Europe: La «Déclaration de Cologne» fête ses 10 ans

Ses requêtes restent plus que jamais d’actualité

Bruxelles, 21 janvier 1999 (APIC) Pour l’hebdomadaire catholique américain «The National Catholic Reporter» (NCR) la Déclaration de Cologne, signée il y a 10 ans par 163 théologiens d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse et des Pays-Bas «n’a rien perdu de son actualité». L’éditorial de la revue, dans son dernier numéro, montre d’abord que la «Déclaration de Cologne», datée du 6 janvier 1989, fit grand bruit à l’époque. Elle réclamait d’urgence une série de réformes dans l’Eglise catholique.

La déclaration était signée par bon nombre des théologiens les plus connus d’alors, comme Edward Schillebeeckx, Johann Baptist Metz, Hans Küng, Norbert Greinacher, Ottmar Fuchs… D’autres tout aussi connus les rejoignirent par la suite, comme le moraliste Bernard Häring. Puis la liste s’allongea rapidement: 130 théologiens français, 23 espagnols, 52 belges et 63 italiens signèrent aussi le document.

Un nouveau centralisme romain

La Déclaration se préoccupait avant tout de la crédibilité de l’Evangile dans la société actuelle, qu’elle jugeait compromise par un certain nombre de façons de faire de la hiérarchie catholique, rappelle le NCR. Parmi ces pratiques, les signataires s’inquiétaient de la désignation d’évêques par Jean Paul II «sans respecter les suggestions des Eglises locales et en négligeant leurs droits acquis», ce qui s’oppose à la tradition catholique selon laquelle la sélection des évêques «n’est pas un choix privé des papes».

Ils déploraient le refus de Rome d’accorder la licence d’enseigner à des théologiens avec lesquels il y avait désaccord, dans le cadre d’une campagne générale visant à réduire au silence le dissentiment: «une intrusion dangereuse dans la liberté de recherche et d’enseignement».

Les signataires visaient encore la façon dont le pape «étend et renforce d’une façon inadmissible» sa compétence doctrinale personnelle, donnant le sentiment que chaque déclaration du magistère doit être traitée comme si elle était «ipso facto infaillible». La Déclaration attirait spécialement l’attention sur la condamnation du contrôle des naissances.

La Déclaration constatait avec regret que la collégialité souhaitée par le concile Vatican II était en réalité ” étouffée par un nouveau centralisme romain «. Et elle prédisait : «Si le pape assume des tâches qui ne font pas partie de son rôle, alors il ne peut pas exiger l’obéissance au nom du catholicisme. Il doit s’attendre à de l’opposition».

Encore plus pertinent

En dépit du rejet de la Déclaration par le cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, – qui estimait que «c’est une affaire locale»-, celle-ci touchait manifestement un point sensible dans l’Eglise, écrit encore le NCR. Elle était en outre publiée à un moment où la théologie de la libération, d’origine latino-américaine, se trouvait en butte aux suspicions romaines. Si l’Eglise voulait prendre sa part dans la construction d’un monde plus juste, elle devait nécessairement procéder à une réforme interne.

«On voudrait pouvoir dire, dix ans après, que cette déclaration a vieilli», écrit l’éditorialiste du NCR. Or il n’en est rien, dit-il. Et de se rallier à une prise de position commune de théologiens de Tübingen et de la branche allemande du mouvement «Nous sommes Eglise»,

publiée le 30 décembre 1998: «La Déclaration n’a pas perdu de son urgence, elle est au contraire devenue plus pertinente face au contrôle accru exercé par Rome. Sous bien des d’aspects, les craintes et avertissements formulés il y a dix ans sont toujours valables, souvent même encore davantage».

Cette prise de position du 30 décembre 1998 continue: «L’Eglise a une mission de plus en plus importante de se faire l’avocate des Droits humains et d’une morale qui respecte les êtres humains. Sa crédibilité se mesurera à son aptitude à remplir cette mission. il est donc important que l’Eglise soit restructurée dans le sens d’un catholicisme ouvert «.

Une quête de justice

Aux yeux de l’éditorialiste, ce sont là, à l’évidence, des idées très familières. «Au long des dix années qui nous séparent de la Déclaration de Cologne, ajoute-t-il, des appels à la réforme ont été exprimés de façon répétée, toujours pour se heurter à de la résistance à Rome et, ailleurs, à de la timidité. «

A dire vrai, observe le NCR, Jean Paul II n’agit pas simplement par inertie. Il a une vision. Seule une Eglise unie, centrée sur l’essentiel de son message peut relever les défis auxquels elle est affrontée. Aux yeux du pape, le libéralisme occidental, avec son individualisme effréné, sa tendance à confondre valeur économique et morale, son abandon apparent de l’idée de vérité, fait peser une grave menace sur le christianisme. Il lui paraît donc capital de préserver la clarté du message de l’Eglise. Pour le pape, les catholiques qui en appellent à un changement de doctrine ou de structures semblent avoir capitulé devant l’esprit du temps.

Ce que Jean Paul ne saisit pas, et que la ” Déclaration de Cologne ” met en lumière, observe l’éditorialiste, c’est que l’appel à la réforme demeure. Non que trop de catholiques voudraient transformer l’Eglise en «société de bienfaisance», dit-il. Simplement, de nombreux catholiques fidèles sont convaincus que le message de l’Eglise n’aura de sens pour l’humanité que s’il se traduit par une quête de justice, et que les structures présentes de l’Eglise rendent cette quête plus difficile.

L’éditorialiste conclut : «En ce dixième anniversaire de la Déclaration de Cologne, nous sommes ramenés à cette idée : si l’Eglise doit changer pour porter le Christ au monde, alors qu’elle change. Depuis dix ans, Rome fait la sourde oreille à cette exigence, mais la foi nous pousse à croire qu’il n’en sera pas toujours ainsi. ” (apic/cip/ba)

21 janvier 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
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