Enfants placés: Mgr Morerod parle d'une «responsabilité collective»

Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) se prononce en faveur de l’indemnisation des victimes de placements forcés, alors que le Parlement suisse abordera cette question le 26 avril 2016. Il espère la participation de l’Eglise à une telle mesure.Tout en reconnaissant pleinement la responsabilité des institutions catholiques dans cette tragédie, le prélat fribourgeois parle d’une «responsabilité collective» de la société.

«Il y a la culpabilité propre au clergé, mais la responsabilité est collective, la complicité générale», affirme Mgr Morerod dans une interview au quotidien romand Le Temps du 25 avril.

Pendant des décennies, en effet, et jusqu’en 1981, en Suisse, des dizaines de milliers d’enfants, orphelins ou retirés à leurs familles considérées comme inaptes à les élever, ont été placés de force dans des familles d’accueil, en foyer, dans des institutions religieuses, voire en prison. Certains y ont subi des mauvais traitements et même des abus sexuels, également dans des établissements gérés par l’Eglise catholique.

«L’élément essentiel a été l’absence de contrôle et d’encadrement»

Face à ce douloureux passé, Mgr Morerod rappelle tout d’abord «que des religieux se soient comportés de manière sadique est complètement contraire à la chrétienté». Pour le prélat, le fait que les gifles, fessées et coups de bâton étaient dans la conception pédagogique de l’époque n’excuse rien, «car les mauvais traitements allaient bien au-delà».

Un système qui arrangeait toute la société

L’évêque estime cependant que la responsabilité de l’Eglise dans son ensemble est «variée» et qu’il faut la replacer dans son contexte. Dans certains cantons, tels que Fribourg, l’Eglise jouait en effet un rôle dominateur, contribuait à cimenter la société et prenait à sa charge des services d’éducation que l’Etat ne pouvait souvent pas se payer. Cette situation a rendu l’Eglise encore plus intouchable et les victimes n’osaient pas se plaindre, rappelle l’évêque, qui souligne que dans ces cas la responsabilité de l’institution était «lourde». Il relève en même temps que l’élément essentiel a été l’absence de contrôle et d’encadrement. «A ce titre, l’Etat et même l’ensemble de la société, dont l’Eglise, sont directement impliqués», déclare l’évêque de LGF. Il rappelle qu’à l’époque, «tout le monde savait, mais personne ne se rendait compte de l’impact que cela pouvait avoir sur la vie de ces enfants. On interprétait ça de manière très légère». Et le prélat fribourgeois de rappeler que «pendant longtemps, personne ne remettait en cause un système qui arrangeait toute la société».

Ne pas répéter les erreurs du passé

Un cas particulièrement mis en avant dans le diocèse de LGF a été celui de l’Institut Marini, dans la Broye fribourgeoise. L’évêché a mandaté en janvier 2015 une enquête sur ces faits. Les résultats, présentés par Mgr Morerod le 26 janvier dernier, ont révélé qu’une vingtaine d’enfants de ce pensionnat catholique pour garçons, placé sous la responsabilité directe du diocèse durant la période 1929 – 1955, ont été victimes d’abus sexuels et de maltraitances commis par des prêtres et des laïcs.

«Il faut tout faire aujourd’hui pour prévenir les abus sexuels»

Mgr Morerod explique que de tels actes aient pu être commis par des religieux par un déficit, à l’époque, dans le discernement des vocations. Il estime que des jeunes n’ayant pas forcément la vocation ont entamé une carrière religieuse sous la pression familiale ou sociale. Ils en ont ressenti plus tard une grande frustration, qu’ils ont parfois reportée sur les enfants dont ils avaient la charge.

Par rapport à cela, l’évêque souligne l’importance de ne pas répéter les erreurs du passé. Il rappelle que, déjà avant l’enquête sur Marini, le diocèse a mis sur pied une formation pour la prévention et pour renforcer les capacités à détecter les problèmes, destinée aux personnes travaillant pour l’Eglise. «Il faut tout faire aujourd’hui pour prévenir les abus sexuels», répète Mgr Morerod.

Sur le plan des «réparations», le prélat relève la nécessité de rencontrer les victimes, ce qu’il a déjà fait à plusieurs reprises.

Il espère également que l’Eglise participera aux indemnisations discutées le mardi 26 avril au Parlement. Il rappelle qu’une quête a été réalisée dans toute la Suisse pour les enfants placés, et que l’argent récolté a alimenté le fonds d’urgence créé par la Confédération en attendant le règlement définitif de la question des dédommagements. (cath.ch-apic/lt/rz)

Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, lors de la présentation du rapport sur l'Institut Marini ( Photo: Jacques Berset)
25 avril 2016 | 10:55
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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