Le Bouveret (VS) le 6 novembre 2017. Ecole des Missions. Benjamin Roduit, chef de projet du centre d'accueil. | © B. Hallet
Suisse

Benjamin Roduit: «Pas question d'exporter des armes suisses dans les régions en crise!»

Il faut absolument refuser d’exporter des armements suisses dans les régions qui connaissent des conflits, cela me paraît une évidence! Le conseiller national valaisan Benjamin Roduit ne met pas ses convictions chrétiennes entre parenthèse quand il s’agit de principes éthiques.

Il s’oppose, tout comme la direction du PDC, à un assouplissement des règles pour l’exportation de matériel militaire vers les pays en guerre. La commission de la politique de sécurité du Conseil national a soutenu le 20 août dernier, par 13 voix contre 8 et 3 abstentions, la volonté de la majorité de droite du Conseil fédéral de réviser l’ordonnance sur le matériel de guerre afin d’adapter les critères d’autorisation des exportations

Certes, confie Benjamin Roduit à cath.ch, «ce n’est pas le rôle des politiciens de mêler directement foi et politique, mais les positions personnelles que je défends montre où je me situe, j’ai ma conscience!». Il relève que ses prises de position sont toujours en référence  à la doctrine sociale de l’Eglise.  »Je n’ai pas peur de montrer la couleur, c’est pour cela que j’ai été élu!» Le Valaisan ne sait pas encore si et quand ce sujet controversé sera débattu au sein de la fraction parlementaire démocrate-chrétienne.  »Quand le sujet sera sur la table, je ferai connaître ma position».

La position de l’Eglise est claire

Mais il rejoint la position de la Commission Justice et Paix (J+P) de la Conférence des évêques suisses (CES). Celle-ci a vivement dénoncé, le 20 juin 2018, la décision du Conseil fédéral d’assouplir les règles pour l’exportation de matériel militaire vers les pays en guerre.

«La récente décision du gouvernement fait sonner creux le rappel constant, notamment de la part du Conseil fédéral et y compris au plan international, de la tradition humanitaire et des valeurs chrétiennes de la Suisse. Le Conseil fédéral a montré qu’à ses yeux, les intérêts économiques nationaux comptent plus que la sécurité des personnes prises dans les zones de conflit», déplorait alors Justice et Paix.

Protéger la population ?

«Par sa décision, le gouvernement confirme de manière inquiétante ce que le pape François a dit dans Evangelii gaudium, son exhortation apostolique du 24 novembre 2013, sur ‘l’économie qui tue’«. L’ancien ministre des affaires étrangères Didier Burkhalter s’était lui aussi  opposé à un assouplissement de l’ordonnance sur le matériel de guerre.

Les parlementaires bourgeois membres de la commission mettent en avant, dans l’assouplissement de l’ordonnance, le maintien de la base industrielle suisse et la nécessité de protéger ainsi la population. Pour la droite, dénoncent les partis de gauche, le profit prend le pas sur l’éthique et elle démontre son mépris pour le respect des droits humains dans les régions en crise. Un assouplissement des exportations d’armements vers les pays en guerre porterait en outre gravement atteinte à la réputation de la Suisse, dénoncent les milieux humanitaires.

La position officielle du PDC est claire: c’est non à un assouplissement

Interrogé par cath.ch, Michaël Girod, porte-parole du PDC pour la Suisse romande, souligne que le parti est clairement opposé à un tel assouplissement et ne va pas changer sa position, en sachant que la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats va traiter la question jeudi 30 août prochain. Le président du PDC Gerhard Pfister l’a déjà déclaré dans les médias: il n’en voit pas la nécessité pour l’instant «et c’est la position du parti».

Des milliers d’enfants tués ou blessés au Yémen

De l’avis de la commission de la politique de sécurité du Conseil national, les exportations de matériel de guerre vers l’Arabie saoudite, par exemple, devraient être considérées comme légales, afin de rendre service à l’industrie de l’armement. Ce pays mène pourtant une guerre sanglante au Yémen, en bombardant sans discrimination les populations civiles et en causant ainsi la mort de centaines d’enfants.

En 2017, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a refusé les demandes d’exportation d’armements suisses vers des Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, pays très impliqués dans la guerre au Yémen. L’Unicef (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) a révélé en avril dernier que plus de 5’000 enfants ont été tués ou blessés au Yémen depuis mars 2015 et que 1,8 million souffrent de malnutrition aiguë.

Johann Schneider-Amman et Guy Parmelin

La commission de la politique de sécurité du Conseil national a soutenu par 13 voix contre 8 et 3 abstentions la volonté de la majorité de droite du Conseil fédéral de réviser l’ordonnance sur le matériel de guerre afin d’adapter les critères d’autorisation des exportations. Cette commission a siégé les 20 et 21 août 2018 à Berne, sous la présidence du conseiller national Werner Salzmann (UDC, BE) et en présence des conseillers fédéraux Johann Schneider-Amman, chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), et de Guy Parmelin, chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).

S’il ne fait pas partie de la commission de la politique de sécurité, dont les votes sont secrets, Benjamin Roduit compte bien défendre ses convictions éthiques au sein de la fraction démocrate-chrétienne, dont certains membres sont enclins à écouter les doléances de l’industrie d’armement, qui se plaint d’une situation économique morose pour réclamer un assouplissement de la législation. Mais la réalité est autre: après deux ans de baisse, les exportations d’armes ont augmenté en 2017 de 34,7 millions, se portant à 446,8 millions de francs.

Ancien recteur du collège des Creusets à Sion, ancien président de la commune de Saillon et ancien vice-président du PDC Valais Romand, Benjamin Roduit est parlementaire fédéral  depuis la session de printemps 2018. Il a remplacé Yannick Buttet, qui a dû démissionner suite à une procédure pénale pour faits de contrainte. (cath.ch/be)

 

Le Bouveret (VS) le 6 novembre 2017. Ecole des Missions. Benjamin Roduit, chef de projet du centre d'accueil. | © B. Hallet
27 août 2018 | 15:28
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
Benjamin Roduit (3), Berne (149), PDC (33)
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