Ecône : qu’est-ce qu’un schisme ? (150688)

Face à l’éventualité d’un schisme intégriste, l’agence APIC a demandé au

Père Bruno Wildhaber, docteur en théologie et assistant en droit canonique

à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, de brosser un

tableau historique et canonique de ce qu’a été et de ce que signifie une

schisme dans l’Eglise.

A l’origine, le mot «schisme» évoque, en grec, une «déchirure», par exemple celle d’une pièce de vêtement. Au sens figuré, le terme suggère les

dissensions, voire les scissions qui se produisirent dans plusieurs communautés dès les premiers temps de l’Eglise, principalement à Corinthe (1 Cor

1,10; 11,18; 12,25). Le «prototype» du schisme a été,dans l’Ancien Testament, la séparation d’Israël et de Juda après la mort de Salomon.

Parcours historique

A l’époque des apôtres et des pères de l’Eglise, le terme de schisme

qualifie tant les phénomènes de distorsion que les symptômes de rupture affectant les jeunes Eglises, notamment lors d’une succesion épiscopale

discutée ou plusieurs évêques étaient élus. Ainsi vers 362 Antioche comptait, au dire de saint Jérôme, 5 évêques concurrents. Le schisme apparaît

donc comme une sécession, avec tendance à l’éclatement de l’Eglise locale.

Aux conflits de personnes se juxtaposèrent très tôt des conflits d’ordre

doctrinal ou disciplinaire.

Au IV/Vèmes siècles, dans le cadre des controverses christologiques,

l’Egypte copte et la Perse ne suivirent pas la même voie que Byzance, et

cela malgré les efforts des premiers Conciles oecuméniques (Nicée,

Constantinople, Ephèse et Chalcédoine). Avec la chute de l’Empire

d’Occident, Rome et Constantinople se sont murés toujours davantage dans

une politique d’exclusion mutuelle (schisme de Photios en 867 , de Michel

Cérulaire et de Léon IX en 1054), jusqu’à la rencontre de Paul VI et

d’Athénagoras à Jérusalem en 1964 (levée du schisme à Saint-Pierre en

1967).

Entre temps l’Occident (le «Grand schisme» avec trois papes de 1378 à

1417) comme l’Orient (entre autres la dissidence des «vieux croyants» dans

la Russie du XVIIe siècle) connurent leurs schismes respectifs. Pour peu

que la conflagration gagnât les centres vitaux de la foi (prédication,

sacrements), le schisme se doublait alors de l’hérésie : arianisme, hérésie

cathare, protestantisme. Ce dernier eut bientôt en son sein ses propres

hérétiques et schismatiques : les puritains, les méthodistes (dans l’anglicanisme). L’ultime schisme important qui toucha l’Eglise dans notre pays

fut celui des «vieux catholiques» qui refusèrent de reconnaître l’infaillibilité pontificale proclamée par le Concile Vatican I en 1870.

Aperçu canonique

Le droit de l’Eglise régi par le nouveau Code de droit canon promulgué

par Jean Paul II en 1983 définit le schisme comme un «refus de soumission

au Pontife suprême ou de communion avec les membres de l’Eglise qui lui

sont soumis» (canon 751). Le schisme constitue donc une mise en cause

mortelle de la communion, qui est l’être même de l’Eglise.

Dès qu’il atteint le stade de la rupture et débouche dans le domaine

public, le schisme entraîne pour ses fauteurs une série de sanctions

canoniques(c. 1364) :

1. Pour tous ses adhérents déclarés, un schisme provoque l’excommunication

automatique, dite «latae sententiae». Il faut noter que l’excommunication

interdit aux fautifs de participer à l’eucharistie et aux autres sacrements, ainsi qu’à toutes les cérémonies du culte, le prive de tous ses honneurs, charges et privilèges, casse enfin tous ses actes de juridiction

(gouvernement pastoral) (c. 1331).

2. Pour les clercs, l’excommunication entraîne la perte de l’office

ecclésiastique (c. 194).

3. En certaines circonstances, l’excommunication peut entraîner l’exil ou

l’assignation à résidence.

Si l’obstination des responsables ou le choc du scandale l’exigent,

«d’autres peines peuvent être ajoutées, y compris le renvoi de l’état

clérical», plus communément appelé «réduction à l’état laïc» (c. 1364). En

effet, le code prévoit (cc. 1326 et 1327) une aggravation de la peine en

fonction des circonstances, par exemple si le délinquant a commis un abus

d’autorité, voire a profité de ses fonctions ou s’opiniâtre dans sa rébellion.

Une éventualité pour Ecône

Dans le cas d’un évêque ordonnant d’autres évêques sans mandat du SaintSiège (délit d’usurpation), aussi bien le dignitaire consécrateur que les

prélats consacrés encourent l’excommunication automatique (c. 1382). On se

trouverait alors «de facto» devant un schisme «à l’état naissant», motif

pour lequel le code reste muet sur le sort immédiat de ses adhérents, à

moins qu’ils ne se manifestent sur-le-champ et ne se livrent spontanément à

des actes lésant l’autorité légitime et la liberté de l’Eglise (cc.

1370-77). Les responsables compétents doivent alors compléter par des mesures adéquates les sanctions envisagées «a priori» par la loi : c’est le

régime dit «ferendae sententiae» (acte positif et concret de l’autorité

compétente, cc. 1314 et 1318), et cela au double niveau de l’Eglise universelle et de l’Eglise locale (congrégations romaines et conférences épiscopales avec l’évêque du lieu). L’évêque diocésain peut ainsi préciser et

même aggraver les peines, car il est souvent le seul à même de juger la

gravité du cas (c. 1327).

Le canon 1365 prescrit que «la personne coupable de participation interdite aux célébrations sacrées (et c’est le cas lorsqu’il s’agit de prêtre

ou d’évêque excommunié), sera punie d’une juste peine. Il faut relever pour

conclure la condamnation spéciale frappant celui «qui excite publiquement

ses sujets à la contestation ou à la haine contre le Siège apostolique ou

l’évêque du lieu». Il sera puni d’interdit (excommunication au plan «objectif» touchant l’activité de prédication, le droit de conférer les sacrements et toute activité officielle dans l’Eglise) ou d’autres justes peines. (c. 1373).

Il est à noter enfin que toute peine revêt d’abord un caractère

médicinal (c. 1312) et devrait servir, moyennant une démarche de pénitence

et de réconciliation, au «salut des âmes qui doit être la loi suprême» (c.

1752, le dernier du Code). (apic/bv/ym)

15 juin 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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