Le pape François signe la nouvelle Constitution de l’Odre de Malte | © Vatican Media
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Le pape François prend le contrôle de l'Ordre de Malte

«Bergoglio a pris une mesure très dure et définitive à la fin d’un bras de fer interminable qui a conduit l’Ordre de Malte [il y a plusieurs années, ndlr] à prendre ouvertement parti contre le pontife», écrit le 3 septembre 2022 le journal italien en ligne ilfattoquotidiano.it.

Ordre religieux et laïc de l’Église catholique depuis 1113 et sujet de droit international,  l’Ordre de Malte – de son nom complet l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte – se définit comme «une des institutions les plus anciennes de la civilisation occidentale et chrétienne».

Pour une identité plus fidèle au charisme originel

L’Ordre Souverain de Malte entretient des relations diplomatiques avec plus de cents États, ainsi qu’avec l’Union Européenne et jouit d’un statut d’observateur permanent aux Nations Unies. Il est aujourd’hui actif dans 120 pays, se dédiant aux personnes dans le besoin à travers des activités médicales, sociales et humanitaires. Après plusieurs années de litiges, le pape François a pris le 3 septembre 2022 le contrôle de l’Ordre de Malte en annulant ses organes de direction et en nommant un Conseil souverain provisoire.

Le Grand Maître de l’Ordre de Malte ne sera plus élu à vie et ne pourra rester en fonction que dix ans avec une limite d’âge fixée à 85 ans, ont expliqué les cardinaux Gianfranco Ghirlanda et Silvano Tomasi, les deux référents sur lesquels le pape François s’est appuyé pour repenser l’organisation, mais surtout pour rétablir un peu de paix en son sein.

Le pontife travaille à donner à l’Ordre une identité plus fidèle au charisme originel et plus proche de la mission spirituelle du fondateur, le bienheureux Gérard. François a rappelé que les prérogatives de l’Ordre en tant que sujet de droit international dépendent du Saint-Siège et que tous les membres doivent toujours être moralement impeccables, prendre soin des pauvres et ne pas être attachés «ni aux sièges ni au pouvoir».

Grave crise de gouvernance interne

Cette décision, destinée à mettre fin à une grave crise de gouvernance interne, devrait contribuer à redéfinir l’organisation comme un «ordre religieux» et non une organisation humanitaire. Reconnaissant dans son décret les «obstacles» et les «difficultés» rencontrées avec l’Ordre de Malte, le pape François insiste sur la «nécessité d’initier un profond renouvellement spirituel, moral et institutionnel de l’Ordre tout entier».

«La tension très forte, entre ceux qui défendent le principe d’une organisation portée par un personnel civil, et ceux qui estiment au contraire que l’Ordre doit être dirigé par des hommes ayant formulé des vœux religieux, est ainsi arbitrée [par le pape François, ndlr] en faveur de la deuxième option», analyse le quotidien La Croix.

Les premiers opposants à la réforme voulue par François sont les responsables allemands de l’Ordre de Malte, «promoteurs d’une vision plus proche de celle d’une ONG», relève le journal. A la mi-août, 13 présidents d’associations nationales de l’Ordre ont écrit au pape pour s’inquiéter de la réforme en cours, affirmant que si l’Ordre de Malte était réformé dans le sens proposé, «il subirait de graves dommages». Pour les signataires, l’œuvre de l’Ordre, avec ses 80’000 volontaires et ses 42’000 employés, «risquerait d’être compromise».

Insistance sur le caractère religieux de l’Ordre

Conséquence de ce caractère religieux de l’Ordre: sa dépendance au Saint-Siège. Et c’est là que les critiques commencent déjà à s’élever, relève le quotidien français, car François l’affirme sans détour: «Par conséquent, étant un ordre religieux, il dépend, dans ses diverses articulations, du Saint-Siège». Cette petite phrase «fait déjà couler beaucoup d’encre, certains y voyant une remise en cause directe de la souveraineté de l’Ordre, sujet de droit international jusqu’alors indépendant du Saint-Siège».

Dans son décret, le pape choisit une liste de personnalités chargés d’assumer le gouvernement général de l’Ordre. Parmi eux figure le Français Emmanuel Rousseau, nommé grand commandeur, ainsi qu’Alessandro de Franciscis, nommé grand hospitalier (équivalent de ministre de la santé). Ce dernier était jusque-là le médecin en charge du Bureau des Constatations Médicales à Lourdes.

Initiée après une grave crise interne – qui avait vu le Grand Maître de l’époque, Fra’ Matthew Festing remettre sa démission en janvier 2017 –, la réforme menée par le cardinal Silvano Maria Tomasi en tant que délégué spécial du pontife vise à faire évoluer la gouvernance de l’Ordre.  

Aucune crainte de scission

Le tout nouveau cardinal Gianfranco Ghirlanda, ancien recteur de l’Université pontificale grégorienne et canoniste de référence du pape pour son travail de réforme de la Curie romaine, a souligné à ilfattoquotidiano.it que désormais «l’Ordre doit rechercher l’unité et cela doit être fait par tous, sinon c’est un échec». Il ne doit y avoir ni gagnants ni perdants, a insisté le jésuite italien qui fut aussi nommé par Rome en 2014 conseiller en droit canon des Légionnaires du Christ – qui traversaient alors une profonde crise depuis la fin des années 1990, tout en étant à l’époque protégés par de hauts responsables de la Curie romaine.

Le cardinal Ghirlanda souligne qu’un véritable chapitre général est l’expression de l’unité de l’Ordre. Je ne crains pas une scission car elle ne peut être faite que par le Saint-Siège. Si quelqu’un proteste, c’est qu’il ne comprend pas la fonction que le pape a dans l’Église catholique». (cath.ch/cx/ordredemalte/ilfq/be)

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5 septembre 2022 | 17:36
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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