Perpétuer le dynamisme de la fondatrice

Fribourg: Les soeurs de St Joseph de Cluny fêtent leur bicentenaire

Bernard Bovigny, Apic

Fribourg, 25 janvier 2007 (Apic) Le 12 mai 1807, Anne Javouhey, ses trois soeurs et cinq autres jeunes filles s’engagent au service de l’Eglise et de Dieu dans une toute nouvelle congrégation, qui prend le nom de St Joseph de Cluny. Très rapidement, la vocation missionnaire de ces religieuses s’affirme, et à la mort de la fondatrice, 140 communautés sont implantées dans les cinq continents.

Deux cents ans après l’acte de fondation, quelque 2’900 soeurs de St Joseph de Cluny sont engagées dans l’enseignement, les soins et l’accompagnement des plus nécessiteux, dans 424 communautés disséminées à travers le monde. «Notre fondatrice est extraordinaire. Plus on la découvre, plus on est émerveillées. Mère Javouhey nous pousse sans cesse en avant», témoigne Sr Dominique, responsable de la petite communauté de Fribourg. «Ce jubilé nous permet de remonter à la source de notre congrégation. Notre fondatrice vient nous redynamiser», affirme pour sa part Sr Bernadette, également de la communauté de Fribourg. Avec leurs 12 religieuses âgées de 76 ans en moyenne, les Soeurs de St Joseph de Cluny établies au 4 de la Rue Techtermann, dans le quartier de Pérolles, ont de quoi se montrer inquiètes face à leur avenir.

Et si la Maison provinciale, établie en France, tient à conserver cette seule communauté de Suisse, l’apport du canton de Fribourg dans la fondation de la congrégation n’y est pas totalement étranger. C’est en effet à la Riedera, en dessus du Mouret, qu’Anne Javouhey a vécu une expérience religieuse qui a précédé la fondation de sa congrégation, et c’est un Père français établi à La Valsainte, en Gruyère, qui a discerné en elle le charisme de fondatrice. Ces deux lieux sont d’ailleurs inscrits dans les parcours de celles et ceux qui «suivent les pas d’Anne-Marie Javouhey», au même titre que Paris, la Bourgogne, la Guyane ou encore le Sénégal. «Nos soeurs de passage en Suisse tiennent à se rendre à La Riedera et à La Valsainte», atteste Sr Dominique. «Et à contempler les vitraux de notre chapelle, qui retracent les principales étapes des débuts de la congrégation».

Se rapprocher du charisme de la fondatrice

Ce jubilé constituera pour les quelque 2’900 soeurs établies dans les cinq continents une occasion de se rapprocher du charisme de leur fondatrice. Il faut dire qu’Anne-Marie Javouhey exerce auprès des religieuses de sa congrégation, et de toutes les personnes qui se penchent sur sa biographie, bien davantage qu’un sentiment de dévotion: une passion dévorante. La fondatrice allie dans ses convictions et ses engagements tout ce qui peut traverser la vie d’une religieuse: les doutes sur sa vocation, les souffrances face à l’incompréhension, l’échec dans certaines de ses tentatives, la détermination, une foi et une conviction à renverser les montagnes, l’appel missionnaire, et surtout les actes de charité et de justice, très spectaculaires pour certains. N’a-t-elle pas libéré, sur mandat du gouvernement français, des centaines d’esclaves en Guyane?

Le jubilé du bicentenaire de la congrégation a débuté en mai et juin 2006 avec le chapitre général à Paris, qui a confirmé Sr Morag Collins, Ecossaise, comme supérieure générale pour un nouveau mandat de 6 ans. Les festivités se poursuivront tout au long de l’année 2007, avec un accent particulier sur le mois de mai, qui a vu la fondation des Soeurs de St Joseph de Cluny en 1807.

Ainsi, un «triduum» est prévu en France, du 11 au 14 mai. Conférence sur Anne-Marie Javouhey, messe à la cathédrale d’Autun, messe à Chalon retransmise sur France 2, spectacle à Chamblanc, conférence et messe présidée par Mgr André Vingt-Trois à Paris sont annoncés au programme. Par ailleurs, chaque province va proposer des manifestations pour ce jubilé.

Célébration du bicentenaire à Fribourg

A Fribourg, une messe sera présidée par Mgr Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, le 4 mai à la chapelle St Joseph de Cluny. D’autres initiatives seront prises par la communauté de Fribourg pour sensibiliser la population à la mission et l’engagement de la Congrégation. Une marche vers la Riedera est également prévue pour septembre 2007. Par ailleurs, un dépliant présentant la fondatrice, ainsi que la congrégation en Suisse et ailleurs dans le monde a été édité par la communauté de Fribourg, histoire de se faire connaître un peu plus dans la région. Car jusqu’à maintenant, c’est surtout avec ses anciennes pensionnaires – les jeunes filles venues surtout de Suisse allemande – que la communauté a établi des liens. «Elles sont très attachées à nous, et très généreuses», souligne Sr Dominique. Et beaucoup parmi elles participeront à la fête du 4 mai prochain. BB

Encadré 1:

Statistiques de la congrégation

Au 1er janvier 2006, la Congrégation des Soeurs de St. Joseph de Cluny comptait 2890 religieuses, issues de 60 pays et réparties en 424 communautés.

Leur répartition à travers les continents est la suivante:

Asie (Inde, Népal, Philippines) 1005 Soeurs

Europe 864 Soeurs

Afrique 565 Soeurs

Amérique (Antilles) 359 Soeurs

Iles de l’Océan Indien 195 Soeurs

Océanie 97 Soeurs

Par ailleurs, le Chapitre général de 2000 a voté la reconnaissance des Associés de la Congrégation, expliquant sa décision en ces termes: «Soeurs de Saint Joseph de Cluny, nous avons conscience d’avoir un héritage spirituel à partager, une voie de sainteté léguée par notre fondatrice Anne-Marie Javouhey. Son charisme lui est donné pour l’Eglise. Nous découvrons ce même don chez des laïcs qui se reconnaissent eux-mêmes en affinité avec Mère Javouhey. Une énergie nouvelle pour l’évangélisation de tous les milieux est ainsi apportée à l’Eglise. La personne désirant vivre l’esprit d’Anne-Marie Javouhey peut s’engager officiellement.»

La Congrégation compte près de 1’000 associés laïques.

Encadré 2:

Présence des Soeurs de St Joseph de Cluny à Fribourg

C’est en 1912 que des Soeurs de St Joseph de Cluny s’installent à Fribourg, à la Clinique du Dr Clément, qui deviendra Clinique Ste-Anne, où elles travailleront jusqu’en 1932. Un foyer de jeunes filles est ouvert en 1926 à la Rue Techtermann dans le quartier de Pérolles. Il accueille entre 20 et 25 étudiantes. Puis le foyer deviendra une pension pour dames âgées, avant d’accueillir à nouveau des étudiantes, jusqu’en 2002.

En 1931, le foyer est complété par le «Pensionnat St Joseph de Cluny», ouvert après l’agrandissement de la maison. Jusqu’à 80 jeunes filles de langue allemande y suivent, en tant qu’internes, des cours ménagers et commerciaux en français. 1980 sonne la fin des cours ménagers et les Soeurs donnent des cours intensifs de langue française. Le pensionnat ferme ses portes en 1990.

En 1992, l’Organisation de la Croix-Rouge fribourgeoise loue l’aile sud de la maison, puis en devient propriétaire en 2004. En 2003, la Crèche universitaire loue l’aile nord de la maison.

Quant à la grande chapelle de la rue Techtermann, dans laquelle est célébrée du lundi au vendredi une messe à 17h30 (occasionnellement le samedi), elle a accueilli la communauté orthodoxe de Fribourg le 1er dimanche du mois de 1983 à 1992. En 1996, la communauté tridentine y a célébré la liturgie selon le rite de Saint Pie V. Elle devait y rester durant 6 mois, mais n’est finalement partie qu’en 2004.

La communauté de Fribourg fait partie de la Province de France qui en compte 30, rassemblant 250 religieuses.

Les soeurs qui résident à Fribourg ont une moyenne d’âge de 77 ans. L’accompagnement des consoeurs âgées constitue la principale activité de celles qui sont restées actives. Toutefois, deux religieuses sont catéchistes à la paroisse du Christ-Roi, une va visiter des personnes âgées du quartier, et une autre va trois fois par semaine à Vuisternens-devant-Romont pour visiter des personnes âgées du Foyer où elle a oeuvré durant 30 ans (la communauté de Vuisternens a été fermée en 2002).

Par ailleurs, de nombreux contacts sont demeurés avec les anciennes élèves par une Lettre circulaire annuelle dans laquelle la communauté de Fribourg fait appel – avec succès – à la générosité en faveur des Missions des Soeurs de St Joseph de Cluny.

Encadré 3:

Historique des débuts de la congrégation et de sa fondatrice

– 10 novembre 1779: Naissance d’Anne Javouhey à Jallanges, en Côte d’Or, où son père Balthazar loue une ferme. Durant la Révolution, elle cache des prêtres non-assermentés et facilite leur ministère.

– 11 novembre 1798: Anne se consacre à Dieu au cours d’une messe clandestine dans une grange de Chamblanc, le village où elle grandit. La révolution française a supprimé toutes les communautés religieuses. Anne prend l’engagement d’instruire les enfants et d’élever des orphelins.

– 1800: Essai de vie religieuse à Besançon chez les Soeurs de la Charité. Anne y reçoit «l’appel missionnaire», sous la forme d’une vision dans laquelle elle vit des gens de diverses races et entendit un appel de Ste Thérèse d’Avila. Puis, guidée par Dom Augustin de Lestrange, Abbé de la Trappe à la Valsainte, en Gruyère, elle fait un essai de vie contemplative au monastère de la Riedera, près de Fribourg.

– 1805: Anne rentre à la ferme familiale. Elle fait la classe aux enfants pauvres du village avec ses quatre soeurs.

– 12 mai 1807: Fondation de la Congrégation. Prise d’habit des quatre soeurs Javouhey et de cinq autres jeunes filles dans l’église de Chalon.

– 1812: Acquisition d’une maison à Cluny. La Congrégation prend le nom de Saint Joseph de Cluny.

– 1815: Ouverture de l’Ecole du Marais à Paris.

– 1816: Devant le succès de la méthode d’enseignement mutuel développé par Anne-Marie Javouhey à Paris, le ministre des colonies demande à la Congrégation d’envoyer des soeurs outre-mer.

– 1817: Départ d’une communauté pour l’Ile Bourbon (aujourd’hui Ile de La Réunion).

– 1822: Départ de deux communautés: pour la Guyane et pour la Guadeloupe.

– 1er février 1822: Anne-Marie Javouhey part pour le Sénégal, puis la Gambie et Sierra Leone.

– 1827: Des soeurs sont envoyées en Martinique, à St Pierre et Miquelon (Ile située près de Terre Neuve), puis en Inde à Pondichéry.

– 1828: Mère Javouhey se rend en Guyane, où elle restera jusqu’en 1833.

– 1835: La fondatrice de la Congrégation retourne en Guyane, avec pour mission du gouvernement de préparer la libération, en plusieurs étapes, de 520 esclaves. Cette période a été marquée par un important conflit entre l’évêque d’Autun et Anne-Marie. L’évêque tente de reprendre la direction de la Congrégation, puis il interdira à l’aumônier en place à Mana de lui donner l’absolution et de lui laisser approcher de l’Eucharistie. Cette douloureuse épreuve durera deux ans.

– 1838: Anne-Marie Javouhey fait affranchir 169 esclaves noirs.

– 1843: La fondatrice rentre en France. Elle est toujours privée des sacrements par ordre de l’évêque d’Autun.

– 1843: Des soeurs se rendent en Océanie: Iles Marquises et Tahiti.

– 15 juillet 1851: Décès d’Anne-Marie Javouhey à la Maison Mère de Paris. A sa mort, la Congrégation compte 1’000 religieuses réparties en 140 communautés dans les 5 continents.

– 15 octobre 1950: Béatification d’Anne-Marie Javouhey par le pape Pie XII.

Encadré 4:

Liens entre les Soeurs de St Joseph de Cluny en Inde et Marly

Depuis 1984, des contacts réguliers et des visites mutuelles lient une communauté des Soeurs de St-Joseph de Cluny dans le sud de l’Inde et des habitants de la paroisse de Marly, près de Fribourg. Forte de 130 membres, l’Association de solidarité avec l’orphelinat de Kurumbagaram soutient financièrement des réalisations à but social dans ce village du Tamil Nadu et dans la région. Pour sa part, la paroisse de Marly consacre trois quêtes annuelles permettant de servir un repas journalier à plus de 300 élèves de l’école voisine de l’orphelinat, également tenue par les Soeurs de St-Joseph. Environ tous les trois ans, un groupe de Marlynois se rend sur place afin de maintenir les liens d’amitié et de rendre compte aux membres de l’association de l’avancement des projets.

L’engagement de la communauté de Kurumbagaram illustre un des principaux charismes de la congrégation. «Nous n’allons pas ’vers les pauvres’, mais nous vivons ’avec eux’», explique Sr Dominique. BB

Notes:

– Dans le service Apic de vendredi 26 janvier paraîtra une biographie de la fondatrice des Soeurs de St Joseph de Cluny, Mère Anne.-Marie Javouhey.

– Des images illustrant ces articles sont disponibles contre paiement à l’Apic:

kipa@kipa-apic.ch

(apic/bb)

25 janvier 2007 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 8 min.
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