France: des intellectuels catholiques créent le groupe «Paroles» (251090)
Un plaidoyer pour faire entendre une «laïcité ouverte»
Paris, 25octobre(APIC) L’heure n’est-elle pas venue, tandis que «le contenu de la laïcité est aujourd’hui remis en question», de faire entendre
dans l’Eglise et dans la société une autre voix que celle de la hiérarchie
épiscopale? Des intellectuels catholiques le pensent. Dix-sept d’entre
eux, parmi lesquels Jean Delumeau, Monique Hébrard, Gabriel Marc, René Rémond, Philippe Warnier, viennent à cet effet de créer le groupe «Paroles».
Profondément attachés à la laïcité, les membres du groupe expliquent que
celle-ci réside d’abord dans «le double refus de subordonner la politique
au pouvoir religieux et de subordonner la religion au pouvoir politique».
La laïcité leur paraît recouvrir par ailleurs un ensemble de valeurs communes. Elle «protège le citoyen de toute pression idéologique et religieuse
et permet à chacun de manifester sa foi ou sa non-foi religieuse»; elle
«reconnaît la réalité du fait religieux dans la société et dans la culture
et sa contribution à la vie nationale».
L’acte de foi dans sa liberté fondamentale
Les membres du groupe soulignent que c’est «comme chrétiens» qu’ils ont
des «raisons particulières» d’être attachés à la laïcité: s’il faut admettre qu’»historiquement, notre tradition chrétienne n’a pas toujours reconnu
la liberté humaine comme inhérente à la foi», la laïcité est devenue aujourd’hui «la condition et l’expression juridique de l’acte de foi dans sa
liberté fondamentale»; elle doit en même temps contribuer «à faire évoluer
les relations d’autorité et les modalités d’un pluralisme au sein de notre
propre Eglise».
Les membres de «Paroles» se disent aussi «très attachés à la reconnaissance du droit des Eglises, au nom de leur compétence propre et dans le
dialogue, à s’exprimer publiquement… La laïcité doit donc respecter l’autonomie et le libre développement des religions et favoriser leur contribution à la vie publique».
Une réalité historique «évolutive»
La laïcité étant une réalité historique «évolutive», le groupe «Paroles»
engage les différentes confessions et courants de pensée, ainsi que les
pouvoirs publics, à construire en France «une laïcité ouverte». Cela suppose «des aménagements pratiques» permettant aux individus et aux communautés
de pratiquer et de manifester leur religion, ainsi que la recherche de «solutions satisfaisantes pour articuler les droits religieux légitimes à
l’évolution de la société, en particulier la préservation d’un espace de
temps spécifique pour l’enseignement religieux». Il s’agira encore d’adapter «des réglementations (…) tombées en désuètude: interdiction aux
clercs, religieux et religieuses, d’enseigner dans le système public, interdiction de tout signe religieux distinctif porté par les élèves», et de
tenir compte, dans l’enseignement et en ce qui concerne le patrimoine artistique, de la dimension religieuse des cultures.
Ces aménagements devront se faire, est-il précisé, dans le respect de la
liberté de l’enfant, «y compris par ses parents», et du cadre législatif
actuel, qui constitue «un acquis irréversible», dans le refus de tout prosélytisme.
Aux catholiques et à l’Eglise, le groupe demande d’éviter «toute attitude de supériorité et de fanatisme religieux qui sous-estimerait une société
dont les valeurs ne seraient plus référées à la foi chrétienne»; de soutenir les requêtes des autres communautés religieuses «dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la laïcité»; de comprendre le désir de
beaucoup de jeunes chrétiens de manifester publiquement leur appartenance
religieuse, «tout en leur rappelant que les signes extérieurs sont moins
importants que le témoignage en actes de la foi»; de pratiquer au sein de
l’Eglise «les valeurs de la laïcité: accueil des différences, dialogue pluraliste et respect des consciences». (apic/cip/pr)