L'astrophysicien Michel Mayor a souligné que "le soleil n’est qu’une étoile parmi 200 milliards d’autres"  (Photo: Bernard Litzler)
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Genève: sur la trace des étoiles avec le Forum d’Engelberg

Le scientifique et le spirituel: l’astrophysicien Michel Mayor et l’évêque Marcelo Sanchez Sorondo, membre de la Curie romaine, ont débattu le 28 juillet 2017 de l’existence d’autres mondes dans le cosmos. Une soirée lémanique organisée par le Forum d’Engelberg sur le »Savoie», entre Genève et Yvoire, aller-retour.

Michel Mayor est un magicien. Le savant astrophysicien genevois n’a pas son pareil pour amener un auditoire sur le chemin des étoiles. C’est la chance qu’ont eue, le 28 juillet, la soixantaine d’invités du Forum d’Engelberg (voir encadré), à bord du «Savoie», navire Belle Epoque de la flotte lémanique. En quelques minutes, dans le salon de l’élégant bateau aux roues à aubes, le scientifique les a conduits de Genève, où ils avaient embarqué, vers la Voie Lactée et les mondes célestes. Sur le thème «D’autres mondes dans le cosmos?», l’ancien professeur de l’Uni de Genève a lancé la soirée, prolongée par une discussion avec l’évêque argentin Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des Sciences au Vatican.

Le fer de notre hémoglobine

«Le soleil n’est qu’une étoile parmi 200 milliards d’autres, actuellement connues. Car le ciel fourmille d’étoiles», a indiqué d’emblée le professeur. Invitant à la modestie face au vaste univers, Michel Mayor a sondé des horizons vertigineux. Car, dit-il, «plus on regarde loin, plus on voit ›vieux’», en découvrant les traces d’étoiles éteintes. Même le soleil, «formidable centrale nucléaire» qui va encore briller durant cinq milliards d’années, est voué à l’extinction, à l’image du cosmos en perpétuelle mutation.

Débat sur les autres mondes dans le cosmos, à bord du bateau Belle Epoque Le Savoie, le 28 juillet 2017.

Le scientifique genevois est mondialement connu pour ses travaux sur les exoplanètes, ces planètes non rattachées au système solaire. Déjà 4000 d’entre elles ont été repérées à ce jour. Cela signifie que de nouvelles planètes se forment constamment dans l’environnement céleste: «Les planètes sont les sous-produits obligatoires de la formation des étoiles».

Emerveillement garanti quand le professeur Mayor vante les mérites de la nucléosynthèse, issue des étoiles, qui est à l’origine de la matière. Les éléments chimiques de notre vie terrestre en sont issus: «Le fer de notre hémoglobine a été fait dans le cœur des étoiles…».

D’autres planètes comme la nôtre?

Cependant, une question taraude la recherche: combien de systèmes solaires en dehors du nôtre? La réponse reste un défi. L’humain, curieux, aimerait savoir s’il existe d’autres planètes comme la Terre. Mais cela suppose une configuration favorable et très rare: de l’eau, une température adéquate, une vie pluricellulaire et la transmission d’informations génétiques d’une génération à une autre.

En écho, Mgr Sanchez Sorondo, également philosophe, a salué la démarche des scientifiques qui percent les secrets de l’univers. Car la science ouvre sur les fins dernières. Et la foi ne s’oppose pas à la raison. Pour l’astronome italien Galilée, Dieu a créé deux livres, celui de la Création et celui des Evangiles. «Mais le second dépend du premier», a indiqué le prélat romain. Et lire «l’alphabet de la Création» est un devoir scientifique, comme y invite l’encyclique Laudato Si’ du pape François.

«Les Martiens, nos frères»

Pour le prélat argentin, membre de la Curie romaine, l’Eglise catholique ne s’est pas prononcée sur la possibilité de la vie sur d’autres planètes. La prudence est de mise, l’existence d’autres intelligences restant à prouver. Mais, précise-t-il, pas de fermeture du côté de Rome: la réalité de «Martiens, nos frères» est envisageable.

Les interventions des invités du Forum ont prolongé les apports, ouvrant sur des profondeurs scientifiques et métaphysiques. Ainsi Hafid Ouardiri, de la communauté musulmane de Genève, a indiqué que le Coran parlait du «Dieu des mondes», donc du créateur d’autres univers possibles.

L’homme, un élément infime

Pour le professeur Mayor, l’homme, «vieux de moins d’un million d’années», n’est qu’un élément infime du système solaire, qui «n’est d’ailleurs pas le plus ancien système du cosmos». Il a peut-être existé d’autres vies ailleurs, mais ces civilisations ont pu disparaître. Et qui sait si elles ont voulu communiquer avec les suivantes ou si elles ne se sont pas autodétruites…

Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, de l’Académie pontificale des Sciences, et Hafid Ouardiri, de la communauté musulmane de Genève, à bord du Savoie le 28 juillet 2017.

Le «Savoie», de retour à Genève, a rendu ses passagers sur le quai proche du Jardin anglais. Le double périple, lacustre et céleste, a laissé bien des questions ouvertes. Vers 22 heures, des étoiles se levaient sur le Léman. BL


Le Forum d’Engelberg

Science, technologie, économie et valeurs éthiques: tels sont les leitmotives du Forum d’Engelberg. Il a été fondé en 1990, dans le contexte de la nouvelle forme d’écriture inventée alors au CERN à Genève: l’internet. En référence à la tradition humaniste européenne, il porte le nom d’une prestigieuse abbaye bénédictine du canton d’Obwald. Bernard Ecoffey, membre fondateur, et Pia Scherer, co-fondatrice, organisent régulièrement des échanges portant sur des questions éthiques en économie et en sciences.

Le Forum bénéficie du soutien de la Confédération (Claude Béglé, conseiller national, assume la présidence du Haut Patronage du Forum) et de l’Union européenne. Lors de la soirée du 28 juillet, Bernard Ecoffey a rendu hommage, Genève oblige, au cardinal carougeois Georges Cottier (1922-2016), ancien théologien de la Maison pontificale, et au ministre français Hubert Curien (1924-2005), père de l’Europe spatiale, qui ont beaucoup soutenu le Forum.

La soirée du  28 juillet 2017 a notamment été précédée d’une visite au Conseil œcuménique des Eglises, le COE, à Genève. (cath.ch/bl)

L'astrophysicien Michel Mayor a souligné que «le soleil n’est qu’une étoile parmi 200 milliards d’autres»
30 juillet 2017 | 14:48
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 4 min.
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