présence communautaire datait de 1852, partent. Ils passent le relais au Village de François. «Je vous confie l’abbaye, prenez en soin», indique le Père Abbé en remettant les clés du prestigieux bâtiment à Etienne Villemain, un des responsables de l’équipe qui lance et va gérer le Village de François. Le religieux salue «un beau projet ambitieux: des familles vont fournir un cadre solide à ceux qui sont dans la misère».

Vivre ensemble, développer une activité économique et pratiquer l’écologie intégrale: tels sont les objectifs du Village. «C’est un gros challenge. Et ce n’est pas gagné», confie Etienne Villemain, joint par téléphone. Avec lui, des entrepreneurs sociaux, des chefs d’entreprise et responsables associatifs, des urbanistes, paysagistes et éco-constructeurs. «Nous voulons avant tout le succès pour les personnes qui viennent: qu’elles se sentent accueillies, aimées, choisies, désirées!».

Emplois créés

Avant le lieu, il y a le projet. Etienne Villemain, qui se qualifie de «défricheur», n’en est pas à son coup d’essai (voire encadré): «J’aime développer des projets innovants qui répondent à la volonté de l’Esprit-Saint. Car on a tous envie de changer de vie, de ne pas être enfermés dans des cases préétablies, jeunes ou vieux, pauvres ou riches».

Aux personnes démunies ne reste comme seule ressource que le RSA, le revenu de solidarité active: «C’est ce qu’on leur donne, sans autre perspective. Or elles sont capables de produire de la richesse. A l’Abbaye du Désert, on donne un travail aux gens de la rue. On est en train de créer 30 emplois et il y a une miellerie, une boutique». Un hôtel de 50 chambres et une école de production vont également dynamiser cette micro-économie.

«Bienveillance, gratitude et communication non-violente sont la base de la conversion écologique à laquelle nous aspirons.»

L’abbaye prévoit d’accueillir près de 140 personnes, d’horizons divers: familles, personnes issues de la prostitution, migrants, personnes handicapées, sortants de prison, mères célibataires, personnes âgées en béguinage, personnes de la rue et jeunes en école de production. Les lieux, vastes, permettent des logements séparés.

Avec les associations

«Nous avons de grandes ambitions, mais il faut surtout que chacun se sente bien», résume Etienne Villemain. En septembre-octobre 2020, les premières familles se sont installées. Et en janvier dernier sont arrivées les personnes fragiles, accompagnées par des associations comme Magdalena pour les femmes issues de la prostitution. Une colocation de personnes âgées est également en route, avec la structure «Cette Famille».

«Des associations orientent les futurs résidents vers nous, indique le responsable du Village de François. L’idée est que les personnes accueillies le soient dans les meilleures conditions». Des projets de colocation pour des personnes ayant vécu à la rue, ou en situation de handicap sont en cours de formalisation avec les partenaires.

Le tabernacle devant nos portes

Etienne Villemain aime développer «des projets innovants qui répondent à la volonté de l’Esprit saint» (capture d’écran, KTO TV)

Vivre ensemble, activité économique et écologie intégrale, ces trois axes constituent une manière différente de fonctionner, socialement. Cette convivialité bienveillante mobilise, autour de Notre-Dame du Désert, une centaine de bénévoles qui ont mis la main à la pâte: rangements des anciens locaux et rénovation des bâtiments sont en cours.

Et le pape François? «Je l’ai rencontré avec le cardinal Barbarin et Alix Montagne durant vingt minutes, dans son bureau, dit Etienne Villemain. C’était pour la rencontre Fratello, qui a emmené 3’500 gars de la rue à Rome, à l’automne 2016». Evidemment, les écrits du Saint-Père, notamment l’encyclique Laudato si’, inspirent les responsables associatifs qui ont lancé le Village qui porte le nom du pape argentin. Et son ouverture aux plus pauvres les rejoint. «Que pouvons donner de plus importants aux personnes en situation de pauvreté? C’est Jésus. Car les gens de la rue qui quêtent aux portes de nos églises ne sont jamais au cœur de l’Eglise. C’est comme si le tabernacle était devant les portes. Or il faut le mettre au cœur de l’Eglise!»

Conversion personnelle

D’autres Villages sont en perspective. Un projet est en gestation à Lourdes, à destination de familles et de gens de la rue. Sur le même principe qu’à Notre-Dame du Désert: héberger des associations œuvrant auprès des personnes fragiles, selon un principe de subsidiarité.

«Nous avons véritablement une bombe atomique d’amour et elle est entre nos mains.»

Car vivre ensemble doit retisser le lien social rompu par l’exclusion. La structure sociale du Village permettra à des personnes très différentes de se rencontrer. Avec des temps festifs proposés pour cultiver cette mixité. Et des espaces partagés pour favoriser des rencontres plus larges. Le site internet du Village de François indique: «Bienveillance, gratitude et communication non-violente sont la base de la conversion écologique à laquelle nous aspirons». Et cette dernière «s’enracine en premier lieu dans une conversion personnelle intérieure».

A Notre-Dame du Désert, les repas favorisent les liens sociaux | © DR

Permaculture

Sur le plan économique, il s’agit de redonner du sens au travail. Des chefs d’entreprise innovent pour créer des emplois pour les résidents, dans le sens d’une économie locale et durable. Quant à l’écologie intégrale, chère au pape, elle se développe avec des experts, qui vont s’investir dans la permaculture et être attentifs à l’alimentation dans un sens local.

Etienne Villemain s’enthousiasme pour ces Villages: «Nous avons véritablement une bombe atomique d’amour et elle est entre nos mains». Car, dit-il, «les personnes fragiles sont une chance». Un langage qui rejoint celui du pape Bergoglio. (cath.ch/bl)

Ouvert à l’accueil

Le Village de François n’est pas la première initiative à laquelle Etienne Villemain se trouve associé. Il y a 15 ans, il participe à une retraite spirituelle décisive: inspiré par Mère Teresa, il s’installe dans un appartement «avec trois gars de la rue et trois volontaires». «C’était à la fois ordinaire et extraordinaire, dit-il. Cette expérience nous a rendus heureux. On a ouvert ensuite un deuxième appartement, puis un troisième et la dynamique était lancée».
L’Association pour l’Amitié (APA) existe toujours: elle propose, à Paris, des appartements partagés, où cohabitent des personnes sans domicile fixe et des personnes qui ne le sont pas.
Autre initiative: Lazare. Cette association développe depuis 2011 des colocations solidaires entre jeunes actifs et personnes sans-abri. Les appartements logent 6 à 10 personnes – moitié jeunes actifs, moitié anciens sans-abri -. Lazare est aujourd’hui présente dans plusieurs villes françaises (Nantes, Marseille, Lyon, Toulouse, Lille, Angers, etc.) ainsi qu’à l’étranger, à Madrid et à Bruxelles. BL

Au Village de François, non loin de Toulouse, résidents et volontaires réunis autour d’un projet novateur | © DR
14 juillet 2021 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture: env. 5 min.
Abbaye (29), communauté (31), Etienne Villemain (3), France (492), Laudato si (216)
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