Les fidèles vénèrent le corps de Soeur Wilhelmina Lancaster | capture d'écran Facebook
International

Milliers de pèlerins pour voir le corps incorrompu de Sœur Wilhelmina

Des milliers de pèlerins affluent, depuis mi-mai 2023, à l’abbaye de Gower, dans l’Etat américain du Missouri. Ils viennent voir et toucher le corps incorrompu de Sœur Wilhelmina Lancaster, fondatrice des Bénédictines de Marie, Reine des Apôtres décédée en 2019. Ils veulent voir le ‘miracle’.

Perdue en rase campagne au bout d’une route de terre, l’abbaye de Gower connaît une effervescence inattendue avec des milliers de visiteurs chaque jour. Pour les religieuses et les pèlerins, Dieu est à l’œuvre, rapporte dans un long reportage le site catholique américain The Pillar .

Fin avril 2023, les moniales de l’abbaye de Gower ont exhumé le corps de Sœur Wilhelmina Lancaster, fondatrice de leur communauté, décédée en 2019, pour le transférer dans la chapelle du monastère. A leur grande surprise, son corps est apparu intact après avoir passé quatre ans en terre. «On nous avait dit qu’il fallait s’attendre à ne trouver que des os dans l’argile très humide du Missouri, étant donné qu’elle avait été enterrée dans un simple cercueil en bois, sans aucun embaumement», ont expliqué les religieuses dans un communiqué.

La nouvelle se répand vite

Le corps de Soeur Wilhelmina Lancaster intact après quatre ans passé en terre | capture d’écran Facebook

Dans un premier temps, les religieuses n’en ont parlé qu’à très peu de personnes. Elles ont informé les autorités diocésaines et partagé l’information avec quelques familles et sympathisants locaux. Mais la nouvelle a vite commencé à se répandre. Dès le 20 mai, des centaines de personnes ont afflué au monastère. Le diocèse de Kansas City-St. Joseph a déclaré le 22 mai qu’il allait enquêter sur l’affaire. Au cours de la semaine suivante, le nombre de personnes a atteint des milliers formant des queues impressionnantes pour voir et toucher le corps de la religieuse afro-américaine exposée dans son habit de bénédictine, lui aussi totalement intact, dans une salle polyvalente sous la chapelle monastique. Certains ont attendu pendant des heures pour avoir la chance de s’agenouiller devant le corps, de presser des chapelets, des médailles et des scapulaires sur ses mains et son habit.  D’autres vont encore recueillir une petite cuillère de terre de sa tombe.

Fondatrice à 70 ans

Mary Elizabeth Lancaster est née en 1924 à Saint-Louis, dans le Missouri. Dès l’âge de neuf ans, au moment de sa première communion, elle sut qu’elle avait une vocation religieuse. A 17 ans, après avoir terminé ses études secondaires, elle est entrée chez les sœurs oblates de la Providence où elle a prononcé ses vœux religieux en 1945.

Soeur Wihelmina de son vivant | Benedictines of Mary

Pendant sa vie durant 50 ans chez les oblates, Sœur Wilhelmina a vécu les changements de l’Église. Elle a gardé son habit religieux alors que la plupart des oblates ont cessé de le porter après le Concile Vatican II. Elle est restée attachée à l’office et à la messe latine traditionnelle.

En 1995, pensant que Dieu l’appelait à quelque chose de nouveau, Sœur Wilhelmina a décidé de quitter les oblates. À l’âge de 70 ans, elle est partie fonder une nouvelle communauté religieuse affiliée à la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre(FSSP) La congrégration de Bénédictines de Marie, fondée sur la règle de saint benoît, a commencé en Pennsylvanie avant de s’installer à Gower, dans le Missouri, en 2006. Les moniales se consacrent à la prière – en particulier cinq heures de chant de l’office divin par jour – et au travail manuel, principalement à l’agriculture et à l’artisanat. Sœur Wilhelmina y est restée jusqu’à sa mort en 2019, à l’âge de 95 ans. Aucune cause de béatification n’a pour l’heure été ouverte, notamment parce que le délai de cinq ans après sa mort n’est pas écoulé.

Placée dans un cercueil de verre

Le monastère de Gower, isolé dans la campagne du Missouri | DR

Le 29 mai, les moniales ont placé Sœur Wilhelmina dans un cercueil de verre dans la chapelle de leur monastère, son visage et ses mains étant recouverts d’un léger masque de cire. Elles s’attendent à ce que les pèlerins continuent à venir, déclarant dans un communiqué que le corps intact de la religieuse est «l’occasion de contempler les grands dons que Dieu nous faits chaque jour».

«Ces derniers jours, j’ai vu des choses où je voyais Dieu agir. Et je vois la main de Sœur Wilhelmina. J’ai vu des femmes s’éloigner en larmes. J’ai vu Dieu agir avec miséricorde ici», a souligné l’aumônier des moniales, le Père Matthew Bartulica.

Un défi logisitique

On ne sait pas combien de temps le monastère sera inondé par les foules mais l’organisation de l’hospitalité est devenue la tâche d’une large communauté de bénévoles; le monastère, situé à une dizaine de kilomètres de la plus proche localité, n’ayant pas les capacités d’accueil nécessaires.

Les bénévoles des Chevaliers de Colomb ont mis en place des parkings dans les champs. Le Benedictine College, situé à proximité, a installé le système de sonorisation, des tentes et une palette d’eau, une douzaine de toilettes portables ont été payées par un donateur, les forces de l’ordre locales se sont mises à disposition, une agriculteur a prêté son champ pour se garer…

La foule fait la queue pour voir le corps de Soeur Wilhemina | capture d’écran Facebook

Une icône pour les traditionalistes?

L’abbaye de Gower est un monastère traditionaliste, associé aux rites liturgiques qui ont précédé le concile Vatican II. Les moniales ont publié des CD de chants traditionnels, et la messe y est célébrée selon le rite tridentin.

Les traditionalistes américains confrontés aux restrictions de la célébration de la messe tridentine imposées par le motu proprio Traditionis custodes (2021) du pape François ont immédiatement vu dans ces événements le signe d’un soutien divin pour leur lutte. Il n’ont pas manqué de le faire savoir.

Et pour les afro-américains?

Il faut également de noter que Sœur Wilhelmina était noire, alors que moins de 4% des catholiques américains le sont. Pour le Père Josh Johnson, spécialiste du racisme, la vue du corps de Sœur Wilhemina pourrait inspirer davantage d’évangélisation parmi les Noirs américains.

«Je me demande combien d’Afro-Américains à travers nos paroisses n’ont jamais été invités à rencontrer Jésus-Christ dans les sacrements de l’Église», a -t-il relevé pour The Pillar. » Au cours des 400 dernières années, combien d’évêques, de prêtres, de diacres, de religieux consacrés et de laïcs ont-ils négligé d’accompagner spécifiquement les Afro-Américains? «

«L’une des difficultés rencontrées par les personnes d’origine africaine est qu’il semble que l’Église catholique soit réservée aux Blancs», a témoigné sur place une fidèle orignaire du Cameroun. Quand je suis à la messe, j’essaie de me retourner, de regarder autour de moi, pour voir s’il y a des gens qui me ressemblent… C’est pourquoi j’ai un peu de mal en tant qu’Africaine et noire dans la foi catholique.» (cath.ch/ThePillar/mp)

Corps incorrompu
L’incorruptibilité est un état non explicable par la science la plupart du temps, selon lequel l’intervention divine permet à certains corps humains (en particulier les saints) d’éviter le processus normal de décomposition après la mort. Les fidèles perçoivent ainsi l’incorruptibilité comme un signe de sainteté, même si officiellement l’Eglise ne le considère pas comme tel.
La tendance à allier la canonisation à l’incorruptibilité des reliques s’est progressivement répandue. Pour les besoins de l’instruction du procès de béatification, le corps doit être exhumé. Il n’est pas rare que lors de l’ouverture du cercueil, les autorités religieuses déclarent avoir retrouvé le corps du serviteur de Dieu dans un état de «conservation extraordinaire», «intact» voire «incorrompu».
Tel est le cas pour Vincent de Paul,  Bernadette Soubirous, Thérèse de Lisieux, Padre Pio ou plus récemment du jeune bienheureux italien Carlo Acutis, décédé en 2006 à l’age de 15ans. MP      

Les fidèles vénèrent le corps de Soeur Wilhelmina Lancaster | capture d'écran Facebook
1 juin 2023 | 17:00
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 5 min.
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