Le patriarche Cyrille de Moscou voit le conflit en Ukraine comme une guerre du bien contre le mal | © Saint-Petersburg Theologian/Flickr/CC BY-ND 2.0
International

La propagande russe démonise les autorités Ukrainiennes

A mesure que le conflit en Ukraine s’éternise, la propagande russe prend un tour de plus en plus violent et ésotérique. Alors que certains voient une guerre contre l’homosexualité, d’autres n’hésitent pas à se demander si Volodymyr Zelensky est Satan lui-même ou seulement un de ses démons.

Raphael Rauch, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

«En justifiant de manière aberrante la guerre comme une lutte contre l’homosexualité et d’autres perversions, Poutine suit la ligne du patriarche» de Moscou Cyrille Ier, explique Reinhard Flogaus. Le professeur d’histoire de l’Eglise à l’Université Humboldt de Berlin, analyse, dans une tribune du Frankfurter Allgemeine du 27 décembre 2022, la propagande russe à connotation religieuse.

Le chef de l’Eglise orthodoxe russe avait déjà déclaré le 6 mars que le conflit en Ukraine avait une signification métaphysique en tant que lutte pour la vérité divine contre le péché. Il avait estimé que la Russie devait venir en aide aux coreligionnaires souffrant en Ukraine, du fait que l’Occident voulait forcer les habitants du Donbass à pécher et exigeait d’eux qu’ils tolèrent l’homosexualité et organisent des gay prides.

L’Antéchrist occidental

Le 5 décembre, le président Poutine a signé une loi punissant la représentation positive de l’homosexualité dans la littérature, l’art et les médias en général. Lors de l’audition sur le projet de loi à la Douma, l’archiprêtre russe orthodoxe Andreï Tkatchev, originaire d’Ukraine, avait qualifié cette loi de condition préalable à la victoire de la Russie. Selon lui, Dieu ne donne la victoire qu’à ceux qui en sont moralement dignes.

L’accusation de satanisme lancée par Poutine contre l’Occident avait déjà été utilisée en avril par l’ultranationaliste russe Alexandre Douguine pour justifier la guerre. Dans un article, il avait qualifié le conflit d’affrontement entre des «réalités spirituelles». Selon l’idéologue, soit l’Ukraine reviendrait «sous la domination du Christ et de sa mère immaculée», soit elle «resterait sous la domination de Satan». Avec la lutte en Ukraine, la grande bataille de la fin des temps entre la «civilisation orthodoxe» et «le monde de l’Antéchrist occidental» a commencé, assurait Alexandre Douguine. Il soutenait que la pandémie de coronavirus était désormais suivie du deuxième cavalier de l’Apocalypse – la guerre- et que ce n’était pas la Russie qui revendiquait l’Ukraine, mais bien le Christ lui-même.

«Satan, Lucifer ou Iblis»

Si les fantasmes apocalyptiques de Douguine n’ont pas eu beaucoup d’écho dans un premier temps, la situation a changé après la dénonciation par Vladimir Poutine du prétendu «satanisme» de l’Occident. La «désatanisation» s’est ainsi ajoutée, dans la propagande russe, aux objectifs de «dénazification» et de «démilitarisation» de l’Ukraine. Le chef de la République de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, a été le premier à exiger que l’on chasse les démons. Il a été suivi par Alexeï Pavlov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe, qui a affirmé que les cultes sataniques prenaient le dessus en Ukraine et que la Russie devait «désataniser» le pays.

Selon ces théories, le renversement de régime de 2014, en Ukraine, était déjà l’œuvre de forces néo-païennes. L’ex-président russe Dmitri Medvedev a affirmé le 4 novembre 2022 qu’il était du devoir de la Russie d’arrêter en Ukraine le maître suprême de l’enfer, quel que soit son nom – «Satan, Lucifer ou Iblis (figure associée au diable dans le Coran)». Début décembre, la télévision d’État russe s’est en outre très sérieusement demandé si Volodymyr Zelensky était lui-même l’Antéchrist ou seulement l’un de ses démons. (cath.ch/kath/rr/frankfurterallgemeine/rz)

Le patriarche Cyrille de Moscou voit le conflit en Ukraine comme une guerre du bien contre le mal | © Saint-Petersburg Theologian/Flickr/CC BY-ND 2.0
27 décembre 2022 | 16:52
par Rédaction
Temps de lecture: env. 2 min.
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