Mgr Eric de Moulins-Beaufort préside la Conférence des évêques de France | © Diocèse de Reims/Flickr/CC BY-ND 2.0
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France: les évêques sur une ligne de crête

Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et un possible succès de l’extrème droite du Rassemblement national (RN), les évêques français se trouvent sur une ligne de crête. Sans donner des consignes de vote, ils tiennent à offrir des points de repères.

À peine la dissolution surprise de l’Assemblée nationale annoncée par le président Macron, les évêques du Nord ont été les premiers à s’exprimer. « Plus les temps sont troublés, plus nous avons besoin de sagesse, une sagesse politique ancrée courageusement dans la tradition humaniste, la fidélité au service du bien commun, l’attention aux plus petits, l’humilité de l’écoute et la solidarité universelle», expliquent-ils dans un court communiqué, le 10 juin.

Des attentes contradictoires

Dans leur diversité de sensibilités,les évêques français recherchent, non sans peine, le bon positionnement sur une ligne de crête, analyse La Croix.  Entre ceux qui appellent à prendre position sans ambiguïté contre l’extrême droite, ceux qui pensent qu’ils ne doivent pas intervenir sur le terrain politique et ceux encore qui défendent ardemment « l’identité chrétienne » de la France, les évêques sont tiraillés.

«Je ne suis pas sûr que la parole d’un évêque soit bien reçue dans ce contexte », résume brièvement un évêque de l’Ouest, embarrassé. «Nous sommes gênés, confie un autre. Nous craignons que les catholiques ne comprennent pas une prise de parole.» D’autant que le vote des catholiques apparaît très morcelé. Selon un sondage les catholiques se retrouvent dans les trois grand blocs le Rassemblement national à droite, le centre avec la majorité présidentielle et la gauche. D’où une certaine hésitation ou prudence. La Conférence des évêques de France (CEF) a évité de réagir à chaud. Son président Mgr Éric de Moulins-Beaufort a expliqué que le résultat des élections européennes témoignait d’un « profond malaise », « mais il ne faut pas que le remède soit pire que le mal ».

Parler ou pas est toujours mal reçu d’une manière ou d’une autre

Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne, a pris le temps de la réflexion avant e publié le 17 juin un intitulé « Voter sans peur ». « Si notre foi ne nous dicte pas pour qui voter, elle a forcément quelque chose à voir avec la manière dont nous votons », écrit-il. Il énonce des lignes directrices, comme la « dignité irréductible de toute personne humaine », la « recherche du bien commun » et « l’option préférentielle pour les pauvres ».

Évoquant des partis qui se réclament « d’une certaine tradition chrétienne », Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras, défend « la seule tradition chrétienne possible », « celle qui s’appuie sur la parole de Jésus, notamment en Matthieu 25 – «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits (…)» – sinon c’est un mensonge ». Entendant des « chrétiens qui ont très peur de l’extrême droite », et d’autres qui craignent l’extrême gauche, l’évêque de cette région où le vote pour le RN est massif cherche à comprendre, sans juger : « Il suffit de parcourir le Pas-de-Calais pour percevoir ce sentiment de délaissement, racine de ce vote désabusé et radical. »

«Le temps du barrage me paraît passé», assure Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre qui, plutôt qu’une prise de parole personnelle, a soumis un texte à son «conseil diocésain du peuple de Dieu». « Un évêque peut avoir une parole claire mais pas clivante qui «casse» son diocèse alors que la communion est déjà mise à mal. On ne peut plus dire qu’un chrétien ne peut pas voter pour l’extrême droite comme ce fut le cas avant, au risque d’insulter les électeurs », souligne-t-il, préférant « construire un dialogue plutôt que condamner

Les fidèles ont eux même des attentes paradoxales, relève La Croix. des catholiques. Certains en appellent à une parole d’autorité : dire le bien ou le mal, alerter sur les questions éthiques. Des évêques ne cachent pas se sentir désorientés : «Ne rien dire ou parler est toujours mal reçu d’une manière ou d’une autre… De toute façon, on prend des coups. » (cath.ch/cx/mp)

Mgr Eric de Moulins-Beaufort préside la Conférence des évêques de France | © Diocèse de Reims/Flickr/CC BY-ND 2.0
18 juin 2024 | 13:39
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 3  min.
CEF (144), élections (127), Evêques (113), France (570)
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