L’institut des dominicaines du Saint-Esprit a son siège à Pontcallec, dans le Morbihan | DR
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Le renvoi d’une religieuse traditionaliste suscite la controverse

Le renvoi de la vie religieuse de mère Marie Ferréol, de l’institut traditionaliste des dominicaines du Saint-Esprit, sur fond de querelles internes, suscite de vives controverses sur les réseaux sociaux et dans la presse française.

Le pape François a rejeté la supplique adressée par Mère Marie Ferréol, une sœur de Pontcallec, dans le Morbihan, renvoyée définitivement après 34 ans de vie religieuse. Le silence entretenu sur les raisons de cette sanction ouvre la porte à toutes les spéculations. Pour les uns la religieuse est victime d’un déni de justice du Vatican, pour d’autres elle sait parfaitement pourquoi elle est sanctionnée.

Mère Marie Férréol avait adressé au pape un ultime recours, assorti de témoignages de soutien de divers horizons ecclésiaux, rapporte La Croix. Après avoir été, dans un premier temps, exclaustrée de sa communauté pour trois mois en novembre 2020, elle a été finalement renvoyée définitivement de la vie religieuse, avec interdiction de toute vie communautaire, par un décret du 22 avril 2021. Depuis, la religieuse a fini par trouver asile à l’abbaye traditionaliste de Randol, dans le Puy-de-Dôme.

Cette sanction rare suscite beaucoup de bruit: la religieuse, qui affirme ne pas connaître la faute grave qui lui est reprochée, a activé de nombreux soutiens parmi ses réseaux. Pour eux, cette affaire est le signe d’un dysfonctionnement majeur dans la justice de l’Église. Mère Marie Ferréol serait la victime d’une sorte de «procès en sorcellerie», avance le quotidien Le Monde.

Mère Marie Ferréol sait à quoi s’en tenir

Selon l’enquête de La Croix, l’affaire apparaît plus complexe. Il y a plus d’un an, à la suite de dénonciations au Saint-Siège, le pape a mandaté une visite apostolique dans l’institut. L’une des deux visiteuses, Mère Emmanuelle Desjobert, abbesse de Boulaur explique: «Nous étions chargés d’interroger la centaine de sœurs sur des questions de fond (le charisme de l’institut, la charité fraternelle, l’apostolat…), mais à notre surprise, lors des entretiens, de nombreuses sœurs se sont ouvertes à nous de leurs difficultés avec elle, chacune à sa manière.» C’est donc sur un fond de querelles internes qu’il faut replacer l’affaire.

L’autre visiteur, Dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint-Wandrille, parle de «dissimulation et mensonge à l’origine d’un climat de suspicion et de peur. (…) Mère Marie Ferréol voulait des exemples précis. Mais ils seraient tout de suite identifiés car les sœurs se connaissent très bien, explique Dom Nault. Si les sœurs ont parlé librement, c’est parce qu’elles savaient pouvoir compter sur la confidentialité des échanges.»

«Elle tentait de monter des sœurs les unes contre les autres»

«Une chose est de ne pas savoir ce qu’on vous reproche, une autre est de ne pas le reconnaître», déplore mère Marie Magdeleine, porte-parole de l’institut. «Mère Marie Ferréol a déjà été reprise plusieurs fois par le passé par ses supérieures successives sur son rapport à l’autorité et à l’obéissance. (…) Elle  critiquait systématiquement le gouvernement de l’institut. Elle tentait de monter des sœurs les unes contre les autres, ainsi que contre les supérieures, jusqu’au pape François à l’égard duquel elle a eu des propos très virulents.» 

Sans avertissement?

Son avocate déplore qu’elle ait été renvoyée sans avoir reçu d’avertissement ni pu faire valoir «une défense quelconque avant la sanction». Les visiteurs indiquent lui avoir adressé deux monitions lors de la visite apostolique, l’une par oral, l’autre par l’écrit. Pour Dom Nault, il est faux de dire qu’elle n’a pas eu la possibilité de s’expliquer.

Manipulation, emprise psychologique et spirituelle, les mots ne sont pas prononcés, mais les témoignages concordent pour dénoncer des comportements non conformes avec la vie consacrée. Si, de fait, de nombreuses personnes ont pu témoigner du rayonnement de Mère Ferréol vers l’extérieur, à l’interne les échos sont bien différents.

«Le pape a suivi personnellement le dossier»

Un autre axe de sa défense consiste à mettre en cause les liens d’amitié entre une autre sœur, Mère Marie de l’Assomption, et le cardinal Marc Ouellet à qui le pape a délégué la visite apostolique. Interrogé par La Croix, le prélat canadien dément catégoriquement. Si le pape l’a délégué, «c’est à cause d’un grave problème disciplinaire de l’Institut ». Le pape a suivi personnellement le dossier dans toutes ses étapes, précise-t-il. (cath.ch/cx/mp)

Un fleuron du monde traditionaliste
L’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit est une Société de vie apostolique de droit pontifical issu d’une fraternité agrégée à l’Ordre dominicain en 1943. Cet institut traditionaliste, qui célèbre dans le rite extraordinaire, a pour particularité que ses sœurs prononcent un unique vœu de virginité, en plus de la double promesse d’obéissance et de pauvreté.
Il a été créé par l’abbé Victor-Alain Berto (1900-1968), prêtre du diocèse de Vannes qui fut le théologien de Mgr Marcel Lefebvre durant le concile Vatican II. Ses œuvres sont principalement la direction d’établissements scolaires à Pontcallec, où se trouve la maison mère, Nantes, Épinal, Draguignan et Saint-Cloud. 

L’institut des dominicaines du Saint-Esprit a son siège à Pontcallec, dans le Morbihan | DR
25 juin 2021 | 15:23
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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