La passivité de Mgr Francisco Javier Errázuriz Ossa avait été mise en cause face aux agissements d’un prêtre pédophile (Photo: Keystone)
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Cardinal Errazuriz: «Le pape François pose des signes importants»

Rome, 14.08.2015 (cath.ch-apic) «Le pape François pose des signes importants», affirme le cardinal chilien Francisco Javier Errazuriz Ossa. Le prélat, qui fait partie des neuf cardinaux chargés de conseiller le pape dans la réforme de la curie, estime que le pape argentin a déjà été à l’origine de réalisations importantes depuis le début de son pontificat.

En tant que membre du ‘C9’, une importante commission établie par le pape François, quel regard portez-vous sur ce qu’a réalisé le pontife jusqu’à maintenant?

J’ai déjà pu faire l’expérience d’une bonne collaboration avec Jean Paul II et Benoît XVI. Tous deux ont apporté une contribution importante à l’Eglise. Le pape François a également une forte personnalité: sa force de conviction vient surtout de sa simplicité, de sa proximité envers les personnes et de sa spontanéité. Son rayonnement est très authentique et évangélique: je veux dire que cela vient de ses qualités humaines, mais également de ses prises de positions très claires sur les questions actuelles. On a l’impression qu’il se demande toujours comment le Christ aurait agi dans sa situation. En résumé: son attitude est très proche de celle du Christ lorsqu’il enseignait en Galilée et entrait en contact avec les gens, suscitant une grande sympathie.

Le 13 mars 2013, le monde a assisté à la première élection d’un pape latino-américain. Qu’est-ce que cela signifie pour les habitants de cette région du monde?

L’Eglise d’Amérique latine a toujours eu de bonnes relations avec le pontife. Il est évident que tous les Latino-Américains sont heureux que le pape vienne d’Amérique du Sud. Cet état de fait est également significatif en ce qui concerne les petites tensions existant entre les divers pays d’Amérique latine. Lorsque le pape François était en visite à Rio de Janeiro, des journalistes avaient posé la question suivante à un homme politique brésilien: «Pourquoi êtes-vous si bien disposés à l’égard d’un Argentin?». Il a répondu: «Ce n’est pas un problème pour nous. Nous soutenons ce pape argentin parce que nous savons que Dieu est, lui, brésilien». C’est ainsi que le cas a été réglé.

Dans sa nouvelle encyclique ‘Laudato si’, le pape François affirme que la lutte contre la pauvreté est indissociable des préoccupations écologiques. Quelle portée a, selon vous, cette encyclique en matière d’environnement?

L’encyclique soulève un problème dramatique de notre époque. La destruction de l’environnement continue, sans égard aux générations futures. Le pape François souhaite que nous nous penchions sur les très sérieuses questions posées par le concept d’une «écologie intégrale», que nous cherchions des façons de résoudre les problèmes et que nous les mettions en pratique. Il ne s’agit pas que de notre relation à l’eau, à l’air, à la terre, aux plantes, aux animaux, etc. Il s’agit également des relations entre les humains et de notre rapport à la famille. En résumé, la question touche à la dimension humaine, sociale et spirituelle de notre vie,  et également à la lutte contre la pauvreté, à l’éducation et à la culture.

Quel est exactement votre tâche en tant que membre du ‘C9’?

En créant ce conseil de cardinaux, le pape François a repris une proposition que certains cardinaux avaient déjà faite à l’occasion du consistoire, avant son élection. Du fait qu’au sein du ‘C9’, diverses régions du monde sont représentées, un lien plus fort est créé avec les Eglises locales des divers continents. Une tâche importante du ‘C9’ est de conseiller et de soutenir le pape dans la mise en œuvre des réformes au sein de la curie.

Où en est concrètement le processus de réforme?

C’est un processus qui a besoin de temps. Mais le pape n’attend pas un plan d’ensemble. Il a approuvé à plusieurs reprises des réformes dans certains domaines, tels que les finances ou la communication. Il est également clair que le pape ne peut pas avoir un aperçu suffisamment précis de son travail de direction à l’intérieur de l’Eglise, s’il a trop de «ministres». C’est pourquoi, l’ensemble des dicastères au sein de la curie romaine devraient être réduits. Cela vise en outre à contrer l’image encore très répandue selon laquelle le Vatican est une «cour». Ainsi, le pape François a d’ores et déjà posé ici des signes forts: le simple fait qu’il se soit déplacé avec nous, après son élection, dans un petit bus et non plus dans une limousine noire, a laissé une forte impression.

Ces dernières années, les abus sexuels dans l’Eglise ont été très thématisés. Est-ce que le conseil des cardinaux s’occupe également de cela?

Oui, c’est le cas. De tels abus douloureux arrivent malheureusement dans de nombreuses familles et organisations. Je suis convaincu que des mesures importantes ont déjà été mises en place dans l’Eglise catholique. Je vois cette affaire également comme une invitation de Dieu à l’humilité. C’est en outre un mérite des papes précédents d’avoir fait en sorte que ce problème ait été abordé avec un grand sens de la justice et par des efforts visant à soutenir les victimes. Ces cas d’abus, qui étaient autrefois seulement vus comme des péchés et plus tard comme des pathologies, sont maintenant considérés tout à fait clairement comme des crimes, qui doivent être poursuivis et sévèrement punis.

Une préoccupation centrale du pape est également la vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde d’aujourd’hui. Deux synodes des évêques sont consacrés à ce sujet…

Je me réjouis du fait que le pape François ait eu le courage de convoquer à deux reprises un synode à ce sujet. Le rôle de la famille constitue certainement l’une des préoccupations phares du pontife. Ceci correspond également à son style de gouvernement, en ce qu’il a voulu créer un espace de liberté et de dialogue, afin que l’Eglise puisse se confronter à la réalité et aux problèmes actuels rencontrés par la famille.

L’impression selon laquelle le pape François met moins l’accent sur la centralisation depuis Rome et qu’il confie plus de responsabilités aux Eglises locales est-elle justifiée?

Je pense que la question du «centralisme romain» est envisagée de façons très diverses selon les pays. Dans de nombreux pays, aucune plainte n’a été exprimée contre ce centralisme au cours des dernières années. Mais le pape François a appuyé, sur certaines questions, une décentralisation certaine à l’intérieur de l’Eglise et a concédé également plus d’autonomie aux évêques. Il s’est déjà exprimé publiquement à ce sujet. Il y a cependant un certain nombre de questions, au sein de l’Eglise, qui ne peuvent pas être «décentralisées», mais qui peuvent seulement être réglées en communion avec le pape.

*Mgr Francisco Javier Errázuriz Ossa est né le 5 septembre 1933 à Santiago du Chili. Il a été archevêque de cette ville de 1998 à 2010. Il a suivi ses études à l’Université de Fribourg, en Suisse, où il a obtenu une licence en théologie.

(apic/cuw/bb/rz)

 

La passivité de Mgr Francisco Javier Errázuriz Ossa avait été mise en cause face aux agissements d’un prêtre pédophile
14 août 2015 | 15:21
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 5 min.
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