Les 'franciscains du Bronx' Angelo Lefever (à g.) et Raphaël-Jacques Gilou étaient au festival Metanoia 2022 | © Raphaël Zbinden
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Les franciscains du Bronx, «anges» des périphéries

Les ‘franciscains du Renouveau’, surnommés ‘franciscains du Bronx’, sont au service des populations défavorisées des grandes villes. Deux d’entre eux, Raphaël et Angelo, ont apporté leur témoignage au festival Metanoia, à St-Maurice (VS).

«Liam* avait un casier judiciaire long comme le bras, se souvient Angelo. Quand il venait à la maison des franciscains à East London, il se comportait de manière détestable». Le criminel aguerri, également malade du cancer, a cependant vécu une conversion radicale, relève le franciscain américain oeuvrant depuis des années en Angleterre. «Il a été guéri de façon assez surprenante de son cancer, et a changé du tout au tout. Il est devenu extrêmement souriant et sympathique, parlait de Dieu tout le temps». Si Liam* est finalement décédé aujourd’hui, il est resté jusqu’à la fin dans cet état d’esprit paisible et lumineux, explique Angelo à cath.ch.

Retour aux sources franciscaines

Ces «feel good stories» illuminent l’engagement des ‘franciscains du Bronx’. Les «conversions» sont en effet au cœur de l’action de ces religieux, dans les divers endroits du monde où ils travaillent. Raphaël-Jacques Gilou et Angelo Lefever ont donné un «éclat» de ce quotidien aux participants de la troisième édition du festival catholique Metanoia, qui se déroule du 11 au 17 juillet 2022, sur le site de Vérolliez, près de St-Maurice (VS). L’Américain rouquin d’une trentaine d’années, au sourire gravé sur le visage, et son collègue français à la longue barbe blanche et aux lunettes rondes détonnent avec leurs bures grises, parmi les festivaliers de Metanoia, en shorts et t-shirts par cette chaude journée d’été.

«A partir de 9h, la cloche sonne presque sans arrêt»

Les deux prêtres aux prénoms angéliques sont venus apporter en Valais leur témoignage en tant que ‘franciscains du Renouveau’. Cette communauté religieuse a été fondée aux États-Unis en 1987, dans le quartier new-yorkais du Bronx, connu à l’époque pour sa pauvreté et son contexte de violence, d’où le surnom de ses membres. Huit capucins de diverses nationalités ont voulu retourner, dans l’esprit du Concile Vatican II, aux sources du charisme franciscain initié par le ‘Poverello’, explique Raphaël [les capucins sont issus eux-mêmes d’une réforme du mouvement franciscain, au 16e siècle]. Le religieux français, aujourd’hui âgé de 70 ans, a connu tous les pères fondateurs, dont trois sont aujourd’hui encore en vie.

Frère Raphaël donne sa conférence à Metanoia | © Metanoia

Aide alimentaire et plus

Les ‘franciscains du Bronx’ (il existe une communauté parallèle féminine) partagent une vie commune caractérisée par la charité, la prière, la chasteté, l’obéissance et la pauvreté. Les communautés, assistées de membres associés laïcs, servent les besoins spirituels et matériels des plus pauvres dans leurs voisinages et sont engagées dans l’apostolat de la prédication. Aujourd’hui, les ‘franciscains et franciscaines du Renouveau’ compte 140 membres répartis dans cinq pays, en Amérique du Nord, en Amérique centrale et en Europe.

«Concrètement, les engagements sont multiples, et ils sont différents selon les parties du monde», note le Frère Raphaël, qui vit actuellement à Newark, près de New York. Le couvent de cette ville du New Jersey, que le Français qualifie de «nouveau Bronx», abrite notamment le noviciat des ‘franciscains du Renouveau’. Douze personnes y sont actuellement en formation.

La vie religieuse se conjugue quotidiennement avec l’action caritative. «A partir de 9h, la cloche sonne presque sans arrêt. Des personnes viennent demander un sandwich ou un rosaire», explique Raphaël. L’aide alimentaire constitue une part importante des activités. «Une fois par semaine, il y a une soupe populaire. Nous devons préparer une centaine de repas, servir, faire la vaisselle. Nous n’y arriverions pas sans l’aide de nombreux volontaires.»

Des lieux pour vivre et pour changer

Les ‘franciscains du Bronx’ mènent deux types d’apostolat. Ils tiennent tout d’abord un Centre pour la jeunesse, où sont accueillis des enfants et des jeunes pour un soutien scolaire. Une grande part des familles démunies sont issues de l’immigration d’Amérique latine. Certains enfants ne parlent même pas anglais et ont beaucoup de difficultés à l’école. Outre les cours d’anglais, les frères, qui ont de nombreuses et diverses compétences, les soutiennent dans des matières telles que les mathématiques, les sciences, ou encore la musique.

«Ils ressentent que nous ne sommes pas là pour leur donner des leçons, mais pour leur apporter le Christ»

Angelo Lefever

Un camp d’été est également organisé chaque année. «Beaucoup de familles n’ont pas les moyens de partir en vacances. Elles s’efforcent également de soustraire leurs enfants à la rue, où sévissent le trafic de drogue et la violence des gangs», poursuit le prêtre français, engagé dans la communauté depuis 2002.

Les couvents des ‘franciscains du Renouveau’, de par le monde, accueillent également les sans-abri. Ils peuvent y être hébergés jusqu’à six mois. Mais non sans condition. Les personnes logées doivent adhérer à certaines règles d’abstinence et suivre le programme proposé. Elles sont notamment invitées à effectuer de petites tâches à l’intérieur du couvent, ce qui les aide bien souvent à retrouver un sens de la dignité. «Ce ne sont pas seulement des lieux pour vivre, mais pour changer», souligne Angelo.

Un apostolat courageux

Si Newark représente le nouveau point d’urgence dans la région de New York, les franciscains du Renouveau sont toujours actifs dans la ‘maison mère’ du Bronx. Le quartier a cependant beaucoup changé durant les dernières décennies, explique le Père Raphaël. «On a commencé à démolir les vieux bâtiments pour y construire des habitations plus modernes, mais inabordables pour les plus pauvres. Ceux-ci ont donc été ‘chassés’ vers la périphérie, notamment à Newark. Le Bronx est maintenant surtout peuplé par une classe moyenne en grande partie hispanique, certes moins démunie, mais qui connaît également son lot de problèmes».

Le festival Metanoia présente en juillet 2022 sa troisième édition | © Raphaël Zbinden

Guerre des gangs, drogue, prostitution sont les principaux fléaux qui touchent ces populations. Les deux frères admettent que les contextes dans lesquels ils vivent peuvent être dangereux. «Il vaut parfois mieux ne pas savoir ce que les personnes que nous accueillons ont fait», note Angelo, qui vit actuellement à Bradford (Yorkshire), après avoir travaillé des années dans l’Est londonien.

Les deux religieux assurent toutefois ne s’être jamais sentis en danger. Et en près de 40 ans de mission dans le monde, aucun franciscain du Bronx n’a été blessé. «Je pense que notre habit religieux suscite un grand respect chez les personnes, note le religieux Français». «De toute façon, c’est le cœur de notre engagement d’être parmi ces personnes, même si cela peut être dangereux, nous avons délibérément choisi cette voie», renchérit Angelo. «Ils ressentent que nous ne sommes pas là pour leur donner des leçons, mais pour leur apporter le Christ».

Le don de la relation

Des témoignages qui ont attiré un large public à Metanoia, et qui n’ont pas laissé indifférents les participants, assurent à cath.ch les organisateurs du festival. La conférence des franciscains s’intitulait «Choisir la pauvreté afin d’aimer le Christ». Des réflexions que le Père Raphaël a également développé dans son livre Convertissez-vous sorti en 2021 aux éditions du Cerf (Paris), qui retrace son expérience dans la communauté. «J’ai ressenti le besoin de l’écrire suite à la crise qui a surgi dans l’Eglise, notamment à cause des abus sexuels, et qui a établi la nécessité d’une réforme. Mais il est important de dire que si vous voulez réformer, il faut commencer par se convertir soi-même. Et pour cela, vous devez revenir à la radicalité de l’Evangile. Pour nous, cela veut dire en particulier retrouver le sens de la pauvreté».

Angelo souligne que ce retour aux sources est étroitement lié à la solidarité et à la proximité avec les plus pauvres. «Il s’agit de vivre leurs difficultés à leurs côtés». L’Américain sait bien, de son expérience, que la nourriture n’est finalement que secondaire dans ce qu’ils peuvent leur apporter. «Ils ont avant tout besoin de connexion, de relation. Un don réciproque, dans lequel nous trouvons nous aussi une guérison». (cath.ch/rz)

*prénom fictif

Le festival Metanoia, qui se déroule chaque année sur une semaine, en été, à Vérolliez, à côté de St-Maurice (VS), est issu du festival Théomania. Ce dernier avait été lancé dans les années 1990 par Eucharistein, basée à Epinassey (VS). La communauté de fidèles n’est plus dans le comité d’organisation, mais apporte encore son aide.
En 2022, Metanoia a été programmé du 11 au 17 juillet. Il s’agit de la troisième édition de la manifestation commencée en 2018. Elle a été annulée en 2020 et 2021, à cause de la pandémie. «Nous sommes très heureux de pouvoir recommencer le festival et de nous revoir toute l’équipe», témoignent les organisateurs.
Bénéficiant toujours d’un riche panel d’intervenants, l’édition du festival catholique 2022 a également eu une touche œcuménique, avec une soirée animée par des pasteurs. «Nous voulons essayer de plus en plus de créer des ponts, en reflétant également divers visages de l’Eglise», soulignent les organisateurs, remarquant une présence accrue d’évangéliques et de personnes pas forcément proches de la religion. RZ

Les 'franciscains du Bronx' Angelo Lefever (à g.) et Raphaël-Jacques Gilou étaient au festival Metanoia 2022 | © Raphaël Zbinden
15 juillet 2022 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 6 min.
Diaconie (26), Festival (48), Franciscains (28), Metanoia (6), Pauvreté (201), Valais (178)
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