Le développement économique est souvent réalisé aux dépens des écosystèmes et des droits humains | © Dan Mooney/Flickr/CC BY-NC 2.0
Suisse

La COP25 sans accord: l’Action de Carême est déçue

La conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP25) de Madrid s’est clôturé, dimanche 15 décembre 2019, sans accord substantiel. La déception est grande pour David Knecht, représentant d’Action de Carême. La situation incite l’oeuvre d’entraide à poursuivre le travail en faveur de la protection du climat, sans oublier la prise en compte des droits humains.

David Knecht, responsable du programme «Économies alternatives» auprès d’Action de Carême, a assisté à la première semaine de la conférence à Madrid. Il souligne l’importance d’être présent à ce «grand bazar» sur les défis mondiaux du changement climatique. Outre les négociations officielles des délégations nationales, un grand nombre de manifestations parallèles ont eu lieu, comme celle avec «l’icône» de la jeunesse en faveur du clima, Greta Thunberg. 

Le délégué suisse note que tout cela a été parfois assez chaotique. Néanmoins, ces conférences et réunions bilatérales permettent à l’organisation humanitaire helvétique de créer des contacts au niveau international. «L’échange avec nos partenaires étrangers est très important. Et nous pouvons les aider en leur offrant une scène sur place, par exemple avec des délégations officielles», a-t-il déclaré au portail kath.ch.

Des attentes élevées déçues

Le spécialiste d’Action de Carême exprime sa déception vis-à-vis du résultat de cette conférence. «L’énorme présence et le grand engagement de la jeune génération en faveur de la protection du climat ont fait naître l’espoir, chez beaucoup d’entre eux, d’une position plus claire de la part des politiciens», soutien David Knecht, précisant que de nombreuses ONG attendaient beaucoup de la conférence.

«Mieux vaut pas d’accord que cet accord»

Gemedo Dalle Tussie, ministre éthiopien de l’Environnement

Car si les mécanismes de marché discutés à Madrid pour l’échange de droits d’émission de CO2 sans clauses de sauvegarde solides avait été décidé, il aurait pu créer des incitations totalement fausses. Les pays occidentaux aurait continué à investir dans des projets de grandes centrales électriques dans le sud du monde – ce qui nuirait à l’environnement local, mais aussi au respect des droits de l’homme dans ces pays.

L’enjeu négligé des droits humains

Car une fois de plus, les États membres se sont focalisés surtout sur la réduction des émissions de CO2, en laissant de côté le respect des droits humains et la dimension sociale des problèmes climatiques. Or, comme vient de le réaffirmer le document final du Synode pour l’Amazonie d’octobre 2019, ces deux aspects sont fondamentaux et doivent être également prise en compte. Tant le document final du Synode que l’encyclique Laudato sidu pape François témoignent du fort engagement de l’Église en faveur de la justice climatique.

Pour l’ouvre d’entraide catholique suisse, le temps presse. Car il ne reste plus que quelques années avant que l’objectif de limiter l’augmentation de la température de la terre à 1,5 degré ne devienne inatteignable. «Il est nécessaire d’agir rapidement en adoptant des mesures capables de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans négliger le respect des droits humains».

Donner la parole aux peuples autochtones

«À cette fin, il est essentiel d’écouter les communautés rurales et les peuples autochtones menacés par les changements climatiques», affirme Action de Carême, en soulignant qu’une telle prise de conscience a fait défaut dans de nombreuses délégations présentes à la COP25. À Madrid, il aurait été essentiel que le plan de travail du «Forum sur l’impact des mesures de riposte» (Response Measures) – point n’ayant déjà pas abouti en juin passé – soit adopté. 

Andreia Fanzeres, coordinatrice des droits des peuples autochtones pour l’OPAN, une organisation partenaire d’Action de Carême au Brésil, était présente à Madrid afin de montrer que même les petits barrages hydroélectriques du bassin amazonien endommagent les rivières, le mode de vie et les moyens de subsistance des peuples autochtones. La Brésilienne a insisté pour que les populations locales puissent donner leur consentement libre, préalable et éclairé et que des études d’impact sur l’environnement soient réalisées avant que de tels projets d’infrastructure soient autorisés.

Au cœur des négociations de Madrid figuraient surtout les mécanismes internationaux du marché du carbone, qui permettent aux États de coopérer pour réduire leurs émissions de CO2. Le Conseil fédéral entend se baser sur le même fonctionnement afin d’atteindre ses propres objectifs climatiques. Action de Carême estime que cette stratégie est inefficace, voire contre-productive, car l’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre pourrait favoriser la promotion de grands projets à l’étranger qui violent les droits humains.

Objectifs plus contraignants nécessaires 

Comme dans les autres pays participant à la COP25, en Suisse les objectifs de la réduction des émissions de CO2, qui auraient dû être mis en pratique suite à la signature de l’Accord de Paris, se font encore attendre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Suisse est passée de la neuvième à la seizième place dans le classement mondial des évaluations climatiques par pays, récemment présenté par le Climate Action Network.

Action de Carême continuera à plaider en faveur d’un engagement accru de la Suisse en faveur de l’amélioration de la situation climatique mondiale. Elle exhorte la Suisse à faire preuve de plus de courage et de responsabilité en prenant des mesures concrètes pour réduire ses émissions au niveau national et pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Pour David Knecht, des objectifs contraignants sont plus que nécessaires. La conclusion de la COP25 est pour lui une incitation supplémentaire à poursuivre le travail non seulement en faveur de la sauvegarde du climat, mais aussi des droits humains. En collaboration avec ses organisations partenaires en Colombie et au Brésil, Action de Carême travaillera sur des mesures concrètes. Mais c’est aussi au niveau de la politique nationale suisse qu’elle veut agir.

L’expert suisse réfléchit déjà au prochain sommet des Nations Unies sur le climat, qui se tiendra à Glasgow, en Écosse, en 2020. Et il espère vivement que la communauté internationale adoptera des objectifs climatiques ambitieux avec des mécanismes efficaces de protection et de participation des communautés locales et autochtones au plus tard. (cath.ch/kath.ch/comm/ms/dp)

Sans accord final
Après une prolongation de 40 heures, le 15 décembre 2019, les 196 pays présents à la COP25 de Madrid se sont mis d’accord sur une déclaration finale. Le sommet global devait notamment tracer la voie pour 2020, l’année du commencement de la mise œuvre formelle de l’Accord de Paris de 2015. L’objectif visé est de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.
L’accord, initialement prévu à propos de l’article 6 de l’Accord de Paris, concernant les règles relatives à l’échange international des droits d’émission, n’a toutefois pas été conclu. Ceux-ci visait à permettre aux pays de vendre des crédits s’ils dépassent leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Malgré les longues consultations qui ont eu lieu à Madrid, la question de savoir comment cela pourrait être réglementé reste controversée. 
Les discussions reprendront durant le prochain sommet de l’ONU sur le climat, prévu en novembre 2020 à Glasgow.

Le développement économique est souvent réalisé aux dépens des écosystèmes et des droits humains | © Dan Mooney/Flickr/CC BY-NC 2.0
16 décembre 2019 | 12:17
par Davide Pesenti
Temps de lecture: env. 5 min.
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