Le pape a à nouveau prononcé le terme frocciaggine lors d’une réunion à huis clos avec des prêtres de son diocèse de Rome | © Vatican Media
Vatican

Le pape, de «Qui suis-je pour juger?» à «Frociaggine»

Ce 11 juin 2024, lors d’une rencontre avec des prêtres de son diocèse de Rome, le pape François a de nouveau utilisé le mot italien «frociaggine», qui serait en français un dérivé de «tarlouze», en abordant la question de l’homosexualité dans l’Église. I.MEDIA revient en dates sur la façon dont le pontife argentin aborde la question très sensible de l’homosexualité depuis 2013.

22 juillet 2013: Le pape François s’envole pour le Brésil où l’attendent plusieurs millions de jeunes du monde entier à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse de Rio de Janeiro. Dans l’avion du retour vers Rome, le pape François tranche par son style pastoral dans une réponse à une question portant sur l’homosexualité. «Si une personne est gay et qu’elle cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?», lance-t-il. Il déclare aussi: «On écrit beaucoup sur ce lobby gay, je ne l’ai pas encore trouvé. Je n’ai encore rencontré personne au Vatican qui me montre sa carte d’identité avec écrit ‘gay’. On doit distinguer le fait d’être homosexuel, et le fait de faire partie d’un lobby, car les lobbies ne sont pas bons».

21 mars 2015: Le pape François dîne avec des prisonniers homosexuels et transgenres dans une prison de Naples.

3 octobre 2015: À la veille du second Synode sur la Famille, le prêtre polonais Mgr Krzysztof Charamsa, employé de la congrégation pour la Doctrine de la foi fait son ‘coming-out› et est renvoyé.

12 janvier 2016: Dans un livre-entretien avec Andrea Tornielli, le pape explique sa déclaration ‘Qui suis-je pour la juger’ de 2013 comme une volonté de respect de la dignité des personnes homosexuelles. Il déclare qu’il «préfère que les homosexuels se confessent, qu’ils restent proches du Seigneur et qu’on prie tous ensemble».

Mgr Krzysztof Charamsa est renvoyé après avoir fait son coming out| © Keystone/AP Photo/A. Tarantino

8 avril 2016: Dans son exhortation apostolique Amoris Laetitia, le pape affirme, concernant l’attitude de l’Église vis-à-vis des personnes homosexuelles, qu’elles doivent être accueillies «avec respect» et sans «discrimination», mettant surtout l’accent sur la difficulté, pour les familles, «d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle». Il insiste en outre sur le fait qu’il ne peut y avoir « des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille».

13 juin 2016: Le pape François condamne le massacre commis dans un club homosexuel à Orlando en Floride, dans lequel ont été tuées 49 personnes.

2 novembre 2016: Dans l’avion de retour de son voyage en Azerbaïdjan, le pape critique «l’endoctrinement de la théorie du genre», notamment par la «colonisation idéologique» présente dans des livres scolaires.

12 avril 2017: Le pape François nomme le Père James Martin, un jésuite très engagé dans l’inclusion des personnes homosexuelles dans l’Église, comme consultant du secrétariat pour la communication – qui deviendra le dicastère pour la Communication. Ce dernier s’est particulièrement fait remarquer en 2016 pour sa dénonciation du silence des évêques américains après le massacre de 49 personnes dans un club homosexuel en Floride.

30 septembre 2019: Le pape François reçoit le Père James Martin à la résidence Sainte-Marthe. Les deux hommes abordent pendant cette rencontre la question de l’accompagnement pastoral des personnes appartenant à la communauté LGBT, rapporte le prêtre américain.

Le Père James Martin plaide pour une meilleure intégration des homosexuels dans l’Eglise | © Shawn/Flickr/CC BY-NC 2.0

16 décembre 2019: Dans un document officiel, la Commission biblique pontificale affirme que «la Bible ne parle pas de l’inclination sexuelle vers une personne de même sexe, mais seulement des actes homosexuels».

21 octobre 2020: Dans un reportage publié en 2020, un extrait censuré d’un entretien du pape avec la télévision mexicaine datant de 2019 ressurgit, dans lequel il s’oppose au mariage homosexuel, mais dit être favorable à une loi de «cohabitation civile».

22 février 2021: Responsum de la congrégation pour la Doctrine de la foi qui affirme que les bénédictions des couples homosexuels ne sont pas licites. Le pape, qui a pourtant consenti à la publication du texte, prendra ses distances en privé.

24 mars 2021: Le pape François nomme Juan Carlos Cruz, homosexuel et ancienne victime d’abus comme membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Il avait déclaré en 2018 que le pape lui avait affirmé dans un entretien qu’être homosexuel «n’importe pas».

15 novembre 2021: Le pape François envoie une lettre de remerciement à un laïc américain qui lui a fait parvenir un livre sur le soutien des catholiques à la communauté homosexuelle lors de la crise du sida pendant les années 80-90.

7 janvier 2022: Le pape François envoie une lettre de félicitations à une religieuse américaine, Sœur Jeannine Gramick, qui célèbre 50 ans d’apostolat auprès des personnes LGBT. Elle avait été interdite de poursuivre cet apostolat en 1999 par le cardinal Ratzinger. Il la reçoit au Vatican le 17 octobre 2023 pendant 50 minutes.

Sœur Jeannine Gramick, co-fondatrice de News Ways Ministry © wiadomosci.onet.pl

10 janvier 2022: Mgr Giacomo Morandi, secrétaire de la congrégation pour la Doctrine de la foi à l’origine du Responsum sur les bénédictions homosexuelles, est nommé évêque d’un diocèse italien.

20 septembre 2022: Les évêques flamands publient un communiqué envisageant une prière pour des couples homosexuels qui peut ressembler à une forme de bénédiction. Ils prévoient notamment un moment où les «deux personnes concernées […] expriment devant Dieu leur engagement l’un envers l’autre». Mais ils précisent qu’il s’agit simplement d’une prière, et non pas de proposer aux couples homosexuels un quelconque équivalent du «mariage sacramentel».

18 novembre 2022: Les principaux responsables de la Curie romaine – mais pas le pape – reçoivent les évêques allemands pour parler des réformes portées par le ‘chemin synodal’ outre-Rhin, notamment une révision de l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité et sur les bénédictions de couples homosexuels. Les échanges sont tendus.

19 novembre 2022: Lors d’une conférence de presse à Rome, le président de la conférence des évêques d’Allemagne, Mgr Bätzing, annonce ne pas vouloir empêcher les bénédictions de couples homosexuels dans son diocèse de Limbourg.

21-25 novembre 2022: En visite ad limina, les évêques belges abordent avec le pape la question des prières pour les couples homosexuels et se disent contents de l’accueil que leur initiative a reçu à Rome.

24 octobre 2022: Le cardinal Hollerich, que le pape a nommé rapporteur général du Synode sur l’avenir de l’Église, affirme que l’homosexualité est un «fruit de la création» et soutient la pastorale pour les personnes homosexuelles lancée par les évêques belges.

25 janvier 2023: Dans un entretien avec l’agence de presse AP, le pape déclare qu’être homosexuel «n’est pas un crime» mais un «péché».

27 janvier 2023: Dans une lettre envoyée au Père James Martin, le pape réaffirme que l’homosexualité est un péché, mais que les circonstances peuvent «diminuer ou élimer la faute».

5 février 2023: «Criminaliser les personnes de tendance homosexuelle est une injustice», affirme le pape François à un journaliste qui l’interrogeait à propos des pays où l’homosexualité est illégale, dans l’avion du retour de son voyage en RDC et au Soudan du Sud. «Condamner ainsi une personne, c’est un péché », insiste-t-il. Il fait une distinction entre les «personnes» homosexuelles, qui sont des « enfants de Dieu», et les «groupes» qui défendent les homosexuels. «Les lobbies, c’est autre chose», affirme-t-il.

11 mars 2023: Le ‘chemin synodal’ allemand demande au pape une meilleure inclusion des diversités de genre, notamment pour les personnes transsexuelles et intersexuelles. L’assemblée vote en outre pour l’autorisation des bénédictions de «couples qui s’aiment», notamment les homosexuels.

20 juin 2023: Dans un document officiel de préparation du Synode sur l’avenir de l’Église, le Vatican emploie pour la première fois le terme LGBT. Les personnes appartenant à ce groupe sont citées comme faisant partie des minorités pouvant se sentir exclues de l’Église.

2 octobre 2023: Alors que s’ouvre le Synode sur l’avenir de l’Église, cinq cardinaux conservateurs envoient au pape des dubia dans lesquels ils demandent notamment s’il autorise dans certaines circonstances un prêtre à bénir des couples homosexuels et si l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité est encore valable. Dans sa réponse, le pape laisse ouverte la porte à des «formes de bénédiction» pour des couples homosexuels, à condition qu’elles s’accompagnent de «prudence pastorale» et ne transmettent pas «une conception équivoque du mariage».

28 octobre 2023: Le Synode sur l’avenir de l’Église publie son rapport de synthèse à l’issue de la première assemblée. Dans ce dernier, les termes «homosexualité» et «LGBT» ont été supprimés alors qu’ils figuraient dans le brouillon initial.

Le pape François appelle les Pères et Mères du Synode romain à pratiquer «l’apostolat de l’oreille», à savoir une attitude d’écoute réciproque dans le respect et la bienveillance | © Vatican Media

31 octobre 2023: Le pape François approuve la publication d’un document par le dicastère pour la Doctrine de la foi qui autorise notamment le baptême pour les personnes transsexuelles ou nées par GPA sous certaines conditions.

18 décembre 2023: Le pape François approuve une déclaration du dicastère pour la Doctrine de la foi autorisant les bénédictions de couples homosexuels sous certaines conditions – notamment qu’elles ne soient pas perçues comme une imitation du sacrement du mariage. Intitulé Fiducia supplicans, ce texte est perçu comme une ouverture de l’Église aux couples homosexuels, certains l’interprétant même comme une bénédiction des unions. Dans les semaines qui suivent, de nombreuses personnalités de l’Église et conférences épiscopales, notamment africaines, s’opposent à l’application de la déclaration.

4 janvier 2024: Dans un communiqué, le cardinal Victor Manuel Fernández affirme vouloir «aider à clarifier la réception» du texte, contesté par de nombreuses voix. Rome concède que sa mise en œuvre peut «admettre différentes modalités d’application» en fonction du contexte local, «mais pas une négation totale ou définitive». Il propose en outre un exemple de prière de bénédiction de «dix ou quinze secondes».

9 janvier 2024: Le cardinal Ambongo, missionné par les évêques d’Afrique, rend visite au pape François au Vatican pour protester contre Fiducia supplicans et lui demander de communiquer pour tranquilliser le peuple africain. Le pontife accepte et le fait travailler sur un texte avec le cardinal Fernandez.

Pour le cardinal Fridolin Ambongo, Fiducia supplicans risque de créer une «confusion» | © Vatican Media

11 janvier 2024: Le texte validé par le cardinal Fernandez et le pape François, signé par le cardinal Ambongo, est publié. Il est intitulé: «Pas de bénédiction aux couples homosexuels dans les Églises d’Afrique» et affirme que Fiducia supplicans ne s’applique donc pas au continent africain.

26 janvier 2024: «On ne bénit pas l’union, mais simplement les personnes qui ont fait ensemble la demande». C’est la clarification du pape François en évoquant le document Fiducia supplicans – qui autorise la bénédiction non ritualisée des couples de même sexe –, devant les membres du dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF) lors d’une audience au Vatican.

8 février 2024: «Je ne bénis pas un mariage homosexuel, je bénis deux personnes qui s’aiment», affirme le pape dans un entretien publié dans l’hebdomadaire catholique italien Credere. Le pontife condamne en outre l’hypocrisie de ceux qui s’offusquent que soient bénies des personnes homosexuelles, mais ne disent rien quand est béni «un homme d’affaires qui escroque les gens».

7 mars 2024: Les Coptes suspendent leur dialogue théologique avec l’Église catholique. Dans le communiqué est rappelée la doctrine de cette Église orientale concernant l’homosexualité. «L’Église copte orthodoxe rejette ce que l’on appelle la perversion sexuelle dans son acception générale et globale, ainsi que tous les types de pratiques sexuelles en dehors du cadre sacré du mariage», est-il notamment affirmé.

Les Coptes, dont Tawadros II est la patriarche, suspendent leur dialogue théologique avec l’Église catholique | © Flickr/Mazur/catholicnews.org.uk

14 mars 2024: Dans sa biographie Vivre, Mon histoire à travers la grande Histoire, le pape déclare vouloir une «Église mère» qui accueille «tout le monde», notamment les «personnes homosexuelles et transsexuelles qui cherchent le Seigneur et qui ont été rejetées ou chassées» par le passé par l’Église. Il défend le Motu proprio Fiducia supplicans mais il assure que le refus de l’appliquer n’est «pas l’antichambre d’un schisme» parce que «la doctrine n’est pas remise en cause». Il affirme que, contrairement au mariage homosexuel, les unions civiles sont possibles, pour garantir une «protection légale comme tout le monde» aux personnes concernées.

8 avril 2024: «Nous ne sommes pas d’accord avec la pénalisation [de l’homosexualité]», a déclaré le cardinal Fernandez lors de la présentation du document Dignitas infinita dans lequel il est écrit qu’il «faut dénoncer comme contraire à la dignité humaine le fait que, dans certains endroits, de nombreuses personnes soient emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle». Le document est une charge contre l’idéologie du gender qui «cherche à nier la plus grande différence possible entre les êtres vivants: la différence sexuelle».

19 mai 2024: Un extrait de l’entretien du pape accordé à la chaîne CBS, réalisé le 24 avril, est diffusé, dans lequel le pape affirme que «bénir une union homosexuelle va contre le droit naturel et le droit de l’Église». «Ce que j’ai permis n’a pas été de bénir l’union», insiste le pontife, affirmant en revanche vouloir une bénédiction pour toutes les personnes.

20 mai 2024: Lors d’une réunion organisée avec 200 évêques italiens réunis en assemblée générale, le pape François aurait utilisé une expression italienne insultante – frocciaggine – pour désigner des personnes homosexuelles, en recommandant aux évêques de ne plus accepter de gays dans les séminaires. Ses paroles ont été rapportées quelques jours plus tard par le site Dagospia, puis confirmées par des quotidiens comme La Repubblica et le Corriere della Sera le 27 mai, provoquant une vive polémique. Selon La Repubblica, le pontife aurait réitéré lors de cette déclaration sa ferme opposition à l’entrée d’un candidat homosexuel au séminaire, craignant que celui-ci ne vive par la suite une «double vie» en continuant à pratiquer son homosexualité «tout en souffrant de cette dissimulation». 

23 mai 2024: Le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet de la Doctrine de la foi (DDF), se rend en personne en Égypte auprès du chef copte orthodoxe, Tawadros II, afin de s’expliquer sur son document Fiducia supplicans. Les Coptes ont rompu auparavant le dialogue théologique avec l’Église catholique.

Le cardinal Victor Fernandez, préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF), a dû à plusieurs reprises défendre la déclaration Fiducia supplicans | © EPA/Giuseppe Lami/Keystone

28 mai 2024: «Le pape n’a jamais eu l’intention d’offenser ou de s’exprimer en termes homophobes, et il présente ses excuses à ceux qui se sont sentis offensés par l’utilisation d’un terme rapporté par des tiers», affirme un communiqué publié par le Bureau de presse du Saint-Siège.

3 juin 2024: Le pape François envoie une lettre à un ex-séminariste italien qui lui avait écrit après la polémique de ses déclarations lors de l’assemblée de la CEI. Le jeune homme, se revendiquant comme homosexuel, s’est vu refuser l’entrée au séminaire. Le pontife l’enjoint à «poursuivre sa vocation» dans ce courrier manuscrit publié par Il Messaggero.

11 juin 2024: Le pape François prononce à nouveau le terme frocciaggine lors d’une réunion à huis clos avec des prêtres de son diocèse de Rome, évoquant la présence d’homosexuels au Vatican. Le pontife estime que si un garçon affirme avoir la vocation sacerdotale mais a une tendance homosexuelle, «il vaut mieux l’arrêter». «Ce sont de bons garçons, mais avec cette tendance, il vaut mieux ne pas le faire», déclare-t-il enfin. (cath.ch/imedia/cd/bh)

Le pape a à nouveau prononcé le terme frocciaggine lors d’une réunion à huis clos avec des prêtres de son diocèse de Rome | © Vatican Media
12 juin 2024 | 14:03
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 10  min.
Partagez!