Le procès dit "de l'immeuble de Londres" a repris au Vatican le 28 septembre 2022 | © Vatican Media
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Immeuble de Londres: la petite fortune de Fabrizio Tirabassi

La reprise du procès de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’, le 28 septembre 2022, a été l’occasion pour l’ancien fonctionnaire du Saint-Siège, Fabrizio Tirabassi, de s’expliquer sur sa rémunération ainsi que sur sa fortune personnelle. Au terme de cette 25e audience, l’agence I.MEDIA revient sur les principaux enseignements du dernier interrogatoire de l’ancien employé du bureau administratif de la Secrétairerie d’État, accusé par la justice vaticane de corruption, d’extorsion, de détournement de fonds, de fraude et d’abus de pouvoir.

1- Question autour des revenus de Tirabassi

Lors de l’audience qui a inauguré la reprise du procès de «l’immeuble londonien» le promoteur de justice Alessandro Diddi a consacré beaucoup de temps à interroger Fabrizio Tirabassi sur ses nombreuses sources de revenus. L’accusation s’est demandé pourquoi il n’a presque jamais touché à son salaire qui lui était versé sur son compte bancaire de l’IOR en tant que fonctionnaire de la Secrétairerie d’État – il touchait environ 2’800 euros par mois à la fin des années 2010.

Le promoteur a notamment interrogé le fonctionnaire italien sur la manière dont il a pu accumuler, entre 2004 et 2009, plus de 1,3 million d’euros sur un compte de la banque suisse UBS.

Fabrizio Tirabassi a expliqué qu’en 2004, il est devenu comptable agréé et a donc envisagé de quitter son poste au Vatican pour exercer cette profession ailleurs. Pour le faire rester, Mgr Gianfranco Piovano, alors chef du bureau administratif de la Secrétairerie d’État, lui a demandé de devenir mandataire administratif de deux fonds de la Secrétairerie d’État détenus par la banque UBS. En occupant cette fonction, il recevait de la banque suisse environ 200 à 300’000 euros en «rétrocessions» par an.

Il a déclaré qu’il ne savait pas, au moment d’accepter ce mandat, l’importance des sommes d’argent qu’il allait recevoir. En revanche, il assure que son supérieur d’alors, Mgr Piovano, était au courant de chaque rétrocession touchée. Ce mandat a été révoqué en 2009, quand Mgr Perlasca a pris la place de Mgr Piovano. Mgr Perlasca aurait aussi mis fin au paiement en espèces des heures supplémentaires des employés de la Secrétairerie d’État, soit entre 600 et 800 euros par mois, «un bon revenu» selon Fabrizio Tirabassi.

Après 2010, Fabrizio Tirabassi a intégré le comité d’audit des comptes de cinq entités du Vatican, notamment la Fondation Santa Marta. Ces responsabilités signifiaient une rétribution annuelle supplémentaire d’environ 10’000 euros, là encore en espèces. À cela, se sont ajoutées de nombreuses primes reçues, par exemple à Noël, qui pouvaient représenter un revenu supplémentaire, a expliqué Fabrizio Tirabassi.

En tout, ce sont entre 10’000 et 20’000 euros par an qu’il pouvait toucher du Vatican en plus de son salaire. En ajoutant le salaire de sa femme, une fonctionnaire publique touchant entre 1’800 et 2’000 euros par mois, il assure n’avoir pas eu besoin de retirer le salaire qu’on lui versait sur son compte de l’IOR.

2- Précisions sur le «trésor» de la famille Tirabassi

Le promoteur de justice a aussi interrogé Fabrizio Tirabassi sur l’origine des 200’000 euros en espèces et du million d’euros en pièces de collection saisis dans sa maison des Abruzzes par la Guardia di Finanza le 6 novembre 2020. L’avocat de l’ancien ›minutante› s’est montré mécontent face à cette requête, assurant que cette saisie avait été déclarée illégale par la justice italienne et affirmant que le Vatican n’avait pas restitué les biens comme cela lui avait été ordonné.

Fabrizio Tirabassi a expliqué que cette fortune appartenait à son père. Ce dernier, mort récemment, a fait sa carrière comme gendarme au Vatican. Il aurait commencé à s’intéresser à la numismatique mais aussi à la philatélie après sa retraite, à une époque que son fils a décrit comme «l’âge d’or de la numismatique».

Le père aurait alors monté une entreprise spécialisée dans ces domaines de collections – Fabrizio l’aidant dans certaines opérations – et aurait travaillé pour cela avec le Gouvernorat de la Cité du Vatican. Fabrizio Tirabassi explique que c’est la raison pour laquelle son père aurait laissé en dépôt au Vatican un certain nombre de sacs de pièces et médailles qui ont été récupérés par la suite.

L’avocat de Tirabassi assure que le père de son client aurait présenté tous les justificatifs prouvant qu’il était le propriétaire légitime de cette collection avant sa mort. Quant aux 200’000 euros en espèces, Fabrizio Tirabassi a expliqué que son père ne souhaitait pas mettre cet argent en banque et trouvait plus sûr de le garder chez lui. L’ancien fonctionnaire a ensuite refusé de répondre aux éventuelles questions de la défense et de la partie civile.

3- Les consultants employés par le Saint-Siège

Le promoteur de justice a interrogé Fabrizio Tirabassi sur ses relations et sa proximité avec un réseau de personnes qui s’étaient proposées comme consultants pour la Secrétairerie d’État et le Saint-Siège.

Fabrizio Tirabassi a notamment expliqué qu’il était très intéressé par des projets qui lui avaient été présentés par Giuseppe Maria Milanese, ancien dirigeant de coopératives et homme d’affaires proche du pape François. L’ex-fonctionnaire de la Secrétairerie d’État a affirmé avoir discuté avec ce dernier pour établir un contrat de consultant mais que cela ne s’était jamais concrétisé.

Giuseppe Milanese a par la suite joué un rôle important en 2020 lors des négociations avec Gianluigi Torzi. Il est intervenu quand ce dernier a demandé au Vatican 30 millions puis 15 millions d’euros pour la cession du contrôle de l’immeuble de Londres après que le Saint-Siège lui en ait confié la gestion.

4- Les témoins entendus à partir du 30 septembre

À cause de l’annulation de deux audiences en juillet dernier, le juge Giuseppe Pignatone a souhaité consacrer deux nouvelles audiences pour clore la partie des interrogatoires. Après ce dernier interrogatoire, le tribunal doit interroger une dernière fois l’avocat Nicola Squillace, le 29 septembre, avant d’entamer l’audition des témoins le 30 septembre.

Le premier témoin sera Roberto Lolato, un consultant technique ayant produit pour le Bureau du promoteur de justice Alessandro Diddi un rapport de 41 pages sur les transactions financières effectuées par le Saint-Siège avec le fonds Athena GOF, géré par l’homme d’affaires italo-britannique Raffaele Mincione, et le fonds Gutt SA, propriété du courtier molisan Gianluigi Torzi. Le tribunal entendra ensuite Alessandro Cassinis Righini, Auditeur général du Vatican, qui dirige l’autorité anti-corruption du Saint-Siège. Enfin, le tribunal entendra Gianfranco Mammí, directeur général de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) qui fut à l’origine de la découverte de l’affaire de l’immeuble de Londres en 2019.

D’autres témoins sont déjà annoncés pour les audiences des 11, 12 et 13 octobre, dont le commissaire de la Gendarmerie vaticane Stefano De Santis ou l’architecte en charge de la gestion de l’immeuble de Londres, Luciano Capaldo. Des audiences sont aussi prévues pour entendre d’autres témoins – mais pas le témoin clé Mgr Alberto Perlasca pour l’instant – les 19, 21, 27 et 28 octobre. (cath.ch/imedia/ic/cd/rz)

Le procès dit «de l'immeuble de Londres» a repris au Vatican le 28 septembre 2022 | © Vatican Media
29 septembre 2022 | 12:28
par I.MEDIA
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