L’archevêque de Lima défend la victoire de Pedro Castillo à la présidentielle

Pour l’archevêque de Lima, le retard mis pour la proclamation officielle de la victoire du candidat de gauche, Pedro Castillo, à l’élection présidentielle du Pérou, le 6 juin dernier, «est une chose amorale.»

Dans une interview accordée à la correspondante du quotidien La Nacion, Mgr Carlos Castillo Mattasoglio, en visite à Rome auprès du pape Françoi, a évoqué la situation préoccupante de son pays. «Selon le décompte, il est clair que Pedro Castillo a déjà gagné. Il est nécessaire d’attendre la proclamation du jury national des élections, mais, pour des raisons subjectives, certains la retardent, ce qui est évidemment une chose amorale», a-t-il dénoncé.

Comme avec Trump aux Etats-Unis

Pour le prélat, de nombreuses similitudes existent entre ce qui se passe au Pérou et ce qui s’est passé aux États-Unis après les dernières élections, lorsque Donald Trump et ses partisans ont dénoncé une fraude inexistante. «Je pense qu’au Pérou, il se passe quelque chose de semblable, à ceci près qu’il s’agit d’un pays plus petit et plus faible.»

Mgr Carlos Castillo Mattasoglio, qui a été nommé archevêque de Lima en janvier 2019, en remplacement du cardinal conservateur de l’Opus Dei Juan Luis Cipriani a poursuivi le parallèle. Comme aux États-Unis avec Joe Biden, des peurs ataviques ont été créées autour du candidat de gauche. Des secteurs ne veulent pas que Pedro Castillo puisse gouverner. Mais il a gagné les élections lors d’un vote propre, comme l’ont reconnu les organisations et les institutions internationales (OEA, États-Unis, Union européenne). Il a été démontré qu’il n’y a pas eu de fraude, a expliqué l’archevêque.

La peur du communisme attisée

Ce climat de polarisation a conduit à des peurs qui se cristallisent autour de Castillo, considéré comme inexpérimenté, communiste, qui pourrait changer la Constitution, exproprier, nationaliser des entreprises…

Pour le prélat «le professeur Castillo est un syndicaliste qui a montré sa capacité à unir les gens pour réaliser des choses, comme tous les syndicalistes. Du point de vue idéologique, je ne suis pas sûr de sa conception du communisme ou du socialisme. (…) Mais il est bien plus que les slogans lancés à son encontre. C’est une personne beaucoup moins dangereuse qu’on ne le dit. Il est très grave de diaboliser une personne avec des slogans, comme cela a été fait avec Biden»

Voir les besoins réels de la population

Derrière ces secteurs, Mgr Castillo Mattasoglio voit un groupe qui ne comprend pas la réalité historique du Pérou, un pays «constitué sur la base d’intérêts étrangers et de l’exportation de ses richesses minérales, sur le dos et sans égard pour les besoins réels de son peuple».

Au cours des 30 dernières années, il est vrai que certains secteurs ont énormément bénéficié de la mondialisation reconnaît le prélat. La situation de la classe moyenne ou des pauvres en ville s’est améliorée. Mais il est également vrai que les populations des périphéries ne reçoivent aucune aide, sont marginalisées et le ressentent.

Pour l’archevêque, les élections actuelles illustrent ce fossé entre ceux qui sont bien lotis, sécurisés par le système, et ceux qui sont marginalisés, qui souffrent, sans accès à l’internet, à l’éducation, à l’intégration, au respect en tant que citoyens, et dont la situation a empiré avec la pandémie.

Un pays divisé

Enfin, il n’a pas caché sa crainte que si la proclamation de Castillo continue d’être retardée jusqu’au 28 juillet – date à laquelle le président élu devrait normalement prendre ses fonctions – le nouveau président du Congrès puisse annuler les élections. «Des secteurs ne semblent plus s’intéresser à qui est élu. Ce qui les intéresse, c’est de créer une peur énorme afin de mettre le système sens dessus dessous, et c’est grave. L’Eglise réaffirme en ce sens l’importance de renforcer la démocratie et que toutes les voix soient respectées», a-t-il conclu. (cath.ch/ln/mp)