"L'annonciation", tempera sur bois. Par Fra Angelico, vers 1425 | Domaine public
Dossier

Chantal Reynier: «Par le oui de Marie, Dieu prend chair»

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La naissance de Jésus est précédée par l’annonce à Marie et – en parallèle – l’annonce à Zacharie pour la naissance de Jean Baptiste. Tour d’horizon de cette fièvre annonciatrice avec la bibliste Chantal Reynier.

Bernard Litzler

La naissance de Jésus est précédée par l’Annonciation. Quels sont les personnages importants dans l’annonce de Celui qui va venir?
Chez Marc, qui ne parle pas de la naissance de Jésus, c’est Jean Baptiste qui annonce le Messie. Dans l’Evangile de Jean, c’est pareil. Les seuls Evangiles qui évoquent la naissance du Christ, ce sont ceux de Luc et de Matthieu. Car on a eu besoin de situer la naissance de Jésus et de ne pas se contenter des premiers pas de son ministère…
Chez Matthieu les annonciateurs, c’est toute la généalogie de Jésus, au début de l’Evangile. L’idée est de montrer l’enracinement dans le peuple hébreu et dans la famille humaine. Il y a aussi Joseph, le fiancé de Marie. Chez Luc, Zacharie est un personnage annonciateur, comme Elisabeth… Ces personnages sont ancrés dans l’humanité, avec leurs problèmes humains. Zacharie ne peut pas avoir de descendance, à Joseph qui va épouser Marie on annonce que Marie est enceinte. Il y a aussi les annonciateurs que sont les anges. Le personnage annonciateur par excellence, c’est Jean Baptiste.

Zacharie, le prêtre du Temple, est-il déjà un ›ascendant spirituel’ de Marie?
L’annonce à Zacharie est parallèle avec l’annonce à Marie. Zacharie, qui doute face à l’annonce, demande: «Comment vais-je savoir que cela arrivera?» et il est réduit au silence. Tandis que Marie qui pose un peu la même question, «Comment cela va-t-il se faire?», ne doute pas. Elle entre dans le dessein de Dieu. Elle adhère, tout en restant interrogative.

«L’inouï de Dieu fait irruption dans l’histoire»

En quoi, Jean-Baptiste est-il le Précurseur, qui précède le Christ?
Il constitue le couronnement du prophétisme et, en même temps, il doit s’effacer devant celui qui vient. Comme le dit l’Evangile de Jean, «derrière moi vient un homme qui est passé devant moi, parce qu’avant moi il était». Le Précurseur est avant dans le temps, mais Jésus le précède parce qu’il vient d’en haut.
Jean-Baptiste est une figure d’humilité. Et il est toujours situé par rapport à Jésus. Même s’il est le dernier de l’Ancien Testament, il ne ferme pas, mais au contraire ouvre. Il annonce et ensuite, il va désigner Jésus comme l’Agneau de Dieu.

Chantal Reynier | © Bernard Litzler

Chez Luc, l’ange vient visiter Zacharie dans le Temple, puis Marie à Nazareth. En quoi ces annonces sont-elles attestées par des signes?
Dans les deux cas, l’ange annonce la personne qui va venir. Le signe pour Zacharie est qu’il va perdre la parole. Autrement dit, devant la Parole absolue qui vient, il va se taire. Dans le cas de Marie, le signe est qu’Elisabeth sa parente attend aussi un enfant.
L’intervention de l’ange est déjà du merveilleux. Mais le fait qu’Elisabeth attende un enfant désigne l’inouï de Dieu, ce qui dépasse l’entendement. Ce n’est pas un conte de fées, mais un signe qui s’inscrit dans l’existence. Marie découvre que sa cousine est enceinte, comme elle, et Zacharie est réduit au silence. L’inouï de Dieu fait irruption dans l’histoire.

L’ange est le messager qui visite Zacharie et Marie et est présent à la naissance de Jésus. L’inattendu surgit, autour de la naissance de Jésus…
Aujourd’hui, on emploie volontiers le terme de merveilleux. Dans le contexte des récits évangéliques, la présence de l’ange est normale, car il est le messager qui parle aux prophètes, à Marie, aux bergers. Les anges ne sont pas des dieux, mais sont supérieurs à l’homme.
Dans la foi du peuple d’Israël, l’ange n’est pas tant dans l’ordre du merveilleux que de l’ordre de la création. Il est une créature comme nous, mais il est supérieur à nous du fait de son immatérialité. Toute la création est prise dans le dessein inouï de Dieu et donc Dieu peut faire irruption dans la vie au plus intime. L’humain est remis à sa place, dans sa pleine valeur de créature. L’ange qui vient, c’est Dieu qui fait connaître son projet à des humains dans le concret de leur existence.

«Le terme de l’histoire, c’est le retour du Seigneur. Nous n’avons donc pas à voir l’avenir en noir»

Le oui de Marie fait basculer l’histoire du salut, car Jésus vient. Le Messie est mis «en route» par l’adhésion de Marie?
L’annonce est efficace, immédiatement. Par le oui de Marie, Dieu prend chair. On est dans le domaine de l’insaisissable. Cela touche à l’acte de foi, une foi qui repose sur l’événement historique qu’est la naissance du Christ.
Aujourd’hui, il est encore plus important d’insister sur l’historicité du Christ car sa vie terrestre est remise en question. Il est important de montrer son ancrage dans l’histoire et en quoi cet homme est unique et singulier, car il vient de Dieu.

La réception doit toujours encore se faire?
Si on insiste sur l’historicité du Christ, ce n’est pas pour en faire un personnage comme Jules César, mais parce qu’il a pris notre condition humaine. Et du fait de sa résurrection, tout prend une autre dimension. Si Jésus n’est pas ressuscité, il n’est qu’une figure historique. L’extraordinaire, c’est le Dieu unique qui, se révélant dans l’histoire en Jésus, va au-delà du Messie qu’attendait Israël. Il ne va pas faire une conquête, mais vient rejoindre tout homme quel qu’il soit. Et, pour cela, il naît dans un lieu pauvre de Palestine. Nous n’avons jamais fini de nous laisser toucher par un Dieu qui nous rejoint de cette manière.

Et l’Avent, temps d’attente, correspond l’accueil du Seigneur qui vient…
A l’Avent, en se rappelant que le Seigneur va revenir, on creuse le désir de son retour. Les premiers chrétiens vivaient déjà cela. Aujourd’hui, on occulte cet aspect. Et on vire vers le millénarisme ou le catastrophisme. On est plus sensible au contexte des catastrophes, par peur de ce qui peut arriver. Or le terme de l’histoire, c’est le retour du Seigneur. Nous n’avons donc pas à voir l’avenir en noir, même si nos sociétés proposent peu de perspectives réjouissantes. Alors, osons témoigner de ce monde nouveau sans nous laisser décourager. (cath.ch/bl)

Bibliste et enseignante
Chantal Reynier est diplômée d’histoire ancienne de l’Université Lyon II (1976-1977), et titulaire d’une licence de théologie biblique de l’Université grégorienne à Rome (1984). Docteure en théologie biblique du Centre Sèvres à Paris, elle s’est spécialisée dans les commentaires de saint Paul.
Laïque consacrée dans la Fraternité O.A.S.I.S. (Œuvre pour un Apostolat Spirituel, Intellectuel et Social), elle vit en communauté à Bulle (FR), dans l’ancien couvent des capucins, Notre-Dame de Compassion. BL

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«L'annonciation», tempera sur bois. Par Fra Angelico, vers 1425 | Domaine public
20 décembre 2019 | 17:00
par Bernard Litzler

[Série de l'Avent] La naissance de Jésus est fêtée à Noël, au terme des quatre semaines de l'Avent, symbole de l'attente de cette naissance. Dans nos existences, l'attente d'un enfant peut parfois se prolonger indéfiniment. Comment la Bible met-elle en scène les naissances et le temps qui les précèdent? Cette année, cath.ch s'est intéressé à ce que ces "naissances bibliques" inspirent aux femmes et aux hommes d'aujourd'hui.

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