«Le problème de l’Islam, ce n’est pas l’Occident, mais nous-mêmes»

Sénégal: Intervention remarquée de Tariq Ramadan à l’Université de Dakar

Dakar, 13 mars (Apic) L’islamologue suisse Tariq Ramadan est intervenu le 11 mars 2013 à Dakar, au Sénégal, lors des préparatifs du sixième Colloque international des musulmans de l’espace francophone (CIMEF), qui se déroulera du 23 au 26 août au Sénégal. Lors d’un discours très remarqué, il a appelé les musulmans à se réconcilier avec l’éthique de leur religion.

Dans une conférence publique donnée sur le thème: «l’urgente nécessité de repenser l’éthique islamique: la spiritualité et la loi», Tariq Ramadan a tenu une conférence à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), devant un parterre composée entre autres, d’étudiants, de chercheurs, d’islamologues et de représentants de missions diplomatiques au Sénégal, a rapporté l’Agence de presse sénégalaise (APS).

Dans une salle archicomble d’où les télévisions sénégalaises ont projeté des images saisissantes, le philosophe suisse a déclaré: «le Coran ne changera jamais. Les textes du prophète Mahomet ne changeront pas. Ce qui doit changer, c’est notre façon d’appréhender les choses, notre façon de lire et de comprendre les défis qui nous interpellent». «Le problème de l’Islam, ce n’est pas l’Occident, ni les autres, mais nous-mêmes», a-t-il poursuivi.

Dans le grand auditorium de l’UCAD, Tariq Ramadan s’est longuement penché sur l’éthique musulmane et les défis à relever par l’Islam. «Notre attitude psychologique devient une attitude de prohibition, d’interdiction et de protection. Il faut repenser l’éthique musulmane pour sortir de ce carcan, en se demandant: les textes divins nous permettent-ils de nous distinguer de l’autre ou de nous réconcilier avec nous-mêmes?», a-t-il commenté.

Le premier principe en Islam, c’est la permission, pas l’interdiction

«L’un des nos problèmes (en tant que musulmans) est d’ordre intellectuel et psychologique. Quand nous nous sentons dominés ou quand nous sommes en position de victime, nous avons le réflexe d’invoquer les lois en disant: ça c’est juste, ça c’est faux, ça c’est prohibé», a-t-il déploré. Cette posture «d’homme dominé ou sur la défensive traduit une attitude psychologique très problématique, parce que le premier principe en Islam, c’est la permission, pas l’interdiction», a-t-il poursuivi, tout en ajoutant: «Mais, quand on se sent agressé, on a tendance à penser que c’est le contraire».

Pour Tariq Ramadan, «dans toutes les communautés musulmanes, au Sénégal, au Moyen-Orient ou même en Occident, il y a une focalisation du discours musulman sur des éléments de la prohibition ou de la culpabilité». En revanche, il n’y a pas «un discours fondé sur l’essence de l’Islam, sa lumière, son ouverture et ses objectifs».

Selon lui, «la principale victime de cette attitude psychologique, dans les communautés musulmanes, ce sont les femmes qui deviennent l’objet de tous les interdits». «Elles sont cloisonnées dans des enfermements culturels. Or, dans la tradition musulmane, le Coran ne recommande pas d’enfermer les femmes, mais de les libérer de ces enfermements culturels», a-t-il rappelé.

Le conférencier a aussi dénoncé l’extrémisme religieux en Afrique, estimant que c’est un phénomène étranger au continent, car l’Afrique occidentale n’est pas «le lieu d’un Islam littéraliste et violent». Il a appelé les musulmans africains à «refuser que certains utilisent la religion à des fins de violence ou géostratégique».

Les défis de l’Islam dans le monde contemporain

Le CIMEF regroupe, dans les pays de l’espace francophone, des intellectuels, des membres de la société civile, des savants et des chercheurs, pour discuter des défis de l’Islam dans le monde contemporain par le dialogue. Son but est «d’apaiser les tensions et incompréhensions» entre les Etats et les communautés.

Ce grand rendez-vous est prévu du 23 au 26 août au Sénégal. Les précédentes éditions ont eu lieu en Côte d’Ivoire (2000), au Bénin (2002), au Niger (2004), au Burkina Faso (2006), au Togo (2008) et au Mali (2010). (apic/ibc/bb)

13 mars 2013 | 10:18
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
Dakar (25), Sénégal (165)
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