L'Indonésie intensifie ses opérations de sécurité en Papouasie occidentale, mars 2023 | © Human Rights Monitor/WPCC
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Les opérations militaires s’intensifient en Papouasie occidentale

Selon un récent rapport de Human Rights Monitor, les exactions commises par le gouvernement indonésien en Papouasie occidentale contre les Papous autochtones ont à nouveau augmenté, malgré, ou plutôt à cause, de sa nouvelle approche dite plus douce d’occupation militaire instaurée en 2022.

Connue aussi sous le nom de Nouvelle-Guinée occidentale, la région est traversée depuis des décennies par un conflit opposant le gouvernement indonésien et les indépendantistes papous autochtones.

Cette province indonésienne fait partie d’un territoire plus large annexé par l’Indonésie en 1962. Baptisée au départ Irian Jaya, elle a été renommée Papouasie en 2000 par le président Wahid, puis scindée en deux en 2003 par le gouvernement suivant de la présidente Megawati. Avec d’un côté la Papouasie, et de l’autre, à l’extrême ouest de l’île, la Papouasie occidentale.

Cette séparation ainsi que l’utilisation du nom de Papouasie occidentale sont contestées par le mouvement indépendantiste Organisation pour une Papouasie libre. Un pendant politique à ce mouvement de guérilla a été fondé en 2014, le Mouvement uni pour la libération de la Papouasie occidentale.

Un imposant et dangereux contingent armé

Partenaire du Conseil œcuménique des Églises (COE) sur les questions de conflit et de droits de l’homme en Papouasie occidentale, Human Rights Monitor a une nouvelle fois exprimé sa vive inquiétude devant l’intensification des opérations des forces de sécurité indonésiennes dans la province.

Depuis 2019, les autorités indonésiennes ont déployé sur l’île un imposant contingent de soldats. De nombreux indépendantistes ont été arrêtés et des défenseurs des droits humains emprisonnés ou poursuivis. La répression s’est encore durcie depuis mars 2023, et l’Indonésie a envoyé sur le territoire plus de 2000 nouveaux membres de forces de sécurité.

Des raids auraient eu lieu dans les points chauds du conflit en Papouasie occidentale, mais aussi dans des endroits moins touchés par le conflit les 1er et 2 avril, dénonce le rapport de Human Rights Monitor. Cette organisation européenne promeut les droits de l’homme par le biais de la documentation et du plaidoyer.

Des Papous autochtones, dont des femmes et des enfants, ont été arrêté.es et torturé.es dans la province indonésienne. «La pratique persistante de l’impunité parmi les membres de la police et de l’armée a aggravé ce schéma de violations», dénonçait l’ONG dans un précédent rapport en 2022 . «Comme les années précédentes, les cas d’exécutions extrajudiciaires et de torture ont rarement été traités.»

Un étau militaire qui se resserre autour des civils

Depuis 2022 le gouvernement indonésien cherche à présenter «une approche plus douce» du conflit, en impliquant l’armée et la police dans des programmes de développement de santé, d’éducation ainsi que dans des programmes agricoles. Ces forces de l’ordre sont donc en contact direct avec les communautés locales, ce qui engendre une augmentation des risques d’affrontements armés à proximité des installations civiles. «Si le nombre d’attaques en 2022 n’indique pas une augmentation substantielle des affrontements armés par rapport à l’année précédente, l’aggravation du conflit se reflète dans le nombre de civils tués », indique Human Rights Monitor.

Ainsi, cette présence militaire dans les écoles, les établissements de santé et les églises ne fait qu’accroître la peur et le sentiment de menace que ressentent les communautés autochtones de Papouasie, traumatisées depuis des décennies par les violentes opérations militaires.

Impunité et tactique d’isolement

Directeur d’Amnesty International Indonésie, Usman Hamid soulignait l’an passé que «la Papouasie est l’un des trous noirs de l’Indonésie dans le domaine des droits humains. C’est la région où les forces de sécurité ont pendant des années été autorisées à tuer des femmes, des hommes, des enfants, sans craindre de devoir assumer la moindre responsabilité.»

Cette zone étant considérée comme militaire et contrôlée par l’armée Indonésienne, son accès est en plus rendu très difficile pour les étrangers, qu’ils soient touristes, journalistes ou travailleurs humanitaires. Ce qui rend les observations sur place quasi-nulles.

Une série de recommandations

Le rapport se termine par une série de recommandations qui comprennent, entre autres, la demande d’accès au territoire pour des observateurs indépendants, l’engagement du gouvernement indonésien dans un dialogue avec le Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale, l’autorisation d’accès humanitaire à la Papouasie occidentale pour le Comité international de la Croix-Rouge, le retrait de toutes les forces policières et militaires «non organiques» déployées en Papouasie occidentale et la facilitation et la garantie du retour volontaire et en toute sécurité des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays dans leurs villages.

Directeur des affaires internationales au COE, Peter Prove a appelé pour sa part «la communauté internationale à faire preuve de solidarité et de soutien à l’égard du peuple autochtone de Papouasie». (cath.ch/coe/lb)

L'Indonésie intensifie ses opérations de sécurité en Papouasie occidentale, mars 2023 | © Human Rights Monitor/WPCC
2 mai 2023 | 16:43
par Lucienne Bittar
Temps de lecture: env. 3 min.
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