Toni Brunner, président de l'UDC, grand gagnant des élections fédérales 2015 (Photo: Keystone)
Suisse

Elections fédérales: «Un réflexe de peur et de repli», selon l'abbé Amherdt

Fribourg, 19.10.2015 (cath.ch-apic) Le professeur de théologie pastorale François-Xavier Amherdt discerne dans le résultat des votations fédérales du 18 octobre 2015 «un réflexe de peur et de repli chez un certain nombre de concitoyens» lié au «contexte dramatique» actuel. S’il reconnaît que le programme de l’UDC semble prôner des valeurs proches de celles de l’Eglise, il rappelle que la doctrine sociale de l’Eglise n’est ni de droite, ni de gauche. Interview.

Quelle est votre réaction quant aux résultats des votations fédérales d’hier?

J’ai l’impression que le contexte dramatique que nous connaissons depuis quelques mois, avec un certain effondrement du rêve européen, la crise économique mondiale, l’immense vague migratoire, la multiplication des actes terroristes islamistes à travers le monde et les persécutions dont sont victimes de nombreux chrétiens a provoqué un réflexe de peur et de repli chez un certain nombre de nos concitoyens. D’où peut-être l’impression de pouvoir trouver refuge dans des partis qui incarneraient la sécurité et l’identité helvétique mieux que d’autres.

Force est de constater que l’UDC rassemble une certaine partie de l’électorat catholique. Pourquoi selon vous?

Parce qu’ils ont l’impression que ce groupe de droite protège la Suisse contre une certaine menace islamiste et prône le respect de la vie depuis sa conception jusqu’à la mort. Mais je pense que le déplacement auquel nous avons assisté hier est dû à des raisons de convictions politiques et sécuritaires plutôt que religieuses et confessionnelles.

Mon expérience de curé de paroisse en Valais, de vicaire épiscopal et mes nombreux contacts comme professeur à l’Université me montrent toutefois qu’on trouve des électeurs catholiques absolument dans tous les partis. Je connais plusieurs catholiques engagés chez les verts, au nom de l’idéal écologique récemment défendu par le pape François dans son encyclique sur le respect de la création, d’autres dans les partis plutôt de gauche, en vertu des appels de l’Évangile en faveur de la solidarité et de la défense des plus démunis, d’autres dans les formations du centre, en fonction du soutien de la famille, du bien commun ou de l’initiative et de la liberté individuelle. Ce sont toutes des valeurs évangéliques.

Peut-on tout de même classifier l’enseignement social de l’Eglise? Est-il plutôt à droite ou plutôt à gauche?

L’enseignement social de l’Église est inclassable selon les catégories politiciennes habituelles. Dans certains domaines, comme la défense de la vie ou la bioéthique (avortement, diagnostic préimplantatoire, euthanasie, suicide assisté), et les questions touchant à l’éthique sexuelle et familiale (union de personnes homosexuelles par exemple), la doctrine sociale catholique paraît plutôt pencher à droite et correspondre aux conceptions de l’UDC (et aussi du PDC).

Par contre, pour tous les problèmes de justice sociale, d’accueil des migrants, de droits des étrangers, de protection des requérants d’asile, d’égalité homme – femme, de partenariat social, de défense des plus pauvres, l’enseignement de l’Église catholique se retrouve davantage à gauche de l’échiquier politique. Ce qui fait que sur bien des votations populaires, les mots d’ordre de l’UDC contredisent les prises de position des évêques suisses. D’ailleurs, ces derniers temps, des candidats et des élus du parti vainqueur des élections d’hier déclaraient estimer que sur ces registres, «les évêques n’ont pas à faire de politique».

Or c’est au nom de l’Évangile que le pape François et toute l’Église s’engagent sur le terrain «politique» (au sens noble de la gestion de la cité), pour la solidarité à l’égard des réfugiés et des déshérités de notre société, contre les murs et les barrières érigés entre les nations, pour une Église pauvre avec les pauvres. Suite à ses discours aux USA, le souverain pontife a été traité soit de «communiste», soit de «réactionnaire», suivant qu’il pourfendait le néolibéralisme sauvage ou qu’il mettait en cause le mariage entre personnes homosexuelles. (apic/pp)

Toni Brunner, président de l'UDC, grand gagnant des élections fédérales 2015
19 octobre 2015 | 18:30
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 3 min.
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